
Une Antiptofe. Figura-hase > dit SandiuS , ( Mine
rv. IV , xijj ) latinos canones excedere videtur ;
nihil inïperitius ; quod figmentum Ji effet verum ,
frujlrà quæreremus quem cafum verba regerent.
Nous ne connoiflons point d’autres figures de
conftrudion que celles dont nous parlerons au mot
Co NSTRUCTION.
Le même fonds de pensée peut fôuvent être
énoncé de differentes manières : mais chacune de
çes manières doit être conforme à l’analogie de la
langue. Ainfi l’on trouve urbs Roma par la rai-
ion de l’identité : Urbs eft alors confidéré adjectivement
, Roma quas eji urbs. Et l’on trouve auffï
urbs Romce , in oppido Antiochiæ. Cic. B ut rôti
afeendimus urbem. Virg. alors Urbs eft confidéré
Comme le nom de l’efpèee , nom qui eft enfuite
déterminé par celui de l’individu.
Parmi ces différentes manières de parler, fi nous
en rencontrons quelqu’une de celles que les grammairiens
expliquent par l’Antiptofe , nous devons
d’abord examiner s’il n’y a. point quelque faute du
copifte dans le texte ; enfuite, avant que de recourir
à une figure déraifônnable, nous devons voir
fi l’exprefïion eft affez autorisée par l’ufàge , & fi
nous pouvons en rendre raifôn par l’analogie de
la langue ; enfin , entre les differentes manières
de parler autorisées , nous devons donner la préférence
à celles qui jfônt le plus communément
reçues da»« l’ufàge ordinaire des bons auteurs.
Mais expliquons à notre manière les exemples
ci-deffus, dont communément on rend raifôn par
l ’Antiptofe.
A l’égard de it eldmor cælo ; cælo eft au da tif,
qui eft le cas du rapport & de l’attribution, c’eft
une façon de parler toute naturelle; & Virgile ne
s’en eft fervi que parce qu’elle étoit en ufàge en
ce fèns , aufïi bien que ad caelum ou in césium.
N e dit-on pas aufïi, mittere epijlolam alicui , ou
ad aliquem ? - Urbem quant jiatuo vejlra ejl , eft une confi-
trudion très-élégante & très-réguliere , qu’il faut
réduire à la conftrudion fimpie par l’Ellipfc ; &,
pour cela, il faut obfêrver que le relatif, q u i,
quæ , quody n’eft qu’un fimpie adjedif métaphysique
; que par conséquent il faut toujours le conf-
iruire avec fôn fùbftantif, dans la propofition incidente
où il eft : car c’eft un grand principe de
fyntaxe , que les mots ne font conftruits que félon
les rapports qu’ils ont entre eux dans la meme propofition
; c’eft dans cette feule propofition qu’il
faut les çonfîdérer, & non dans celle qui précède,
ou dans celle qui fuit: ainfi, fi Pon vous demande
la conftrudion de cet exemple trivial, U eus quem
adoramus ; demandez à votre tour qu’on en achève
le fêns, & qu’on vous dite , par exemple, Deus
quem adoramus , ejl omnipotens : alors vous ferez
d’abord la conftrudion de la propofition principale
, Deus ejl omnipotens ; enfuite vous pafi*
ferez à la' propofition incidente & vous direz , nos
adoramus quem Dçum.
Àiniî , le relatif qui y quæ y quod y doit toujours
être confidéré comme un adjectif métaphyfîqifè ,
dont le fùbftantif eft répété deux fois dans la même
période, mais en deux propofitions différentes; &
ainfi, il n’eft pas étonnant que ce nom fùbftantif
fôit à un certain cas dans une de ces propofitions,
& à un cas différent dans l’autre, puifque les mots
ne fè conftruifènt & n’ont de rapport entre eux que
dans la même propofition.
- Urbem quant jiatuo , vejlrznjli'je vois là deux
propofitions , puifqu’il y a deux verbes : ainfi , conf-
truifons à part chacune de ces propofitions ; l’une
eft principale, & l’autre incidente; vejlra ejl y ou
ejl vejlra y ne peut être qu’un attribut. Le fêns
fait connoître que le fùjet ne peut être que urbs : je
dirai donc, hæc urbs ejl vejlra y quam urbem Jiatuo.
Par la même méthode j’explique le paliage de
Térence , ut j'abulæ, quas fabulas Jèciffet, placèrent
populo. C’eft donc par PEllipfe qu’il faut
expliquer ces pafïàges, & non par. la prétendue
Antiptofe de Defpautère & de la foule des grain-
matiftes.
Pour ce qui eft de venit in mentem illius d ie i,
il y a aufïi Ellipfè ; la conftrudion eft memoria ,
cogitatio y ou recordatio hujus diei venit in mentem,
( M . d u M a r s a is .)
ANTI-SIGMA, f. m. Gramm. Ce mot n’eft que
de pure curiefîté ; aufïi eft-il oublié dans le Lexicon
de Martinius, dans l’ample Tréfbr de Fabre, & dans
le Novitius. Prifcien en a fait mention dans fôn I.
liv.au ch. De litterarum numéro & ajfinitate. L ’empereur
Claude, dit-il, voulut qu’au lieu du ■>{- des
grecs , on fè fèrvit de l’Antifigma figuré ainfi )(':
mais cet empereur ne put introduire cette lettre.
Huic S præponitur P , & loco ir græcoe funghur ,
pro quâ Claudius Cæfar Anti-figma ) hâc figura
feribi voluil : fed nulli atiji funt antiquam ferip-
turam mu t are.
Cette figure de Y Anti-figma nous apprend l’étymologie
de ce mot. On fait que le Sigma des grecs,
qui eft notre ƒ , eft repréfènté de trois manières
differentes , <r, ç , & î c’eft cette dernière figure
adoffée à une autre, tournée du côté oppofé, qui
fait l’Antifigma , comme qui diroit deux Sigma
adofïes, oppofes l’un à l’autre. Ainfi, ce mot eft com-
pofé de la prépofition ùvr) 8c de o-lyga.
Ifidore , au liv. I. de fes Origines, c, xx. où
il parle des notes ou lignes dont les auteurs fè font
fervis, fait mention de l’Anti-figma ; qui, félon lu i,
n’eft qu’un fimpie ( , tourné de l’autre côté ). On
Ce fèrt, d i t - i l , de ce ligne, pour marquer que l’ordre
des vers vis-à-vis defquels on le met , doit être
i changé, & qu’on le trouve ainfi dans les anciens
i auteurs. Anti-figmaponitur ad eos verfus quorum
: or do permutandus ejl, ficut & in antiquis auclo-
! ribus pofitum invenitur.
L ’Anti-figma pcurfiiit Ifidore, fè met aufïi à la
marge avec un point aù milieu lorfqu’il y a
deux
deux vers qui ont chacun le même fêns , & qu’on-
ne fait lequel des deux eft à préférer. Les variantes
de la Henriade donneroient fôuvent lieu à de pareils
Antifigma. (M . D u M a r sa is . )
(N.) ANTISPASTE. f, m. Terme de la Poéfîe
grèque & latine, qui défîgne un pied de quatre fÿlla-
bes, renfermant un ïambe & un trochée où chorée,
c’eft à dire, deux longues entre deux brèves ; comme
secündâre , cordnâré , recüsâre, & c .
On a donné à ce pied le nom d’Antifpajle, en I
grec A'vrhrTraçoç , du verbe uvt imuyai ( in' contrariant
trahi ) ; parce que fa première moitié eft un
ïambe ayant une' brève & une longue, & la féconde
moitié eft un chorée ayant une longue & une brève,
ce qui fait deux pieds fimples contraires entre eux.
RR. ùvti ( contra ) , & mua ( traho ).
Je dois obfêrver que dans Y Encyclopédie on appelle
ce pied Antipajle en fùpprimant la première
s ; & que ce n’eft pas une faute d’imprefïion , puisqu’il
eft dans le rang alphabétique que lui afïigne
cette orthographe. Mais l ’étymologie qu’on vient de
voir exige Antifpajle, & les grammairiens ri’ont
jamais dit autrement. ( M. B e a u z é e . )
(N.) ANTISTROPHE , C. f. Ce mot eft compofé
de ùvri y qui marque ou oppofîtion ou alternative , &
de çpo<pé( tour ) , qui vient de ?jt<pa (je tourne). Selon
cette étymologie , Antijlrophe fîgnifiedonc Tout-
contraire ou Tour alternatif ; deux fêns très-differents
, dans lefquels on a par le fait entendu ce terme.
I. L ’Antijlrophe y dans le fêns de Tour contraire y
eft une figure d’Elocution , qui répète dans un ordre
renverfé des mots corrélatifs , dont elle renverfè
de même la corrélation. » Par exemple, dit M. du
» Marfàis, fi , après avoir dit le valet d'un tel
» maître y on ajoute & le maître d'un tel valet, cette
» dernière phrafè eft une Antijlrophe , une phrafè
» tournée par rapport à la première «.
Ajoutons à cet exemple , allez peu utile , quelques
mots de Cicéron, qui feront mieux connoître
l ’efTence de cette figure & l ’ufàge qu’on peut en faire :
Qratiam autem , &
qui refert, habet ; &
qui habet , in eo ipfo
quod habet refert. ( Pro
Plane, xxviij, 68»)
Dixijli enim , non
auxilium mihi, fed me
auxilio defuiffe. ( Ib.
xxxv, 86, )
Quanta la reconnoiiïàn-
ce, en remplir les devoirs,
c’eft l ’avoir dans le co?ur ;
& l’avoir dans le coeur,
c’eft par là même en remplir
les devoirs.
Car vous avez dit, que
ce n’eft pas le fècours qui
m'a manqué , mais que
c’eft moi qui ai manqué au
fècours.
Velléius-Paterculus, parlant de ce Varus qui périt
en Germanie avec fôn armée par les rufès d’Armi-
nius, s’exprime ainfi au fùjet de fôn avarice:
Pecunics vero quam Combien peu il dédai-
non contemptor, 6’yr/Vz, gnoit l’argent, la S y r ie,
Gramm, et L it t é r a t . Tome I .
cui præfuerat , decla- dont il avoit eu le comman-
ravit y quam pauper dement, l ’a bien prouvé ;
divitem ingreffus , di- car étant entré pauvre dans
ves pauperem reliquit. cette province qui étoit ri-
( Lib. II. Ivij. 1 1 7 .) che , il en fôrtit riche & la
laifïa pauvre.
Si 011 ne prend garde qu’au renverfèment des mots,
il eft évident que C Antijlrophe n’eft autre chofè que
1 A mimé labo le \ que , fi on envifàge le renverfèment
de la penfee , c’eft VAntimétalepfe ; & que ,,fî on
tient compte de l ’un & de l’autre, c’eft YAntimeia-
thèfe. ( jye\ ces mots. ) Il eft donc d’autant plus
inutile de garder le terme à!Antijlrophe dans ce
premier fèns, qu’il en a un fécond, qui ne peut & ne
doit être rendu par un autre mot.
Avant d’y paflèr , je remarquerai ce que dit M.
du Marfàis à la fin de cet article de Y Encyclopédie.
a On rapporte , dit-il, à cette figure ce paf-
» Page de S. Paul f II. Cor. x j. z z . ■ ) •: Hæbrcéi
» J'unt y & ego ; ifrdèlitæ fu n t , & ego ,• femen
y Abrahæ funty & ego «. On a tort de rapporter
ici cet exemple ; il appartient à l’efpèce de Répétition
qu’on appelle Converfion ( voye\ ce mot ) , fi
l’on ne prend garde qu’aux mots ; fi Pon a égard
au tour de la penfee, c’eft une Subjedion ( voye\ ce
mot ). M. du Marfàis n’auroit pas du traduire
Antijlrophe par Converfion / & cette tradudion
même ne devoit pas le tromper fùr la nature de là
chofè, après le premier exemple qu’il en avoit donné.
IL L ’Antijlrophe , dans le fèns de Tour alterna-
t i j y eft un terme de l’ancienne Poéfie lyrique des
grecs. On diftinguoit alors dans l’Ode trois parties
; la Strophe , Y Antijlrophe , & YÉpode ; & l’un
donnoit à la réunion des trois le nom ‘àt Période
ce que nous pourrions appeler Couplet à trois Jlan-
ces.j M. de la Motte , dans fà fable des dieux d'É -
gypte y paroît en donner la meme idée s
Strophe, Antijlrophe , Épode., harmonieux ramas.
La Strophe & Y Antijlrophe contenoient le même
nombre de vers , & de vers de pareille mefôre ; &
elles pouvoient fè chanter fùr le même air î.l’Épode
étoit en vers d’une autre mefùre ,en avoit quelquefois
moins ,f& fè chantoit confequemment fur un autre air.
L ’Antijlrophe étoit comme une réponfè à la Strophe
; l’Épode étoit comme la conclufîon & le corn*-
plément des deux : les trois enfèmble formoient la
Période. Une fèule Période pouvoit faire une Ode ;
mais fôuvent une Ode étoit compofe de plufieurs
Périodes confecutives. Prefque toutes les Odes de
Pindare font de ce genre. ( M. B eauzée. )
* ANTITH È SE , C f. ( B e ll. Lettres,) Figure
qui confifte à oppofèr des penféés les unes aux
autres , pour leur donner plus de jour.
» Les Antithèfes bien ménagées, dit le Père Bou-
» hours , plaifènt infiniment dans les ouvrages d’ef-
» prit ; elles y font à peu près le même effet que
» dans la Peinture les ombres & les jours , qu’un
» bon peiirtre a Part de difpenfèr à propos, ou dans
C s