
I 10 A F F
Ce n’eft pas réparer 1cm honneur que de plaider
pour un Affront reçu. Les honnêtes gens nevfont
jamais d'in/ulte à perfonne. Il eft difficile de décider
en quelle occafîon l ’Outrage eft plus grand, ou
de ravir aux dames par violence ce qu’elles refufènt,
ou de rejeter avec dédain ce qu’elles offrent. Quand
on eft en bute au peuple, il faut s’attendre aux A va nies
ou ne le point montrer, ( L ’abbé G ir a rd . )
(N .j AFIN D E , AFIN QUE. On n’a pas la liberté
d’employer indifféremment l’une ou l ’autre
de ces deux plurales ; chacune à là deflination particulière.
On le fèrt A'Afin de avec l ’infinitif, quand cet
infinitif peut le rapporter au même lu jet que le
verbe qui précède Afin : il faut donc dire , Je porte
toujours un livre, afin de mettre à profit mes
moments de loifir; parce que c’eft moi, qui porte
le livre, qui mettrai à profit les moments de loifîr.
On le lêrt AU A fin que avec le lubjonârif, fi le
lu jet du verbe qui luit n’eft pas le même que celui
du verbe qui précède : ainfi , il faut dire , Je
porte toujours un livre, afin que la folitude ne
puiffe jamais me jeter dans Vennui ; parce que
la folitude, lu jet du fécond verbe puiffe, eft différente
de j e , lùjet du premier verbe porte.
Mais, en réunifiant les deux phralès, peut-on
dire, Je porte toujours un livre , afin de mettre à
profit mes moments de loifir & que la folitude
ne puiffe jamais me jeter dans Fennui? Vaugelas ,
( Rem. 376. ) dit : » Quelques-uns de ceux qui font
„ les plus lavants dans notre langue , & en la
,, pureté ou netteté du ftyle , tiennent que • . . Afin
» ne doit jamais régir deux conftru étions differentes
» en une même période. . . Ils ne nient pas que
» l’un & l ’autre régime ne fôit bon ; . . . mais ils
» ne veulent pas qu’en une même période on les
» employé tous deux, mais qu’au lêcond membre
» on luive le même régime qu’on a pris au pre-
» miér ». Selon eux il faut donc dire , par exemple
, Je porte toujours un livre afin de mettre à
profit mes moments de loifir, & de ne inexpofer
jamais à Vennui où pourroit me jeter la folitude;
ou bien , afin que mes moments de loifir puiffent
être mis à profit, & que la folitude ne puiffe
jamais me jeter dans Vennui. « Certainement c’eft
» un fcrupule , dit le lavant académicien , pour
» ne pas dire une erreur. C a r , outre que tout le
» monde parle ainfi, & qu’il eft prefque toujours
» vrai de dire qu’il faut écrire comme on parle;
» tous nos auteurs les plus célèbres en notre lan-
» gue , loit anciens ou modernes ou ceux d’entre
» deux, l’ont toujours pratiqué comme je dis iorf-
» qu’ils ont eu beloin de varier la conftru&ion : &
» tant s’en faut que cette variété loit vicieufè, qu’elle
» fait grâce lâns pouvoir bleftèr l ’oreille, qui eft
» toute accoutumée à cetulàge. » L'Académie, dans
lès Obfervations, préfère la phralè ou les deux régimes
font fèmblables, & ne regarde celle où ils
ffint différents que comme une négligence, qui ne
A F F
doit pas être traitée de faute. J’oferai pourtant
remarquer, qu’il peut quelquefois être néceffaire
d’énoncer chacun des deux membres de façon qu’on
ne puiffe plus y adapter le même tour A f in de ou
A f i n q ue : dans ce cas, l’indifpenfàble néceffité de
marquer la différence des fiijets, met dans l’obligation
étroite d’employer les deux eonftruétions dans
la même période ; & alors ce n’eft pas fimplement
pour varier le fty le , c'eft pour en aflurer la clarté,
qui en eft la première qualité, Ç M . M e a u z é e . )
(N.) AFIN DE, POUR. S y n .Ces deux mots font
fÿnonymes dans le fèns où ils lignifient qu’on fait une
choie en vûe d’une autre.
Mais P o u r marque une vûe plus préfènte ; A f in
d e en marque une plus éloignée. On fè préfènte
devant le prince, p o u r lui faire fà cour ; on lui
fait fa cour , a fin d 'e n obtenir des grâces.
Il me fèmble que P o u r convient mieux lorfque
la chofè qu’on fait en vûe de l’autre en eft une
caufè plus infaillible ; & qu'A f in de eft plus à fà
place, lorfque la chofè qu’on a en vûe en faifànt
l’autre en eft une fuite moins néceffaire. On tire
le canon fur une place afliégée p o u r y faire, brèche ,
& a fin d e pouvoir la prendre par afîàut ou de
l ’obliger à fè rendre.
P o u r regarde plus particulièrement un effet qui
doit être produit ; A f in de regarde proprement un
but où l’on peut parvenir. Les filles, d’un certain
âge font tout ce qu’elles peuvent p ô u r plaire , a fin
de fè procurer un mari, (L ’a b b é Girard. ) v
P o u r défîgne fpécialement l’effet qui réfiilte
immédiatement de l’aétion ; A f in d e marque plus
pofîtivement la fin qu’on fè propofè: c’eft tout ce
qui réfiilte des différentes expofîtions de l’académicien.
Mais il en fort une confequence importante
, qu’il n’a pas indiquée, & qui peut contribuer
beaucoup à la perfeétfon du ftyle : c’eft qu’il
ne faut employer A f in d e , que quand le fùjet eft un
être capable de fè déterminer lui-même à une fin
qu’il fè propofè ; & que hors de là il faut ufer de
P o u r .
Ainfi , l’on ne peut pas dire: i° M o n liv r e
e f i to u jo u r s ouv er t afin de le co n fu lte r f a n s c e ffe ,
pour le co n fu lte r f a n s ceffe ; parce que ce n’eft pas
le livre qui confiilte, comme c’eft le livre qui eft
toujours ouvert: ni a0. M o n liv r e e fi to u jo u r s ouv er t
afin d 'ê tr e c o n fu lt é fa n s ceffe ; parce que ce ne
peut pas être le livre qui fè propofè la fin d’être
confulté. Il faut donc dire, Je tiens to u jo u r s mon
liv r e ouvert afin d e le co n fu lte r fa n s céffe ; parce
que moi, qui tiens le livre ouvert, je me propofè
la fin de le confulter : ou bien , M o n livre, e f i toujo
u r s ouv er t pour p o u v o ir être c o n fu lt é fa n s ceffe ;
parce que mon livre , qui eft ouvert, eft deftiné
à être confulté, ( M , B e a u z é e . )
(N.) AG R ANDIR , AUGMENTER , Sy n .
On fè fèrt A 'A g r a n d ir lorfqu’il eft queftion d’éteti-
due ; & lorfqu’il s’agit de nombre, d’élévation, ow
À I G 1 I I
d’abondance , on Ce fèrt A*Augmenter. On a g ra n d it
une v ille , une cour, un jardin. On augmente le
nombre des citoyens , la dépenfè, les revenus. Le
premier regarde particulièrement la quantité vafte
& fpacieufè : le fécond a plus de rapport à la quantité
grofïe & multipliée. Ainfi, l’on dit que l’on a g ra n d it
fà maifôn, quand on lui donne plus d’étendue par
la jonétion de quelques bâtiments faits fur les côtes ï
mais on dit qu’on Vaug rnente. d’un étage ou de
plufiedrs chambres.
En agrandiffant fôn terrein, on augmente Con
bien.
Les princes a g ra n d ir en t en reculant les bornes
de leurs États , & croient' par là augmenter
leur puiffànce : mais ils fè trompent quelquefois
en cela : car cet agrandiffement ne produit qu’une
augmentation de foins , & fou vent même eft la
caufè de la décadence d’une monarchie.
Il n’eft pasfde plus incommode voifin que celui qui
ne cherche qu’à s'a g ra nd ir . Un roi qui s’occupe
plus à au gmenter fbn autorité qu’à faire un bon
ufàge de celle que les lois lui ont donnée , eft un
maître fâcheux pour fès fujets.
Toutes les choies fè font aux dépens les unes des
autres : le riche ne V a g ra n d it qu?aux dépens du pauvre
; le pouvoir nJaugmente jamais que par la
diminution de la liberté ; & je croirois prefque
que la nature n’a fait les gens d’efprit qu’au dépens
des.fôts.
L e défir A’agrandiffement caufè, dans la Politique
, la circulation des États ; dans la Policéf ,
celle des conditions; dans la Morale, celle* des
vertus & des vices ; & dans la Phyfique , celle des
corps : c’eft le reffbrt qui fait jouer la machine
univerfêlle, & qui nous en repréfènte toutes les
parties dans une viciffitude perpétuelle , ou A'augmentation
ou de diminution. Mais il y a pour
chaque chofè , de quelque efpèce qu’elle fôit, un
point marqué jufqu’oùil eft permis de s’a g ra n d ir ;
fon arrivée à ce point eft le lignai fatal , qui
avertit fès adverlàires de redoubler leurs efforts &
d augmenter leurs . forces , pour fè metrre en état
de profiter de ce qu’elle va perdre. ( L 'a b b é
G ir a rd . )
(N.) AGRÉABLE, DÉLECTABLE. Syn.
A g r é a b le convient , non feulement pour toutes |
les fènfàtions dont l’ame eft fùfceptible , mais encore
pour ce qui peut fàtisfaire la volonté ou plaire à !
1 efprit : au lieu que D é le c ta b le ne fè dit propre- j
ment, que de ce qui regarde la fènfàt'ion du goût i
ou de ce qui^ flatte la moleffe ; ce dernier , moins i
etendu par l’objet, eft plus énergique pour l’ex-
preffion du plaifîr.
L art du philolôphe confifte à fè Tendre tous
les objets ag réab les par la manière de les confî-
derer. La bonne chere n’eft d électa ble qu’autant
.que la fànté fournit de l’appétit. (.L 'a b b é G ir a r d . )
(N.) AIGU , E > adj. Terminé en poime pu on
A I M
tranchant, & par là propre à percer ou à fendre.
U n p o in ç o n a ig u . U n e épée a ig u e . D e s co in s de
f e r s t r è s -a ig u s . D e s haches bien a ig u e s ,
Dans le fens figuré on dit, U n e co liq u e a ig iie ,
D e s d ou leu r s a ig u e s , pour dire , Une colique
violente , Des douleurs vives & piquantes.
Dans un autre fèns figuré , Si plus relatif à l’objet
de cet ouvrage , on d it, en parlant de l ’effet naturel
de Forgane d elà parole, U n e v o ix a ig i i e ,
pour dire, Une voix éclatante , perçante.
Mais on. dit plus particulièrement qu 'U n e v o ix
o rale e fi a ig i i e , lorfque la prononciation en eft
légère & rapide, de forte que l’oreille en eft, pour
ainfi dire , plus tôt piquée que remplie : telle eft
la voix a dans le mot p â t e ( pied d’un animal ), qui
fè prononce tout autrement que dans le mot p â t e
( farine pétrie ). V o y e \ V o ix .
On nomme aufïi A c c e n t a i g u , i ° . l’inflexion
de voix qui élève & précipite le ton , z°. le ligne
orthographique de cette inflexion , qui eft une
petite ligne droite , a ig iie par le bas , & placée fur
la voyelle en descendant de droite à gauche ,
comme on le voit fur tous les é du mot régénéré.
V o y e \ A ccent. ( M . B e a u z é e . )
(N.) AIMER, CHÉRIR. Syn.
Notis aimons généralement ce qui nous plaît,
fôit perfônnes fôit toutes les autres chofès : mais
nous ne chériffons que les perfônnes , ou ce qui
fait en quelque façon partie de la nôtre, comme
nos idées, nos préjugés, même nos erreurs & nos
illufions.
C h é r ir exprime plus d’attachement, de tendreffe,
& d’attention : A im e r fùppofè plus de diverfîté dans
la manière. L ’un n’eft pas objet de précepte & de
prohibition : l’autre eft également ordonné & défendu
par la loi , félon l’objet & le degré.
L ’Évangile commande A 'a im e r le prochain comme
fôi-même, & défend A'aimer la créature plus que
le Créateur.
On dit des coquettes, qu’elles bornent leur fâtisfac-
tion à être a imées ; & des dévotes, qu’elles ch érif-
f e n t leur directeur.
L ’enfant chéri eft fôuvent celui d e là famille qui
aim e le moins fôn père& fà mère. ( L 'a b b é G ir a r d .)
(N.) AIMER D E , AIMER A (f a ir e ) fyn.
On«u et de après F a ir e a im e r , lorfqu'A im e r fignl-
fie le fèntinrent affèétueux & tendre que l’on a pouç
quelqu’un , fèntiment qui fait les amis oja les
amants ; mais on fè fèrt de à , fi A im e r marque
feulement rattachement & le goût que l ’on prend à
certaines chofès ,• & le fèntiment de plaifîr qu’elles
donnent.
La politefîè, la complaifânce , la docilité , & la
modeftie font a im er un jeune homme d e tous
ceux qui apperçoivent en lui ces belles qualités.
La religion f a i t aimer les fôuffrances mêmes à
ceux dont elle a rempli l'ame de fôn efprit, ( A tu d r y
d e JSojsregard.)