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eft à merveille, lorfqu’il eft queftion des fèrvices ou
des malverfations de gens employés par d’autres,
& de la manière dont fe comportent les enfants, les
domeftiques, les fujets, enfin tous ceux qui ont à
rendre raifbn à quelqu’un de leur conduite & de
leurs aérions. Faire Javoir a plus de rapport à ce
qui fatisfait fimplement la curiofité ; de forte qu’il
convient mieux en fait de nouvelles.
Le profefleur enfeigne dans les écoles publiques
ceux qui viennent entendre fês leçons. L ’hiftorièn
apprend à la pofiérité les évènements de fon fîècle.
L e prince injlruit fès ambafladeurs de ce-qu’ils ont à
négocier: le pèreiti/lruitauftiCes enfants delamanière
dont ils doivent vivre dans le monde. L ’intendant in- '\
forme la Cour de ce qui fè pafîè dans la province ;
comme le fiirveillant informe les fupérieurs de la
bonne ou mauvaifè conduite de ceux qui leur font
fournis. Les correfpondants fè font /avoir réciproquement
tout ce qui arrive de nouveau & de remarquable
dans les lieux où ils font.
Il faut fâvoir à fond, pour être en état d’enfeigmr.
Il faut avoir de la méthode & de la- clarté , pour
apprendre aux autres; de l’expérience &,de l’habileté
, pour bien inflruire ; de la prudence & de la
fîncérité , pour informer à propos & au vrai ; .des
foins & de l’exaditude , yout faire Javoir ce qui
mérite de n’être pas ignoré. «
Bien des gens le melent rienfeigner ce^qunls de-
vroient encore étudier. Quelques-uns en apprennent
aux autres plus qu’ils n’en lavent eux-mêmes.
Peu font capables d'inflruire. Plulieurs prennent la
peine, fans. qu’on les en prie , S'informer les .gens
de tout ce qui leur peut être défagréable. Il y en
a d’autres qui, par leur indilcrétion , fontfavoir à
tout le monde ce qui eft à leur propre défavan-
éage. ( U abbé G i r a r d . )
(N.) ENTENDRE , COMPRENDRE , CON C
E V O IR . Syn. Se faire des idées conformes aux
objets prélèntés, c’eft la lignification commune de
ces mots. Mais Entendre marque une conformité
qui a précifément rapport à la valeur des termes
dont on fè fèrt. Comprendre en marque une qui ré-,
pond dire&ement à la nature des chofès qu’on explique;
& celle qu’exprime le mot de Concevoir
regarde plus particulièrement l’prdre & le deffein
de ce qu’on fè propolè. Le premier s’applique très-
bien aux circonftances du dilcours , au ton dont on
parle, au tour de la phralè , à la délicatelïè des
expreftïons ; tout cela s'entend. Le fécond paroît
mieux convenir en fait de principes, de leçons, de
«onnoiffances fpéculatives ; ces choies fè comprennent.
Le troifième s’emploie avec .grâce pour les
formes, les arrangements, les projets, les plans ;
enfin tout ce qui dépend de l’imaginatien fè conçoit.
On entend les langues; on comprend les fciences;'
& l’on conçoit ce qui regarde les arts.
Il eft difficile d’entendre ce qui eft énigmatique,
de comprendre ce qui eft abftrait, & de concevoir ce
qui eft confus.
La facilité d’entendre défîgne un efprit fin f celle
de comprendre défîgne un efprit pénétrant : celle
de concevoir défîgne un- efprit net & méthodique.
L e courtifàn entend le langage des pallions.
L ’homme doéte comprend les queftions métaphyfi-
ques de l’école. L ?architede conçoit le plan & l’économie
des édifices.
Tout le monde n’entend pas ce qui eft délicat ,
ne comprend pas ce qui eft relevé, & ne conçoit
pas ce qui eft grand.
Il faut parler clairement à ceux qui n’entendent.
pas à demi-mot; ne s’entretenir que de chofès communes
& fenfibles avec ceux qui n’en peuvent pas
comprendre de fùblimes ; & mettre, autant que la
converfation le permet, de l ’ordre dans fon discours
, afin' d’aider l’idée des autres à concevoir la
nôtre. ( L'abbé Girard.)
(N) ENTENDRE, É CO U TER , O U ÏR , Syn*
Entendre , c’eft être frapé des fons. Ecouter, c’eft
prêter l’oreille pourTes entendre. Quelquefois on
ri entend pas , quoiqu’on écoute ; & fouvent on entend
fans écouter. Oiiir n’eft guère d’ufàge qu’au
prétérit; il diffère ri Entendre en ce qu’il marque
une fènfâtion plus confufè ôn a quelquefois ouï
parler fans avoir entendu ce qui a été dit.
Il eft fouvent à propos de feindre de ne pas entendre.
Il eft malhonnête ri écouter aux portes. Pour
répondre jufte, il faut avoir owïdiftinâement. {Vabbé
Girard. )
(N.) EN T Ê T É , OPINIATRE, T Ê T U , OBSTINÉ.
Syn. Ces épithètes marquent un défaut qui
çonfîfte dans un trop grand attachement à fon fèns.
Mais ce défaut dans un Entêté: fèmble venir d’un
; excès de prévention, qui le séduit, & qui , lui faifànt
regarder les opinions qu’il a embraflées comme les
: meilleures, l’empêche d’en aprouver & d\n goûter
- d’autres. Dans un Opiniâtre, ce défaut paroît être
l’effet d’une confiance mal entendue, qui le confirme
dans fes volontés, & qui, lui faifànt trouver delà
honte à avouer le tort qu’il a , l’empêçhe de. fè ré-
tra&er. Dans un Têtu, ce défaut vient d’une pure
indocilité ou bonne opinion de foi-même, qui fait
que, fè confultant feul, il ne compte pour rien le
fèntiment d’autrui. Dans un Obfliné:, ce défaut me
paroît provenir d’iine efpèce de mutinerie affedée ,
qui le rend intraitable, & qui, tenant un peu deVim.-
politeffe, fait qu’il ne veut jamais céder.
Entêté & Têtu défîgnent un défaut plus fondé
fur un efprit trop fortement perfùadé, que fur une
volonté trop difficile à réduire ; & dont par confisquent
le propre effet eft de faire trop abonder en
fon fèns : avec cette différence entre eux, queT-E«-
têté croit & fè perfùade également les fèntimens des
autres comme les liens, & même après quelque forte
d’examen & de raifônnement ; au lieu que le Têtu
ne s’en tient qu’aux liens propres, & le plus fouvent
du premier afpeét fans aucune réflexion.
Opiniâtre & Obftiné défîgnent tout au contraire
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un défaut plus fondé fur une volonté revêche que
fur une convidion d’efprit, & dont l’effet particulier
tend diredement â ne fe point rendre au fens des
autres , malgré toutes lumières contraires : avec
cette différence, que l'Opiniâtre refufè ordinairement
de fè rendre à la raifon, par une oppofîtion
à céder qui lui eft comme naturelle & de tempérament;
au lieu que Y Objiiné ne-s’en defend fou-
vent, que par une volonté de pur caprice & de propos
délibéré, f^oyer^ F ermete , Ente-tement , O piniâtreté.
(L'abbé Girard.)
ENTHOUSIASME, f. m. Vhiîof. & Belles- '
Lettres. Nous n’avons point de définition de ce mot
parfaitement fatisfaifante : je crois cependant utile
aux. progrès des beaux arts , qu’on en cherche la
véritable lignification & qu’on la fixe , s’il eft pof-
fîbJe. Communément on entend par Enihoufiaftne,
une efpèce de fureur qui s’empare de l’efprit &
le maitrife , qui enflamme l’imagination , l ’élève ,
la rend féconde. C’eft un tranfport, dit-on, qui
fait dire ou faire des chofès extraordinaires & fur-
prenantes : mais quelle eft cette fureur & d’où naît-
elle f quel eft ce tranfport, & quelle eft la came
qui le produit ? C’eft. l à , ce me femble, ce qu’il
auroit été néceflaire de nous apprendre, & dont on
a cependant paru s’occuper le moins.
Je crois d’abord, que ce mouvement qui élève
l’èfprit & qui échauffe l’imagination , n’eft rien moins
qu’une fureur. Cette dénomination'impropre a été
trouvée de fang-froid, pour exprimer une caufô
dont les effets ( quand on eft dans cet état paifî-
ble ) ne fàuroient manquer de .paroître fort extraordinaires.
On a cru qu’un homme devoit être tout
à fait hors de lui-même, pour pouvoir produire de&
chofès qui mettoient réellement hors d’eux-mêmes
ceux qui les voyoient ou qui les entendaient rajoutez
à cette première idée l’Ehthoufiafme feint ou vrai
des prêtres du paganifmeque la charjatanerie les
engageoit à charger de grimace & de contorfion ,
& vous trouverez l’origine dé cette fauflè dénomination.
Le peuple avoit appelé ce dernier Enthoufiaf-
me, fureur prophétique ; rit les pédants de l’antiquité
( autre partie du peuple peut-être encore plus bornée
que la première ) donnèrent à leur tour à la
verve des poètes, dont il n’eft pas donné aux efprits
froids de- pénétrer la caufè , le nom fuperbe de f u reur.
poétique.
Les poètes, flattés qu’on les crût des êtres infpirés,
n’eurent garde de détromper la multitude; iis zC-
jurèrent dans leurs vers au contraire , qu’ils
l’étoient en effet ', & peut-être le crurent-ils de
bonne foi eux-mêmesv
Voilà donc la fureur poétique établie dans le monde,
comme un rayon de lumière tranfcendante , comme
une émanation fublime d’en-haut, enfin comme une
infpiration divine. Toutes ces expreffions en Grèce
& à Rome étoient fÿnonymes aux mots dont nous
avons formé en françois celui r iEnthoufiafme.
Mais la fureur n’eft qu’un accès , violent, de folie,.
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& la folie eft une abfènce ou un égarement de la
raifbn ; ainfi, lorfqu’on a défini 1'Enthoujiajme , une
fureur , un tranfport , c’eft comme fi l’on avoit
dit qu’il eft un redoublement de folie , par _con-
léquent incompatible pour jamais ayec la raifbn.
C ’eft la raifbn fèule cependant qui le fait naître ;
il eft.un feu pur qu’elle allume dans les moments,
de fa plus grande fupério.rité. Il fut'toujours, de tourtes
fes opérations la plus prompte, la plus animée.
Il fuppofè une multitude infinie de combi—
naifons précédentes, qui n’ont pu fè faire qu’avec.
elle & par elle.. Il eft, fi on ofè le dire, le chef-
d’oeuvre de la raifbn. Comment peut-on le définir 5v
comme on définiroit un accès de folie ?
Je fùppofè que, fans vous y être attendu’, vous-,
voyiez dans ion plus beau jour un excellent tableau..
Une furprifè fubite vous arrête , vous éprouvez une:
émotion génêràle , vos regards /comme, abfbrbés.
relient dans une* forte d’immobilité , votre ame ;
entière fè raffèmble fur une foule, d’objets;, qui!
l ’occupent à la fois; mais bientôt rendue à fon;
aâivité , elle parcourt les- différentes parties dus
Tout qui l ’avoit frapée, fâ chaleur fè communique-
à vos fens, vos yeux lui.obéiflènt & la préviennent^;
un feu v if les anime; vous appercevez,. vous dé--
taillez , vous comparez, les-attitudes, les contraftes,,
les coups de lumière , les traits des p.erfonnages
leurs pallions , le choix de l’aétion repréfèncée
l’adrefle , la force , la hardieflè du pinceau ; 8c:
remarquez que votre attention , votre furprifè s :
1 votre émotion, votre chaleur, feront dans cette:
circonftance plus ou moins vives, félon, le différent
degré de connoiffances antérieures que vous aurez,
acquis, & le plus ou le moins de goût, de délica-
tefle, d’efprit , de fènfibilité , de jugemen tque ;
vous aurez reçu de la nature..
Or ce que vous éprouvez dans ce moment e&:
une image (imparfaite à la vérité , mais fiiffiiante-
pour éclaircir mon idée) de ce qui fè paflè dans
l’àme de l ’homme de génie , lorfque la raifbn, par -
une opération rapide , lui préfènte un tableau frapanf
& nouveau qui.l’arrête,l’émeut, le ravit, & l’abfbrbe..
Obfèrvez que je parle ici de l’âme d’un homme"
de génie ; parce que j’entends par le mot Génie „
l’aptitude naturelle à recevoir,.à fèntir, à rendre;:
les impreffions du tableau fîippofe. Je le regarde;
comme, le pinceau du peintre, qui trace les figures;
fur la toile, qui les'crée en effèt, mais qui eft toujours
guidé par des infpirations précédentes. Dans,
les livres , comme dans la converfation, on commence
à partir du pinceau , comme* s’il étoit le"
premier moteur.. Le ftyle figuré chez des peuples;
inftruits., tels que le nôtre , devient infenfiblement-:
le ftyle ordinaire; & c’eft par cette railon que le;
mot Génie , qui ne défîgne que fin fl ruinent indif-
penfâble pour produire , a été fucceiîîvement eai—
ployé pour-exprimer la caufè qui produit,.
Obfèrvez encore que je n’ài point employé''Iev
mot Imagination , qu’on croit communément
fource unique de YEhthou/afme ; parce que: je. ne;