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--*! 7r. ' , i V : * Neç amara Tibullo
n> i a,n'iciùss fata deddre me ce ;
^ Succÿfèr fa it hic tibl, Galle ; Propertius i ll i ;
Qnartus ab his Jerie •tcnipifl-is ipfe fui,
-j ?! i|çf. nous re'ftë rien de ce Gallus ; mais fi c’eft
re même que le Gàllus ami de Properce, il a dû
^ r;é,}é'p fe véhément de tckis les poètes élégiaques
éommé il a été le plus dur’, au jugement de Quin-
tilien^ .X M . J f f A r m o n t e l . )
* ÉLÉGIE, £ f. ( Belles-Lettres), L’Élégie,
Qaff^ fa /implicite' touchante & noble, réunit tout ce
^■.ue-r"^ a: de charmes, l’imagination & le fenil
mèiif. C ëft cependant, depuis la renaifïànce des
des genres de Poéfîe qu’on à le plus
négligés^,' on y a même attaché l’idée d’une trifteiTe
fade; foitJqu on ne diftingue pas afTez la tendreffe de
là fadèür ;Tçric que les poètes, fur l’exemple defquels
cette opinipn s eft établie , ayent pris eux-mêmes le
dyle doucereux’ poûr le ftyle tendre.
A ^ n'e'ffdbhc pas inutile de dèveloper ici le carac-
de^ Ê^gie,, d’après les modèles de l’antiquité.
Commp les froids légiflàteurs de la Poéfîe n’ont
pas- juge Y Élégie digne de leur févérité, elle
jouit encore de la liberté de fôn premier âge. Grave
ou légere ^ teridre ou badine, pafïionnéè ou tran-
quillé , riante ou plaintive à fôn gré , il n’eft point
de lonj? depuis l’héroïque jufqu’au familier, qu’il
lie lui fôit permis de prendre. Properce y a dé-
crit en paffapt; la formation de l ’univers; Tibulle,
• ^es tourments au Tartare ; l’un & l’autre en ont fait
^es tableaux :dig-nes tour à tour de Raphaël, du
Corrège , de 1 Albane : Ovide.ne celle d’y jouer
avec-les flpçhes d e ,l’amour.
Cependant -pour en déterminer le caractère par
quelques traits plus marqués , nous la divifèrons
en trois genres , le pafïionné , le tendre, & le gracieux.’'
‘ °
Dans .tous les-, trois elle prend également le ton
oe la douleur & de la joie : car c’eft fùrtout dans
l’a/np-ur eft un enfant qui pour rien
s irrite ou s- appaile, qui pleure & rit en même temps.
Par la même raifôn, le tendre, le paffionné, le
gracieux , ne font pas des. genres incompatibles
dans Y Elégie amoureufè ; mais dans leur mélange
il y a des. nuances., , des pafTages, des gradations
a ménager. Dans la même fituation où l’on dit
'Torqueop infe\ix ! on ne doit pas comparer la rougeur
de fâ màitreffè convaincue d’infidélité, à la
couleur du ciel, au lever de Vaurore , à Véclat
des rofes parmi les lis, &c. ( Ovid. amor. lib.
il, él. $. ) Au moment où l ’on crie àjfês amis : En-
chaine\-moi y je fuis un furieux, fai b ai tu ma
maitrejfe, on ne doit penfèr ni aux fureurs Æ O refie
ni. à celles d’Ajax. (O v . lib. 1. èl. 7 .) Que ces
écarts font bien plus naturels dans Properce! On
m’enlève ce que j ’aime, dit-il à fôn ami, & tu
me défends les larmes ! Il n y a d’injures fenfi-
bles qu en amour,., C’efi par là qu'ont commence les
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guerres > c’eftpar là que Troyea péri.,. Mais pourquoi
recourir à l’exemple des gréés l c’ e fi toi ,
Jiomulas, qui nous as donné celui du crime : en
enlevant les fabines , tu appris à tes neveux à
nous enlever nos amantes, &c. ( Liv. II. ep 7. )
En général, le fèntiinent domine dans le genre
paffionné , c eft le caraétere de Properce ; l’imagination
domine dans le gracieux , c’eft le caractère
d O vide. Dans le premier, l’imagination modefie
& fôumifè ne fe joint au fèntiinent que pour l’embellir
, & fe cache en l’embellifTant, fubfequitur-
que. Dans le fécond, le fèntiment humble & docile
ne fe joint à Pimagination que pour l’animer, &
fè laifle couvrir des fleurs qu’elle répand à pleines
mams. Un coloris trop brillant réfroidiroit l’u n ,
comme un pathétique trop fort obfcurciroit l’autre.
La paflion rejette la parure des grâces , les grâces
font effrayées de l’air fômbre de la paflion ; mais
une émotion douce ne les rend que plus touchantes
& plus vives; c’efi ainfî quelles régnent dans Y Élégie
tendre, & c’eft le genre de Tibulle.
C’eft pour avoir donné à un fèntiment foible le
ton du fentiment paffionné, que Y Élégie eft devenue
fade. Rien n’eft plus inlîpide qu’un défèfpoir
de fang froid. On a cru que le pathétique étoit
dans les mots ; il eft dans les tours & dans les mouvements
du ftyle. Ce regret de Properce après s’êtr#
éloigné de Cinthie,
Nonne fuit melius dominée pervincere mores ?
c e regret, dis-je, feroit froid. Mais combien I*
reflexion l’anime !
Quamvis dura, tarnen rar a puella fuit.
C’eft une étude bien intérefîànte que celle des mouvements
de 1 ame dans les Élégies de ce poète , &
de Tibulle fôn rival. Je veux, dit Ovide, que
quelque jeune homme y blejfé des mêmes traits que
moi, reconnoiße dans mes vers tous les fignes de
fa flamme, 6* qu’il s’écrie après un long étonnement
: Qui peut avoir appris à et poète à (i
bien peindre^ mes malheurs ? C ’eft la règle générale
de la Poéfîe pathétique. Ovide la donne; Tibulle
& Properce la fùivent, & la fuivent bien mieux que
lui. , . (
Quelques poètes modernes fè font perfuadés que
Y Elégie plaintive n’avoit pas befôin d’ornements:
non fans doute, lorfqu’elle eft paffionnée. Une amante
eperdue n a pas befôin d’être parée pour attendrir
en fa faveur ; fôn défôrdre, fon égarement, la pâleur
de fon vifage, les ruiflèaux de larmes qui
coulent de fès yeux , font les armes de fà douleur
& c’eft avec ces traits que la pitié nous pénètre.
IJ en eft ainfî de YÉlégie paffionnée.
Mais une amante qui n’eft qu’affligée, doit réunir
pour nous émouvoir tous les charmes de la beauté
la parure, ou plus tôt le négligé (les grâces. Telle
doit être YÉlégie tendre, femblable à Corine au
moment de fôn réveil ;
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Sape etiamt nondum digejlis mane cap illis ,
Purpureo jacuit femrfupint thoro ;
Tumque fuit neglecta idecens.
Un fèntiment tranquille & doux, tel qu’il règne
dans YÉlégie tendre, a-befôin d’être nourri fans
ceffè par une imagination vive & féconde. Qu’on
fè figure une perfonne trifte & réveufè qui fè promène
dans; une campagne , où tout ce qu’elle voit
lui retrace Pobjet qui l’occupe fous mille faces nouvelles
: telle eft dans YÉlégie tendre la fituation
de l’ame à l’égard de l’imagination. Quels tableaux
ne fè fait-on pas dans ces douces rêveries ? Tantôt
on croit voyager fur un vaiffeau avec ce qu’on
aime y on ejl expofé à la même tempête ,* on dort
fur le même pocher , & à C ombre du même arbre ,*
on fe défaltère à la même fource ; foiC à la poupe
foit à la proue du navire, une planche fujfit pour
deux ; on fouffre tout avec plaifir ; qu importe que
le vent du Midi , ou.celuidu Nord y enfle la voile y
pourvu qu’on ait les yeux attachés Jur foû amante ?
Jupiter embraferoit le vaiffeau, on ne tremble-
roit que pour elle. Prop. L. II. él. 28. Tantôt on
fe peint foi-même expirant ; on tient d’une défaillante
main la main d’une amante éplorée ; elle
fe précipite jur le lit où l’on expire ; elle fuit fon
amant jujque sfur le bûcher ; elle couvre J on corps
de baijers mélés de larmes 7 oh voit les jeunes
garçons' & les'jeunes filles revenir de ce fpec-
tac le les yeux baijfés & mouillés de pleurs; on voit
fon amante f arrachant les cheveux y & fe déchirant
les joues ; on la conjure d’épargner les mânes
de fon amant y de modérer fon défèfpoir. Tib. L.
I. él. 2, C’eft ainfî que dans YÉlégie tendre,
le fèntiment doit être fans ceflè animé par les tableaux
que l’imagination lui préfente. Il n’en eft pas
de même de YElégie paffionnée, l’objet préfènt y
remplit toute l’ame, la paflion ne rêve point.
On peut entrevoir quel eft le ton du fèntiment
dans Tibulle & dans Properce, par les extraits
que nous en avons donnés , n’ayant pas ofe les traduire.
Mais ce n’eft qu’en les lifànt dans l’original,
qu’on peut fèntir le charme de leur ftyle ; tous deux
faciles avec précifîon , véhéments avec douceur,
pleins de naturel , de délicateffe, & de grâces.
Quintilien regarde Tibulle comme le plus élégant
& le plus poli des poètes élégiaques latins ; cependant
il avoue que Properce a des partifàns qui le
préfèrent à Tibulle , & nous ne diflimulerons pas
que nous fômmes de ce nombre. A l’égard du reproche
qu’il fait à Ovide d’être ce qu’il appelle laf-
civior ; fôit que ce mot-là fignifie moins châtié y
ou plus diffus, ou trop livré à fon imagination y
trop amoureux de fôn bel efprit, nimium amàtor
ingenii fui, ou d’une molleffe trop négligée dans
fon fiyle'Çczr on ne^ fàuroit l’entendre comme le
lafeiva puella deVirgile, d’une volupté attrayante) ;
ce reproche dans tous ces fèns eft également fondé.
Auffi Ovide n’a-t-il excellé que dans Y É lé g ie
oeufè s où les négligences font plus excufables.
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Aux traits dont Ovide s’eft peint à lui-même
Y E lé g ie amoureufè, on peut juger du ftyle & du
ton qu’il lui a donnés.
Venit odoratos Elegia nexa capillos
Forma decens, veftis tenuijfima , cultus amantts.
. . . . . . . Limis fubrijtt ocellis.
Fallor t an in dextrâ myrthea virgafuit ?
1 II y prend quelquefois le ton plaintif; mais ce ton-
là même eft un badinage.
Croyez qu’il eft des dieux fenfiblès à l’injure.
Après raille ferments Corine fe parjuré ;
En a-c-elle perdu quelqu’un 4 e fes atccaics *
Ses yeux font-ils moins beaux , fon tein-eft-il moins fraisi
Ali 1 ce Dieu , s’il en eft , fans doute aime les belles ;
Et ce qu’il nous défend, n’eft permis que pour elles.
L ’amour, avec ce front riant & cet air léger , peut
être auffi ingénieux, auffi brillant que veut le poète.
La parure lied bien à la coquetterie ; c’eft elle qui
peut avoir les cheveux entrelacés de rôles. C’eft
fur le ton galant, qu’un amant peut dire;
Cherche un amant plus doux,, plus patient que moi.
Du tribut de mes voeux ma poupe couronnée
Brave au port les fureurs de l’onde mutinée.
C’eft là que feroit placée cette Métaphore , fî peu
naturelle dans une É l é g i e férieufè :
Nec procul a métis quas penè tenere videbar ,
Curriculo gravis ejl facta ruina meo.
Trift.. I. IV . el. S.
Tibulle & Properce, rivaux d’Ovide dans Y É lé g ie
gracieufè, l’ont ornée comme lui de tous les tré-
fôrs de l’imagination. Dans Tibulle , le portrait
d’Apollon qu’il voit en fônge; dans Properce , la
peinture des champs élifées; dans Ovide, le triom-»
phe de l ’amour, le chef-d’oeuvre ,de fès É l é g i e s y
font des tableaux raviflants ; & c’eft ainfî que Y E lé -,
g ie doit être parée de la main des grâces, toutes
les fois qu’elle n’eft pas animée par la paflion ou
attendrie par le fèntiment. C’eft à quoi les modernes
n’ont pas aflez réfléchi : chez eux, le plus fôuvent
Y É lé g ie eft froide & négligée, & par confequent
plate & ennuyeufe : car il n’y a que deux moyens
de plaire ; c’eft d’amufèr , ou d’émouvoir. <
Nous n’avôns encore parlé ni des Héroïdes d’Ovide,
qu’on doit mettre au rang des jE lég ie s paffionnées.;
ni de fès T rifle s y dont fôn exil eft le fujet què
l’on doit compter parmi les É l é g i e s tendres.
Sans ce libertinage d’efprit, cette abondance d’imagination
qui refroidit prefque par tout le fèntiment
dans Ovide, fès H e'roules fèroient à Coté des plus
belles É l é g i e s de • Properce-& > de Tibulle. On eft
d’abord fûrpris d’y trouver plus de pathétique &
d’intérêt, que dans les T r ifie s . En effet il femble
I qu’un poète doit être plus, ému & plus capable
d’émouvoir en déplorant (ès malheurs, qu’en pei ?
gnant les malheurs d’un perfônnage imaginaire. Ce-»
IF Iï