
fens : ce verbe eft à Y a c t i f , c’eft à dire, qu’il
marque un fons actif
Les véritables verbes a é t ifs ont une voix a c tiv e
& une voix-pa.jfi.ve ,* on les appelle aulfi a c tifs tra n -
J t c i f s , parce que l’adion qu’ils lignifient pafïè de
l ’agent for un patient, qui eft le terme de l ’adion,
comme B a ttr e , in jlr u ir e , &c.
Il y a des verbes qui marquent des adions qui ne
paflènt point fur un autre objet, comme a l le r , venirf
d o rm ir , &c. ceux-là font appelés a c t i f s in tr a n fu ifs ,
& plus ordinairement n eu tr e s , c’eft à dire, qui ne
font ni a c t if s t ra n fitifs , ni p a f f i fs ; car neutre vient
du latin n eu te r , qui lignifie n i U un n i V a u tr e : c’eft
ainlî qu’on dit d’un nom qu’il eft n eu tr e , c’eft à dire ,
qu’il n’eft ni m a fcu lin n i fém in in , (du Mars a ïs).
ACTION, C f. B e lle s -L e t t r e s , en matière d’éloquence
, le dit de tout l ’extérieur de l ’orateur, de là
contenance , de là voix, de Ibn gefte, qu’il doit aC-
fbrtir au fiijet qu’il traite.
L 'a c t i o n , dit Cicéron, eft pour ainlî dire l ’éloquence
du corps : elle a deux parties, la voix & le
gefte. L ’un frappe l’oreille , l’autre les yeux ; deux
Ions , dit Quintilien , par lefquels nous faifbns pafler
nos lèntiments & nos pallions dans l’ame des auditeurs.
Chaque palïion a un ton de voix , un a ir , un gefte
qui lui font propres ; il en eft de même des penlées:
le même ton ne convient pas à toutes les exprelïions
qui fervent à les rendre.
Les anciens entendoient la même choie par p ro n
o n c ia t io n , à laquelle Démofthène donnoit le premier,
le fécond, & le troilîèmerang dans l’éloquence;
c’eft à dire, pour réduire fà penfee à fà jufte valeur,
qu’un difcours médiocre fbutenu de toutes les forces
& de toutes les grâces de Y a c t io n , fera plus d’effet
que le plus éloquent difcours dépourvu de ce charme
puilfant.
La première chofé qu’il faut obfèrver , c’eft d’avoir
la tête droite , comme Cicéron le recommande. La
tête trop élevée donne un air d’arrogance; fi elle eft
baillée ou négligemment penchée , c’eft une marque
de timidité ou d’indolence : la prudence la mettra
dans fà véritable {îtuation. Le vifàge eft ce qui domine
le plus dans Yaétion : il n’y a , dit Quintilien,
point de mouvements ni de pallions qu’il n exprime ;
il menace , il careflë, il fopplie , il eft trifte, il eft
g a i , il eft humble, il marque la fierté , il fait entendre
une infinité de chofés. Notre ame fe manifefte
aulïi par les yeux : la joie leur donne de l’éclat;
la triftelfe les couvre d’une efpèce de nuage ; ils font
vifs, étincelants dans l’indignation, bailfés dans la
honte , tendres & baignés de larmes dans la pitié.
Au refte, Y action des anciens étoit beaucoup plus
véhémente que celle de nos orateurs. Cléon , Générai
athénien, quiavoit une forte d’éloquence'impé-
tueufo, fiit le premier chez les grecs qui donna l’exemple
d’aller & de venir fur la tribune en haranguant. Il
y a voit à Rome des orateurs qui avoient ce défaut ;
ce qui faifoit demander par un certain Virgilius à un
rhéteur qui fo promenoit de la forte, combien de milles
il avoir parcouru en déclamant en Italie. Les prédicateurs
tiennent encore quelque chofo dé cette coutume.
L ’action des nôtres , quoique plus modérée
que celle des italiens , eft infiniment plus vive que
celle des anglois, dont les formons fe réduifont à
lire froidement une diftertation théologique for quelque
point de l’Écriture , fàns aucun' mouvement.
{L ’abbé M a l l e t ).
A ction , C. f. B elles-lettres. Pour avoir une
idée nette & précife de Y action du poème dramatique
ou épique, il faut la confîdérer fous deux points
de vue, ou plus tôt diftinguè-r deux fortes d’action.
L ’action finale d’un poème eft un évènement à produire
; Yaétion continue eft le combat des caufos 8c
des obftacles qui tendent réciproquement, les unes
à produire l ’évènement, & les autres à^l’empêcher
ou à produire eux-mêmes un évènement contraire.
Dans la tragédie de Britannicus , la mort de ce
prince eft Y ac tion finale : la jaloufie de Néron, fon
mauvais naturel, fà pafïion pour Junie, la foéléra-
tefïè de Narcifïè, en font les caufos : la vertu de Bur-
rhus , l ’autorité d’Agripine, un refte de refped pour
elle & de crainte pour les romains, l’horreur d’un
premier crime, en font les obftacles ; & le combaffo
pafïè dans l ’ame de Néron.
Ainfî, Y action d’un poème peut fo confîdérer comme
une forte de problème , dont le dénouement fait
la folution.
Dans ce problème, tantôt l’alternative fo réduit à
réuflir ou à manquer l’entreprifo , comme dans
Y Enéide : tantôt le fort eft en balance entre deux
évènements , tous lés deux funeftes, comme dans
Y OEdipe ; ou l’un heureux & l ’autre malheureux,
comme dans l’O diffée & Y Iphigénie en Tauride. Cecî
demande à être développé.
Les troyefts s’établiront-ils ou ne s’établiront-ils
pas en Italie ? voilà le problème de YEnéide. On
voit que , du côté d’Énée , le mauvais foccès fo réduit
à abandonner un pays qui n’eft pas le fîen ; la
deftinée des troyens ne foroit pas remplie , Rome
ne foroit pas fondée : mais ce malheur n’a jamais pu
intéreflèr vivement que les romains. La fituation, du
côté de Turnus , eft d’un intérêt plus univèrfol &
& plus fort : il s’agit pour lui de vaincre, ou de périr,
ou de fobir la honte de fo voir enlever fà femïne &
les États de fon beau-père : aufli les voeux font-ils en
faveur de Turnus.
Dans X O d iffé e , il ne s’agit pa* feulement qu’Uliflè
retourne à Itaque, ou qu’il périfie dans fos voyages ,
ou qu’il fbit retenu dans l’île de Circé ou dans celle
de Calypfo : cet intérêt, perfonnel à un héros froidement
fàge, nous toucheroit foiblement. Mais fon fil«,
jeune encore , eft fous le glaive ; fà femme eft expo
fee aux violences des pourfoivaiïts ; fon père eft au
bord du tombeau, incapable de s’oppofèr à leur criminelle
infolence ; fon île eft dévaftée, fon palais
facc'agé, fon peuple & fà famille en proie à des tyrans:
fi Ulyffè revient, il peut tout fàuver ; tout eft perdu ,
s’il ne revient pas ; voilà tous les grands intérêts du
coeur
ooe'ur humain réunis en un foui ; & c’eft le plus parfait
modèle de Yaétion dans l’Épopée.
Dans Y Iphigénie en Laurïtle, Orefte pourfuivi
par les furies , en fora-t-il délivré ou non? Sera-t-il
reconnu par fà foeur, avant d’être immolé ? ou Pim-
molera-t-elle, avant de le connoître ? Enlevera-t-il
la ftatue de Diane ? ou fera-t-il égorgé aux pieds de
fos autels ? L ’évènement peut être heureux ou malheureux
; & plus l’alternative en eft greffante \ plus
elle eft fîifceptible des grands mouvements de la
crainte & de la pitié.
Dans. YOEpide, la pefte achevera-t-elle de défoler
les États de Laïus ? ou le meurtrier de ce roi fora-t-il
reconnu dans fon fils & dans le mari de fà femme ?
Voila les deux extrémités les plus effroyables, & l’alternative
la plus tragique qu’il fbit poffible d’imaginer.
Le défaut de cette fable , s’il y en a un, ç’eft de
ne Jaifïèr voir aucun milieu entre ces deux malheurs
extrêmes, & de ne pas permettre à l’efpérance
de fo mêler avec la terreur.
Je laiffe à balancer les avantages dé cette fable
terrible & touchante d’un bout à l ’autre, fàns aucune
efpèce de foulagement pour l’ame des fpedateurs,
avec la fable de riphigénie en Tauride, où quelques
rayons incertains d’une efpérance confolante brillent
par intervalles , & iaifïènt entrevoir une refîburce
dans les malheurs & les dangers dont on frémit : je
veux feulement faire voir que tout fo réduit à ces
deux problèmes , l’un fîmple, & l ’autre compliqué.
Celui-ci, en faifant pafïèr l ’ame des fpedateurs par
de continuelles viciflitudes, varie fàns ceffè les mouvements
de la terreur & de la pitié ; l’autre'les fbu-
tient & les prelïè , en faifànt faire à l’intérêt le même
progrès qu’au malheur.
De Cette définition de Yaétion, confîdérée comme
Un problème , il fuit d’abord qu’il eft dé fon eflènce
d’être douteufo & incertaine, & de l ’être jufqu’à la
fin : car fi Yaétion eft telle, qu’il n’y ait pas deux façons
de la terminer, & que l’évènement qui fo préfonte
naturellement à la prévoyance des fpedateurs
fbit le foui moralement poffible, il n’y a plus d’alternative,
& par conféquent plus de balancement
entre la crainte & l’efpérance : tout fo pafiè comme
on l’a prévu ; & s’il arrive une révolution, ou elle
a befbin d’une caufo fùrnaturelle, comme dans le
Philodète de Sophocle, ou elle manque de vraifèm-
blance, comme dans le Cid. C ’eft un effort de l’art,
qu’on n’à pas affez admiré dans le Télémaque, d’a-
Voir\ par la foule force de l’éloquence d’Ulyfîè ,
rendu naturel & vraifomblable le retour de Philodè-
t e , que Sophocle avoit jugé lui-même impoflible
fans l ’apparition d’Hercule. A l’égard du Cid , Corneille
n a fii d autre moyen d’en terminer l’intrigue,
que de ne pas décider la révolution.
D’un autre côté, fi , dans les pofïibles , Yaétion
\ avoit deux iffues , mais que , par la mal-adrefle du
poète & la prévoyance des fpedateurs , le problème
futrefolu dans leur opinion avant le dénouement, il
n y. aurait plus d’inquiétude ; & il ne faut pas croire
que 1 art de rendre 1 évènement douteux & de laiffer
Çraaim. et lATTi^AT, Tome L
le fpedateur dans ce doute, lie fbit utile qu’une fois.
L ’illufîon théâtrale confîfte à faire oublier ce qu’on
fait, pour ne penfor qu’à ce qu’on voit. J’ai lu Corneille;
je fois par coeur le cinquième ade de Rodo-
gune ; mais j’en oublie le dénouement ; & à mefure
que la coupe empoifbnnée approche des lèvres d’An-
tiochus, je frémis, comme fi je ne fovois pas que T i-
magène arrive. Ayez feulement foin que , dans Y a c t
io n même , rien ne trahiftè le focret de la dernière
révolution ; j’aurai beau le fovoir d’ailleurs, je me le
diffimulerai , pour me laiflèr jouir du plaifîr d’être
ému : effet inexplicable , & pourtant bien réel, de
Tillufîon théâtrale. Mais autant la folution doit être
cachée , autant les termes crppofes où Yaétion peut
aboutir, doivent être marqués & mis en évidence.
Je n’en excepte qu’une forte de fable : c’eft lorfque
entre deux malheurs, dont il fomble que l ’un ou
l’autre doive arriver inévitablement, il y a pourtant
un moyen de les éviter tous les deux , & qu’on
a deffèin de tirer, par cette heureufo révolution, les
perfonnages intéreffants du double péril qui les prefïè.
Ce moyen doit être caché comme Piffue du labyrinthe
: mais tout ce qu’il y a de funefte à craindre ,
doit être connu , & le plus tôt poffible. Que , dès le
premier ade d’OEdipe, par exemple , le fpec-
tateur fût inftruit qu’OEdipe eft i’affàflïn de fon père
& le mari de fo mère : dès ce moment, tous les efforts
de ce malheureux prince, pour découvrir le meurtrier
de Laïus, feroient frémir; & l’approche des
incidents, qui amèneroient les reconnoiffances, rem-
pliroit les elprits de compaffion & de terreur. On peut
rendre raifon par là de ce qui arrive afïèz fouvent ,
qu’une pièce fait plus d’imprefïion la féconde fois
que la première.
De notre définition, il fuit encore que plus les
évènements oppofes font extrêmes , plus l ’alternative
de l’un à l ’autre a d’importance & d’intérêt. S i , d’un
côté, il y va de l’excès du bonheur, & de l’autre de
l’excès du malheur , comme dans l’Iphigénie en
Tauride & dans la Méjrope ; la folution du problème
eft bien plus intéreflànte , que lorfqu’il ne s’agit que
d’un malheur peu fonfîble , ou d’un bonheur foiblement
fouhaité. Par exemple, dans Polieude , fiip-
pofons que Pauline fût paftionnément amoureufè de
fon époux , le problème foroit bien plus terrible , &
la fituation de Pauline bien plus cruelle & plus touchante
: Corneille, en la faifànt amoureufè de Sévère,
a évidemment préféré l’intérêt de l’admiration à celui
de la terreur & de la pitié ; en quoi il a obéi à fon
génie, & compofé une fable plus étonnante & moin»
tragique,.
Dans la Comédie , même alternative. L ’intérêt
confîfte, i #. à faire fouhaiter que le ridicule., puni
par lui-même, fbit à la fin livré à la rifée & au mépris
; i° . à faire naître une qiriofîté inquiète , & une
vive impatience de voir par quel moyen ce qu’on
fouhaité arrivera. L ’Avare époufora-t-il Marianne ,
ou la cèdera-t-il à fon fils ? Tartuffe fora-t-il confondu
& démafqué aux yeux d’O rgon, ou jouïra-t-il
de fo fourberie ? Vpilà le problème à réibudfe. An