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dans 4ps ouvrages où l’on ne traite pas expreffément
des matières auxquelles ces termes appartiennent,
Aufli le Diétionnaire de Y académie a-t-il toujours
fait loi dans les queftions qui s’élèvent fur la propriété
d’un mot, d’un terme, ou d’une expreffion.
L ’éclat de la littérature francoifo eft t e l, que tous
les étrangers dillingués regardent comme le principal
objet de leur voyage en France, celui d’y connoître
perfonnellement les écrivains dont ils ont lu les,ou-
vrages. Le prince héréditaire de Brunfwick, qui reçut
à la Cour le plus grand accueil, en fit un pareil aux
gens de Lettres, & demanda l’entrée à une de nos
leances. Il y fut placé au milieu de nous , & participa
au droit de préfènce. Deux ans après Y académie
vit encore dans fbn afîèmblée un prince d’un rang
fupérieur , le roi de Danemarck. On lui donna la
place du directeur, & tous les académiciens prirent
leurs fauteuils foivant l’ordre de réception.
Lorfque le prince Charles, fécond fils du roi de
Suède, vint depuis à une de nos afTemblées publiques,
il n’v fut placé qu’après les trois officiers.
L ’année foivante fès deux auguftes frères, dont
l ’aîné venoit d’être proclamé ro i, vinrent dans notre
alîemblée particulière. Le roi même voulut y être
ïraité en académicien, & il en avoit le droit, puifqu’il
fèroit un membre diftingué de la littérature s’il n’étoit
pas né pour en être un des protecteurs.
Comme tout ce qui nous vient du roi, nous eft
. cher, je dois parler d’une faveur que Sa Majeflé nous
a faite ou plus tôt confirmée. On peut fè rappeler
que Louis X IV avoit voulu que des députés de l’rz-
cadémiè afliftaflènt aux fêtes qui fe donnèrent à la
Cour. Son augufie fiiccefïèur a eu la meme bonté à
celles qui fè font données àu mariage de Mgr. le
Dauphin , & a fîgné de fa main l’ordre d’y placer les
trois officiers de Y académie* Ils ont d<mc été admis à
tous les fpeétacles de la Cour & aux fêtes de l ’appartement,
où ils ont été repréfèntés par trois autres
académiciens gens de Lettres.
Après avoir rapporté ce qui s’eft pafTé dans Yacadémie
depuis le commencement du fîècle jufqu’à aujourd’hui,
je répondrai à une efpèce de reproche au
füjet des gens de la Cour qui occupent des places
parmi nous, Si dont le Publie paroît trouver Je nombre
trop confidérable. Il eft glorieux, fâns doute,
poulies Lettres, que des gens recommandables par la
naiflance & les dignités ambitionnent le titre d’A -
cadémicien ; mais le public n’a pas tort fur le nombre.
i ° . Ils occupent des places qui feroient plus utilement
remplies par ceux dont ces places excitent 1 émulation,
doivent être la récompenfo, & font le patrimoine.
z°. Ce mélange de Vrais 8c faux foigneurs
fait que les premiers fe trouvent foiblemertt honorés
d’un titre que quelques-uns peut-être s’imaginent
naïvement honorer eux-mêmes. Il y en a qui peuvent
croire que Y academie les a recherchés, parce qu’urt
ou deux complaifants, fans miflïon , leur ontfuggéré
ou fortifié le délîr de fe préfènter : je faifis cette
occafion de les détromper , de prévenir de pareilles
Uluftons, Si de les afliîrer que fa compagnie, pro-
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prément dite , n’en a jamais recherché aucun , quoiqu’il
y en ait toujours eu plufieurs dont le défîr d y
être admis a pu la flatter. Ce n’eft pas que Y académie
, pour choifîr fes fujets , doive attendre qu’ils
fè préfentent ; il y a même un règlement qui défend
les follicitations & jufqu’aux vifites des candidats.
L ’académie ne craint pas que fes places fo.ent refu-
fées ; il n’y en a point encore eu d’exemple. Le prétendu
refus du préfident de Lamoignon , nom d’ailleurs
fi cher à la Juftice & aux Lettres , fut le défir
de plaire à deux princes du fàng qui failbient, pour
l’abbé de Chaulieu fbn concurrent, les démarches
les plus vives , & qui, l’inftant d’après l’éledion
du préfident, le prièrent de s’en défifter : il en eft
parlé dans la fécondé partie de l’Hiftoire de l<z-
cadémie. Mais j’ajoûterai une particularité, qui fore
à prouver la liberté quê Louis X IV laifîoit dans
les élections ; puifqu’aù Heu de défendre formellement
celle de l’abbé de Chaulieu , homme d’un
elprit très-aimable , mais dont la vie trop peu
eccléfiaftique lui dépiaifbit, ce prince entra dans
une efpèce de négociation pour l’exclure. Il chargea
donc fècrètement Toureil , alors directeur, de
traverfèr l’éleétidn de l ’abbé, en préfentant quelqu’un
qu’on lui préférât. Toureil , ami du président
de Lamoignon , & qui favoit que ce magistrat
étoit dans le deffein de fè préfenter un jour-,
mais non dans ce moment-là, le propofa ; & fur
. fbn refus , le roi dit au cardinal de Rohan de’
fè préfènter. Mais quand par un excès de mo-
deftie la place ne fèroit pas ^acceptée , Y académie
auroit rempli fbn devoir, en faifant un choix approuvé
du Public. C ’eft tout ce qu’elle lui doit &
à elle-même. Depuis là réception de M» le cardinal
de Rohan , Y académie a toujours eu la fà—
tisfàéfcion de voir fur fès liftes le nom de Rohan.
M. le prince Louis a rendu Cet illuftre nom plus
cher que jamais à la compagnie , par des fervices
réels, par un zèle aufïi noble qu’éclaire pour la
gloire de Y académie , par fon amour pour les
Lettres & pour ceux qui les cultivent.
Si Y académie ne veille pas a^ec févérite à 1 execution
de fori règlement contre les vifites & les.
follicitations , c’eft que des gens ardents pourroienty
par des recommandations focrètes , profiter de la
foiblefiè de quelques académiciens, furprendre leurs
foffrages, & l’emporter fur le mérite modefte qui
fè tiendrait à l’écart. Les gens de Lettres ont donc
continué de fblliciter les places. Il eft vrai que-
la plupart, par des égards allez mal entendus , Ce
retirent, dès qu’ils fè trouvent en concurrence avec
des hommes puifiànts ou qui fè donnent pour tels»
académie veut bien alors faire céder les droits
aux prétentions , pour ne pasexpofèr un homme de
mérite fans appui au reflèntiir.ent que lui attirerait
fon fitccès de la part d’une cabale injufte & puiffante.
O n fait combien .cet abus a fait perdre a 1 zz-î
•cddémie de fujets excellents qui n’ofènt fè commettre,
contre le crédit & l’ intrigue. Une faute quff
font trop fouvent les co rps , e’eft de ne pas confia
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dérer les hommes pendant leur vie fous le point
de vue où ils les verront après la, mort. C eft
par là que le collège des cardinaux doit regretter
de, ne pas- voir fur fa lifte le nom de Boffuet, a
qui la catholicité devoit plus qu’à tous les cardinaux
de fbn temps. L ’académie a quelques reproches
pareils à fè faire. Si Fontenelle n’avoit pas
eu le courage modefte de perfifter plufieurs fois
dans .fà demande, Y académie en auroit peut-etre
été privée. Les noms de Molière , de Dufrefhy , de
Regnard, de S. Réa l, & d’autres, pour ne citer
que des morts , car j’ en pourrons citer des vivants,
ne manquent à la lifte que par des à|)us que Ya-
cadémie peut toujours réformer. La liberté que le
.roi nous laiffe & l ’égalité académique font nos
vrais privilèges, plus favorables qu’on ne le croit
à la gloire des Lettres , fur tout en France où les
récompenfès idéales- ont tant d’influence for les
efprits. La gloire, cette fumée , eft la bafo la plus
foHde de tout établifièment françois. Tel eft , heu-
reufèment pour ceux qui ont à nous gouverner , le
çaraétère national, & il a toujours été le même.
Charlemagne, ayant formé dans fbn palais une
fbçiété de lavants , voulut en être un des membres
; & pour faire difparoître toute diftinéhon de
rangs par une image d’égalité, il établit que, dans
les conférences , chacun adopteroit un nom .académique
: il prit celui de David ; Alcuin, celui
d’Horace ; ainfi des autres. Lorfque Charles-IX
f it , en 1^70, le plan d’une pareille fociété, il prit
dans les lettres-patentes le titre de protecteur &
premier auditeur d’icelle.
Le cardinal de Richelieu , cet homme fi defi-
potique, dont le miniftère fut un interrègne dans
îa vie de Louis X I I I , fèntit que les Lettres doivent
former une république qui n’admet de diftindion
que le mérite littéraire. Ses prétendus imitateurs
n’ont jamais mieux prouvé fa fopériorité for eux,
•qu’en s ’écartant de fes principes. Nous avouerons
que cinq Ou fix hommes, illuifires dans l’É tat, flattent
Y académie par la confraternité , mais on ne
doit pas craindre d’en jamais manquer. Plus le nombre
en fora reftreint, fans être fixé ( car un nombre
fixe pourroit dégénérer en honoraires, & ce
fèroit renverfèr le foui établifièment digne des Lettres
& le plus cher à ceux qui les cultivent ) ; plus
l’honneur d’en être fora recherché par ceux qui
joignent, à la naiflance , au rang , & aux places , le
goût de la littérature. L a lifte en fèroit plus courte;
mats on n’y liront point de noms équivoques. On
n y verroit pas moins en différents temps , ceux de1
Péréfixe , Huet , Dangeaii , .„Boffuet , Fénelon ,
Maflillon, Fléchier , Bufly-Rabutin , Polignac , &
autres , pouy ne citer encore que des morts parmi
ceux qu’on diftinguoit dans la république des lettres
quoi qu’attachés à l’Églife & à l’État par des
devoirs plus importants qu’ils remplifloient avec
honneur. Je ne parle point d’académiciens paffés &
préfonts, uniquement appliqués aux Lettres , fans
occuper de polies d’éclat, mais fans être inférieurs
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en naiflance à quelques-uns qui fè croient de la
Cour, parce qu’ils font des féjours à Ver failles. Il
n’eft pas inutile d’ôbforver què les foiviçes rendus
au corps ou aux membres par des académiciens attachés
à la Cour, l’ont été principalement par ceux
qui cultivent eux-mêmes les Lettres : tels que MM.
de Dangéau, dont j’ai parlé; M. le cardinal de
Bernis, à qui l’on doit le logement du fecrétaire ,
& à qui l’auteur de Radamifté dut la penfion' qui
le fit fobfifter dans fa vieiliefiè ; M. le duc de
Nivernois , d’un mérite*en tout genre fi reconnu ,
qui a toujours pris avec chaleur les intérêts du corps
& des particuliers, & a fi fouvent contribué à la
gloire de Y académie par la leéture de fès ouvrages
dans nos' afTemblées publiques. Je forai obligé de
parler un peu 'différemment d e . quelques-uns de
nos confrères dê la Cour, à l’occaüpn des repré-
fëntations que je ïne propofè de faire à Y académie»
Ce font les gens de Lettres qui font véritablement
connoître Y académie dans les pays étrangers. Voyez
les jours,où le Publia fe rend à nos afTemblées,
quels font les portraits qui attirent fbn attention l
Il pafîè rapidement devant ceux qui, ayant été beaucoup
pendant leur vie , 'ne font rien depuis leur
moirt. La curiqfité s’arrête fur ceux qui jadis ren-
doient des refpeéls, & à là mémoire delquels on
rend aujourd’hui des hommages.
J’ai fouvènt entendu demander pourquoi on ne
voit pas dans Y académie le portrait de Molière ,
dont elle a célébré la mémoire (a). On ne peut réparer,
plus hautement qu’on l’a fait, ce tort, fi c’en eft
un : je dis fî c’en eft un; car on ne' fait pas attention
que la tyrannie du préjugé ne s’eft éclipfée devant l’éclat
du nom de l’auteur, que depuis la mort du comédien
; nos improbateurs reclameroient encore aujourd’hui
pour ce préjugé en pareille cîrconftance. Oa
déclame vaguement contre les préjugés, & malbeu-
reufoment on n’abjure que ceux qui font honnêtes
& gênants.
Je finis en délirant que Y académie montre dans
fès choix toute la liberté que le roi lui donne &
dont les autres compagnies de lavants n’ont que
l’image : qu’on ne puifîè lui appliquer ce que
Montefquieu a dit de la Pologne , qui ufè quelquefois
fi mal de la liberté & du droit qu’elle a d’élire
fos rois, qu’elle fomble vouloir confbler foe
voifîns qui ont perdu l’un & l ’autre.
A cad ém ie R o y a l e des Inscriptio ns e t
B elles- L e t tr e s . A quelque degré de gloire que
la France fut parvenue fous les règnes de Henri
IV & de Louis X I I I , & particulièrement après la
paix des Pyrénées & le mariage de Louis X IV ;
(a) Son butte y a cté placé depuis ; & au défions , on lit e«
vers :
Rien ne manque à fa gloire, il manquoit à la nôtre.
C’ eft un don fait à l’académie par M. d'Alemberz, <jU|
remplie avec autant de zèle que de talent la place de Secretaire
perpétuel. I 1