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que , pendant que, &c. on met à part ïa conjondîon
ou l’adverbe conjohétif, & l’on examine enfuite chaque
propofition féparément ; car il faut bien obfer-
ver qu’un mot n’a aucun accident grammatical, qu’à
caufé de (on 1er vice dans la feule propofition où il
eft employé.
IV . Diviféz d’abord la propofition en fiijet & en
attribut le plus Amplement qu’il fera poffible ; après
quoi ajoutez au fiijet perfonnel, ou réel ou abftrait,
chaque mot qui y a rapport, (oit par la raifon de
l’indentité ou par la raifon de la détermination ; en-
fuite paffez à l’attribut en commençant par le verbe ,
& ajoutant chaque mot qui y a rapport félon l’ordre
le plus fimple , & félon les déterminations que les
mots fé donnent fiicceffivement.
S’il y a quelque adjoint ou incifé qui ajoute à la
propofition quelque circonftance de temps, de manière,
ou quelqu’autre ; après avoir fait la Construction
de cet incifé, & après avoir connu la raifon de
la modification qu’il a , placez-le au commencement
ou à la fin de la propofition ou de la période, félon
que cela vous paroitra plus fimple & plus naturel.
Par exemple, Imper ante Caefare A ugujlo, Unigenitus
De l filins Chrijîus, in civitate D a v id ,
qu<z vocatur Bethïeem, natus ejl. Je cherche d’abord
le fujet perfonnel, & je trouve Chrijîus ; je
pafïé à l’attribut, & je vois ejl natus : je dis d’abord
Chrijîus ejl natus. Enfuite je connois par la termi-
naifon que Fiiius unigenitus fé rapporte à Chrijîus
par rapport d’indentité; & je vois que D e i étant au
génitif, fé rapporte à Fiiius par rapport de détermination
: ce mot Dei détermine Fiiius à fignifier ici
le F ils unique de Dieu : ainfî j’écris le fujet total,
Chrijîus unigenitus fiiius D e i.
E j l natus, voilà l’attribut nécefïàire. Natus eft
au nominatif, par rapport d’identité avec Chrijîus ;
car le verbe ejl marque Amplement que le fujet eft,
& le mot natus dit ce qu’il eft, né ; ejl natus, comme
nous diféns i l ejl venu, il ejl allé. L ’indication du
temps paffé eft dans le participe , venu , a llé , natus
r &c.
In civitate D a v id, voilà un adjoint qui marque
la circonftance du lieu de la naiflance. In , prépofî-
" tion de lieu déterminée par Civitate David. David,
nom propre qui détermine civitate. D a v id, ce mot
fé trouve quelquefois décliné à la manière des latins,
D a v id , Davicjis ; mais il eft ici employé, comme
nom hébreu , qui, paflant dans la langue latine fans
en prendre les inflexions , eft confidéré comme indéclinable.
Cette cité de David eft déterminée plus fingulière-
ment par la propofition incidente , Quoe vocatur
Bethïeem,
Il y a de plus ici un autre adjoint qui énonce une
circonftance de temps , Imperante Caëjare A ugujlo.
On place ces fortes d’adjoints ou au commencement
ou à la fin de la propofition, félon que l’on fént que
la manière de les placer apporte ou plus de grâce
ou plus, de clarté.
C O N
Je ne voudrois pas que l’on fatiguâtles jeunes gens
qui commencent, en les obligeant de faire ainfi eux-
mêmes la Confiruclion, ni d’en rendre raifon de la
manière que nous venons de le faire ; leur cerveau
n’a pas encore allez de confiftance pour ces opérations
réfléchies. Je voudrois feulement qu’on ne les
occupât-d’abord qu’à expliquer un texte fuivi, construit
félon ces idées ; ils commenceront ainfi à les
fàifîr par féntiment : & lorfqu’ils féront en état de
concevoir les raiféns de la Confiruclion , on ne leur
en apprendra point d’autres que celles dont la nature
& leurs propres lumières leur feront fentir la vérité.
Rien deplus facile que de les leur faire entendre peu
à peu fur un latin où elles font obférvées , & qu’on
leur a fait expliquer plufîeurs fois. Il en réfùlte deux
grands avantages ; i° . moins de dégoût & moins de
peine ; leur raifon fé forme, leur efprit ne té gâte
point, & ne s’accoutume pas £ prendre le faux pour
le v ra i, les ténèbres pour la lumière, ni à admettre
des mots pour des chofés. Quand on eonnoît bien les
fondements de la Confiruclion, on prend le goût de
l ’élégance par de fréquentes leâures des auteurs qui
ont le plus de réputation.
Les principes métaphyfiques de la Confiruclion
font les mêmes dans toutes les-langues. Je vais en
faire l ’application fur une idylle de Mad. Déshou-
lières.
Conftruâiorigrammaticale & raijonnée de l'idylle
de Mad. Déshoulières, Les moutons.
Hélas, petits Moutons t que vous êtes h eureux !
Vous êtes heureux , c’eft la propofition.
Hélas, petits Moutons , ce font des adjoints à la
propofition, c’eft à dire que ce fotit des mots qui
n’entrent grammaticalement ni dans le fiijet ni dans
l’attribut de la propofition.
Hélas eft une i'nterje&ion qui marque un féntî-
ment de compaffion : ce féntiment a ici pour objet
la perfbnne même qui parle ; elle fé croit dans un
état plus malheureux que la condition des moutons*
Petits Moutons , ces deux mots font une fuite de
l’exclamation ; ils marquent que c’eft aux moutons
que l’auteur adrefle la parole ; il leur parle comme
à des perfonnes raifénnables.
Moutonsy c’eft le fubftantif, c’eft à dire le ’fùppôt,
l ’être exiftant ; c’eft le mot qui explique vous.
P e t i t s c’eft l ’adje&if ou qualificatif : c’eft le mot
qui marque que l’on regarde le fubftantif avec la qualification
que ce mot exprime ; c’eft le fubftantif même
confidéré fous un tel point de vûe.
P e tits, n’eft pas ici un adjedif qui marque directement
le volume & la petiteflé "des moutons ; c’eft
plus tôt un terme d’affeéhon & de tendrefîé. La nature
nous inipire ce féntiment pour les petits des animaux
, qui ont plus de beféin de notre fécours que
les grands.
Petits Moutons ; félon l’ordre de î’analyfé énon-
ciative de la pensée, il faudroit dire Moutons petits,
car petits fuppofé Moutons : on ne met petits au pluriel
& au mafculin, que parce que Moutons eft au
pluriel & au mafculin. L’adjeâif fuit le fiombre &
le genre de fôn fubftantif, parce que l’adjeéïif n’eft
que le fubftantif même confidéré avec telle ou telle
qualification ; mais parce que ces différentes confî-
dérations de i’éfprit fe font intérieurement dans le
mçme inftant, & qu’elles ne font divisées que par la
néceffité de l ’énonciation, la Confiruclion ufuelle
place au gré de l’ufàge certains aàje&ifs avant, &
d’autres après leurs fubftantifs.
Que vous êtes heureux 1 que eft pris adverbialement,
& vient du latin quantum , ad quantum, a
quel point, combien : ainfî ,que modifie le verbe ; il
marque une manière d’être , & vaut "autant que 1 adverbe
combien, ‘ ~
Vous , eft le fujet de la propofition ; c’eft de vous
que l’on juge. Vous , eft le pronom de la fécondé
perfénne : il eft ici au pluriel.
Êtes heureux, c’eft l’attribut ; c’eft ce qu’on juge
de vous, . \
Ê te s , eft le verbe qui, outre la valeur ou lignification
particulière de marquer l’exiftence , fait
connoître l ’adîon de l’efprit qui attribue cette existence
heureuje à vous ; & c’eft par cette propriété que
ce mot eft verbe; on'affirme que vous exiftez heureux.
• Les autres mots ne fént que des dénominations ;
mais le verbe »outre la valeur ou lignification particulière
du qualificatif qu’il renferme , marque encore
l ’adion de l ’efprit qui attribue ou applique cette
valeur à un fujet.
jEtes : la terminaifon de ce verbe marque encore
le nombre, la perfénne, & le temps préfént.
Heureux eft le qualificatif, que l’efprit confidéré
comme uni & indentifié à vous, à votre exiftence ;
c’eft ce que nous appelons le Rapport d'identité.
Vous paillez dans nos champs fans fouci, fans alarmes.
Voici une autre propofition.
Vous en eft encore le fujet fimple : c’eft un pronom
fubftantif; car c’eft le nom de la féconde perfénne, en
tant qu’elle eft la perfénne à qui l’on adreflé la parole
; comme roi, pape , fént des noms de perfénnes
en tant qu’elles jkifsèdent ces dignités. Enfuite les
circonftances font'connoître de quel roi ou de quel
pape on entend parler. De même ici les circonstances
, les adjoints font connoître que ce vous, ce
fént les moutons. C’eft fe faire une fauiïè idée des
pronoms que de les prendre pour de fîmples vicegé-
rents, & de les regarder comme des mots mis à la
place des vrais noms : fi cela étoit, quand les latins
difent Cérês pour le pain, ou Bacchus pour le vin ,
Ce res & Bacchus féroient des pronoms.
t Paijfe^ eft le verbe dans un féns neutre , c’eft à
dire que ce verbe marque ici un état de fujet; il
exprime en même temps l’aétion & le terme de l’action
: car vous paijfiex eft autant que vous mange\
l herbe. Si le terme de l ’aâion étoit exprimé féparément
, & qu’on dit vous paijfe\ l'herbe naijjante,
le verbe, féroit adif tranfîtif.
Dans nos champs , voilà une circonftance de
1 aétion.
Dans eft une prépofîtion qui marque une vue de
l’efprit par rapport au lieu : mais dans ne détermine
pas le lieu ; c’efl un de ces mots incomplets dont
nous-avons parlé, qui ne font qu’une partie d’un fens
particulier, & qui ont béfoin d’un autre mot pour
former ce fens : ainfi, dans eft la prépofîtion, & nos
champs en eft le complément. Alors ces mots dans
nos champs font un fens particulier qui entre dans
la compofition de .la propofition. Ces fortes de fens
font feutrent exprimés en un feu! mot, qu’on appelle
Adverbe. ’ ■ .
Sans fo u c i, voilà encore une prepofition avec Ion
complément ; c’eft un fens particulier qui fait un
incife. Incije vient du latin Incifum , qui lignifie
coupé : c’eft un fens détaché' qui ajoute une circonftance
de plus à la propofition. Si ce fens étoit fep-
nrimé la Dtopofition auroit une circonftance de
Auffi tôt aimés qu’amoureux ,
On ne vous force point à répandre des larmes.
Voici une.nouvelle période; elle a deux ment-:
bres*
AuJJitôt aimés qu'amoureux , c eft le premier
membre, c’eft à' dire , le premier féns partiel qui
entre dans la compofition de la période.
Il y a ici ellipfé, e’eft à dire que , pour faire
la. Confiruclion pleine, il faut fuppléer . des mots
que la Confiruclion ufuelle fùpprime, mais dont
le féns eft. dans l’efprit.
AuJJitôt aimés qu'amoureux^ c'eGt 2 dire, comme
Vous êtes aimés aujjitôt que vous etes amoureux•
Comme e.ft ici un adverbe relatif qui fert au raifon-
nement., & qui doit avoir un corrélatif : comme ,
c’eft à dire , & parce que vous êtes , & c.
Vous eft le fujet, êtes aimés auffuôt eft l’attribut:
aujjitôt eft un adverbe relatif de temps, dans le
meme temps. , .
Que , autre adverbe de temps ; c eft le ^ corrélatif
Sauffttôt. Que appartient à la propofition fui-
vante , que vous êtes amoureux : ce que vient du
latin in quo , dans lequel , quum.
Vous êtes amoureux ; c’eft la propofition corrélative
de la précédent# . .
On ne vous force point à répandre des larmes :
cette propofition eft la corrélative du fens total des
deux propofitions précédentes.
On eft le fujet de la propofition. On vient de
homo. Nos pères difoient hom , nou y a hom fus
la terre. Voye\ Borel au mot Hom. On fe prend
dans un fens indéfini, indéterminé'; une perfonne
quelconque, un individu de votre efpèce.
Ne vous force point à répandre des larmes.
Voilà tout l’attribut : c’eft l’attribut total ; c’eft ce
qu’on juge de on, v i
Force eft le verbe qui eft dit de on; ceft pour
cela qu’il eft au fîngulier & a la troifieme per-
fqnne. ,
Ne p o in t, ces deux mots font une négations
R r r t