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» & fi vous voulez qu* il le rapporte à Veffet, il faut
» dire , cefi la caufe de cet effet, .duquel je vous
» entretiendrai, ce
Mais fi les deux noms auxquels peut Ce rapporter
le mot eonjondif, (ont du même genre & du même
nombre ; le tour que Ton vient d’indiquer ne remédie
ar ien , & je ne vois pas que les purifies y ayent
penfé. Que faire donc pour lever l’Equivoque
de cette phrafè, C'efi le f ils de cet homme dont
ont a dit tant de mal ? 11 eft indifpenfàble d’eiv
changer la forme entière : fi donc a rapport à cet
homme , dites, Cet homme dont on a dit tant de
m a l, eh bien celui-ci efi fon fils y & fi dont a
rapport au f i l s , dites, Le f ils de cet homme eft
celui dont on a dit tant de mal, ou bien Celui
dont on a dit tant de mal efi le f ils de cet homme.
Il n’y a point de tour qui ne fait préférable à l’ambiguïté,
à l’obfcurité.
2. Une féconde fôurce d'Équivoque eft dans les
pronoms de la troifîème perfônne , i l , elle-, lu i, i ls ,
e u x , elles, leur y parce que tous les ob;ets dont
on parle étant de la troifîème perfônne , dès qu’il y
a dans le difeours plufîeurs noms du même genre
& du même nombre , il doit y avoir incertitude
fur la relation des pronoms, qui eft indéterminée,
à moins qu’on ne fâche rendre cette relation bien
iènfîble par quelqu’un de ces moyens qui ne manquent
guère à ceux qui lavent écrire. I l efiimoit
le duc, & dit q u il était vivement touché de ce
refus y on ne fait qui étoit touché, le duc ou celui
qui l’eftimoit : c’eft la même incertitude dans cette
autre phrafè, Bien que Vhomme jufie ait toujours
été le temple vivant de Dieu , il lia pas laiffé de
vouloir demeurer par une préfence fpéciale en des
lieux confacrés à fa gloire ; il fèmble d’abord que
cet i l, qui eft fujet, fè rapporte au fûjet l ’homme
jufie qui commence la période , parce qu’en effet
les lois de notre conftrudion l’y font rapporter;
cependant félon le fèns , que l’on ne reeonnoît qu’à
la fin de toute la période, i l doit fè rapporter à Dieu.
Dans le premier exemple, fi l ’on veut dire que
le duc étoit touché, il faut tourner ainfi la phrafe $
I l efiimoit le duc, & dit que ce fèigneur étoit vive-
ment touché de ce refus : & pour faire entendre, que
c'était l’autre qui étoit touché , il n’y a qu’à dire,
I l efiimoit le duc , & dit qu'en confédération de ce
fèigneur il étoit vivement touché de ce refus.
Dans le fécond exemple, pour en faire aifparoître
l ’embarras , il n’y a qu’à faire de Dieu le fîïjet du
premier membre-& dire , Bien que Dieu ait toujours
fiait de Vhomme jufie fon temple vivant ,
i l ri a pas laiffé, &c.On pourrait dire encore, Bien
que Vhomme jufie ait toujours été le temple vivant
de la divinité, elle ri a pas laiffé de vouloir, &c :
le changement de genre fuffit pour faire difparoîtr-e
H Équivoque.
3, Les adjedifs pofiéftifs de-la troifîème perfônne-,
f o n , f a , f e s , leur , leurs , fien, fienner fiens■ ,
fiennes , font dans le même cas pour la même rai fon
d indé.termination.De Equivoque de cette phrafe,
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I l a toujours aimé cette perfônne au milieu de
fon adverfité. » Ce fo n , dit Vaugelas, eft équi-
>> voque ; car on ne fait s’il fè rapporte à cette per-
33 fonne ou à i l qui eft celui qui a aimé : quel
33 remède \ Il faut donner un autre tour à la phrafe
33 ou la changer. <#
M. de Wailly fait dire, félon le fèns qu’on envifà-
g e , Quoiqu'il fu t dans l'adverfité, il a toujours
aimé cette perfônne y ou bien , il a. toujours aimé
cette perfônne , quoiqu'elle fu t dans Vadverfité.
II.me fèmble qu’il ferait poflible de moins altérer
la plirafé primitive pour lever Y É q u iv o q u e , en
difântpour le premier fens, A u milieu de fon adverfité
il a toujours aimé cette perfônne, parce que-
fon fè rapporte alors néceffairement à il\ & p o u r
le fécond fèns , I l a toujours aimé cette perfônne
au milieu de Vadverjité où elle a été, où elle efi
tombée , &c. «
4. L ’article indicatif le , la , le s , quand il eft
employé fèul avec relation à un nom' appellatif
antécédent, peut aufîi rendre la phrafè équivoque-,
s’il eft précédé de plufîeurs noms de' meme genre
& de même nombre , auxquels ôn puiflè le rapporter
»» En voici , dit Vaugelas (Rem. ?4$>. ) , un
» bel exemple d’un célèbre auteur : Qui trouverez
» vous qui de foi-même ait bornéja domination
» & ait perdu la vie fans quelque deffein de Vé-
33 tendre plus avant ï Au fèns on voit bien que
» Vétendre fè rapporte à domination& non pas à vie;.
» mais parce qui étendre eft propre auxdeux noms qui
» lë précèdent & que vie eft le plus.proche, il fait
» Équivoque & obfcurîté. Il y en a un autre befexem-
» pie dans le même écrivain : Je vois bien que de
» trouver de la recommandation aux paroles, cefb
» chofe que malaijement je puis efpérer de -met
» fortuney voilà pourquoi j e la cherche aux, effets c
33 ce la eft équivoque y c a r félon le. fèns, il fè
>3 rapporte à recommandation, y &. félon la conflruc-
» tion des paroles , il fè rapporte à fo r tu n e qui eft
» le nom le plus proche ; & la convient à fortune
» aufîi bien qu’à recommandation. «
Il étoit facile de corriger VEquivoque du premier
exemple, en difânt à la fin, fans quelque
deffein d ’étendre fâ puifTance plus avant y. & celle
du- fécond, en difânt, voilà pourquoi- j e cherche
' cette recommandation aux effets.
S- Une phrafè peut être rendue équivoque par
tout adjedif en général, qui eft employé feul & qui
peut avoir un double rapport, ce qui produit nécefi- •
. fâirement l’incertitude gt l’ambiguïté.
I l’ croyoit que pour cela U falloit renouveler les.
anciens' canons touchant la vie & les moeurs des
clercs , établis par les Papes, les Pères, & les Conciles.
« Établis, dit le P. Bouhours ( Doutes
» p. 187), fè rapporte aux anciens canons ; St çepen-
» dant,félon l’ordre des paroles, on dirait q,u’ij fè
»■ rapporte aux clercs, qui en eft plus proche. Si
» je fùivois mo-n idée , je joindrais établis avec
» anciens canons, & je dirais.; il falloit renottyelev-
>3. les anciens canons établis par les Papes., lot
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» Pères,. & les Conciles , touchant la vie & les
33 moeurs des clercs. »
Je fuis étonné que ce grammairien ne propofè fâ
corredion qu’avec ménagement, vu qu’il n’y en a
aucune autre qui fôit raifônnable en confèrvant les
mêmes termes: il eft ‘effenciel que l’adjedif fe joigne
au nom qu’il modifie, fi rien n’empêche cette appo-
.. fi tion , les anciens canons établis y & ces canons ont
été établis touchant la vie & les moeurs des clercs ,
nouvelle raifôn pour mettre cette phrafè adverbiale
après l’adjedif établis, dont elle eft un complément.
6. Souvent une phrafè eft équivoque à caufè^ du
fèns indéterminé d’une prépofîtion, qui peut, à raifôn
de l ’ufâge, marquer différents rapports.
On lit dans les Entretiens d'Arifie & d'Eugène^,
que Les académiciens qui fe nomment Accordati,
ont pour devifeun livre de Mufeque ouvert, avec
des infiruments y on dirait que ce livre eft ouvert à
force de marteaux & de crochets. Pour éviter cette
ridicule ambiguïté, l’auteur pouvoit changer avec
en & , puifque cette prépofîtion ne doit avoir ici que
le fens copulatif ; ou fupprimer l’adjeétif ouvert, qui
occafionne l’Équivoque, 6c qui d’ailleurs s’entend
affez, puifqu’on ne peut pas fàvoir qu’un livre en
peinture fôit un livre de Mufîque s’il n’eft ouvert.
Il y a un texte de l’Évangile qu’on a traduit ainfi ;
Quand le fils de 'Vhomme viendra dans fa gloire :
la prépofîtion dans fait une Équivoque, & donne à
entendre Quand le fils de L'homme entrera dans
fa gloire; au lieu que le fèns du texte eft, Quand
le f ils de l'homme viendra avec toute fa majefté.
Difôns la même chofe d’un autre texte de YImitation
de J . C. qu’un tradudeur a rendu ainfi ; Si
vous voule\ être élevé dans le ciel, humiliez-vous
dans -le monde r il fèmble que, par être élevé dans
le ciel, on veuille dire être élevé au ciel, ce que
ne dît point le latin. Un autre tradu&eur a rendu
le fèns plus nettement & avec plus de fidélité, en
difânt, Si vous voule\ être grand dans le ciel, fa i tes
vous petit fur la terre.
ij. La féconde efpèce de phrafès équivoques eft
dé celles où l’ambiguité vient de la mauvaifè dif-
pofîtion des parties, & furtout des compléments d’un
même mot l & le remède général à ce vice, eft de
fuivre feru pu leu fè me nt les règles que l’exaditude &
la clarté exigent par rapport à la difpofition des
compléments. •
L ’abbé de Saint-Réal, dans la Vie de J. C. s’exprime
ainfi: J é s u s aperçut un peu plus loin deux.
autres pêcheurs qui raccommodaient desfilets avec
leur père, qui s'appelait Z ebédée, dans f i nacelle*
« Il y a dans cette façon de parler, dit M. Andry,
33 une Équivoqueinfu-pportable ; car enfin ne femble-
3® t-il pas à ces mots qui s'appeloir. Zébédée, dans
>3 fa nacelle , que cet homme ne s’appeloit Zébédée
» que lorfqu’il étoit dans fâ nacelle i Ii n’y avoir
» qu’a dire : I l aperçut un peu plus, loin deux
>3 autres pêcheurs, qui, avec leur père, qu'on appe-
» loin Z ebédée, raccommodaient des filets dans fa
% n.acelle:y au bien II aperçut üh peu plus. loin
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» deux autres pêcheurs, qui étaient avec.leur père,
>3 nommé Zébédée, & qui raccommodaient avec
>3 lui des filets dans f a nacelle. »
Dans le roman de la Princeffe de Clêves on l i t ,
I l parut alors une Beauté à la Cour, qui attira
\ les yeux de tout le monde : il réfùlte de la conf-
truétion que c’eft la Cour qui attira , & l’auteur
vouloit le dire dè la Beauté qui y parut ; il n’avoit
qu’à dire, I l parut alors, à la Cour, une Beauté
qui attira les y lu x de tout le monde. •-
Un peu plus loin: Ainfi, i l y avoit une forte d'agitation
fans défordre dans cette Cour, qui^ la rendait
très-agréable : c’eft encore le même défaut de
conftrudion ; mais il me femble que l'Équivoque eft
plus forte, & qu’on eft bien tente de croire que la
Cour rendoit très - agréable l ’agitation fans détordre
qui régnoit alors : il eft cependant certain que l’auteur
a voulu & dû dire, A in fi, il y avoit, dans,cette
Cour, une forte d'agitation fans défordre qui la
rendait très-agréable.
Il fèroitaifé de citer beaucoup cf exemples de cette
efpèce, & de les prendre même dans les meilleurs
écrivains: je me bornerai à ceux-ci, & aux phrafès
que j’ai citées comme loûches ( Voye\ Louche ) y
& je renyerrai aux règles qu’exigent la perfpecuite
& l’harmonie par rapport à la difpofition des différents
compléments, f Voyz\ Complément. )
ü j, La troifîème efpèce de phrafès équivoques,
eft de celles où le tour fèmble fuppofer comme réel-,
ce qu’on a pourtant intention de nier ; ou comme-
faux , ce qu’au contraire on prétend affirmer.
M'attribue^point au définit de mon fouvenirle
retardement de mes lettres. Ne fèmble-t-il pas qu on
avoue le défaut de J'ouvenir, & qu’on veuille neanmoins
affigner au retardement des lettres une caufè
differente & peut-être plus offenfânte? Il falloit dire ,
N'attribue\ à aucun défaut de fouvenir le retar—
; dement de mes lettres.
Si je ne vas point vous voir, ce n eft pas parce
que je vous oublie. Le verbe ƒ oublie à l’indicatif à
■ caufe de parce que, eft un aveu réel de l’oubli, dont
' on veut pourtant fe défendre 2 en d i f â n t ce n'efl
point que je vous oublie, le Verbe f oublie, au fub-
jonéfif à caufè du que après la négation , eft un défâ-
veu formel & fans Équivoque - de- l’oubli dont on la
. défend.
Ces deux exemples, que j’emprunte de M. Andry
montrent un tour qui, par mégarde, fèmble fuppofèr
comme réel, ce qu’on veut pourtant nier. Voici d’autres
exemples,.où de- propos délibéré on*afteéte de
' paraître nier ce qu’au, contraire on a l’intention
d’affirmer.
' Une femme, dit-on, ayant été infultée par un
homme , lui intenta un procès criminel ; & il fut
condanné à lui faire réparation d’honneur en préfence
de témoins. Madame , lui dit-il alors , j e vous-,
ai appelée-P........ cela-ejl vrai y je déclara au jour--
dhui que vous êtes une très-honnête femme, & je
. reconnois mon tort► Il eft inutile de faire- remar-
I qper éh. quoLconfifte. ici l'Équivoque y mais, i f é ü