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fon Poème de la F é e reine ; on l’eftima, & perfonne
»e le put lire.
Je eroisla rime néceflàire à tous les peuples qui
n’ont pas dans leur langue une mélodie fenftble ,
marquée par les longues & par les brèves , & qui
ne peuvent employer ces dadyles & ces fpondées
qui font un effet fi merveilleux dans le latin.
Je me fouviendrai toujours que je demandai au
célèbre Pope , pourquoi Milton n’a voit pas rimé
fon P a r a d is p e rd u j & qu’il me répondit, JBecaufe
Tie co u ld n o t , parce qu’il ne le pouvoit pas. (à)
• Je fuis perfùadé que la rime, irritant, pour ainfî
dire'* à tout moment le génie, lui donne autant
d’élancements que d’entraves ; qu’en le forçant de
tourner là penfee en mille manièreselle l’oblige
aufîi de penfèr avec'plus de jufteflè & de s’exprimer
avec plus de correction. Souvent l’ardite r en
s’abandonnant à la facilité des vers blancs, & {entant
intérieurement le peu d’harmonie que ces vers
produifènt, croit y fùppléer par des images gigan-
tefques qui ne font point dans la nature. Enfin il
lui manque le mérite de la difficulté fùrmontée.
• Pour les Poèmes en profè, j e ne fais, ce-que c’eft
que ce monftre. Je n’y vois que l’impuiflance de
faire des vers. J’aimerois autant qu’on me proposât
-un concert fans inftruments. Le Cajjandre de L a
C a lp r en èd e fera, fi l’on veut, un Poème en profè ;
| y çonfèns ; mais dix . vers du TafTe valent mieux.
D e Milton.
Si Boileau , qui n’entendit jamais parler de
Milton, abfolument inconnu de fon temps, avoit
pu lire le Paradis perdu, c’eft alors qu’il aurait
pu dire comme du Taflè?
Quel objet enfin, à préfenter aux yeux
Que le diable toujours hurlant contre les cienx !•
Un épîfode du Taflè eft devenu le fiijet d’un
Poème entier chez l’auteur anglois ; celui-ci a
étendu ce que l’autre avoit jeté*avec difcrétion
dans la fabrique de fon Poème.
Je me livre au plaifîr de: tranfcxire ce que dit le
Taflè au commencement du quatrième chant..
Qiiinci avendo pur tutto i l penfier volto
A recar| ni. criftiani ultima doglia »,
Che fia comanda il popol fuo raeoho
( Concilio orrendo ) entro. la regia folia-,
Çome fia pur leggiera- imprefp. ( ahi fioltO')
XL repugnare alla divina voglia :,J
Solto, ch'al ciel s’agguaglia, e’n obblio pojie\
Corne di dio la. défira irata tutuie.»
(a) Il y a lieu de croire, dit Samuel Johnfon,. que Milton,
»voit pris de Y Italia liberata du T ritfiji ,, l’idée a écrire fon.
Poème en vers non timés; & que , trouvant le vers blanc,
plus aile que le vers rimé, il chercha à fe-perfuader qu’il
Valoir mieux. Le vers blanc-, a. dit un. autre: éjctivain, n’ejl
*6« qp&- pour les yeux*. (. DÉ&IXZ.V.&.
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Chiarna gît àbitator dell’ombre eternt
‘ I l rauco fuoti della tar tar ea tromba /
Lerman le fpafiofe atre caverne ,.
E Vaer cieco a quel rumor rimbomba»
Eè ftridendo cofi dalle fuperne
Regione del cielo il folgor plomba ?
NI f i fcojfa giamai tréma la terra,
. Quand’ i vapor,i in. fen gravida ferra».
Orrida maefia nel fero- afpetto -■
Terroreaccrefce , e piu fuperbo il rende.
Rojfeggian gli occhi ; e di- veneno infetto- v.
Corne infaufia cometa ,. il guardo fplende
Gli involve il mento , e fù Virfutopetta
Ifpida, e folta la gran barba fcende»t
Ed in gnifa di voragine profonda ,
S'âpre la bocca d’atro fangue immonda.»
❖
Quali i fumi fulfiireï ed infiammati
Efcon di mongibello , e't pù\\o , e ‘l tuono / •
Tal della fera bocca- i negri fiati >
Taie il fetore , e le faville fono.
Merttre et parlava , Cerbero i latrati
Ripréffe , e l'Idra fi fe3 muta al fuono ;.-
Refib Cocito-, e ne ' trtriiar gli abijfi,
E in quefii detti i l gran rimbombo udifji».
•ô*
Tartar et rmmi di feder più degnt
La fovra i l foie , oncCl Vorigin voftra i
Che meco gia da' più. felici regni
Spinfe il gran cafo in quejia orribil: cliiojiroe-g
Gli antichï altrui fofpetti , e i fieri fdegni.
EotL fon troppo, e l'alta imprefa nojira».
Or colui regge a fuo voler le Jlelle
E not fiam giudicate aime rubelle...
Ed in- vece del di fereno-, e puro ^,
JDell’aureo f o l , degli fiellati girt ,
E'ha qui rincKiufi in quejlo. abijfo ofcuro-
Ne3 vol , ch3al primo onor per not s'jtfpiri».
E pofcia ( ahi quanto a. ricordarlo i duro j
Quefio i quel che più inafpra i miel martin.f
Eè bei feggi celejii ha VuottY chiamato ,
L'uom3 vile , e di vil fangue in terxa nato»
Tout le Poème de Milton (érable fondé fur ces-
vers, qu’il a même entièrement traduits. Le Taffies
ne. s’appefântit point fur les refïbrts de cette machine,
la. feule peut-être que l’aufiérité de fa.
religion & le fujét d’une croifàde dufïènt lui:
fournir. Il quitte le diable le plus tôt qu’il peut,,
pour préfenter fon Armide, aux lefteurs ; l’admirable
A 'rm id e , digne de V A lc in e de Y A r io J le•
dont, elle eft imitée. Il ne fait point tenir de longs;
y
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difcours à Bélial , à Mammon , à Belzébut , à
Satan. r . ,
Il ne fait point bâtir une folle pour les diables
il n’en fait pas des géants pour les transformer en
pygmées, afin qu’ils puiffent tenir plus à l’aife dans
la folle. Il ne déguifo point enfin Satan en cormoran
& en crapaud. - J ,
Qu’auroient dit les-Cours & les fovants de Hnge-
nieufè Italie, fi le Taflè, avant d’envoyer lefprit
de ténèbres exciter Hidraat, le père d'A rm id e , à la
vengeance, Ce fût arrêté aux portes de l’enfer pour
s’entretenir avec .la mort & le pèche ; fi le péché
lui avoit appris qu’il étoit fo fille , qu’il avoit
accouché d’elle par la tête ; qu’enfuite il devint
amoureux de fo fille ; qu’il en eut un enfant qu on
appela m o n j que la mort ( qui eft_ fiippofée
mafoulin.) coucha avec le péché ( qui eft (up-
pofé- féminj-n ) , & qu’elle en eut une infinité de
lèrpents , qui rentrent à toute heure dans lès entrailles
& qui en fortent..
De tels, rendez-vous , de- telles, jouiflances font
aux yeux des italiens de fînguliers^ épifodes^ d’un
Poème épique. Le Taflè les a négligés , & il n a
pas eu la dèlieatefîè de transformer Satan- en crapaud
, pour mieux inflruire Armide*.
Que n’a-.t-on point dit de la. guerre dès bons &
des. mauvais anges, que Milton a imitee de la GL-
gantomachie de Claudien ? Gabriel confûme deux
chants entiers à raconter les batailles données dans
le ciel contre Dieu même & en fuite ^ la création
du monde. On s’eft plaint que ce Poeme ne foit
prefque rempli que d’épifodes.-; & quels epifodes !
C’eft Gabriel & Satan qui fè difènt des injures.;
ce font des anges, qui fè font la guerre dans le. ciel,
& qui la font à Dieu.. Il y a dans le ciel des dévots
& des elpèces. d’athées- Abdiel , ArielArioc ,
Rimiel , combattent Moloc , Belzébut , Nifroc ;. on
le donne de grands coups de fobre; on fè jette des
montagnes à la tête, avec les arhres qu’elles portent,
& les neiges qui couvrent leurs, cimes les rivières
qui .coulent, à leurs pieds. C’eft la ,. comme on voit,
la belle & fimple nature !
On fè bat dans le ciel à coups de canons , encore
cette imagination eft-elle prifè de l'Ariofle ; mais
l ’Ariofte fèmble garder quelque bienféance dans
cette invention, voilà ce qui a degoute bien des
k£teurs italiens & franqois. Nous.n’avons garde de
porter notre jugement.; nous laiflons chacun fontir
du dégoût ou du plaifîr à fo fantaifie.
On peut remarquer ici; que la fable de Ta guerre
'des géants contre les dieux , fèmble plus raifonnable
que celle des anges, fi le mot de raifonnable peut
convenir à de telles fiâions. Les géants- de la fable
étoient fiippofés les enfants du ciel & de la terre,
qui redemandoient.une partie de leur héritage a des
dieux, auxquels ils étoient égaux en force & en
puiflanee. Ces dieux n’àvoient point créé les titans-,
ils étoient corporels comme eux ; mais il n’ën eft
pas ainfî dans notre religion. Dieu eft un être pur,
infini.,. tout-puifTant, créateur, de-, toutes chofest, à
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qui (es créatures n’ont pu faire la guerre, ni lancer
contre lui des montagnes, ni tirer du canon.
Milton a donc'décrit dette guerre. II y a prodigué
les peintures les plus hardies. Ici ce font des
anges à cheval, & d’autres qu’un coup de fabre
coupe en deux , & qui fe rejoignent fur le champ s
là c’eil la mort qui lève le ne\ p o u r renifler V od eu r
d es 'cadavres qui n’exiftent pas encore. Ailleurs
elle firape de f a majfue p e tr ifiq u e f u r le f r o id &
f u r le f e e . Plus loin c’eft le froid & le chaud , le fec
& l’humide qui fe dilputent l ’empire du monde, &
qui conduifent en b a ta ille ra n g é e des embr ions
d a tâm e s . Les queftions les plus épineufès de la.
plus rebutante fcolaftique , fîiht traitées en plus de-
vingt endroits dans les termes mêmes de l'école.
Des diables- en enfer s’amulênt à diïputer lûr la-
grâce , fîtr le libre arbitre , fur la prédeftination,
tandis que d’autres jouent dé la flûte.
Au milieu dq ces inventions il lôumet Ion imagination
poétique, & la reftreint à paraphrafer dans
deux chants les premiers chapitres de la Genèfe t
God fàw ihe lïght vas good ;
And lïght from darktiefs divided,
zight the dày and' darknefs neight he nam'd'
Again god faid Jet be. the firmament. . . «
Andfaw that it. vas good.., . *
C’eft un refped qu’il montre pour l’ancien Teffa>
ment, ce fondement de notre fointe Religion.
Nous croyons avoir une -traduction exaéte ds
Milton , &■ nous n’en avons point. On a retranché ,,
ou entièrement altéré plus de deux-cents pages quü
prouveraient la vérité de ce que j’avance.
En voici un précis que je tire du- cinquième;
Ghant-
Après qu’Adam & Eve ont'récité le pfoume cxlviîj^
l’ange Raphaël defoend du ciel fur fès fîx ailes, &
• vient leur rendre vifîte; & Eve lui prépare à dîner..
« Elle écrafè des grappes de raifins & en fait da
» vin doux qu'on appelle m o u jl j & de plufîeurs-
» graines, & des doux pignons prefles-, elle tem-
» péra de douces crèmes . . . . L ’ange lui dit, Bon-
» jour, & fè fèrvit de la fointe folutation dont il
»• ufo long temps après envers Marie la fècende-
» Eve; Bonjour , mère dès hommes , dont le ventre
» fécond remplira le mondé de plus d’enfants qu’ii:
»• n’y a de différents; fruits- des arbres de Dieu en-
» tafles fur ta table. La table étoit un gazon & dès
' » lièges de- mouflè tout autour, & fur fon ample-
» quarré d’un bout à l’autre tout l’automne étoit*-
» empilé , quoique le printemps • & l’automne dan~
» foflèntdans ce lieu (è tenant parla main. Ils firent;
» quelque temps converfotion fans craindre que le-
»'dîner ne fè refroidît- {a). Enfin notre premier père-:
» commença ainfî r
» Envoyé célefte, qu’il vous plaife goûter des'
» préfents- que notre nourricier, dont:defoend:
Mot pour mo?-».. :Eor fear’d, lêafi dinner. cosV.di