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des ions articulés, & de ne parler qu’avec des images
fenfîbles. Les connoiffances aujourdhui les plus
eommunes étoient fi fiilitiles pour eux , qu’elles
ne pouvoient le trouver à leur portée qu autant
qu’elles le rapprochoient des fons, Enfoite , quand
on étudia les propriétés des etres pour.etv tirer des
allufîons, on vit paroître les Paraboles & les Énigmes,
qui devinrent d’autant plus à la mode , que les
làges ou ceux qui fo donnoient pour tels , crurent
' devoir cacher au vulgaire une partie de leurs
connoiffairces. Par là le langage imaginé pour la
clarté fut changé en myflères : le ftyle dans lequel
ces prétendus (âges renfermoient leurs inftru étions ,
étoit obfour & énigmatique ; peut-être par la difficulté
de s’exprimer clairement, .peut-être auffi à
delfein de rendre les connoiffances d’autant plus
eftimables qu’elles foroient moins communes.
On vit donc les rois d’Orient mettre leur gloire
dans les propojitioris obfcures , & fo faire un mérité
de compofor & de résoudre des Énigmes. Leur fà-
gefïè confîfioit en grande partie dans ce genre d’étude.
Un homme intelligent, dit Salomon , parviendra à
comprendre un proverbe, à pénétrer les paroles des
fàges & leurs fentences obfcures. C ’é.toit chez eux
l ’ulage , pour éprouver leur fàgacitéj de le préfonter
ou de s’envoyer les uns aux autres des Énigmes,
& d’y attacher des peines & des récompenfos.
Entre plufîeurs exemples que je pourrois alléguer
, je n’en rapporterai qu’un foui tiré de l ’Écriture
fainte , & je me forviraî de la traduélion des
théologiens de Louvain, quoiqu’en vieux langage,
parce que je n’ai préfontement que cette traduélion
fous les yeux.Voici les propres paroles du texte, facié,
ehap. x jv . du livre des Juges , verf. i z & fuivants.
Samfon dit : Je vous propoferai quelques pro-
pofitions : que Ji vous me baille\ la jolution dedans
les fept jours du convive , je vous donnerai
trente fines chemifes & autant de robes.
Verfi 13. Mais f i vous ne pouve\ me bailler
la folution, vous me donnerez trente fines chemifes
& autant de robes. Lefquels lui répondirent :
Propofe ta proposition, afin que Voyons.
Verf. 14. E t il leur dit : D e celui qui rnan-
geoit efi fortî la viande , & du fort efi venu la
douceur. E t ne purent par trois jours donner la
folution de la propofition. '
V e r f i *. E t quand le feptième jour fu t venu,
ils dirent à la femme de Samfon : Flatte ton mari ,
& luiperfuade qitil te déclare quelle chofe fignifie
la propofition.
V e r f 17. E t ainfitous les jours du convive elle
pleuroit devant lui ; & finalement au feptième jour y
comme elle le molefioit, i l lui expofii : laquelle
incontinent le f i t favoir à ceux de fon peuple.
Verf. 18. E t iceux lui dirent au feptième jour
devant le foleil couchant : Quelle chofe efi plus
douce que le miel, & quelle chofe efi p lus forte
' que le lion l Lors Samfon leur, dit : Si vous rieuf-
fie\ labouré avec ma genijfe, vous rièujfie\ point
trouvé ma propofition*
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Un lavant jurifoonfolte met cette Énigme au rang ^
des gageures , en matièrç de jeux d’efpnt ; & il
pourroit bien avoir raifon, car il y a une ftipu- J
lation de part & d’autre de trente fines chemifes i
& autant de robes. Cependant les philiftins agirent 1
de maùvaifo foi, en obligeant la femme de Samfon 1
de tirer de la bouche de fon mari l’explication de I
l’Énigme, & à la leur apprendre, au lieu de la ||
deviner par eux-mêmes. - . c ■' ; !
Aii relie, dans notre fïè.clé , Y Enigme propofee I
par Samfon ne foroit point dans les règles, parce
qu’elle ne rouloit pas fur une chofo ordinaire ou 9
un évènement commun , mais fur un fait particulier
, c’ eft à dire, for un de ces cas qu’il eft or-
dinairement prefque impoflible de deviner.
Quoi qu’il en foit, dans, ce temps-là on n’étoit j
pas fi fcrupuleux ; on ne cherchoit qu’a attraper ■ >;
ceux à qui an préfontoit des Énigmes à expliquer :
& c’eft un fait fi vrai, que ^intelligence des Enigmes, j j
ou des fentences obfcures, devint un proverbe H
parmi les hébreux, pourfignifier i’adreffea tromper,
comme on le peut conclure du portrait que Daniel, j
fait d’Antiochus Épiphanés. « Lorfque les iniqui- 9
tés Ce feront accrues, dit-il, il s’élèvera un roi 9
qui aura l’impudence fur le front, & qui compren- ^
dra les fentences obfcures. «
Le voile myftérieux de cette forte de fâgeffe la 9
rendit, comme il arrivera toujours, le plus eftimé 9
de tous les talents : c’eft pourquoi, dans un pfoaume 9
où il s’agit d’exciter fortement l’attention j le pfàl-1
mille débute en ces termes: »Vous, Peuples, écoutez I
ce que je vas dire. Que tous les habitants de la I
terre,.grands & petits, riches & pauvres, prêtent I
l’oreille; ma bouche publiera la fageffe. . . je dé-1
couvrirai fur la harpe mon Énigme. »
Outre les caufos que nous avons rapportées,qui I
contribuèrent à conforver long temps les Énigmes I
eri vogue , je çroirois volontiers que l’ufàge fies I
hiéroglyphes y concourut auffi pour beaucoup : en
effe t, quand on vint à oublier la lignification des I
hiéroglyphes, on perdit peu à peu, quoique très- I
lentement, l’ufàge des Énigmes.
Enfin elles reparurent lorfqu’on devoit le moins I
s’y attendre , je veux dire, dans le xvij. fiècle ; & I
ce n’eft pas, ce me fomble , par.cet endroit qu il I
mérite le plus qu’on le vante. Il eft vrai qu on I
habilla pour lors en Europe les Énigmes avec plus
d’ar t, de fineffe , & de goût, qu’elles ne l’avoîentl
été dans l’Afie on les fournit, comme tous les
autres poèmes , à des lois & à des réglés étroites, I
dont le père Méneftrier même a publié un traite
particulier.. Mais quelque décoration qu’on ait don-1
née aux Énigmes, elles ne fèrqht prefque jamais I
- que de folles dépenfos d’efprit-, des jeux de mots., I
des écarts dans la langue & dans, les idées. , r
Les gens de Lettres un peu diftingués du fiècle
paffé, qui ont eu la foibleffe de donner dans cçtte
mode & de Ce laiffer en traîner au torrent, foroient
bien honteux aujourdhui de lire leurs noms dans
la lifte de toutes fortes de gens oififs, & de voir I
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qn’utj temps a été qu’ils Ce faifoient un honneur
de deviner des Énigmes , & plus encore d annoncer
à la France qu’ils avoient eu affez. d’efprit pour
exprimer, fous un certain verbiage, fous un jargon
myftérieux & des termes, équivoques, une flûte,
une flèche, un éventail, une horloge.
Mais il faut bien fe garder de confondre de^ telles
inepties avec les Énigmes dun autre genre ; j en
tends ces fameux problèmes de la Geometrie tranl-
cendante, q ui, fur la fin du même fiecle, exercèrent
des génies d’un ordre, fupeneur. La folution
de ces dernières fortes. A'Énigmes peut avoir de
grands ufoges ; elle demande du moins beaucoup
de fagacité, & prouve qu’on s’eft rendu familière
la counoiffance de cette Géométrie fublime , dont
Newton a la gloire d’être le premier inventeur.
( t e chevalier de Jaucovrt.)
ENJAMBEMENT, C. m. Poéjie. ConfiruSion
vicieufo , principalement dans les vers alexandrins.
On dit qu’un vers enjambe fiir un autre , lorsque
la penfee du poète 'n’eft point achevée dans le meme
vèrs , & ne finit qu’au commencement ou au milieu
du vers fiiivant. Ainfî , ce défaut exifte toutes les
fois qu’on ne peut point s’arrêter naturellement a
la fin du vers alexandrin , pour en faire fon tir la
rime & la penfée, mais qu’on e'ft oblige de lire de
fuite & promptement l’autre vers, à caufe du fons
qui eft demeuré fiifpendu. Les exemples n’en font
pas rares ; en voici un foui :
Craignons qn’un Dieu vengeur ne lance fur nos têtes
La foudre inévitable,
Il y a ici un Enjambement, parce que le fons ne
permet pas qu’on fo repofo à la fin du premier vers.
Ce n’eft pas allez d’évitér l’Enjdmbement d un
vers à l’autre, il faut de plus éviter $ enjamber du
premier hémiftiche au fécond ; c’eft à^ dire, que fi
l ’on porte un fons au delà de la moitié du vers,
il ne faut pas l’interrompre avant la fin, parce qu’alors
le vers paroît avoir deux repos & deux céfures ,
ce qui eft très-dé {agréable. Il eft encore bien moins
permis à.’enjamber d’une fiance à l’autre. Voye\ les
auteurs fur la verfification françoifo.
Mais fi Y Enjambement eft défendu dans les vers
alexandrins , comme nous venons de le dire , il eft
autorifé dans les vers de dix iyllabes , & il y produit
même quelquefois un agrément, parce que cette
elpèce de vers, faite pour laPoéfîe familière, fouflre
quelques licences & ne veut pas être affiijettie
à une trop grande gêne.
Les poètes du fiècle paffé ne s’embarraffoient
guère de laiffer enjamber leurs vers les uns for les
autres ; c’eft à Malherbe le premier à qui l’on doit
la correéUon de ce défaut de la verfification. Par ce
fage écrivain , par ce guide fidèle , dit Defpréaux ,
Les'dances avec grâce apprirent à marcher,
Et le vers fur le vers n’ofa plus enjamber.
(Le chevalier d e J aucourt. )
E N S 71-î.
(N.) ENNÉHÉMIMÈRE, adj. Seminovmarins
Qui a la moitié de neuf parties ,'du Qui eft à la
moitié de neuf parties. Mot compofo des trois mots
grecs, tvnu, n euf , lipucrus, demi, & fteçoç 5 partie.
C’eft ainfî que l ’on défigne une céfure qui fo trouve
au neuvième demi-pied, c’eft à dire , qui fait la
première moitié du cinquième pied; exemple:
llle latus niveum molli fultus hyacinto ;
où la fyllabe tus devient longue comme céfore.
yo y e\ C ésure, Hephtèmimère, T rihémimèrb.
(M . E e a u z é e . )
- (N.) ENNEMI, ADVERSAIRE, A N T A G O NISTE.
Syn. Les. Ennemis cherchent à fo nuire ;
ordinairement ils fo haiffent, & le coeur eft de la
partie. Les Adverfaires font valoir leurs prétentions
l’un contre l’autre; ils fo pourfoivent fouvent avec
animofîté, mais l’intérêt a plus de part à leur conduite
que le coeur. Les Antagoniftes embraffent
des partis opposés; ils fo traitent quelquefois avec
aigreur, mais leur éloignement ne vient que de leur
différente façon de penfor.
, Le-s premiers font la guerre, veulent détruire, &
portent leurs coups jufques for la perfonne. Les féconds
conteftent, veulents’appropriercjuelque chofo
& en priver le compétiteur ; la cupidité eft le motif
le plus fréquent de leur defonion. Les troifiemes
s’oppofont réciproquement a leurs progrès, & veulent
chacun avoir raifon dans leurs dilputes ; le goût
& les opinions font prefque toujours l’objet de leurs
débats.
Il y a des nations dont les fujets naiffent Ennemis
de ceux de la nation voifine. Un riche_plaideur
eft un Adverfaire plus a craindre que le plus
éloquent avocat. Scaliger & Pétau furent dans leur
temps grands Antagonifi.es. ( Vabbé G ir a r d . )
(N . ) ENSEIGNER, APPRENDRE, INSTRUIRE
, INFORMER, FAIRE SAVOIR. Syn.
Enfeigner, c’eft uniquement donner des leçons»
Apprendre, c’eft 'donner des leçons dont on profite.
Inflruire, c’eft mettre au fait des chofos pac
•des Mémoires détaillés. Informer, c’eft avertir les
perfonnes des évènements qui peuvent être de quelque
eOnféquence. Faire f avoir, c’eft Amplement
rapporter ou mander fidèlement la chofo.
Enfeigner & Apprendre ont plus de rapport a
tout ce qui eft propre à cultiver l’efprit & à former
une belle éducation ; c’eft pourquoi on s’en
fort très à propos, lorfqu’il eft queftion des* arts
& des foiences. Inflruire a plus de rapport à ce qui
eft utile à la conduite de 1-a vie & au foccès des
affaires; ainfî, il eft à fa place, lorfqu’il s’agit de
quelque chofo qui regarde ou notre^ devoir ou nos
intérêts. Informer renferme particulièrement, dans
l’étendue' de for»fons, une idée d’autorité à l’égard
des perfonnes qu’on informe , & une idee de dépendance
à l’égard de celles dorit les faits font l’objet
de Y information ; c’eft par cette raifon que ce mot
Xxxx a