
iS<f A N A
» montre* lâchement & fans compon&îon : vous
» ave\ vécu irréfolu , faifant fans celle des projets
» de pénitence & ne les exécutant jamais ; vous
» mourrez plein de défirs & vide de bonnes oeuvres.
» vous avet^, vécu inconfiant, tantôt au monde
» tantôt à Dieu , tantôt voluptueux & tantôt pe-
» nitent, & vous laiffant décider par votre goût
» & par l’afcendant d’un caradère changeant &
» léger ; vous mourre\ dans ces trilles alternatives,
m & vos larmes au lit de la mort ne feront que
» ce qu’elles avoient été pendant votre vie , c eit
» à dire , un repentir pafïager & fûperfîciel, des
» fèupirs d'un coeur tendre & fènfible, mais non
» pas d’un coeur pénitent. En un mot vous mourrez
» dans votre péché ; dans ce pèche , ou vous
» croupiflez depuis fi long temps ; dans ce peche>
w qui efl plus à vous que tous les autres , parce
» qu’il domine dans vos moeurs & dans votre
» tempérament ; dans ce pèche, qui eft comme
» né avec vous, & qu’une .vie entière na^pu
» corriger. « ( Lundi de la II. feni. de% Carême.
Part. i. ) ,
Citons un exemple de Cicéron : il commence
ïà I. catilinaire par une vigoureufê apoflrophe^ a
Catilina, & continue ainlî par une Anaphore tres-
prefïànte :
Nihil-ne te noclurnum
proefidium P a la t ii, ni-
hil urhis vigïlice , nihil
timorpopuli, nihil con-
curfus bonorum omnium
, nihil hic munitif
fimus hàbendi Senatûs
locus , nihil horum. or a
vultufque moverunt ?
ceux qui font i c i , n’ont
fîon ?
Quoi ni la garde qu’on
fait la nuit fur le mont Palatin
, ni les fèntinelles ré
pandues dans la ville , ni
la terreur du peuple , ni le
concours de tous les gens
de bien , ni le choix de
cette fortereffe pour y convoquer
le Sénat, ni les regards
& la contenance de
’ait fur vous aucune impref
Quelque ufàge que l’on fafTe de cette figure, il
eft aisé de lentir qu'elle eft fingulierement propre
à fixer l’attention , à faire des impreffions profondes
; parce qu’elle appuie d’une manière*marquée
fur les idées qu’on veut inculquer , fur les
motifs qu’on veut fa ire^ n tir , fur les objets auxquels
on veut intéreiïer. D’où il fuit qu une^ Anaphore
qui n’appuieroit;que fùrdes idees indifférentes,
fcroit un vice plus tôt qu’un ornement dans 1 Elocution.
. , V
Anaphore, fignifie en grec Répétition. A ycupopu,
du verbe - ùycKpîpo , composé-de oeva ( re , rurjutn )
& de (ptçco, ( fero*). C’eft donc fimpiement le nom
du genre, q u i, fous une autre formée,. eft applique
à une efipèce particulière & fert à la diftinguer.
( M . E e a u z é e . )
(N.) ANASTROPHF. f f Efpèce/particulière
d’Inverfion ( Poye\ I n v e r s i o n ) , qui renverfe
l’ordre naturel qui doit être encre, deux mots dont
A N K
l ’uil eft nêcefTairement lié à, l'autre. Mecitm■ , fe-*
cum , fscuni , nùbijcum, vobifcum , quocum r
quibufcum , au lieu de cum me , cum. te , cum
Je , cum nobis , cum vobis, cum quo ; cum qui-
biiS y font des exemples d' Anafirophe , rècus dans-
la langue latine à l’exciufion même des phrafès
naturelles. ■ }
Quintilien cite auffi quibus de rebus ; & l'on
peut par conséquent y ajouter toutes les çonflruétions
pareilles, quam ob rem ou quamobrem , quapropterr
quocïrca , quem ad jinem , quo ufque , quate-*
nùs , &c. ' ” ' ■
Virgile en fournit des exemples remarquables r
Saxa p en & Jcopulos (III. Georg. Z76 ) ‘, ltaf,
liam contra ( I. Æn. 13 ) ; 'Tranjlra per & remos
( V . Æn. 663 ) ; au lieu de per ja x a & Jcopulos ,
contra Italiam , per tranjlra. & remos.
Properce a une locution de ce genre qui paroîfc
hardie, quam p r iiis pour priùs quam.
Les premiers exemples, où cum eft tranfposé v
ont été introduits par l’Euphonie , ou meme par
une forte d’Euphémilme ; les autres, ou le con-
jonétif fè trouve à la tete , font dus à la néceffite
de le rapprocher le plus qu’il eft poflible de fon
antécédent : ces deux raifôns font plaufibles partout
. & c’eft pour cela que ces manières de parler
font devenues communes dans.ia proie j mais, comme
fi on avoit voulu rapprocher le mot tranfposé de
fà place naturelle, on n’en a fait qu’un mot avec.
celui: qui le déplace; mecum y vobifcum y quamobrem
y quapropter y & c. Quant aux e x em p t de
Virgile & de Properce, ils viennent de la contrainte
de la verfification ; & c’eft pour cela quon n ept
trouve point de pafeils en profë : ce font des li-<
cences , c ’efl à dire , - des fautes réelles.. .
Iî auroit donc fuffi d’employer lé terme- d’i>z-
verfzon, pour défigner le renverièmérit des exemples-
univèrfellement adoptés ; & par rapport à eeux qui
ne paroiffent être que des hardieffes poétiques , il
falloir fe fervir du terme d'Hyperbàte ou de celui
de S y n c h ife , félon le jugement qu’on en auroie
porté ( F~oye\ ces mots) ; la multiplication iqlitil®
des termes ne vient que de la confufîon dçs idees
& la produit à fon tour. ' • J %
Notre langue, effenciellement attachée a. 1 ordre-
analytique, toutefois , d it-o n , autorise une ef-
pèce d’ Anaflrophe à l’égard de la prépofition durant x.
& .en effet l ’on dit très-bien, I l Joiurçi de ce re-
venu fa- vie durant y II a eu la fièvre f i x mois-
durant, T ai été chargé de cette tutelle huit ans
durant ; plus tôt que durant fa v i e , durant fix-
mois y durant huit ans. Maison fe trompe en tout
cela. Durant fa vie efl une véritable Inverfion de
l’ordre analytique; fa'vie durant eft dans 1 ordrex
f a vie eft le fujet de durant y participe du verbe
durer ; & l'ufage fréquent de l’Inverfion, dans
. une langue analogue, a fait croire que durant etoit
, une prépofition.
Anaflrophe en grec fignifie Renverfemem ou
Inverfion, parce .qu’en effet l’ordre naturel des
A N C
mots cortéîatifs y eft renversé. A ’varpôtpïiy de uvct,
rètio ) & de f pttpa ( verto ). ( M . H eauzjSe, )
(N .) A N C Ê T R E S , A ÏE U X , PÈRES. Syn.
Ces expreffions ne font fynonymes , que lorfque ,
ftins avoir égard à fà propre famille , ondes applique
en général'& indiftinétement aux perfbnnes de la
nation qui ont précédé le temps auquel nous vivons.
Elles diffèrent en ce qu’il fe trouve'entre elles une
gradation d’ancienneté; de façon que le fiecle de
nos Pères a touché au nôtre , que nos Aïeux les
ont devancés, & que nos Ancetrès font les plus
reculés de nous.
Les u(âges changent fî promptement en France, *
que, fî nos Pères revenoient au monde, ils ne
reconnoitroient point l’éducation qu’ils ont donnée
à leurs enfants ;!ï& nos Aïeux imagineroient que
des étrangers ont pris la place de leurs neveux.
Quelque refpeâahle que foît ce que nous tenons
de nos Ancêtres y il ne doit point l’emporter fur ce
que didé la raifon, l^Vabbe G ir a r d . )
Nous fommes defcendants des uns & ‘des autres:
mais fî l’on veut païticularifèr cette defcendance;
il faut dire que nous fômmes les enfants de nos
Pères, les neveux de nos A ïe u x , & la pojlêritê
de nos Ancêtres. Le ledeur me pardonnera , fî je
lui rappelle à ce fîijet une belle flrophe d’Horace
( III. Od- vj. 4? ) , & l ’hepreufè imitation qu’en a faite J. B. RoufTeau ( I . Fp.\). i a p ) ;
Damnofa quid non imminuit dies ?
JEtas Parentum , pejor Avis , tulitt
Nos nequiores, mox daturos
Progeniem vitiojiorem-.
Chaque âge vit augmenter nos mxfères Ç
Et nos Aïeux , plus méchants que leurs Pères,
Mirent au jour des Fils plus méchants qu’eux 3
Bientôt fuivis pat de pires Neveux.
Au refie, quoi qu|en difè l’abbé Girard, je
crois qu’on peut fè fèrvir dés mêmes termes ,
pour exprimer la defcendance des familles , avec les
mêmes différencesprifes de la gradation d’ancienneté.
Le fàge , content de la fortune médiocre de fes
Pères y ne fbnge point à l’augmenter par des intrigues
ou des indignités : fupérietir aux goûts éphémères
qui fôutiennent le tourbillon preuigieux des
modès, il honore & confèrve la louable fîmpiieité
de fes A ïeu x ; & il ne voit, dans la nobleflè
qu’il tient de fès Ancêtres, que l’obligation qu’elle
lui impofë de mériter la nobleflè perfonelle que la
vertu* fèule peut donner.
Juftifierai-je dans cet exemple le choix des
termes ? Une fûcceffïon immédiate tranfmet la fortune
des Pères aux Enfants. L e contrafle de la
fîmpiieité des moeurs avec l’afféterie des modes
paflàgères efl aflèz fènfible entre les A ïeu x &
leurs Neveux ; il ne le fèrôit prefque pas à une
moindre diflance, entre les Pères & les Enfants ; il
ièroit choquant à une plus grande diftançe, les An-
A N C 1S7
cêtres étant,, à cet égard, pour leur Pofièritê, de9
gens d’un autre monde.
On fait quel relief la Nobleflè tire de fon ancienneté
: aimant à s’envelopper dans les ténèbres
des temps les plus reculés , elle oublie fès Pères,
fès A ïeu x y & ne parle que de fès Ancêtres. Toutes
ces expreffions fè rapportent évidemment à la defcendance
des générations dans une même famille* JIM. Beauzée. ) .
(N.) ANCÊTRES , PRÉDÉCESSEURS. Syn.
Chacun de ces mots, défigné ceux à qui l’on fuc-
cède dans un certain ordre , & c’eft la différence
de cet ordre qui fait la lignification des deux termes.
Le premier eft relatif à l ’ordre naturel ; le
fécond, à l’ordre politique ou fécial. Nous fùccédons
à nos Ancêtres par voie de génération ; leur fàng
coule dans nos veines. N^>us fùccédons à nos Pré-
de'ceffeurs par voie de fait & de fubftitution ; leurs
emplois ont paffé de leurs mains dans les nôtres.
Les Ancêtres d’ün roi font des hommes dont il
defeend par le fàng ; fès Prédéceffeurs font les rois
qui ont occupé le même trône avant lui. Ainfi , les
rois de france, depuis Philippe le Hardi jufqu’à Henri
I I I , font les P rédéceffeurs de Henri IV , fàns être
fès Ancêtres : les princes de la maïfôn de Bourbon,
en remontant depuis Antoine, roi de Navarre , ju fqu’à
Robert, comte de Clermont en Beauvoifis, fils
de fàint Louis , font les Ancêtres de Henri IV , &
non fès P rédéceffeurs fur le trône de France : les
rois depuis fàint Louis , en remontant jufqu’à Hugues
Capet, font fès P rédéceffeurs & fes Ancêtres.
{M. E eauzée. )
ANCIENS, f . m. y l ( Belles-Lettres,) ; Il fe dit
particulièrement des écrivains & des artifles de l’ancienne
Grèce & de l’ancienne Rome.
Dans les dialogues de Perrault, intitulés , Parallèle
des Anciens. & des Modernes , l’un des interlocuteurs
prétend que c’efl nous qui lômrnes les A n ciens.
» N ’efl-il pas v ra i, dit-il, que la durée du
monde efl communément regardée comme celle de
la vie d’un homme ; qu’elle a eu fon enfance y fà
jeuneflé , & fôn âge parfait ; & qu’elle efl préfènte-
ment dans la vieiileflè ? Figurons-nous de même,
que la nature humaine n’eft qu’un fèul homme. II
efl certain que cet homme auroit été enfant dans
l'enfance du monde, adolefcent dans fônadolefcence,
homme parfait dans la force de fôn âge , & que
préfentementle monde & lui fèroient dans leur vieil-
leffè. Celafuppofe, nos premiers pères ne doivent-ils
pas être regardés comme les enfants ; & nous, comme
les vieillards & les. véritables Anciens du monde?
Ce fophifme ingénieux, d’après lequel on a dit -
plaifàmment, Le monde efl fi vieux q iïil radote ,
a été pris un peu trop à la lettre par l’auteur du
Parallèle. Il peut s’appliquer avec quelque juftefie
aux connoiflànces humaines , au progrès des feien-*
ces & des arts , à tout ce qui ne reçoit fôn accroiflè-r
oient & fa maturité que du temps. Mais qu’il eij
A a %