
proportionnant aux perfonnes qui nous font ïnfe- |
rieures par la condition ou par l’efjprit.
Les rivières baijfent en été. Les grandes per-
fbnnes font obligées de s'abaijfer pour pafler par
les petites portes. Il eft quelquefois dangereux de
s'abaifftr; car on prend au met notre humilité,
& Tón nous méprifo'for notre parole. Ce n’eft pas
en s'abaijfant jufqu’à la familiarité, qu’un prince
acquiert la qualité & la réputation de Bon ; c’eft par
la douceur & la juftice de fon gouvernement. L ’on
n’eft jamais bon maître, fi l’on ne fait s’abaijfer
îufqu’au niveau de l’efprit de fbn écolier.
Lè mot de Baijfer n’eft jamais employé dans
le fons figuré à l ’aftif, foit qu’il foit joint au pronom
réciproque , ou qu’il ait un autre cas; l’Ufâge
ne s’en fort en ce fons qu’au neutre : ainfî , l’on dit
que les forces baijfent quand on a palTé quarante
ans. Pour le mot d’Abaijfer, il a quelquefois à
l’aftif un lens figuré ; & le bon Ufàge ne l’emploie
jamais autrement avec le pronom réciproque ; il
fèroit tout à fait déplacé, fi on lui donnoit alors'
le fèns propre & littéral : on ne dit pas d’un defïùs
de coffre qu’il s’abaijfe, on dit qn’il tombe.
L ’adverfité fait baijfer l’efprit aux uns , & le
réveille aux autres. L ’homme fâge & fimple ne s'abaijfe
point, ni ne fè foucie d’abaijfer l’orgueil
d’autrui. ( V Abbé G ir a rd ,)
* BALLADE , fi f. Belles-lettres, Poéjie. Petit
poème régulier, çompofé de trois couplets & d’un
envoi, envers égaux, avec un refrein , c’eft à dire,
avec le retour du même vers à la fin des couplets,
ainfi qu’à la fin de l’envoi.
Dans la Ballade, les trois couplets font fymmé-
triquement égaux , fôit pour le nombre des vers,
fôit pour l’enlacement des limes.' C ’eft une ftance
de huit, de dix ^ de douze vers , en deux parties.
L ’envoi n’en eft qu’une moitié, & il répond communément
à la féconde partie de la ftance. Les parties
correspondantes des trois couplets font for les
mêmes rimes ; & l’envoi conforve les rimes de la
partie à laquelle il répond.
Ce petit poème a de la grâce dans la régularité
de fà forme ; & quand le refrein en eft heureufo-
ment amené à la fin des couplets, il leur donne
jun tour très-piquant.
Nos anciens poètes, comme Villon Marot,
n’y ont employé que les vers de dix 'Sc de huit
fyllabes: celui de douze n’étoit guère en ufàge ; &
là gravité fèmbleroit déplacée dans un poème qui
doit garder la naïveté du vieux temps.
La Ballade a paffe de mode depuis madame
Deshoulièrês ; mais fi quelqu’un veut s’y amufor
encore , il fera bien de lui conforver le tour du ftyle
de Marot, fans trop affe&er fon langage. L a Fontaine
eft un excellent maître dans l’art de rajeunir cette
ancienne naïveté. • ; : "
Comme la forme de la Ballade eft difficile a.
décrire avec précifion, en voici un modèle, pris
de Marot, & dans lequel on remarquera, comme
Uffe fing’ularitê, qu’il y a deux refreins au IieÜ
d’un.
B a l l a d e du frère Lubin,
Pour courir en porte à la ville,
Vingt fois , cent fois , ne fais combien {
Pour faire quelque chofe vile ;
Frère Lubin le fëra bien.
Mais d’avoir honnête entretien ;
Ou mener vie falutaire ,
C’eft à faire à un bon chrétien :
Frère Lubin ne le peur faire.
Pour mettre ( comme un homme habïlëj
Le bien d’autrui avec le fien,
Et vous laiflêr fans croix ne pile ;
Frère Lubin le fera bien.
On a beau dire, je le tien ;
Et le preflet de facisfaire ;
Jamais ne vous en rendra rien :
Frère Lubin ne le peut faire.
Pour débaucher, par un doux ftyle.
Quelque fille de bon maintien.
Point ne faut de vieille fubtile j
Frère Lubin le fera bien.
11 prêche an théologien 5
Mais pour boire de belle eau claire,-
Faites la boire à notre chien :
Frère Lubin ne le peut,faire.
Envoi. '
Pour faire plus tôt mal que bien
Frère Lubin le fera bien ;
Mais fi c’eft quelque bonne affaire .
F r è r e L u b in ne l e peut faire.
Le temps de la galanterie fut celui de la Bdlladey
ainfi que de tous ces petits poèmes qui compolôient,
nous dit fflarot, le Bréviaire du temple de l’Amour :
Ce font Rondeaux , Ballades , Virelais,
Mots à plaifir , Rimes, & Triolets,
Lefquels Vénus apprend à retenir
A un grand tas d’amoureux nouvelets %
Pour mieux favoir dames entretenir.
Lâ régularité févère de ces petites pièces de poéfîè
en a fait abandonner le genre; & c’eft ce qui auroit
dû le rendre précieux. ■ # •. ., ' '
Le fermaient de la difficulté vaincue entre plus
qu’on ne penfe dans le plaifir que nous font les
arts, & lorlque cette difficulté n’eft pas trop gênante,
qu’il y a de l ’adreffe à la vaincre , & qu’il en réfulte
un agrément de plus ; elle eft précieufement à con-
ferver. C’eft peut-être ce qui nous rend fi chère l’habitude
des vers rimés ; c’eft aufti ce qui nous doit
faire regretter ces petits poèmes- qui dans leur forme
prefcrite avoient de l’élégance & de la grâce , & dans
lefquels la facilité unie à la contrainte étoit un objet
l de furprife, & par conféquent Hn plaifir de plus. Tels
etoient
étoient le Sonnet, le Rondeau, 1e Virelai, le Triolet,
le Chant, & la Ballade.
L e Sonnet eft peut-etre le cercle le plus parfait
qu’on ait pu donner à une grande penfee , & la dm-
fton la plus régulière que l'oreille att pu lut prefcrite.
Le couplet ne peut guère avoir de plus jolie iorme
que celle du Triolet. Le tour du Rondeau & du V irelai
donne de la faillie au badinage & a 1 Eptgram-
me. La B allade, comme le Chant, donne , par fon
refrein , de l’élégance & de la grâce auxftances qui
lacompofent. Chacun de ces petits poemes avoir Ion
caraftère particulier & fes réglés prefcrttes , c cft a
dire, des guides sûrs pour e talent & pour le goût.
Ce qu’on appelle autourdhui/'oé&r fugitives n _a
plus ni forme ni derfein: elles (ont libres, mats
trop libres. La faeilité , que fuit la négligence, en
fait produire avec une abondance qui ajoute encore
au dégoût de leur infipidité. Des hommes de genie
dont ces poéfies légères font les | delafièments, y
excelleront toujours ; mais le génie eft rare ; 8c le
talent médiocre, qui auroit peut-etre reufli a bien
tourner une Ballade oü un Rondeau, ne fêta , dans
une pièce de vers libres, qu’enfiler des rimes communes
& des idées plus 6ommunes encore, lans
aucune peine, il eft v ra i, mais aufti fans aucun
mérite, ni du côté du goût, ni du cote de 1 art.
( M . M j RMON"e i . )
BARBARISME, f. m. terme de Grammaire.
L e Barbarifme eft un des principaux vices de IL -
locution.
Ce mot vient de ce que les grecs & les romains
appeloient les autres peuples Barbares , c’eft à
dire étrangers; par conlequent tout mot etranger
mélé’ dans la phrafe grecque ou latine étott appelé
Barbarifme. Il en eft de même de tout idiotifme
ou façon de parler , & de toute prononciation qui
a un air étranger : par exemple^ un anglois qui
dirait à Verfailles, eft pas le Rot allé à lachaffe,
pour dire, te Roi rieft-il pas allé à la chaffe ?
ou je fuis fe c , pour dire , j 'a i f o i f , ferait autant
de Barbarifmes par rapport au fcançois.
Il y a aufti une autre etpèce de Barbarifme ;
c’ eft lorfqu'à la vérité le mot eft bien de la langue
, mais qu’il eft pris dans un fens qui n’eft pas
autorifé par l’Ufage de cette langue, enforte que
les naturels du pays font étonnés de l’emploi que
l’étranger fait de ce mot : par exemple , nous nous
fervons au figuré du mot Entrailles, pour marquer
le fentiment tendre que nous avons pour autrui;
ainfi, nous difens il a de bonnes entrailles^, c’eft
à dire , il eft compatilfant. Un étranger écrivant à
M. de Fénélon ,. archevêque de Cambrai, lui dit :
Mgr, vous ave\ pour moi des boyaux de père.
Boyaux ou Imeftins, pris en ce feus , font un Barbarifme
, parce que, félon l ’Ufage de notre langue,
nous ne prenons jamais ces mots dans le fens figuré
que nous donnons a Entrailles.
& Ainfi, il ne faut pas confondre le Barbarifme avec
le folécifine ; le Barbarifme eft une locution étran-
CtiAtM. et IiTTjSaXT. Tonte 1.
gère, au lieu que le folécifine eft une faute contre
la régularité de la conftru&ion d’une langue;faute
que les naturels du pays peuvent faire par ignorance
ou par inadvertence , comme quand ils fo
trompent dans le genre des noms ou qu’ils font
quelqu’autre faute contre la fyntaxe de leur langue.
Ainfî, on fait un Barbarifme, i° . en difîint un mot
qui n’eft point du didionnaire de la# langue : x°.
en prenant^un mot dans un fons different de celui,
qu’il a dans l’ufage ordinaire, comme quand on Ce
fèrt d’un adverbe comme dune propofition ; par
exemple, I l arrivé'auparavant midi, au lieu de
dire , avant midi : 3°» enfin en ufânt de certaines
façons de parler , qui ne font en ufàge que dans une
autre langue.
Au lieu que le folécifine regarde les dechnaifons ,
les conjugaifons, & la fyntaxe d’une langue : i ° .
les déclinaifons , par exemple , les emails au lieu
1 de dire les émaux; z ° . les conjugaifons, comme fi
l’on difoit i l alli pour il alla ; ï ° , la fyntaxe,
par exemple, Je nai point de l argent, pour Je
n’ai point d’argent•
J’ajouterai ici un paflage tiré du IV e livre ad
Herennium, ouvrage attribué à Cicéron : » La lad-
» nité, dit l’auteur , confîfte à parler purement, fans
» aucun vice dans l’Élocution. Il y a deux vices
» qui empêchent qu’une phrafè ne foitlatine,^le
u folécifine & le Barbarifme ; le folécifine, c’eft
» lorfqu’un mot n’eft pas bien conftruit avec les
autres mots de la phrafo; & le Barbarifme, ceft
33 quand on trouve dans une phrafe un mot qui ne
»3 devoit pas y paroître , félon l’Ufàge reçu ». Lati-
nitas ejl quai fermonem purum confervat, ab omni
vitio remotum. Vitia in fermone, quominus is
latinusfit, duo pojfunt ejfe ;foloecifmus & Barbarifo
mus. Soloecifmus e jly qüumverbis pluribus confe-
quensverbum fuperiori non accommodatur. Barba*
rifmus e/î, quum verbum aliquod vitiose effertur.
Rhetoricorum ad Herenn. Lib. I V . cap. x i j , ( M .
d u M a r sa is . )
* BARDEo«BAIRD,Jïi/Z. littéraire , C ’eft ainfî
qu’on nommoit les poètes & les chantres de la guerre,
parmi les gaulois , les bretons, les germains , fie
dont nous pouvons , fans aucune efpèce de confu-
fîon, réunir l’hiftoire avec celle des fcaldes , qui
étoient proprement les poètes de la Scandinavie.
On ne connoît pas aujourdhui le véritable fons
du mot Bairdy parce que c’eft un terme radical,
qui n’a par confêquent point de racine, comme beaucoup
d’autres monofÿllabes dans le celtique & le
tudefque. Il faut dire ici que e’eft une abfurdité
très-grande de la part des ëtymologiftes, de^ vouloir
qu’il dérive de B ardus , ce phantôme de roi, qu’on
fait régner dans la Gaule en un temps où la
Gaule n’obéiffoit encore à aucun roi. C ’eft vrai-
femblablement par une pure conjeéhire, que Sulpî-
tius, en expliquant ce vers de la Pharfàle,
Flurima fecuri fudifiis carmîna, Bardi,
O q