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à l ’endroit meme, on puifîè juger fi on doit Ce
Servir du mot en quefhon. Que' ce foit un valet
qui parle, il faudra être en garde pour employer
l ’exprefïion ou le tour dont ii s’agit, & ne Ce ré-
loudre à en faire ufàge qu’après s etre allure que
cette façon de parler eft bonne en elle-même , indépendamment
& du perfonnage & de la cir-
conftance où il eft. Ce nefi pas tout: il faut même
prendre des précautions pour diftinguer les termes
& les tours employés par un fèul auteur, quelque
excellent qu’il puiffe être. Cicéron , qu’on regarde
comme le modèle de la bonne latinité, a
écrit différentes fortes d’ouvrages., dans lefquels
r.i les expreflions ni les tours n’ont dù être ^ de la
même nature & du même genre. Il a varié fon
fiyle félon les matières qu’il traitoit ; lès harangues
diffèrent beaucoup par la didion de lès livres fur
la Rhétorique ; ceux-ci, defes ouvrages philofëphi-
ques; & tous diffèrent extrêmement de lès épitres
familières. Il faut donc, quand on attribue à Cicéron
un terme ou une façon de dire, marquer l’ouvrage
& l’endroit d’ou on l’a tiré. Il en ell ainfi en général
de tout auteur, même de ceux qui n’ont fait que
des ouvrages d’un lèul genre , parce que dans aucun
ouvrage le ftyle ne doit être uniforme , & que le
ton qu’on y prend & la couleur qu’on y emploie
dépendent de la' nature des choies qu’on a à dire.
Les harangues de Tite-Live ne font point écrites
comme fes préfaces , ni celles-cr comme lès narrations.
De plus , quand on cite un mot ou un tour
comme appartenant à un auteur qui n’a pas été
du bon fiècle , ou qui ne pafTe pas pour un modèle
irréprochable , il faut marquer avec loin fi. ce tour
ou ce mot a été employé par quelqu’un des bons
auteurs , & citer l’endroit ; ou plus tôt on pourroit
pour s’épargner cette peine ne citer jamais un mot
ou un tour comme employé par un auteur lùlpeéf,
lorlque ce mot a été employé par de bons auteurs,
& fe contenter de citer ceux-ci. Enfin quand un
mot ou un tour eft employé par un bon auteur,
il faut marquer encore s’il fè trouve dans les autres
bons auteurs du même temps, poètes, hiftoriens,
&c. afin de connoître fi ce mot appartient également
bien à tous les ftyles. Ce travail paroît im-
menlè, & comme impraticable ; mais il eft plus
long que difficile, & les concordances qu’on a faîtes
des meilleurs auteurs y aideront beaucoup.
Dans ce même Dictionnaire il lèra bon de marquer
par des exemples choifîs les differents emplois
d’un mot ; il fera bon d’y faire fèntir même
les fynonymes, autant qu’il eft poflible dans un Dictionnaire
de langue morte: par exemple, la différence
de vçreor & de metuo, fi bien marquée
au commencement de l’oraifpn de Cicéron pour
Qu indus; celle $ oegritudo, moerory aerumha, luCtus,
lamentatio, détaillée au quatrième livre desTufcu-
lànes\ & tant d’autres qui doivent rendre les écrivains
latins modernes fort fiifpeéts , & leurs admirateurs
fort circonfpeds.
Dans un D ic t io n n a ir e latin on pourra joindre au
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mot de la langue les étymologies tirées du grec ; on
pourra placer les longues & les brèves liir les mots :
cette précaution , il eft v ra i, ne remédiera pas à
la manière ridicule dont nous prononçons un très-
grand nombre de mots latins, en faifànt long ce qui
eft bref, & bref ce qui eft long ; mais elle empêchera
du moins que la prononciation ne devienne
encore plus vicieufè. Enfin il fèroit peut-être à
propos dans les D ic tio n n a ir e s latins & grecs de
difpofèr les mots par racines , fuivies de tous leurs
dérivés , & d’y joindre un vocabulaire par ordre
alphabétique qui indiqueroit la place de chaque mot,
comme on a fait dans le Dictionnaire grec de
.Scapula, & dans quelques autres. Un lefteur doué
d’une mémoire heureufè pourroit apprendre de fuite
ces racines , & par ce moyen avanceroit beaucoup
& en peuTcle temps dans la connoiflancede la langue ;
car avec un peu d’ufage & de Syntaxe , ii recon-
noitroit bientôt aifément les dérivés.
Il ne faut pas croire cependant qu’avec un D ie -
tionnaire tel que je viens de le tracer, on eût une.
connoifïance bien entière d’aucune langue morte.
On ne la fàura jamais que très-imparfaitement. Il
eft premièrement une infinité de termes d’art & de
convention qui font nécefïairement perdus, & que
par conféquent on ne (aura jamais : il eft de plus une
infinité de finefiès , de fautes, & de négligences
qui nous échapperont toujours.
. Quand j’ai parlé plus haut des Synonymes dans
les langues mortes , je n’ai point voulu parler de
ceux qu’on entaflè fans vérité, fans choix, & fans
goût dans les Dictionnaires latins, qu’on appelle
ordinairement dans les collèges du nom de Synonymes
, & qui ne fèrvent qu’à faire produire aux
enfants de très-mauvaifè Poéfîe latine. Ces D ic tionnaires
^ j’ofèle dire, me paroiffent fort inutiles ,
à moins qu’ils ne fè bornent à marquer la quantité
& à recueillir fous chaque mot les, meilleurs partages
des excellents poètes. Tout le refte n’eft bon
qu’à gâter le goût. Un enfant né avec du talent ne
doit point s’aider de pareils ouvrages pour faire des
vers latins, fiippofe même qu’il foit bon qu’il en
faffè; & il eft abfùrde d’en faire faire aux autres.
Dans les Dictionnaires de langue vivante étrangère
, on obfèrvera , pour ce qui regarde la Syntaxe
& l’emploi des mots p ce qui a été preferit
plus haut fur cet article pour les Dictionnaires de
langue vivante maternelle ; il fera bon de joindre
à la lignification françoifè des mots leur lignification
latine, pour graver par plus de moyens cette
lignification dans la mémoire. On pourroit même
croire qu’il fèroit à propos de s’en tenir à cette
fignification , parce que le latin étant une langue
que l’on apprend ordinairemènt dès l’enfance, on
y eft pour l’ordinaire plus verfe que dans une langue
étrangère vivante que l’on apprend plus tard &
plus imparfaitement, & qu’ainfî, un auteur de Dior
tionnaire traduira mieux d’anglois en latin que d’an-
glois en françois ; par ce moyen la langue patine
pourroit devenir en quelque forte la commune me-
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(lise de toutes les autres. Çette ponfideratien mérité
fins doute beaucoup d’égard : néanmoins il faut ob-
ferver que le latin étant une langue morte, nous
ne femmes pas toujours aufli à portée de connoître le
fens précis & rigoureux de chaque terme, que nous
le femmes dans une langue étrangère vivante ; que
d'ailleurs il y a. une infinité de termes de tcien-
ces, d’arts, d’économie domeflique , de çonvetlation,
qui n’ont pas d’équivalent en latin ; & qu enfin
nous fuppofons que le Dictionnaire feit 1 ouvrage
d’un homme trls-verfé dans les deux langues ce
qui n’eft ni imp'oflible, ni meme fort rare. Enfin
Une faut pas s’imaginer que , quand on traduit des
mots d’une langue dans l’autre, U foit toujours
poflible , quelque verfé quon foit dans les deux
langues d’employer des .équivalents exafls & -n -
woureüxi onn’afouvent que des à-peu-près. Planeurs
mots d’une langue n’ont point de^ correfpondant.
dans une autre., plufîeurs n’en-ont qu’en apparence,
& diffèrent par des nuances plus ou. moins fenfi-
bles des équivalents qu’on croit leur donner. Ce
que nous difô-çs''ici des mots, eft encore plus vrai
& plus ordinaire par rapport aux tours ; il ne
faut que lavoir, même imparfaitement, deux langues
, pour en être convaincu : cette différence
d’expreflion & de conftrufrion conftitue principalement
ce' qu’on appelle le génie des^ langues , qui
n’eft autre xhofè que la propriété d exprimer certaines
idées plus ou moins heureufèment. V.oye\
fur cela une excellente note que M. de Voltaire
a placée dans fbn dijeours a l Academie françoifè.
' La difpofition des mots par racines eft plus difficile
& moins néceffaire dans un Dictionnaire de
langue viyante , que dans un Dictionnaire de langue
morte ; cependant comme il n’y a point de
fangue qui n’ait des mots primitifs & des mots
dérivés , je crois que cette difpofition , a tout pien-
dre, pourroit être utile , & abrègeroit beaucoup
l’étude de la langue, par exemple celle de la langue
angloifè , qui a tant de mots compofès^, &
celle de l’italienne, qui a tant de diminutifs &
d’analogie avec le latin. A l’egard de la prononciation
de chaque mot, il faut aufli la marquer
exactement, conformément à l’orthographe de la
langue dans laquelle on traduit, & non de la langue
étrangère. Par exemple , on fait que I e en anglois fè
prononce fbuvent comme notre i > ainfi, au root
fphère-on dira que ce root fe prononcefphire. Cette
dernière orthographe eft relative a la prononciation
françoifè , & non à l’angloife; car Vi en anglois fè
prononce quelquefois commet’: ainfi fphire, m on le
prononçoit à l’angloifè, pourroit faire fphaïre.
Voilà tout ce que nous avions à dire fur les D/V-
tioiinaires de langue. Nous n’avons qu’un mot. a.
ajouter fur les Dictionnaires de la langue fran-
çoife traduits en langue étrangère, foh morte foit
vivante. L ’ufàge des premiers peut faciliter jufqu à
certain point l’étude des langues mortes : & à l’égard
des autres, ils ne fèrviroient (fi on s’y bornoit ) qu’à
apprendre très-imparfaitement la langue ; l’ étude des
JLit té ra t. et Gramm. Tome I. Partie II»
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bons auteurs dans cette langue , & le commerce, de.
ceux qui la parlent bien , font le fèul moyen d y
de véritables & folides progrès. ■_ . □.
Mais en général le meilleur moyen d apprendre,
promptement une langue quelconque , c’eft de le
mettre d’abord dans la mémoire le plus de mots
qu’il eft poflible : .avec xette .provifion & beaucoup,
de lefiture, on apprendra la Syntaxe par le fèul ufage,
furtout çelle de plufîeurs langues modernes , qui e«f
fort courte; & on n’aura guère befbin de lire des.
livres de Grammaire , furtout fi on ne veut pas
écrire ou parler la langue , & qu’on fe contente de
lire les auteurs; car quand il ne s’agit que dxn-
tendre & qu’on connoit les mots , il eft prefque
toujours facile de trouver le fèns., Voulez-vau s donc
apprendre promptement une langue , & avez-vous
j de la mémoire ?' apprenez un Diclionnciire, fi vous
pouvez , & liiez .beaucoup ; c’eft ainfi qu en ont uLe.
plufîeurs gens de lettres, f d ' A l e m b e r t » ) -
DICTIONNAIRE, VOCABULAIRE, GLOS-
SAIR-E.^Synonymes. % .
.Après tout ce que nous avons dit dans .larticLe
précédent, il fera aisé de fentir quelle eft la differente
acception de ces mots, lis lignifient en général tout
ouvrage où un grand nombre de mots fônt-ranges fui-
vant un certain ordre , pour les retrouver plus facilement
lorsqu’on en a befoin. Mais il y a cette différence;
i° . Que Vocabulaire & Glojfaire ne s appliquent
guère qu’à de purs Dictionnaires de mots , au lieu,
que Dictionnaire en général comprend, non feulement
les Dictionnaires de langues , mais encore fes
Dictionnaires hiftoriques, & ceux de fciences.& d arts,
z°. Que dans un Vocabulaire les mots. peuvent
n’être pas diftribués, par ordre alphabétique,, 8c
peuvent même n’être pas expliqués.. Par exemple ,
fi on vouloit faire un ouvrage qui contînt tous les
termes d’une fcience ou d’un art, rapportés à differents
titres généraux, dans un ordre different de 1 ordre
alphabétique, & dans la vûe de faire feulement
l’énumération de ees termes (ans les expliquer ; ce
feroit un Vocabulaire. C ’en feroît même encore un ,
à proprement parler, fi l ’ouvrage étoit par ordre- al--
phabétique & avec explication des termes, pourvu’
que l’explication ffit très-courte , prefque6 toujours
en un feul mot , & non raifonnée.-. _ ' ;= .
2° A l’égard du mot deGlojfaire, il ne s appliqua
guère qu’aux DUliamaires de mets peu connus,
barbares , ou furanpés. Teleft le G l o f ure du.fayant
M. Ducange , Aipr'iptons/neiiai & mjimoelatuu-
tatis & le Glàjjhire çhi .même auteur pour,, la
langue - grctjue. ( M .. b ’A lem.bbb.t ,')
»DIDACTIQUE, adj. Jermei’ecole,^ui fignifie
, [a manière de parler .ou d’écrire, dont on fait ufàgé
pour enfeigner ou pour expliquer la nature.des çhoT
les. Ce mot eft formé du grec , y e!lleigne y
j ’inftruis.
II y a un grand nombre d’exprentons pniquemeftt
confacrées au genre Didacîii{ae..Çe^ anciens 6c -leç lui