
toire fecrée , profane, eccléfîaftique ; Hiftoire de
notre propre pays & des pays étrangers ; Hiftoire'
des Sciences & des Arts ; Chronologie ; Géographie
; Antiquités & Médailles, &c.
L a connoifTance des langues renferme les langues
{ayantes, les langues modernes, les langues
orientales , mortes ou vivantes.
L a connoifTance des livres fûppofè , du moins
jufqu’à un certain point, celle des matières qu’ils
traitent, & des auteurs ; mais elle confifte principalement
dans la connoiflance du jugement que les
lavants ont porté de ces ouvrages, de l’efpèce d’utilité
qu’on peut tirer de leur leéture , des anecdotes
qui concernent les auteurs & les livres, des
différentes éditions & du choix que l’on doit faire
entre elles.
Celui qui pofsèderoit parfaitement chacune de ces
trois branches, fèroit un Erudit véritable & dans :
toutes les formes : mais l’objet eft trop vafte , pour
qu’un fèul homme puifïè Tembraflèr. Il fuffit donc,
pour être aujourdhui profondément érudit, ou du
moins pour être cenfé t e l, de pofled©r feulement
à un certain point de perfeâion chacune de ces parties
: peu de lavants ont même été dans ce cas,
& on pafle pour érudit à bien meilleur marché.
Cependant fi l’on eft obligé de reftreindre la lignification
du mot Érudit, & d’en étendre l’applF
cation, il paroît du moins jufte de ne l’appliquer
qu’à ceux qui embrafîènt ■> dans un certain degré
d'étendue , la première branche de VErudition, la
connoifTance des faits hiftoriques, fiirtout des faits
hifîoriques anciens, & de l ’Hiftoire de plufieurs
peuples ; car un homme de Lettres qui fè fèroit
borné , par exemple, à l’Hiftoire de France , ou
même à l’Hiftoire romaine, ne mériteroit pas pro^
prement le nom ÜErudit ,* on pourroit dire’ feulement
de lui qu’il auroit beaucoup d’Erudition dans
i’Hifto-ire de France, dajis l ’Hiftoire romaine y&à.
en qualifiant le genre auquel il fè fèroit appliqué.
De même on ne dira point d’un homme verfe dans
la connoifTance feule .des langues & des livres,
qu’il eft érudit , à moins qu’à ces deux qualités
il ne joigne une connoifTance afîèz étendue de
l’Hiftoire.
De la connoiflance de l’Hiftoire, des langues , &
des livres , naît cette partie importante de Y E rudition
, qu’on appelle Critique, & qui confîfte ou
à démêler le fèns d’un auteur ancien , ou à refi-
tituer fbn texte, ou enfin ( ce qui eft la partie
principale ) à déterminer le degré d’autorité qu’on
peut lui accorder par rapport aux faits qu’il raconte.
Éoye\ Critique. On parvient aux deux premiers
objets par une étude aflîdue & méditée de l’auteur ,
par celle de l’Hiftoire de fbn temps & de fà per-
fbnne,par le parallèle rai fbn né des différents ma-
nufcrits qui nous en reftenï. A l’égard de la Critique
, confédérée par rapport à ia croyance des faits
hiftoriques, en voici les règles principales.
i° . On ne doit compter pour preuves que les
témoignages des auteurs originaux, c’eû à dire ,
de ceux qui ont écrit dans le temps même , ou,
à peu près : car la mémoire des faits s’altere^ ai-
fément, fi on eft quelque temps fans les écrire ;
quand ils paflent fimplement de bouche en bouche ,
chacun y ajoute du fien , prefque fans le vouloir.
» Ainfi , dit M. Fleury ( premier difcours f u r Vhijl.
» eccl. ), lès traditions vagues des faits très-anciens,
» qui n’ont jamais été écrits, ou fort tard, ne méri-
» tent aucune créance, principalement quand elles
» répugnent aux faits prouvés : & qu’on ne difè pas
» que les hiftoires peuvent avoir é té perdues ; car,
» comme on le dit fans preuve , on peut repondre
» aufli qu’il n’y en a jamais eu. »
-1°. Quand un auteur gravé & véridique d’ail-*
leurs cite des écrits anciens que nous n’avons plus ,
on doit, ou on peut au moins l’en croire : mais
fi ces auteurs anciens exiftent , il faut les comparer
avec celui qui les cite, fur tout quand ce dernier
eft moderne; il faut déplus examiner ces auteurs
anciens eux-mêmes, & voir quel degré de créance
on leur doit, oc Ainfi , dit encore M. Fleury, on
» doit confiilter les fources citées par Baronius,
» parce que fou vent il a donné pour authentiques
» des pièces fauftès ou fîifpeétes, & qu’il a fuivi
» des traductions peu fidèles des auteurs grecs. »
3°. Les auteurs, même contemporains, ne doivent
pas être fuivis fans examen : il faut fâvoir d’abord fi les
écrits font véritablement d’eux ; car on n’ignore pas
j qu’il y en a eu beaucoup de fuppofés. Quand l’auteur
eft certain , il faut encore examiner s’il eft digne de
fo i, s’il eft judicieux, impartial, exempt de crédulité
& de fùperftition, aftèz éclairé pour avoir fu .démêler
le vrai, & aftèz fincère pour n’avoir pas été tenté
quelquefois de fiibftituer , au vrai, fès conjectures &
des foupçons dont la fineftè pouvoit le féduire. Celui
qui a vu eft plus croyable que celui qui a feulement
ouï dire, l’écrivain du pays plus que l ’écrivain
étranger, & celui qui parle des affaires de fa doctrine
& de fa fe<te plus que les perfbnnnes indifférentes
, à moins que l’auteur n’ait un intérêt
vifîble de rapporter les chofès autrement qu’elles
■ ne font. Les ennemis d’une fècte, d’un pays, doivent
furtout être fufpeéfcs ; mais on prend droit fur ce
qu’ils difènt de favorable au parti contraire. Ce
qui eft contenu dans les lettres du temps & les
actes originaux, doit être préféré au récit des hif-
: toriens : s’il y a entre les écrivains de la diver-
fité, il faut les concilier ; s’il y a de la contradiction,
il faut ehoifir. Il eft vrai qu’il fèroit bien
plus commode pour l’ écrivain de fè borner à rapporter
les differentes opinions , & de laifler le jugement
au lecteur ; mais il eft plus agréable pour
celui-ci, qui aime mieux (avoir que douter , d’être
décidé par le Critique.
Il y a daps la Critique deux excès à fuir également
, trop d’indulgence , & trop de févérité. On
peut être très-bon chrétien , fans ajouter foi à une
grande quantité de faux a des des martyrs , de faufilés
vies des fâints , d’évangiles & d’épîtres apocryphes,
â la légende dorée de Jacques de Voragine,à
m m m
à la fable de la donation de Conflantin , à celle de
la papeffe Jeanne , à plufieurs meme des miracles
rapportés par Grégoire de Tours & par d;autres
.écrivains crédules f &c. mais on ne P0“ ".01* | H
chrétien en rejetant les prodiges , les « v en io n s , &
les autres faits extraordinatres 9 h D H
Irénée , faint Cyprien , faint Auguftm,
refpeétables, qu’il, n’eft pas permis de regarder
comme des vifionnaires. § jaBBBHBW
Un autre excès de Critique eft de donner trop aux
conieétures : Érafme, par exemple , a rejete témérairement,
félon M. Fleury , quelques écrits de
faint Auguftin, dont le ftyle lut a paru différer de
celui des^autres ouvrages de ce Pere ; d autres ont
corrigé des mots qu’ils n entendoient pas, ou me
des faits , parce qu’ils ne pouvaient pas \es accorder
avec d’autres d’une égale ou. dune moindre autorité
, ou parce qu’ils ne pouvoient les concilier avec
la chronologie dans laquelle ils Ce trompoient. On a
voulu tout Savoir & tout deviner ; chacun a rafiné
furies Critiques précédents , pour oter quelque fait
aux hiftoires reçues, I quelque ouvrage aux auteurs
connus : Critique dangereufe & dedaigneufe , qui
éloigne la vérité en paroiflant la chercher.t j r ° ^
Fleury premier dijcours fur rHiftoire eccUfiafti-
q u e ’c h i i j & v. Nous en avons extrait.ces. réglés
de Critique, qui y font très-bien developees, &
auxquelles nous'renvoyons le lecteur. N
' -L’Érudition eft un genre de connoiflance ou es
modernes fe font diftingués par depx râlions : plus
le monde vieillit, plus la matière de.1 Erudition
augmente, & plus par confequent | doit y avoir
à'Érudits ; comme il doit y aymr plus de fortunes
lorfqu’il y a plus d’argent. D ailleurs 1 ancienne
Grèce ne failojt cas que de fon hiftoire & de fa
langue, & les romains n’étoient qu orateurs K politiques
: ainfi , l'Érudition proprement dite netoit
pas extrêmement cultivée parles anciens. Il fe trouva
néanmbins à Rome , fur la fin de la république,
& enfuite du temps des empereurs, un p » t ! P -
bre d'Érudits, tels qu’un Varron , un P(mvle
naturalise , & quelques autres. H H M i
La tranflation de l’Empire a Conftantmople, &
enfuite la deftruaion de l’Empire d’Occident anéantirent
bientôt toute efpèce de connoiflànces dans cette
partie du monde : elle fut barbare jufqu a la fin
du x v . fiècle ; l’Orient fe foutint un peu plus long
temps; la Grèce eut des hommes favants dans la
. connoifTance des livres & dans l’Hiftoire. A la vente
ces hommes favants ne lifoient & ne connoiflo.ent
que les ouvrages grecs , ils avoient herité du mépris
de leurs ancêtres pour tout ce qui n étoit pas écrit
en leur langue : mais comme fous les empereurs
romains, & même long temps auparavant ^, plufieurs
auteurs grecs, tels quePolybe'Dion. Diodore
de Sicile .Denis d’Halicarnaffe , (te. avoient écrit
l’hiftoirê romaine & celle des autres peuples, 1 Ambition
hiftorique & la connoiflance des livres , même
purement grecs, étoit dès lors un objet confidera-
ble d’étude pour les gens de Lettres de 1 Orient.
E R U 7 S ?
Conftantinople & Alexandrie aXoien‘
thèques confidérables ; la première fo' . “ etr.u1“
ordre d’un empereur infenfé , Leon 1 îfaurien
favants qui prévoient à cette bibliothèque s’etotent
déclarés contre lefanatiûne avec lequel 1 empereur
perfécutoit le culte des images; ce prince , 1 m
bécile & furieux, fit entourer de fafcines la bmlto
thèque , & la fit brûler avec les favants qui y etoient
’ “ A 1Tégard de la bibliothèque d’Alexandrie , tout
le monde fait la manière dont elle fut E O L v
les faralîns en 640, le beau ratfonnement fur lequel
le calife Omar s’appuya pour cette “ peêi-
uon, & l ’ufage qu’on fit des livres de cette biblto-
îhèqûe pour chauffer pendant fix mots, quatre-
mille bains publics. BWB
Photius, qui vivoit fur la fin du xv. fiecle,
lorfque l’Occident étoit plonge dans l l Snora“ t , &
dans la barbarie la plus profonde , nous a laifie,
dans fa fameufe bibliothèque, un monument un .
mortel de fa vafte Érudition : on vo it, par le grand
nombre d’ouvrages dont il juge .d o n t | raPPor‘e
des fragments, & dont une grande partie eft aujourdhui
perdue, que la barbarie de Leon & celle
d’Omar n’avoient pas encore tou t détruit en Grece ,
ces ouvrages font au nombre d environ a8o;
Quoiqui les favants qui fuivirent Photius nayent
pas eu autant A'Érudition que lu i, cependant long
temps après Photius, & même jufqu a la pnte de
Conftantinople par les turcs, en 1453 > ^ Grece
eut toujours quelques hommes inft™ts. & £
(du moins pour leur temps)dans 1 Hiftoire & dans
les Lettres g Pfellus, Suidas , Juftathe commentateur
d’Homère, T ie t te s , Beffanon, Gennadtus,
C'On croit communément que la deHruftion de
l’Empire d’Orient fut lacaufe du renouvellement
des Lettres en Europe ; que les (avants de la Grec ,
ehaffés de Conftantinople par les turcs & appelés
par les Médicis en Italie, rapportèrent a
lumière en Occident: cela eft vrat jufqu a un
certain point ; mais l’arrivée des favants fie la Grece
avoit été précédée de l’invention de 1 Imprimerie,
faite quelques années auparavant, des ouvrages du
Dante' de Pétrarque, & de Bocace , fl“» av0I,en*
ramené en Italie l’aurore du bon goût; enfin dun
petit nombre de favants qui avotenn commence a
débrouiller & même à cultiver avec fucces la Littérature
latine, tels que le Pogge, Laurent Valla
Philelphe, & quelques autres. Les grecs de Confi-
tantinople ne furent vraiment utiles aux gens de
Lettres d’Occident, que pour la connoifTance de la
langue grèque qu’ils leur apprirent a etudter : ils
formèrent des élèves , ftui, bientôt égalèrent ou
furpafsèrent leurs maîtres. Ainfi, ce finpar 1 etude
desPlangues grèque & latine que 1 Érudition renaquit
: f ’émde approfondie de ces langues & des
auteurs qui les avoient parlées, prépara infenfible-
ment les' « 1 goût de la faine Littérature -,
, on s’aperçut que les Démofthene & les Ciçeron,