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cette (cène Si tout ce qui fuit fait une féconde adîon ,
dépendante de la première , & qui en eft )?achèvement.
.
L ’achèvement de Phèdre & celui de Mérope eft
long ; mais il eft paftionné , & il ne fait pas duplicité
d’aaion comme celui des Horaces. ,
Si l’achèvement a quelque étendue , il faut qu’il
lôit tragique, & qu’il ajoute encore-.aux mouvements
de terreur ou de pitié que la cataftrophe a produits.
OEdipe, dans la tragédie de Sophocle, après s’étre.
reconnu pour le meurtrier de fon père & pour le mari
de là mère , & s’étre crevé les yeux de défèfpoir, eft
encore plus malheureux lorfou’on lui amène lès enfants.
Le poète françois n’a pas ofé rifquer for notre fcène
ce dernier trait de pathétique-: il a fini par des fureurs.
OEdipe, les yeux'crevés & -encore lànglants ,
étoit fouffèrt fur- un théâtre immenfe ; for nos petits
théâtres il eût révolté. Le tragique, en s’affoiblilfant,
a obfèrvé les loix de la perlpedive ; & pour lavoir
julqu a quel degre on peut poufîèr le pathétique du
fpeétacle , il faut en meforer le lieu. Foy. T héâtre..
Comme l’achèvement doit être terrible ou touchant
dans la Tragédie , il doit être plailànt dans la Comédie
& d’une extrême vivacité. Pourpeu qu’il loitlent,
il eft froid. C ’eft un défaut qu’on reproche àMolière.
Le poème épique eft fofceptible d’achèvement
comme le poème dramatique ; & , comme lu i, il peut
s’en pafîèr. J •-
U achèvement de l ’Iliade eft long , & trop long,
quoiqu’il renferme le plus beau morceau du poème ;
la Icène de Priam aux pieds d’Achille. L ’Enéide finit
au moment de la cataftrophe : dès que Turnus eft
mort, le fort des Troyens eft décidé ; & l’on ne demande
plus rien.
Quelques Critiques ont prétendu que l’Enéide étoit
tronquée. Us auroient voulu voir Enée donnant des
lois au Latium. Ces Critiques ne fàvent pas que, lorP
qu’on ceftè de douter 8c de craindre , on cefle de s’inter
effèr , & que l’a&ion doit finir au moment que",
l’intérêt cefle, fans quoi tout lè refte languit. Rien
de plus importun que le faux bel-efprit, quand il
veut juger le génie. Foye\ Dénouement , Intrigue,
&c. ( M . M a r m o n t e l . )
(N.) ACHEVER, v- ad. Finir. Terminer. L ’<? de
la féconde fyllabe che demeure muet , quand la troi-
lième eft une fyllabe mafeuline, comme achever,
achevons, j ’dchevajfe ; c’eft encore la même chofè,
quand la troifîème fyllabe eft féminine , pourvu que
la fuivante {bit mafeuline, comme y achèverai , il
acheveroit, nous achèverons , & que Ve de cette
troifîème puiiïè fè prononcer aflëz rapidement pour
ne faire à l’oreille qu’une fyllabe avec la quatrième :
hors de ces deux cas , l’e delà féconde fyllabe devient
ouvert & prend un accent grave, comme j ’achève,
ils achèvent, nous achèverions , achèvement.
I. R emarque> c< On d it, i l va s’achever de
» peindre , pour dire , il va achever de fe perdre,
» de fe ruiner» (& dans certaines oççafîons y de s’en-
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ivrer) ; « & on ne peut dire , i l va achever de fe
» peindre : du moins ceia ne fignifieroit pas la même
» choie, & voud voit dire dans le propre, qu’un hom-
» me qui auroit commencé fôn portrait va l’achever. »
^Th.Corneille, note fur la rem. 548 de Vàugeias.)
II. R emarque. Dans fa tragédie d’Alexandre
( A d . I. fc. 3. ) Racine fait dire à Axiane,
Et ne le forçons poinc, par ce cruel mépris ,
"D'achever un dejfein qu'il peut n’avoir pas pris.
Sur quoi M. l ’abbé d’Olivet, dans la féconde éd.
de (es Remarques fu r Racine, s’explique ainfî : « On
» dit, exécuter un dejfein, & non achever un dejjein,
» à moins qu’on n’entende par là l’ouvrage d’un
» homme qui defïine. Pourquoi achever joint à def-
» fein me paroît—il impropre? Parce qu'achever ne
» fè dit que de ce qui eft commencé : or ce qui eft un
» dejfein n’eft pas quelque chofè de commencé ; ou
» fî c’eft quelque chofè de commencé, ce n’eft plus un
» dejfein , c’eft une entreprifè >?. L ’obfèrvation de
l ’académicien , dans la première édition , étoit
. bornée à la première phràfè ; & l’abbé Desfontaines,
• dans fôn Racine vènge\ répondoit d’un ton magiftral:
« Voilà ce qui arrive à ceux qui veulent juger des
» expreffions poétiques, comme ils pourroient juger
» des expreffions profàïques. Je lui réponds, avec
» tous ceux qui.fàvert faire des vers, qu’achever eft
» plus poétique & plus expreffif opf exécuter. Racine
» pouvoit mettre accomplir ; il a préféré de mettre
» achever, quia plus de force. Puifqu’on dit bien ,
» acheverune entreprife , on peut bien dire (au moins
» en vers) achever un dejfein ». Cette décifîon dogmatique
me paroît réfutée par l’abbé d’Olivet avec
autant de force que de fàgeflè. : avec force, parce
qu’il donne une raifon claire & jufte de la préférence
qu’il donne ici à exécuter fur achever, joint à dejfein
avec fàgeiïe, parce, que, content de juftifier fon
opinion , il ne s’arrête point à critiquer celles de fôn
cerifèur.
III. R emarque. Le participe achevé, quand il
fè joint comme épithète ou à un nom ou à un àdjeétif
pris fobftantivement, prend un fèns ampliatif, &
porte au plus haut degré poffible le fèns du mot auquel
il eft joint. Ainfî, une beauté achevée eft une
beauté parfaite & fans défaut : L ’ Athalie de Racine
ejl une pièce achevée : un pécheur achevé eft un pécheur
que rien n’arrête plus dans les voies du crime :
un f ig e achevé, un foie.achevé, un impie achevé,
c’eft un homme très-fàge, très-fou, très-impie, au
fuprême degré. ( M. B eauzée. )
jg (N.) ACHEVER , FINIR, TERMINER. ;Syn.
On achève ce qui eft commencé , en continuant à
y travailler. On finit ce qui eft avancé, en y mettant
la dernière main. On termine ce qui ne doit pas
durer , en le faifànt difeontinuer. De forte que l’idée
cara&ériftique d’Achever, eft la conduite de la chofè
jufqu’à fôn dernier période ; celle de F inir , eft l’arrivée
de ce période ; & celle de Terminer, eft la cefo
fàtion de la chofè.
a c R
Achever nu proprement rapport qu a 1 ouvrage
permanent , foit 'de la main fqit de 1 efpnt ; on
délire qu’il foit achevé, par la cunofîte qu on a de
le voir dans fôn entier. Finir fè place particuue-
rement à l’égard de l ’occupatio’n paffa^ere ; an
fouhaite qu’elle foit f in ie , .par l ’envie de s en donner
une autre , ou par l'ennui d’être toujours applique
à la même. Terminer ne fe dit guere que pour les
difeuffionsles différends, &les courfés.
Les efpAts légers commencent beaucoup de choies
fans en achever aucune. Les perfonnes extrêmement
prévenues en leur faveur ne donnent guere de louanges
aux autres , fan s finir par un «corredif fatyri-
que. Ne peut-on pas douter de la fagefle de ces lois
qui, au lieu de terminer les procès , ne fervent qu a
les prolonger l ( U abbé Girard• )
( N.) ACRE. APRE. Synonymes.
Ils s’appliquent aux fruits ainfî qu’à d’autres aliments
, marquent dans le gdut une fènfàtion defàgrea-
b le , & enchériftènt l’un fur l’autre ; de façon que le
palais de la bouche eft plus vivement affè&e par ce
qui eft âcre, que par ce qui eft âpre. Le premier
fait une impreffion piquante, qui peut provenir de
la quantité exceffive des fèls : le fécond dit quelque
chofe de rude dans fà.compofîtibn , & fè trouve dans
un défaut de maturité. (JL’abbé Girard. )
' (N.) ACRIMONIE , ACRETÉ. Synonymes.
Acrimonie eft un terme feientifique, exprimant
une qualité afti've & mordicante , qui ne s’applique
guère qu’aux humeurs qui circulent dans 1 etre animé
, & dont la nature fè manifefte plus tôt par les
effets qu’elle produit dans les parties qui en font af-
feétées , que par aucune.fonfàtion diftinétive. Acreie
eft d’un ufàge commun, par confequent plus frequent;
il convient auffi à plufîeurs fortes de chofos : c eft
non feulement une qualité piquante , capable , ainfî
que l’acrimonie , d’être une caufè aâive d’alteration
dans les parties vivantes du corps animal ; c’eft encore
une forte de faveur que le goût diftingue & démêlé
des autres, par une fèfïïàtion propre & particulière
que produit le fojet affèéfé de cette qualité. ( L ’abbé Girard. )
A CR OST ICHE , adj. Marqué par ordre aux
extrémités. Fers acrojliches. Pièce acrojliche.
Plus communément ce mot eft pris comme un
nom i, que plufîeurs font du genre féminin ; mais
l ’Académie le fait mafoulin, & fon autorité me fèmble
devoir l’emporter. Ce mot vient du grec • fum-
mus , extremus ) , & çlx,oç (ordo ) : de là A’x%pc'>çiy,ov
(en foufèntendant peut être ovopct ) nom mis en ordre
aux extrémités ; ce qui fèmble confirmer la décifîon
de l’Académie for le genre du nom Acrojliche.
Charles I I , roi d’Angleterre , étoit gouverné par
un Confèil particulier , qu’il s’étoit fait d’après fon
goût & fès vues: on appeloit ce Confèil la Cabale ;
parce que les lettres initiales des noms des cinq per-
fcyines qui le compofoient, formoient le mot Cabale
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c’étolcnt Cliffort, A sh ley , D u chin g cm , A r lin g -
ton , LauderclaU. C ’eft un exemple tres-lunple
èt A crojliche. - . • .; -
Ordinairement Y Acrojliche eft une petite pièce
de vers , difpofés de manière que les prem.eres lettres
de chacun , réunies dans le même ordre que les
vers mêmes , forment la devife , la fentence , le
nom , &ç. que le poète a choifi pour fojet de fon
poème & pour règle de fon méchanifîue. V o ic i , pour
fervir d’exemple, un Acrojliche compote a k louange
d’un homme, nommé É o n n e fin , & dont le noia
travefti en grec eft A r i s t o t e ;
> (Tez de poètes frivoles ,
Jxj imanc fans l’aveu d’Apollon,
ront te fatiguer de leurs vaines paroles
ûo ans que j’aille en groffir l’ennuyeux efeadron^
H u verras mon refpeÊt t’honorer du fîlence
O ù l’on fe tient devant les rois :
H on mérite en dit plus que toute l’ éloquence;
M t ton nom feul, plus que ma voix.
A ht renaiffance des Lettres , fems le règne de
François jfëj nos poètes, qui fe faifoient un mérite de
l ’imitation fèrvile des grecs , trouvèrent apparemment
dans l’Anthologie le modèle de ce méchanifme
difficile ; & dans cette difficulté , le motif qui les détermina
à l ’adopter dans leur langue : car des athlètes
qui ne font que d’ entrer en lice , cherchent naturellement
à fixer l ’attention par des tours de force
extraordinaires. O n trouve en effet dans ce Recueil
grec ( liv. I. ch. 38.) deux épigrammes , l’ une en
l ’honneur de Bacchus, & l ’autre en l’honneur d’A pollon
: chacune eft compofée de z f vers , dont le
premier annonce fommairement le fojet de la pièce ;
les lettres.initiales des 24 autres, font les 24 lettrés
de l’alphabet rangées dans l’ordre alphabétique ; 8c
chaque vers renferme quatre épithètes qui commencent
par la même lettre initiale que le vers. Pardonnons
à nos premiers littérateurs le cas exceffif qu’il*
ont fait des Acrojliches & des ouvrages lipogramma-
tique's des anciens ( voye\ L ip o g r am m a t iq u e J ;
dans un temps ou l’on cherche à fè former le goût,
il eft bon de ne rien négliger , de peur de laiflèr ce
qu’il y a de mieux, faute de principes pour bien juger.
L a manie des Acrojliches dura jufques bien avant
dans le fiècle de Louis X IV ? où ces ouvrages & leurs
auteurs furent enfin appréciés, nonobftant le prétendu
mérite de la v idoire for un nombre prodigieux de
difficultés ; car i l eft étonnant à quel point on les
avoit multipliées, pour entraver l’imagination , déjà,
allez contrainte par les règles rigoureufès de la v er-
fîfication. O n trouve de ces Acrojliches , dont chaque
vers commence & finit par la lettre qui correF
pond à ce vers félon le type donne ; d’ autres , où la
lettre eft au commencement du vers & a l’hemiftiche ;
d’autres, qui en conféquence prenoient le nom de
Pentacrojliches , où la lettre dominante de chaque
vers , répétée jufqu’à cinq fois , montroit YAcrodi-
che connue for cinq colones differentes.