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l’Attachep qu’elle eft forte; & du Dévouement, qu’il
eit fans réferve. L ’un nous unit à ce que nous eAimons.
L ’autre nous lie à ce que nous aimons. Le
troilième enfin nous fou met à la volonté de ceux
que nous délirons forvir^L
Les moeurs de notre fiècle ont banni des lois de
1 amitié tout Attachement contraire aux intérêts.
On n’oforoit pas non plus, fans rougir, faire pa-
roitre beaucoup à'Attache en amour ; mais on
craindroit de n’y pas paroître heureux. La palïion
la plus délicate du temps , eft de te dévouer aux
performes dont on attend la fortune.
La vie ne four oit être gracieute fons quelque
Attachement. Une forte Attache fait également
fentir des plailîrs vifs- & des chagrins piquants. Il
eft difficile de plaire aux princes fons un entier
Dévouement à toutes leurs volontés. ( L ’abbé
G ir a r d . )
A T T E N T IO N , C f. ( Belles- Lettres. ) C’eft
une a dion de l ’elprit qui fixe la penfée fur un
objet & l’y attache ; au contraire de la diffipation,
qui la dérobe à elle-même ; de la rêverie , qui la
laide aller au halard for mille objets, dont aucun
ne l’arrête; & de la diftradion, qui l’emporte loin
de l’objet qui la doit occuper.
L ’Attention donne à l’efprit une fécondité for-
prenante & bien fouvent inefpérée : c’eft peut-être
le plus grand fècret de l ’art, le plus grand moyen
du génie; Ce que tout le monde apperçoit d’un
coup d’oeil dans la nature , n’a rien de piquant
dans rimitatioji : le charme de celle-ci, confifte à
nous frapper de mille traits intéreflànis qui nous
avoient échapé; c’eft VAttention qui les foifît,
& qui, changée en habitude, diftingue le coup-
d’deii pénétrant de l’artifte , du regard diftrait,
vague, & confus de la multitude.
Il n’eft pas bien décidé que le poète , dont les
peintures vous raviflenc par la nouveauté des détails
St leur vérité fingulière , fbit né avec plus de talent
que vous pour imiter la nature : vous l’auriez peinte
comme lu i, fi vous l ’aviez étudiée avec la même
A tendon que lui : mais tandis que vos yeux Ce
promènent fans réflexion, comme fons defîein, fox
ce qui fo paflè autour de vous ; les fîens ne cefîènt
d’épier la nature, & d’obforyer ce qui lui échape
de fingulier & de piquant.
Lorfque l’Attention fo porte for ce qui fo paflè
au dedans de nous-mêmes, elle s’appelle Réflexion :
& lorfque la Réflexion eft profonde & long-temps
fix e, elle s’appelle Méditation ; c’eft la fource des
grandes penfées, C ’eft en creufont, que le génie
s’enrichit des tréfors eachés dans les entrailles de la
nature, fomblable au chêne que nous peint Virgile,
q u i, plus il étend fos racines , plus il élève fos
rameaux. Voye% A p p lica t ion , Mé d it a t io n ,
C ontention, (M . M a rm o n té l .)
* A T TEN T IO N , E X A C T ITU D E , VIGI-
- LANCE. Syn.
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L ’Attention fait que rien n’échappe. U Exactitude
empêche qu’on n’omette la moindre chofo.
La Vigilance fait qü’on ne néglige rien.
Il faut de la préfonce d’efprit pour être a tten tif
de la mémoire pour être e x a c t , & de l’aâion pour
être vigilant.
Chez les romains, un même homme étoit magistrat
a t t e n t if ambaffadeur e x a c t , & capitaine vigilant.
Un fage miniftre a de l ’Attention à ne former
ou à n’adopter que des projets avantageux à l’État,
de VExactitude pour en prévenir tous les inconvénients
, & de la Vigilance pour en procurer le
foccès.
L ’auteur, pour bien écrire , doit être également
attentif aux chofos qu’il dit & aux termes dont il
fo fort ; afin qu’il y ait du vrai & du goût dans fos
ouvrages. Le comraiffionnaire, pour bien exécuter,
doit être exact dans le temps comme dans la manière
de faire les chofos ; afin que tout foit fait à propos &
comme on le fouhaite. Le Général d’armée doit
être vigilant for les marches des ennemis & for les
fiennes ; afin de profiter des avantages & de ne pas
manquer l’occafion.
Il eft du devoir de tous les pafteurs, d’avoir de
l’Attention à procurer l’avantage fpirituel de leurs
troupeaux, de C Exactitude aies inftruîre des vérités
folutaires de l’Évangile, & de la Vigilance pour
les préforver du crime & de l’erreur. Mais il eft
de la pratique de quelques-uns de n’être attentifs
qu’à augmenter leur revenu temporel & particulier,
de n’ëtre exacts qu’à fo faire payer leurs dîmes
ou leur honoraire, & de n’être vigilants que pour
la conforvation de leurs droits & de leurs prérogatives.
Nous devons avoir de l’Attention à ce qu’on
nous d it, de C Exactitude dans ce que nous promettons
, & de la Vigilance for ce-qui nous eft
confié.
L’homme foge eft attentif à fo conduite, exaét à.
fos devoirs , & vigilant for fos intérêts.
Une femme coquette n’eft attentive qu’à fc>H
miroir, exacte qu’à fo toilette, & vigilante que foc
fo parure. ( L ’ abbé G irard.)
A T T É N U E R , BROYER , PULVÉRISER.
Synonymes,
Le premier fo dit des fluides condenfo's, coagulés ;
les deux autres, des folides : dans l’un & l’autre cas,
on divifo en molécules plus petites, & l ’on augmente
les forfaces. La différence qu’il y a entre Broyer &
Pulvérifer-, c’eft que Broyer marque l’adion, & que
Pulvérifer en marque l’effet.
Il faut fondre & diffoudre pour atténuer ; il faut
agir avec force pour broyer ; & il faut broyer pour
Pulvérifer. ( L ’abbé G ir a rd .)
(N.) ATTRACTION, f. f. Aétion d’attirer. Influence’
qui attire.
Dans le langage grammatical , l’Auraétion' ed
une
/
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une opération par laquelle l’Ufoge introduit dans
un mot un élément qui n’y étoit pas originairement,
mais que l’homogénéité d’un autre élément
pxéexiftant fombie y avoir attiré. Cette introduction
fo fait de deux manières ; ou en mettant le
nouvel élément à la place de l ’ancien, ou en joignant
le nouveau avec l’ancien.
La première manière eft la fource du Métaplafo
me que je nomme Commutation ( Voye\ ce mot ) :
& c’eft en effet par Attraction , que nous avons
mis la labiale b pour la labiale m dans marbre,
du latin marmor ; la labiale v pour la labiale p
dans rave , couvrir, des mots latin rapa, coope-
rire : c’eft auffi par Attraélion que deux confon-
nes étant confécutives, fi la féconde eft forte & la
première foible , la féconde foit changer la première
en forte ; & au contraire , - fi la féconde eft foible
& la première forte, la féconde fait affoiblir la
première : nous écrivons obtus, abfent, & nous
prononçons optus, apfent ; au contraire, nous écrivons
presbytère , disjoindre, & nous prononçons
presbytère, disjoindre.
C ’eft par une Attraction de même e(pèce,que
la confonne finale de plufieurs particules prépofiti-
ves fo change en d’autres confonnes dans la com-
pofîtion. Ainfi, le d de ad fo change en c dans acclama
, acclivis, accola, accubo ; en f dans affero,
ajflgo, aflligo , affundo ; en g dans aggero , aggloméra
, aggredior ; en/ dans allabor, aile go ,
allie io, alloquor, alludo; en 72 dans anniior, annomi-
natib, annuo ; en p dans appareo, appeto, appingo,
applaudo, appono, approbo ; en s dans affequor,
ajjideo, aflumo en t dans attaceo , attendo, atti-
neo, attollo, attraho, attumulo. Les particules pré-
pofîtives com, in , e x , &c. fobiffént de pareils changements
par C Attraction de la confonne foivante.
La féconde manière dont C Attraction opère eft
une dès fources de YÊvenihèfe ( Voye\ ce mot) r,
c ’eft ainfi que le m final de am & de com ont
attiré le b dans ambire & comburere, compofés de
am & de ire, de com & de urere ; c’eft ainfi que
le m des mots latins humilis, numerus, homo , ont
attiré le b dans les mots françois humble , nombre,
& dans le mot efpagnol Kombre.
Il y a entre les éléments de la parole une forte
d’affinité & d’analogie , qui laiflè fouvent entre eux
aflez peu de différence , parce qu’il y en a bien
peu entre les difpofitions de l’organe ou entre les
mouvements des parties organiques qui les produi-
fent : & c’eft cette affinité qui eft le principe & la
fource de Y Attraction.
M. du Marfois ( voye\ F ig u r e ) regarde aufli
comme un effet de Y Attraction , cette figure prétendue
par laquelle « la vue de l’efprit tourné
>3 vers un certain mot, fait fouvent donner une ter-
» minaifon fomblable à un autre mot qui a relation
» à celui-là : c’eft ainfi , dit-il, qu’Horace, dans
» l’Art poétique ( 372. )' , a dit;, Mediocribus efle
» poétis non homines , 72072 d î.. , concejjere ; où
» l’on voit que mediocribus eft attiré par poétis. »
G ramm. e t L it t é r a t . Tome I .
A T T 273
J ’avoue que mediocribus eft , non pas attiré,
mais exigé par p o é tis, comme la forme de tout
adjeéfif eft exigée par le nom fon corrélatif ; mais
ceci eft fimplement la concordance qui réfiilte du
principe d’identité. Qu’on faffè naturellement la
conftruâion de ce paflàge , & qu’on l’explique lit-»
téralement, on verra qu’il n’y a pas la moindre
trace de figure : Non homines, non dî concejférc
efle poeds mediocribus ( Ni les hommes, ni les dieux
n’ont permis l’être aux poètes médiocres ) ; il n’y
a point là £ Attraction, il n’y a que concordance
ordinaire. ( M . Beauzée• )
* A TTRA ITS , APPAS , CHARMES. ^72.
Outre l’idée générale qui rend ces mots fÿnony-
mes , il leur eft encore commun de n’avoir point
de fingulier dans le fons dans lequel ils font pris
i c i , c’eft à dire , lorfqu’ils font employés pour marquer
le pouvoir .qu’a fur le coeur la beauté , l’agrément,
& tout ce qui plaît. A Regard de leurs
différences , il me fombie qu’il y a quelque chofo
de plus naturel dans les Attraits ; quelque chofo
qui tient plus de l’art dans les Appas ; quelque
chofo de plus fort & de plus extraordinaire dans les
Charmes.
Les Attraits Ce font füivre. Les Appas nous engagent.
Les Charmes nous entraînent.
Le coeur de l’homme n’eft guère ferme contre
les Attraits d’une jolie femme ,*iL a bien de la peine
à fo défendre des Appas d’une coquette ; & il lui
eft impoflible de réfifter aux Charmes d’une Beauté
bienfaifànte.
Les dames font toujours redevables de leurs A t traits
& de leurs Charmes à l’heureufo conforma^
tion de leurs traits ; mais elles prennent quelquefois
leurs Appas for leur toilette.
Je ne fois fi ce que je vas dire fora goûte de
tout le monde ; mais je fons cette diftinâion, que
je livre au jugement du lecteur : & peut-être lui-
paroitra-t-il comme à moi, que tes Attraits viennent
des grâces ordinaires que la nature diftribue
aux femmes, avec plus ou moins de largeflè aux
unes qu’aux autres, & qui font l’appanage commun
du foxe; que tes Appas viennent de ces grâces cultivées
que forme un fidèle miroir confolte avec attention
, & qui font 1e travail entendu de l’art de
plaire ; que les Charmes viennent de ces grâces fin-
gulières que la nature donne comme un préfont rare
& précieux, & qui font des biens particuliers &
perfonnels.
Des défauts qu’on n’a voit pas d’abord remarqués
& qu’on ne s’attendoit pas à trouver, diminuent beaucoup
tes Attraits. Les Appas s’évanouilfent, dès que
l’artifice s’en montre. Les Charmes n’ont plus d’effe
t, lorfque 1e temps & l’habitude tes ont rendus
trop familiers ou en ont ufé 1e goût.
C’eft'ordinairement par tes brillants Attraits de
la beauté que 1e coeur fo laiflè attaquer ; enfoite
tes Appas, étalés à propos , achèvent de 1e foumet-
tre à l’empire de l ’amovir ; mais s’il ne trouve des
Mm