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que les premières : mais ces exprefîîôlis ïôflt reçu« \
dans le fens figuré ; parce qu’on y emploie des
prétérits, ou l’antériorité d’exiftence foppofe ,1’idée
préalable de tranfport. Or c’eft juftement cette idée
d’antériorité qui légitime la fobftitutîon de Je fu s à
la place de J 'a lla i, comme celle de tous les prétérits
du verbe être à la place de ceux du verbe
aller, .
Au refie voir, parler, ni aucun infinitif, n’efl
dans ces fobftitutions le complément du verbe être
•u du verbe aller, comme il le ferait dans la
phrafe de M. de Voltaire, On n'efi point parler :
Je vrai complément d'être, ou d’aller eft.. le nom
foufentendu du lieu convenable pour voir., pour
parler , &c. ; Je fu s ou J'allai le voirfignineJe
fus ou J'allai (en lieu convenable pour) le voir.
Or on peut également être & avoir - é té , aller &
être allé en un lieu ; & cette vérité fi fimple réduit
à rien la difficulté de M. de Voltaire.
I I I . R em . Le. verbe aller précédé de l’adverbe y
■ êc fuivi de la prépolîtion de avec un nom, comme
I l y va de Vhonneur , I l y alloit de ma fortune,
Quand-il devroit y aller de ma v ie , indique que
la chofe exprimée par le nom efi mile en péril
entre deux partis, deux évènements , également
incertains. C'eft une affaire où. i l y va de- fon
honneur. & de fa v ie , c’eft a dire , où ion honneur
& (à vie font en péril & dépendent de l’ifiue bonne
.©il mauvaifo que l’affaire pourra avoir.
O r il y a , fiir ce galliciftne, ( car c’eft en
effet un tour abfolument propre de notre langue) ,
deux obfervations importantes à faire.
i° . Lorfque dans ce fons on emploie un temps du
verbe aller commençant par i , comme ira , iroit ;
l ’euphonie exige alors la fuppreffion de l ’adverbe
y , qui au fond n’eft ici qu’une particule purement
explétive: ainfi , il.faut dire, Vous ne vous en
mêlerez apparemment , que lorfquil ira de vos
propres intérêts ; Quand il iroit de tout mon bien,
j e ne ferais pas cette^ bajfejfe.
2,°. Puifque ce gallicifme indique le péril entre
deux évènements incertains, il ne faut jamais exprimer
dans la même phrafo l ’un des deux:évènements
; parce qu’on ôteroit par là l’idée de Fin-
certitude & du péril, ou qu’ott paraîtrait la foutenir
malgré la décifïon de l’évènement : alors, avec le
. même tour, il foroit prefque égal d’exprimer au
haford lequel on voudroit des deux évènements pour
énoncer la même penfee ; ce qui efi une abfordité.
Par exemple, M. Marfollier ( Hiß. de Henri VII.
Tom. 1. liv. 3 ) , après avoir dit que les rebelles
des provinces d’Iorck & de Durham vinrent avec
une confiance imùltante offrir la bataille au comte
de Suthri , ajoute qu’z7 crut q ù il y alloit de l'honneur
du Roi & du fien de la refufer : & un peu
plus loin, après avoir rapporté'les proposions faîtes
à Henri VII par les ambafladeurs de France, il
ajoute que Henri fo défioit de la régente & croyoit
qu’z7 y alloit de fon honneur de Je laijfer tromper
une féconds fois. Il me femble que , dans le
â l r>
Çféfhïei? ë f i , M. Marfollier auroît pïï difé égalé!
ment qu’z7 y alloit de l'honneur du Roi & du fien
de Vaccepter, pour dire que l ’honneur exigeoifc
qu’il acceptât ; & dans le fécond, qu’z7 y alloie
de Jon honneur de ne pas fe laijfer tromper, ppuc
dire que l ’honneur exigeoit qu’il ne fe laifîat pas
tromper : peut-être même ces derniers tours jmoîi-
treroiént-ils plus clairement la penfée de Fauteur*
Mais pour éviter ces doutes , fi contraires à la
clarté qu’exige l’élocution, M. Marfollier devoir
dire, en pariant du comte de Suthri, qu’z7 crut
qui il étoit de l'honneur du Roi & du fien de ne
pas refufer la bataille, ou bien q u il riétoit pas
de Vhonneur du Roi & du fien de la refufer j &
en parlant des défiances-de Henri , qu’il croyoit
qu’z7 étoit de fon honneur de ne fe pas laijfer tromper
ou bien qu’z7 riétoit pas de Jon honneur de Je
laijfer tromper une fécondé fo is . Le tour par y
aller, ne doit avoir lieu que pour indiquer précifé-r
ment le péril entre deux évènements incertains 5
fons marquer ni l ’un ni l’autre dans la même phrafe.
IV . R em . Le génie de ;notre langue n’a fourni
des temps fîmples à la çonjugaifon de nos verbes,
que pour les préfents ; les autres temps, prétérits
ou futurs , ne fe forment qu’au moyen de differents
verbes auxiliaires , q u i, par les caractères
diftindifs de leurs, préfents , déterminent ceux des
temps compofes où ils entrent. Le verbe aller fort
ainfi à la compofition de quelques-uns de nos futurs ,
qui empruntent à cet effet un, temps fimple du
verbe aller fuivi du préfènt de l’infinitif du verbe
conjugué# ( Voye\ T em p s .^ art.-Y . § . 1 . )
Je ne dois pas répéter ici. ce que. j’ai dit ail*
leurs; mais je dois y foire une remarque,que je
n’ai faite nulle part, & que je ferais -Ravoir été
faite expreffément par aucun grammairien. G’eft que
le verbe aller n’eft, auxiliaire pour les-futurs prochains
que dans les phrafes pofitives ; comme Vous
allie\ for tir quand je fu is entré: mais précédé da
la conjonction fi. , ou dans une phrafe négative, il
ne marque plus qu’un futurque je nommerais volontiers
éventuel, parce qu’il préfente en effet la chofe
comme un évènement purement poffible: Que feriez-
vous , f i votre père alloit découvrir ce projet £
N'alle\ pas croire qu'il Vapprouvât : I l ri iroit pas
pour cela priver vos frères de leur -portion : Je
ne crois pas qu'il aille jamais imaginer rien de
pareil: Je penfe qu'il ri ira pas me croire impliqué
dans cette affaire. M. de Voltaire fait dire à
Orofmane ( Z a ï r e , I. ij. ) :
Je ri irai point, en proie à de lâches amours,
Aux langueurs d'un ferrait abandonner mes jours; ,
Le verbe aller produit le même effet dans ufife
phrafe interrogative , parce qu’elle foppofe une négation
: ainfi, le même poète fait dire à Mérops
» flf; . -
Moi, j ’trois de mon f i ls , du feul bien qui me refte.
Déchirer avec vous l'héritage funefieé
(M . JJe a u z é e . \
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(N.) A L L ER A L A R EN CO N TR E , ALLER
A U DEV AN T. Sytt.
On va à la rencontre, ou au devant de quelqu’un
, dans l’intention d’être plus tôt auprès de lui :
c ’eft l’idée commune de ces deux exprefilons, &
.voici en quoi elles different.
On va à la rencontre de quelqu’un , uniquement
dans l’intention de le joindre plus tôt, ou
pour lui épargner une partie du chemin : le premier
motif eft de pure amitié ou de curiofîté, & foppofe
quelque égalité ; le fécond motif eft de pohteffè.
On va au devant de quelqu’un , pour l ’honorer
par cette marque d’empreffèment ; c’eft un aCte. de
déférence & de cérémonie, qui foppofe que celui
pour qui on le fait eft un Grand. ( JJ. E eauzée.)
(N.) A L L IA N C E , L IG U E , CONFÉDÉRA-
,TION. Synonymes.
Les liens de ^parenté ou d’amitié , les avantages
de la bonne intelligence, & l’afiurance des
fecours dans le befbin pour fe maintenir, fent les
motifs ordinaires des Alliances. Les Ligues ont
.pour but d’abattre un ennemi commun , ou de fe
défendre contre fes attaques. Les Confédérations fe
terminent à quelque exploit particulier^ ^
C ’eft entre les Souverains que les traites à. A l liance
ont lieu: on y ftipule fons fixer de terme,
dans l ’efpérance ou dans la foppofition que le temps
rfy altérera rien..On admet également dans les Ligues
des Souverains & des particuliers : elles ne font pas
cenlées devoir durer perpétuellement. Il femble
que les Confédérations. fe forment plus ordinairement
entre des particuliers; elles ne fobfiftent que
jufqu’à l’entière exécution de l’entreprife; & feu-
vent la trahifon ou l’indiferétion en .empêchent les
ffiites. ( U abbé Girard. )
(N.) A L L IT É R A T IO N , fi f. Figure de didion
par confonnance phyfique , qui confifte dans le jeu
ou la répétition affeCtée des memes lettres ou des
mêmes fÿllabes, foit au commencement, fbit au milieu
des mots qui compofent un vers ou une période.
Cet artifice n’a d’autre effet en general que de
réveiller ou de fixer-, davantage^ 1 attention par la
répétition de la même articulation ou de la meme
ve'ix : mais la force ou la vivacité des imprefiions
en tout genre que notre ame reçoit eft toujours
proportionnée au degré d’attention qu’elle donne à
fies fonfotions. Les etietsfie l'Allitération réfultent
précifément du même principe que ceux de là Rime:,
qui n’eft pas une invention barbare , comme on 1 a
d it , mais qui tient à un inftinêfc de nature tres-
univerfel. Ce n’eft point ici le lieu de développer ce
principe. -
Les anciens ont fait plus d’ufoge de Y Allitération
que les modernes, parce qu’en tout, ils étôient
plus fenfibles à tous les effets de la partie materielle
du langage : on en trouve des exemples dans
Homère & dans quelques auteurs grecs; mais les
exemples feront plus fenfibles dans les auteurs latins.
A L L
U Allitération eft portée jwfqu’à l’exagé ratio#
dans ce vers d’Ennius :
O Tite, tute, tait, tibi tanta, tyranne, tulifii.
Ce concours des mêmes lettres doit êtr* employé ave$
moins d’afFedation pour produire un bon effet.
L ’artifice eft moins fenfible & plus agréable dam
ces vers de Lucrèce. (L ib . III* v. 18-2a. )
Apparet divum numen, fedesque quiets: ,
Quas neque concutiunt venti 3 neque nnbila iunibjjjf
Adfpergunt, neque nixacri concret a pruinâ
Cana czdens violât, femperque innubilus cether
Integit, & large diffufo lamine ridet.
Virgile lui-même n’a pas négligé cet artifice*
mais il l ’emploie avec ce goût foge & pur qui ca-*
raétérife tout ce qu’il nous a l.aiffé. Voyea ce§
vers :
T o ta le thu riferis Yznchaïa pin guis arenis.
E t Cola in Ciccâ Cecum Cpzùatur arenâ.
StatConipes, ac froerea Cerox fpumanlia raan
Sæya Cedens Caper arma. ’
Longé Cale Caxa Conabant.
Magno miCceri murmure Pontum.
On en citerait une foule d’autres exemples. Oit
en trouve auffï dans les écrivains en profe, dans
Cicéron for tout, qui connoiifoit fi bien tous les
fecrets de l’Élocution. Nulla res , dit-il dans feu
Brutus, magis pénétrât in animos, eos que ûngit
iosmat, fleezir.
U Allitération eft fenfible dans ce pafïage connut
de Cicéron, effugit, evdfit, erupit ; ainfi que dans
la lettre célèbre de Céfor , vent, v idi, vici ; mai*
comme dans chacun de ces deux paffages les mots
fe terminent par les mêmes fons en même temps
qu’ils commencent par les mêmes lettres, l’effet
eft compofé de celui de VAllitération & de celui
de la Rime.
Quelquefois la répétition de la même lettre con*
court à l ’imitation phyfique des objets; alors ce
n’eft plus une fimple Allitération, mais une onor.
matopée, comme dans ce vers de YEnéide ;
Luâantcs ventes iempefiatefque fonoras ;
Dans' celui- ci de YAndromaque ;
Pour qui font ces ferpents qui fiflent fur-vos tête*.'
•
Et dans ces vers du nouveau Poème des Jardins j
■ dont M. l’abbé de Lille vient d’enrichir la poéfie
& la langue françoife, & qui le place au rang de
nos plus grands poètes':
Soit que fur le limon une rivière lente
Déroule en paix les plis de fon onde indo/e/ttej
Soit qu’à travers 1 es rocs un torrent en cour roux
Se briCe avec fracas.
Dans lès fiècles gothiques, les poètes failôîent un
grand ufàge de VAllitération & y attachoient un
grand prix, Ciraldus Cambrenfis, qui a donné,