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lation des prétendus Mémoires de madame de Main-
tenon. Le fond en étoit vrai ‘/fauteur avoit eu quelques
lettres de cette dame, qu’une perfonne élevée à
S . Cyr lui avoit communiquées. Ce peu de vérités
a été noyé dans un roman de lèpt tomes.
C’eft là que l’auteur peint Louis XIV fupplanté
par un de fes valets de chambre j c eft la qu il fùp~
pofe des lettres de Mademoifelle Mancini, depuis
connétable Colonne, a Louis XIV* C efl là qu il
fait dire à cette>nièce du cardinal Mazarin , dans une
lettre au roi: Vous obéifih à un prêtre, vous rt e tes
p as digne de mol f i vous aime? à fervir. Je vous
aime comme mes yeux y mais, f i aime encore mieux
votre gloire. Certainement l’auteur n’avoit pas l’original
de cette lettre.
d Mademoifelle de la Vallière ( dit-il dans un autre
S) endroit) s’étoit jetée fur un fauteuil dans,un dés-
» habillé-léger ; là elle penfoit à loifîr à fon' amant.
» Souvent le jour la retrouvoit affifè dans unechaifè,
» accoudée fur une table , l’oeil fixe, l’ame attachée
« au même objet dans l’extalè de l’amoui. Unique-
» ment occupée du roi, peut-être fe p-laign oit-elle en
» ce moment de la vigilance des efpions d’Henriette
» & de la févérité de la reine mère. Un bruit léger
M la retire de là rêverie ; elle recule de fùrprife &
» d’effroi. Louis tombe à lès genoux. Elle veut s’en-
dd fuir, il l’arrête. Elle menace : il l’appailè. Elle
» pleure, il eflùiefès_larmes.»
Une telle delcription ne lèroitpas même reçue au-
jourdhui dans le plus fade de ces romans, qui font
faits à peine pour les femmes de chambre.
Après la révocation de l’édit de Nantes on trouve
un chapitre intitulé , jEtat du coeur• Mais a ces ridicules
fùccèdent les calomnies les plus groffières
contre le roi, contre.Ion fils, fon petit-fils, le duc
d’Orléans Ion neveu , tous les princes du fàng, les
miniftres, & les Généraux. C’eft ainfi que la hardiefîe,
animée par la faim, produit des monftres.
On ne peut trop précâutionner les ledeurs contre
cette foule de libelles atroces qui ont inondé fi long
temps l’Europe.
Anecdote hasardée de D u Haillon.
Du Haillan prétend, dans un de fès opufcules,
que Charles VIII n’étoit pas fils de Louis XL C’eft
peut-être la raifon fèerète pour laquelle Louis XI
négligea fon éducation , &'le tint toujours éloigné
de lui. Charles VIII ne relîèmbloit à Louis XI ni par
l ’efprit ni par le corps. Enfin la tradition pouvoit fèf-
vir d’excufè à Du Haillan ; mais cette tradition étoit
fort Incertaine, comme prefque toutes le font.
La difïemblance entre les pères & les enfants eft
encore moins une preuve d’illégitimité, que laref-
fèmblance n’eft une preuve du contraire. Que Louis
XI ait haï Charles VIII , cela ne conclut rien,
yn fi mauvais fils pouvoit aifément être un mauvais
père. _
Quand même douze Du Haillan m’auroien/ alluré
que Charles VIH étoit né d’un autre que de Louis
X I , je ne deyrois pas le s en croire aveuglément» Un
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Ie&euf fàge doit, ce me fèmble, prononcé? Cbmflïs
les juges ; Pater efl is auem nuptioe demonflrant.
Anecdote fur Charles-Quint•
Charles-Quint avoit-îi couché avec fà.fceur Maw
guerite, gouvernant des Pays-Bas ? en avoit-il eu
Don Juan d’Autriche, frère intrépide du prudent
Philippe II ? Nous n’avoüs pas plus de preuve que
nous n’en avons des fècrsts du lit de Charlemagne,
qui coucha, dit-on, avr" toutes lès filles. Pourquoi
donc l’affirmer ? Si la faillie Écriture ne m’affûroit pas
que les ’filles do Loih eurent des enfants de leur
propre père, & Thamar de ion beau-père ; j’héfiterois.
beaucoup à les en acculer. Il faut être dilcret.
Autre Anecdote plus hafardee.
On a écrit que la duchefle de Montpenfier avoit a©*
cordé lès faveurs'au moine Jacques Çlement, pour
l’encourager r. affiaffiner lèn roi. Il eût été plus habile
de les proirettre que de les donner. Mais ce
n’eft pas ainfi qu’on excite un prêtre fanatique au
parricide ; on lui montre le c ie l, St non une femme.
Son prieur Bourgoin étoit bien plus capable de Je
déterminer c;ue la plus grande Beauté de la terre. II
n’avoit peint de lettres d’amour dans là poche quand
il tua le roi, mais bien Les hilloires de Judith &
d’Aod, toute déchirées, toute graffes à force d’avoir
été lues.
Anecdote fu r Henri IV»
Jean Châtel ni Ravaillac n’eurent aucun .complice;
letfr crime avoit été celui du temps : le cri de la Religion
lut leur lèul complice. On a louvent imprimé
que Ravaillac avoit fait le voyage de Naples ; &que le
jélùite Alagorc avoit prédit dans Naples la mort du
roi, comme le réoèfe encore je ne làis quel Chiniac.
Les jéfùites n’ont jamais été prophètes : s ils 1 a-
voieht été , ils auroient prédit leur deftruétion ; mais
au contraire, ces pauvres gens ont toujours allure
qu’ils dureroiertî jufqu’à la fin des ficelés. Il ne faut
jamais jurer de rien.
De VAbjuration d'Henri I V .
Le jélùite Daniel a beau me dire , dans là très*
sèche & très-fautive .Hiftoire de France, que Henri
IV , avant d’abjurer, étoit depuis long temps catholique.
J’en croirai plus Henri IV lui-même que le
jélùite Daniel. Sa lettre à la belle Gabrielle , C efl
demain que je fa is le faut périlleux, prouve-au moins
qu’il avoit encore dans le coeur .autre chofe que le
catholicifme. Si Ion grand coeur avoit été^ depuis
long temps fi pénétré de la grâce efficace, il auroit
peut-être dit à là maitreiïè, Ces évêques ni édifient ;
mais il lui dit, Ces gens-là mennuyent. Ces paroles
font-eilès d’un bon cathécumène ?
Ce n’eft pas un lùjet de pyrrhonifme que les lettres
de ce grand - homme à Corilànde d’Andouin, com-
telïè de Grammont ; elles exiftent encore en original.
L ’auteur de VE fiai fur l’efprit & les moeurs
& fu r l 'Hiftoire generale, rapporte plufieurs de
A N A
ces lettres inté reliantes. En voici des morceaux
curieux.
Tous ces empoifonneurs font tous p api fies. J 'a i
découvert un tueur pour moi. -— Les prêcheurs ro-
rHains prêchent tout haut qu'il n'y a plus qu une
mort à voir ; ils admdneftent tout bon catholique de
prendre exemple flùr i'empoifonnement du prince
de Condé ) — & vous êtes de cette religion ! — Si
je ii étais huguenot, je me ferais turc.
Il eft difficile , après ces témoignages de la main
de Henri IV , d’être fermement periuadé qu’il fut
catholique dans le coeur.
Autre bévue fu r Henri IV .
Un autre hiftorien moderne de Henri I V , ac-
eufè du meurtre de ce héros le duc de Lerme ; C'efl,
dit-il, V opinion la mieux établie. Il efl évident que
c’efl i’opiuion la plus mal établie. Jamais on n’en a
parié en Efpagne; & il n’y eut en France que le continuateur
du préfîdent de Thou qui donna quelque
crédit à ces foupçons vagues & ridicules. Si le duc
de Lerme, premier miniftre, employa Ravaillac ,
il le paya bien mal : ce malheureux étoit prefque
fans argent quand il fut fàifi. Si le duc de Lerme
l ’avoit réduit ou fait féduire , fous la promeffie d’une
récompemè proportionnée à ion attentat; afïurément
Ravaillac l’auroit nommé, lui& les émifîaires, quand
ce n’eût été que pour fè venger : il nomma bien le
jélùite d’Aubigni, auquel il n’avoit fait que montrer
un couteau ; pourquoi auroit il épargné le duc de
Lerme? C’eft une obftination bien étrange que celle
de n’en pas croire Ravaillac dans fon interrogatoire
& dans les tortures! Faut-il infùlter une grande
Maifon eipagnole fans la moindre apparence de
preuves ?
Et voilà juftement comme on écrit l’Hiftoire.
La nation efpagnolen’a guères-recours à ces crimes
honteux; & les Grands d’Efpagne ont eu dans tous les
temps une fierté généreufè , qui ne leur a pas permis
de s’avilir jufqués-là.
Si Philippe II mit à prix la tête du prince d’O-
range, il eut du moins le prétexte de punir un fujet
rebelle , comme le Parlement de Paris mit à cinquante
mille écus la tète de l’amiral Coligni; & depuis,
celle du cardinal Mazarin. Ces pro criptions publiques
tenoient de l’horreur des guerres civiles. Mais
comment le duc de Lerme (è fèroit-il adrefiefecrète-
meht à un miférable tel que Ravaillac ?
Bévue fur le maréchal d'Ancre*
Le même auteur dit, que le maréchal d'Ancre &
f a femme furent écrafés , pour ainfi dire , par la
foudre. L ’un ne fut à la vérité écrafe qu’à coups de
piflolet, & l’autre fut brûlée en qualité de forcière. Un
aflàffinat, & un arrêt de mort rendu contre une maréchale
de France , damed’atour de la reine, répi tée
magicienne, ne font honneur ni à la Chevalerie ni à
la Juri prudence de ce temps-là. Mais je ne fois pourquoi
i’hiftorien s’exprime en ces mots ; Si ces deux
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miférables riétoient pas complices delà mort du roi ,
ils méritoient du moins les plus rigoureux châtiments.
I l efl certain que , du vivant même du roi ,
Concini & ja femme avoient avec VEJpagne deâ
liaifons contraires aux defieins du roi.
C’eft ce qui n’eft point du tout certain ; cela n’efê
pas même vraifèmblable. Ils étoient florentins ; le
grand-duc de Florence avoit reconnu le premier
Henri IV. 11 ne craignoit rien tant que le pouvoir
de l ’Efpagne en Italie. Concini & fa femme n’avoienÉ
point de crédit du temps de Plenri IV. S’ils avoient
ourdi quelque trame avec le Confeil de Madrid, ce ne
pouVoit être que par la reine : c’eft donc àccufèr la
reine d’avoir trahi fon mari. Et encore une fois, il
n’eft point permis d’inventer de telles accufàtions
fàns preuve. Quoi ! un écrivain dans fon grenier
pourra prononcer une diffamation, que les juges les
plus éclairés du royaume trembleroient d’écouter fùç
leur tribunal !
Pourquoi appeler un maréchal de France & fà femme
, dame d’atour de la reine, Ces deux miférables ?
L e maréchal d’Ancre, qui avoit levé une armée à
les frais contre les rebelles, mérite-t-il une épithète
qui n’eft convenable qu’à Ravaillac, à Cartouche ,
aux voleurs publics, aux calomniateurs publics ?
Il n’eft que trop vrai qu’il fùffit d’un fanatique
pour commettre un parricide fàns aucun complice,
Damien n’en avoit point. Il a répété quatre fois dans
fon interrogatoire , qu’il n’a commis fon crime que
par principe de Religion. Je puis dire qu’ayant été»
autrefois à por-ée de connoitre les convulfîonnaires ,
j’en ai vu plus de vingt capables d’une pareille horreur,
tant leur démence étoit atroce. La religion mal
entendue eft une fièvre que la moindre bccafion fait
tourner en rage. Le propre du fanati.me eft d’échauf-«
fer les têtes. Quand le feu qui fait bouillir ces têtes.
fuperftitieufès, a fait tomber quelques flammèches
dans une ame infènfée & atroce ; quand un ignorant
furieux croit imiterïàintement PHinée, Aod, Judith,
& leurs fèmblabies ; cet ignorant a plus de complices
qu’il ne penfe : bien des gens l ’ont excité aü parricide
fans le (avoir. Quelques perfonnes profèrent des paroles
indiforètes & violentes ; un domeftique les répète
, il les amplifie, il les enfunefte encore , comme
dïfèi'.t les italiens; un Chârel, un Ravaillac, un
Damien les recueille : ceux qei les ont prononcées ne
fè doutent pas du mal qu’ils ont fait ; ils font complices
involontaires, niais il n’y a eu ni complot ni
inftigation. En un mot, on connoit bien mal l’eiprit
humain , fi l’on ignore que le fanatiime rend la populace
capable de tout.
Anecdote fur f homme au mafque de fer*
L ’auteur du Siècle de Louis X I V , eft le premier
qui ait parlé de l’homme au manque de fec
dans une hiftoire avérée. C ’eft qu’il étoit très-info-
truit de cette Anecdote , qui étonne le fîècle pré-
fent,qui étonnera la poftérité, 8c qui n’eft que
trop véritable. On l ’avoit trompé fùr la date de
la mort ûe çet inconnu , fi finguüèreraent infortuné.