
89 A D J
point trouver de nom foftantif convenable & u fité,
la façon de parler n’en feroit pas moins elliptiq
u e ; on y lôufènten droit l ’idée de ch ofe ou d ’être ,
dans un féns neutre. V . E ll ip se .,
La féconde remarque, c’eft qu’il ne faut pas
confondre V a d j e ê t î f z v e c l e nom fubftantif qui énonce
une qualité , comme bla n ch eu r , étendue ; ( a d j e c t i f
qualifie un fobftantif; c’eft le fobftantif même confédéré
comme étant te l, M a g i f t r d t é q u ita b le : ainfi,
l ’ a d j e c t i f n’exifte dans le diféours que relativement
au fubftantif qui eft le foppôt , & auquel il fe
rapporte par l’identité ; au lieu que le fobftantif
qui exprime une qualité , eft un terme abftrait &
jmétaphyfique, qui énonce un concept particulier
de l’efprit, qui confidère la qualité indépendamment
de toute application particulière , & comme
fi le mot étoit le nom d’un être réel & fébfiftant
par lui-même : tels (ont c o u le u r , étend ue , é q u i t é ,
&c. ce font des noms fobftantifs par imitation. V o y e \
A b s t r a c t io n .
Au refte, les a d je c t ifs font d’un grand ufége,
for tout en poéfie , où ils férvent à faire des images
& à donner de l’énergie : mais il faut toujours
que l’orateur ou le poète ait l’art d’en ufér à
propos, & que ( a d j e c t i f n’ajoûte jamais au fobf-
tantif une idée acccefloire inutile, vaine , ou déplacée.
(M . d u M a s s a i s . )
(N.) ADJECTIVEMENT , adv. D’une manière
adjeétive. A la manière des adj'edifs.
Un nom eft pris quelquefois a d je c t iv em en t ,
quand il eft employé dans un féns général & déterminé
à la manière des adjeâifs, comme quand Malherbe
a dit P lu s M a r s que Mars de la Thrace,
P l u s rocher que les rochers, Hercule fut m oins
H e r cu le que toi. On a dit de même en latin ,
N e ro n e Neronior ip fo . ( M . B eauzèe. )
* A D JO IN T , terme de Grammaire. Les grammairiens
qui font la Conftruâion des mots de la
phrafé, relativement au rapport que les mots ont
entre eux dans la propofition que ces mots forment,
appellent a d jo in t ou a d jo in t s les mots ajoutés à
la propofition , & qui n’entrent pas dans la com-
pofition de la propofition : par exemple , les interjections
h é la s J h a ! & les vocatifs.
Hélas, petits Moutons, que vous êtes heureux !
Q u e v o u s êtes h eu r eu x font les mots qui forment
le féns de la propofition ; q u e y entre comme
adverbe de quantité , de manière, & d'admiration ;
q u a n tum , com b ien , à quel point ; v o u s eft le fojet,
ê te s h eu r eu x eft l ’attribut, dont êtes eft le verbe,
c’eft à dire , le mot qui marque que c’eft de vous
que l’on dit êtes h eu r eu x ; & h eu r eu x marque ce
que l’on dit que v o u s ê t e s , & fé rapporte à vous
par un rapport d’identité. Voilà la propofition com-
plette. H é la s & p e t i t s M o u to n s ne font que des
a d jo in t s« ( M . d u M ars aïs . )
Ce qui eft mis par addition, dit l’Abbé Girard,
AD J
» ( Vrais princ. Difc. 111. ) pour appuyer for la
» choie ou pour énoncer le mouvement d’ame,
» fé place comme fimple accompagnement ; cfélt
» pourquoi je le nommerai adjonctif » Il cite en
exemple cette période : Monjieur, quoique le mérite
dit, ordinairement un avantage fotide fu r la
fortune ; cependant, chofe étrange ! nous donnons
toujours la préférence à celle-ci. Cet ce période
eft compofée de deux membres. « L ’adjonétif, dit
» l’académicien , eft , dans le premier membre ;
Monjieur; dans le fécond, ces deux mots, chofe
» étrange. C ar, peu effèncieis à la propofition-, ils
» ne font là que par forme d’accompagnement : l’un ,
» pour appuyer par un tour d’apofttophe; l’autre,
» pour joindre , à l’expreflion de la penfée, celle,
a d’un mouvement de forprifé & de blâme ».
. Ces deux illuftres grammairiens font donc d’accord
for la défîgnation de la ,chofé qu’ils veulent
caraderifér ic i , & ils ne diffèrent que par la dé-?
nomination. S’il eft vrai qu’on- ajoute à une propofition
des mots qui n’entrent pas dans fé com-
pofition , qui ne s’y placent que comme fimple
accompagnement ; je crois qu’il vaut mieux les
nommer adjoints qu’adjonctif s : ces mots en effet
font adjoints oujoints à la propofition; & l’on ne
peut pas dire qu’ils férvent à y joindre quelque
idée acceffbire, ni par conféquent qu’ils féient ad-
jonctifs ; car tel eft le véritable féns de ce terme ,
que l’abbé Girard paroît avoir introduit abufi-
vement. J’ofé ajouter que je crois ces deux philo-
fophes également dans l ’erreur, for l’indépendance
prétendue de ce qu’ils appellent adjoints ou adjo
n c tif s j & j’en donnerai la preuve à l ’article R égime.
Mais quoi qu’il en foit de la dodrine que j’y
propofé, ou de celle que je combats; on peut employer
ces adjoints avec foccès, pour donner plus
de grâce, plus d’harmonie, ou même plus de vie
au diféours, foit en profe , foit en vers ; for tout
fi ce font des interjetions employées à propos : mais
fi l’on n’en fait ufége dans les vers que pour rem-'
plir la meforé ; ils n’ont point alors d’autre effet, que
de rendre la poéfie lâche & traînante , & de commettre
l’habileté du poète;) (M , B eauzèe.)
(N.) ADJO NC TIO N, n. f. terme de Grammaire,
communément regardé comme étant du langage de la
Rhétorique. C ’eft une figure d’élocuti'on par union ,
( Voyez F ig u re ) , qui rapporte à un centre commun
plufîeurs membres fomblables, fans répéter
autant de fois le terme commun de leur relation.
La foppreflïon de ce terme, commun n’entraîne
aucune obfourité ; parce que les lois de la fyn-
taxe, dont l’empreinte eft fonfible dans les autres
mots de la propofition, rappellent nécefîàirement
l’idée du mot fupprimé : mais cette foppreflïon,
en abrégeant le diféours, ■ donne de la vivacité à
l’expreffion, & y ajoute fouvent de l’énergie ; c’eft
d’ailleurs une figure très-propre à donner de la
tenue.à l’éjocution, à çn foutenir le ftyle , fi
eîlé eft bien ménagée, à y mettre & à y varier
l’harmonie. • .
U Adjonction peut fé faire en bien des manières.
# „
i a. En rapportant differents attributs au meme
fojet, comme l’a fait Voltaire , ( V a ir e , aét» i .
fé. i . )
J’euffe cté près du Gange efclave des faux dieux ;
Chrétienne dans Paris , mufulmane en ces lieux.
O u comme Cicéron ( Pro. Archiâ, VII.. 1 7 . )»
qui en donne deux exemples dans la meme période f
qu’il eft difficile de rendre à cet égard avep fidélité.
Les autres ( amufé-
ments) ne font ni_ de
toutes les féifons, ni de
tous les âges , ni de tous
les lieux : mais les Lettres
font l ’aliment de la
Jeun elfe, l ’amufément de
la Vieilleffe , l’ornement
de la profpérité, Une refé
fource & une confolation
dans l ’adverfité ; elles récréent
dans l’intérieur des
maifbns , n’embarraffent
_ point au dehors , nous
Cceterce ( animi remifé
fiones ) neque temporum
funt ; neque cetatum omnium,
neque locorum :
hczc Jludia Adolefcen-
tiam alunt, Senecîutem
oblectdnt, fecundas res
ornant, adverjîs perfu-
gium ac jolatium prez-
'bint, r,delectam domi ,
non impediunt foris, per-
noétant nobifciun, pere-
grinantur, rujlicantur.
accompagnent conftammentla nuit, en voyage, à la
Campagne.
i ° . En mettant plufîeurs fojets d’une part, &
plufîeurs compléments de l’autre, dans la dépendance
d’un même verbe. Voici en exemple l ’endroit
où Cicéron veut prouver que Pompée a toutes
les qualités néceflaîres à un Général ( Pro le g.
manil; x iy . 40. ) ; & j’y joindrai la traduéhon
revue par M. de Wai-ily, qui rend exactement* la
figure :
Non avaritia ab inJÜ-
tuto curfu ad prcedam
cdiquam devocavit ; non
libido , ad voluptatem ;
non amcenitas, ad delec-
tationem y non nobilitas
urbis y ad cognitionem ;
non denique labor ipfe,
ad quietem.
Jamais l’avarice ne le
fit arrêter pour faire un
riche butin ; ni la volupté,
pour prendre fés plai-
fîrs ; ni la beauté d’un
endroit, pour s’y divertir;
ni la réputation d’une
ville , pour la connbître ;
ni enfin le travail même,
pour fé délaffer.
30. En réunifiant plufîeurs membres qui ont
en commun un feul complément. Boflùet, dans
l ’Oraifon funèbre du grand Condé , compare la vigilance
& l’activité ce ce grand capitaine à celles
d’un aigle , qui, du haut des airs où il plane
ou de la cime d’un rocher où il fé repofé , porte
de tous côtés des regards perçants & tombe fi sûrement
for fé proie , qu’on ne peut éviter fés ongles
non plus que fés' yeux ; puis le foblime
orateur termine par une Adjonction auffi hardie
que magnifique : aujjî vifs étoiem les regards »
C ramm» et L iT ié iu T f Tome 1,
aujjî vite & impétueufe étoit Vattaque , aujji
fortes & inévitables étoient Us mains du prince
de Condé.
4°. Ce font quelquefois differents compléments
qui dépendent d’un même adjeétif ou d’un même
verbe ; & voici l ’exemple de l’un & de l’autre dans
une même période : La pratique de la philofophie
ejt utile à tous les âges , à tous les fe x e s , & à
toutes les conditions ; elle nous confole du bonheur
d'autrui, des indignes préférences , des mauvais
fuccèsy du déclin de nos forces ou de notre beauté•
(L a Bruyère. )
$p. Differentes propofitions incidentes régies par
un même verbe : Souvenez-vous que les afflictions
ont toujours été le fceau & la récompenfe des
jujles ; qu’on ne peut aller à la gloire des faints
que par la croix; que, moins on à eu de confolation
en cette v ie , plus on ejt en droit d ’en
attendre dans l'autre ; & quau lit de la mort ,
vous ne voudrez pas changer vos afflictions 6*
vos peines pajfées , contre tous les fceptres &
toutes Us couronnes de la terre. ( Maffîllon. )
6°. Diverfés propofitions incidentes rapportées à
un même antécédent ; I l fa ut à notre culte des
objets fenfibles , qui aident notre f o i , qui réveillent
notre amour, qui nourrijfent notre efpé-*
rance, qui facilitent notre attention , qui Janc-
tijient l’ufage de nos fens , qui nous ur.ijfent mémo;
à nos frères. ( Maffiilon, )
7°. Tous les rapports que la fyntaxe eft chargée
de rendre fénfîbies dans i’oraifon , peuvent donnes
; lieu à l’Adjonction, dès que plufîeurs termes antécédents
tiennent à un foui conféquent, oü plufîeurs
| conféquents à un féul antécédent ; & l’on ne fi--
niroit pas , fi l’on fé propofoit de donner des exemples
de tous les cas poffibles. Mais j’en citerai encore
un, où l’on verra une propofition jetée entre
chaque membre de (Adjonction pour en devenir
la preuve ; & cet exemple eft encore de Maffiilon s
Le jujîe ne dépend, ni de fe s maîtres, parce q u il
ne les fert que pour D ieu; ni de fe s amis , parce
qu’il ne les aime que dans l'ordre de la charité
& de la jujîice ; ni de fe s inférieurs , parce q u il
lien exige aucune çomplaijance injujle ; ni de fa
fortune, parce qu il la craint ; ni des jugements
des hommes, parce qu’i l ne craint que ceux de
Dieu ; ni des évènements, parce qu'il les regarde
tous dans Vordre de la providence ; ni de fe s paf-
jions même, parce que la charité qui efl en lui
en eft la règle & la mefure. ( M. B eaxjzèè).
ADME TTRE , RECEVOIR. Synr
On admet quelqu’un dans une fociété particulière,
i on le reçoit, à une charge.
Le premier eft une • faveur , accordée par les
perfonnes qui compofént la fociété , en conféquence
de ce qu’elles vous jugent propre à participer à leurs
deffeins , à goûter leurs occupations, & à augmenter
leur ‘amufément & leur plaifîr. L e fécond eft
yne opération par laquelle on achève d« vous don