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ambiguës ; & e’étoit dans cette ambiguïté que
l ’oraele trouvoit à le défendre contre les plaintes
du malheureux qui l ’avoit confùlté, lorfque l’évènement
n’avoit pas répondu à ce que l ’oracle avoit
fait efpérer félon l’un des deux fèns. Foye\ A m-?
PHIBOLOGIE. ( M.DU MARSATS. )
(NV) AMBIGUÏTE. C f. Incertitude fur le vrai
fèns d’une expreffiori : ce qui peut venir ou de
ce que l ’expreffion , trop générale , préfènte nécef
fàirement un fèns indéterminé & par là incertain;
©8 de ce que la phrafè embarrafTe l’efprit par un
tour amphibologique , qui la rend équivoque ou
louche. C’eft donc un vice d’élocution oppofé à
la perfpicuïté, quieft le mérite effencièl de tout
difcours.
I. Dans la fcène du C id 9 où Rodrigue appelle
en duel le comte de Gormas , on voit dans les
réponfés de celui-ci une Ambiguité affedée, qui
tient à des exprefïïons générales :
R o d r i g u e .
Sais-tu que ce vieillard fut la même vgftu ;
La 'Vaillance & l’honneur de fon temps ? le-fais-tu î
L e C o m t e .
Peut - être.
R O D R I G U E.
Cette ardeur que dans les yeux je porte,
Sais-tu que c’eft fon fang? le fais-tu ?
L e Ç o m t e .
' Que m’importé î
R o d r i g u e .
. A quatre pas d’ici je te le fais favoir,, . .
Ces derniers mots font un défi très-clair & fans
Ambiguité• .
• La troifîème fcène du premier a été de T Ecole
des maris affede aufïi , dans les réponfés brufques
de Sganarelle à Valëre, une généralité qui laide
ce dernier dans la perplexité où il étoit avant cette
converfàtion :• cela Je peut9 fo it 9 j e le crois , c’efi
bien f a i t , que m’importe , f i je vous , &e.
II. L ’Ambiguité qui naît de l’amphibologie,
confilîe en ce que la phrafè eft ou paroît- être fui-
ceptible d’un double fèns grammatical; ce qui la
rend équivoque ou louche.
i . Celle qui eft effedivement fùfceptible de
deux fèns, eft équivoque. Ainfî , il y a Ambiguité
dans cette phrafè amphibologique , Quel ennemi a
tué mon frère J parce que ce têur eft équivoque,
quel ennemi & mon frère pouvant être également
fùjets du verbe a tué:, & objets de Fa dion de ce
Vprbe. Il faut corriger ce vice de confiai dion en
difànt, Quel ejt l’ennemi qu’a tué mon f r è r e ou
qui a tué mon frère / félon que mon frère doit
être le1 fm'êt ou le complément objedif du verbe
â tué. ; r
Il eft bon de remarquer que Y Ambiguité qu'on
relève ici ne vient-,pas1 précisément du - tour-; car
il n*y en a aucune quand on dit par le même touf ;
Quel livre a lu mon frère ? c’eft qu’il eft certain
qu’il n’y a que mon frère qui puifTe avoir lu.
2. Une phrafè qui paroît d’abord fùfceptible de
deux fèns , quoiqu’elle n’en ait & ne puifTe en avoir
qu’un , eft une phrafè louche. Ainfî , il y a Ambiguité
dans cette phrafè : L ’orateur arrive à fit
fin , qui efi de perfuader, d’une façon toute particulière.
aa L ’intention de celui qui parle ainfî, eft
3> que ces mots , d ’une façon toute particulière, fe
rapportent à ceux-ci, à fa fin ; & néanmoins
33 comme ils font placés, il femble qu’ils fè rap-
33 portent à perfuader : il faudroit donc dire, L ’ora-
» teur arrive , d’une façon toute particulière , à
33 fa fin , qui efi de perfuader.- ( Vaugelas.
Rem'. 549. )
■ Cette phrafè, propofée par Vaugelas, eft louche
| en effet, à, caufe de l’incertitude du rapport de
ces mots, il’une façon toute particulière y mais la
corredion a peut-être encore le même vice , par
le rapprochement de ces mots , d’une façon
toute particulière, à fa fin : on éviteroit. toute
Ambiguité en difànt , L a fin-de l ’orateur ejl de
perfuader, & i l y arrive d’-une façon toute parti-
\ çulière.
De quelque manière que l ’amphibologie amène
Y Ambiguité dans le difcours, elle a l ’efpèce de
vice la plus condannable ; puifqu’elle pèche contre
la perfpicuïté, qui eft, félon Quintilien & fùivant
la raifon , la première qualité du difcours : vil-fàut
donc corriger ce qui eft louche , en redifiant la
conftrudion ; & éclaircir ce qui eft équivoque , en
déterminant d’une manière précifè l’application des
termes trop généraux. Sans cette attention , la poéfîe
même là plus fùblime n’eft point à l’abri des reproches
-d’un goût épuré. Dans le Polyeucte ( I . î . )
Néarque, pour animer fon ami, qui veut différée
fon batême au-lendemain, lui parle ainfî:
Avez-vous cependant une pleine aflurafice
| D’avoir alïez de vie ou de perfévéranceî
i Et Dieu, qui tient vôtre ame & vos jours dans fa main t
| Promet-il à vos voeux de le vouloir demain î
| 3j Eft-ce D ieu , remarque M. de Voltaire , qui
; 33 promet de vouloir demain, ou qui promet que
! as Polyeude voudra ? Un écrivain ne doit jamais
» tomber dans ces amphibologies ; on ne les permet
; 33 plus.-« Jamais le bon goût ne les a permifes ni
: n’a du les permettre. ( Foye\ A mphibologie ,
ÉQU ïv c Que , L ouche. ) ■ ■ •
‘ Souvent Y Ambigüité peut_ naître de l ’omiflion
d’une- fîmple virgule. A la naifïance du-Baianifrné,
FUhivérfîté de Loùvain députa au pape Pie V ,
pour fçavoir ou devoit être mife une virgule , qui,
félon qu’elle étoit placée, donnoit des fens très-
différents à une propofîtion effencielle dans fâ bulle
du • î . Odôb-re 1567. F(>ye\ Ponctuation. ( M.
B e â Uz 'éè . )
* AMÉNITÉ-, f, f. Belles Lettres, C’eft, dans le
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fcaradère, dans les moeurs, ou dans le langage , une
douceur accompagnée de jxrliteffe & de grâce. L’Aménité
prévient , elle attire , elle -engage, elle
fait fbuhaiter de vivre avec celui qui en eft doué.
Un peuple fauvage peut avoir de la douceur ;
mais Y Aménité n’appartient qu’à un peuple civilifé.
La fbciété des hommes entre eux , & fans les
femmes , auroit trop de rudeiïè ; ce font elles ,
qui, par l’émulation d’agréments qu’elles leur inspirent
, leur donnent de Y Aménité.
Aménité fè dit a ufïi, & dans le même fèns , du
ftyle d’un écrivain ; & cette qualité convient particulièrement
au familier noble , & aux ouvrages de
fèntiment. Le ftyle d’Ovide, celui d’Anacréon ,
celui de Fontenelle eft plein d’Aménité. On peut
aufïi le dire du ftyle héroïque; & c’eft une des
qualités de la profe du Télémaque•
• ( ^ Un modèle d’Aménité, chez les anciens , ce
font les Dialogues de Cicéron fur l’orateur. Il n’y
- eut jamais d’entretien littéraire plus animé ; il n’y
en eut jamais de plus doux : c’eft à la fois un
monument d’éloquence & d’urbanité. Qui peut, en
lifànt ces Dialogues, ne pas fèntir un défîr très-
v if d'être fous ce platane, fous ce portique de
Tufculum , où les plus éloquents des romains s’expliquent
fur leur art, chacun avec une modeftie
aimable en parlant d’eux- mêmes, & avec une eftime
fèntie & motivée , quelquefois avec un enthou-
fîafme fîncère , quand ils parlent de leurs rivaux ?
Partout de la chaleur, partout de la lumière. C’eft
une difeuffion profonde , mélée de raifon, d’enjouement
, & de grâce. C’eft enfin , ce qui eft_ fi rare ,
de la contrariété fans aigreur & fans amertume , de
la politeffe fans fard, de la louange fans fadeur.
Que n’avons-nous 'fur l ’art du théâtre un pareil
entretien entre Corneille , Molière, & Racine, com-
pofé par Voltaire ! Cet ouvrage apprendroit aux
jeunes gens à travailler & à dilputer. ) ( M.
ÛIa r m o n t e l . ) •
(N.) AMHARIQUE. Il y a dans la langue
éthiopienne deux alphabets : l’un nommé Am-
harique, qui eft compofé de 33 lettres; l’autre
appelé Axumique ,qui n’en a que 2 6. Voye^, dans
les Mémoires de l’Académie des Infcriptions, tome
3 6 , un Mémoire de M. de Guignes fur les langues
orientales. ( L ’É d it e u r . )
P i AMITIÉ, AMOUR , TENDRESSE ,
AFFECTION , INCLINATION. Syn.
Ce font des mouvements de coeur favorables à l’objet
vers lequel ils fè portent ; & diftingués entre
eu x , ou par le principe qui les produit, ou par
le but qu’ils fè propofènt, ou par le degré de force
qu’ils ont.
Les deux premiers l’emportent fur les autres par
la véhémence du fentiment; ce qui leur donne
plus d’a&ion: avec cette différence, q u e Y Amour
agit avec plus de vivacité; & l’Amitié, avec plus
de fermeté & de confiante» Celle-ci triomphe quelÂfM
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quefois de la concurrence ; mais bien plus rarement
que l’autre, qui prend toujours le deflus chez les
amis vulgaires , & ne fouffre d’être dominé par
Y Amitié que chez les - perfonnes effenciellemenc
raifônnables & vertueufès.
L ’Amitié fè forme avec le temps, par l’eftime*
par la convenance des moeurs , & par la fympa-
thie de l ’humeur : elle fè propofè cette douceur
de la vie qui fè trouve dans un commerce sûr ,
dans»une confiance bien placée, & dans une ref-
fource afTurée de confblation & d’appui au befèin.
Sa conduite n’a rien dont on puifTe rougir ; fès
liens font gracieux ; fâ manifeftation eft héroïque.
L ’Amour fè forme fans examen & fans réfie-
xion : il eft pour l’ordinaire l’effèt d’un,coup d’oe il,
& fùrprend le coeur au moment, qu’on V y attend
le moins. Il fè nourrit des efpérances flatteuies d’une
parfaite fàtisfaétion & d’une fùprême volupté , fug-
gérées par lçs fèns. Cherchant à fè cacher, il fe
montre involontairement : fès mouvements font
quelquefois convulfifs, & paroiffent, aux yeux des
indifférents , tantôt extravagants , tantôt ridicules.
C’eft une caufè affez fréquente de fottifès pour foi-
meme & d’injuftices envers les autres.
L ’Ami fouffre Y Amant : il n’en eft point fean-
dalife, lorfque la conduite en eft fâge. Mais Y A-
mant eft toujours inquiet fur Y Ami ; il le craint,
il tâche de le ruiner : 8c les novices , donnant dans
le piège, perdent de folides Amis pour fè trop livrer
à un Amant jaloux, qui les abandonne enfùite ; de
forte qu’au bout de quelque temps, elles fè trouvent
privées de l’un & de l’autre.
La Tendrejfe eft moins une aétion qu’une fîtua-
tion du coeur; elle en rabat la fierté, en amollit
le courage, & va quelquefois fufqu’à la foibleflè:
les femmes en font plus fiifceptibles que les hommes.
Son but paroît très-défîntéreffé , toute l’attention
s’y portant vers l ’objet fans retour fur foi-même.
La fènfîbilité en fait le caradère : la jo ie , les
larmes en font les fuites afîèz fréquentes ; & même
les défaillances, félon les cas & l’état où fe trouve
ce qui excite ces mouvements de Tendrejfe.
L’Ajfeclion eft moins forte & moins adive que
FAmitié, & plus tranquille que Y Amour z elle
eft la fuite affez ordinaire de la parenté & de
l ’habitude : elle rend la fociété gracieufè pour le
goût qu’elle y fait prendre, & en bannit la gène du
pur cérémonial. >
U Inclination n’eft pas dans le coeur une fîtuation
décidée, ni bien formée : c’eft plus tôt une dif-
pofîtion à aimer, qui vient de quelque choie qui
plaît dans l’objet vers lequel elle fe porte; & ce
quelque chofè eft toujours à nos yeux un agrément
ou du corps ou du caradère. Cultivée , elle peut
devenir Amour ou Amitié9 félon le goût des per-
fbnnes, & les circonftances de leur état & de leurs
moeurs.
Le temps, qui ruine tout, fortifie FAmitié: elle
n’a guère d’autre terme que le tombeau , qui n era-
pêçhe pas même que la perfônne qui ne peut plus ia