
Cette différence confidérable entre les adjèffifs
de la fécondé efpèce & ceux de la première,
(èmble .exiger qu’on afligne à la féconde une deno^
mination diftinCtive. L ’abbé Girard avoit nomme
Adjeéîifs pronominaux tous ceux qu’il avoit en^i-
fàgés fous le point de vue qui caradérilè ^ cette
féconde efpèce ; & ce font les mêmes , à la réfèrve
de quelques-uns , qu’il avoit vus fous un autre
afped. « Les Adjeétifs pronominaux, dit-il ( Vrais
» princ. Dite. vij. Tom. I. pag. 368,) qualifient
» par un attribut de défîgnation individuelle, c’eft
» à dire , par une qualité qui . . . n’eft qu’une pure
» indication de certains individus, &c. »
Mais la dénomination de Pronominal ne porte
que für l ’origine, de quelques mots compris dans
ee:te claffé, fans rien indiquer de leur deftination ,
de leur férvice, de leur nature ; & il me fèmble
que l’origine feule n’eft pas une raifon fuffifànte
pour fonder une dénomination. Que faut-il donc
en penfer, fi l’origine même eft fauflé ? Celle-ci
l ’eft afsûrément, puifqu’il eft prouvé par la nature
dès Pronoms ( voye% Pronom ) , qu’une infinité
d’Adjedifs , pris jufqu’à préfènt pour des Pronoms
n’ont rien en foi de commun avec cette efpèce de
mots ; & on le verra en détail dans les différents
articles de .ces Adjectifs, qui vont inceffamment
être cités. : ^ -
M. du Marfàis avoit obférvé que tous ces Adjectifs
doivent faire bande à part, & être réunis fous
un même nom comme fous un point de vue commun.
Il les nomme , tantôt Adjeéîifs métaphyjiques,
tantôt Adjeéîifs prépojitifs ou Prénoms ÿ & il
remarque expreffément qu’on ne leur donne pas le
nom d’Articles , affèfté fpécialement par nos
grammairiens à ces trois mots le , la , le s , « peut-
» être, dit-il, parce que ces trois mots font d’un
» ufàge plus fréquent. »
La dénomination èiAdjectifs métaphyjiques feroit
trop générale & conféquemment trop équivoque ;
parce que l’on pourroit, conformément à la notion
qu’en a donnée M. du Marfàis , y rapporter tous
les Adjedifs qui dêfignent par l’idée d’une qualité
qui n’eft que le réfùltat d’une confidération de notre
efprit à l ’égard des êtres, comme grand., petit,
différent, pareil, fembîabïe, borné, terminé,,fin i,
infini, parfait, imparfait, beau, laidy néceffaire ,
accidentel, pofjible , impojjible, &c : ce font les
exemples mêmes de cet auteur. Il eft vrai qu’au
moyen d’une définition exade on pourroit ôter
Péquivoque ; mais on ne fàuveroit pas l’inutilité du
' mot, qui par lui-même n’indique rien de la nature
des objets qu’il faut nommer.
Les dénominations de Prénoms & $ Adjectifs
prépojitifs ne font pas plus heureufès. Outre que
le mot dé Prénom eft univerféllement confâeré à
lignifier le premier & le plus individuel des noms
propres que portoit chaque romain ; ni cette dénomination,
ni celle de Prépojitifs, ne peuvent convenir
allez, généralement aux Adjedifs que l’on veut
défîgner, puifque le génie de toïifes les langues ne
les place pas , comme dans la nôtre, avant les nom
qu’ils modifient : nous difôns MON père , cette
mujicienne ; mais les latins difbient fort bien , pater
m e u s , de f id i c in à i s t h a c .
Quant à la dénomination d’Articles, il me fèm-
ble que l’ufàge plus ou moins fréquent des mots le y
la , le s , n’y a gu ères de trait ; St que , quand on
n’allègue qu’une pareille raifon pour ne pas déligner
par ce mot les autres Adjedifs de la même efpèce,
on eft bien près d’avouer qu’on ne connoît pas de
titre légitime pour les en exclure. C ’eft en effet' le
fèul nom que je croye convenable à l’efpèce dont
il s’agit, le fèul du moins dont on puiffe faire ufàge,
pour ne pas introduire gratuitement un terme nouveau,
St pour fûivre néanmoins les principes immuables
d’une nomenclature raifônnée.
i° . Les individus font comme les membres du
corps entier dont la nature eft exprimée par le nom
appellatif: or le mot grec c&pôpov, & le mot latin
Articulas, tous deux employés ici par les grammairiens
, lignifient également ces jointures, qui
non feulement attachent les membres les uns aux
autres, mais qui fervent encore à les diftinguer les
uns des autres. Sous ce dernier afped, le meme
mot peut fèrvir avec fùccès à caradérifèr tous les
Adjedifs. qui, fans toucher à la compréhenfïon, ne
fervent qu’à la diftindion plus ou moins précifè
des individus auxquels on applique le nom appellatif.
20. L ’un des Adjedifs compris dans cette clafîe
eft déjà en poffeffion de ce nom dans les Grammaires
particulières de toutes les langues où il eft
ufrté. On connoît dans la nôtre Y Article l e , la ,
l e s ; dans celle des italiens", il , l o , l a ; dans
celle des efpagnols , e l , lo , l a ; en allemand ,
d e Rt d i e y d a s ; en anglois , t h e , en grec
O y V) y TO 5 Cf Cm
3°. Le principal câradëre , avoué par tout le
’ monde dans la nature de ce premier Article , eft
auffi une partie effencielle de la nature commune
de tous les autres Adjedifs qu’on lui afFocie ic i; je
veux dire la propriété de fixer déterminémenc l’attention
de l’efprit fur les individus, auxquels on
applique la lignification abftraite des noms appeila-
tifs : caradère qui diftingue en effet ces Adjedifs de
ceux de la première efpece.
40. Enfin, en réunifiant, dans une même clafîe
& fous une même dénomination, tous ces Adjedifs
déterminatifs des individus, on évite l’î iconvénienfc
d’établir, comme les grammairiens ont été jufqu’ici
forcés de le faire, une partie d’Oraifon diftinde de
toutes les autres , & qui n’eft pourtant pas effencielle
à l’Oraifon, puifqu’elle ne fè trouve pas ufîtée
dans toutes les langues. Notre le y l a , l e s , & les
correfpondants qu’il peut avoir dans d’autres idiomes,
ne forme donc point une partie d’Oraifôn diflînguée
de toute autre ; c’eft fîmplement un individu d’une
efpèce néceffaire partout, quoique cet individu'ne
foît pas abfoluraent néceffaire à l’intégrité de l’ef-
pèçe , puifqu’on .s’en pàffè dans bien des langues.
Cette efpèce eft celle des Adjedifs qui dêfignent
A R T
l’application affuelle du nom appellatif aux individus,
& que je' crois, pour toutes les rations qu on
vient d.e voir, pouvoir caraaeriter par la denomi-
nation commune $ Articles. H H H |
Je les divife en deux clalTes generales, a railon
des deux- manières différentes dont ils defignent les
individus. Quand on veut faire l’application û un
nom appellatif aux- individus, on peut envifager
cette application fous deux afpefts i i ". on peut le
contenter d’une indication vague des -individusfans
aucune autre détermination j>lus précité , i •
peu. ajouter à l’indication générale M W
de détermination plus ou moins precife. T e eft
le fondement de la divifion generale des Articles
en deux efpèces; VArticle indicatif, & les Articles
I C la sse Xj Article indicatif eft ainlî nomme,
parce qu’il indique feulement d’une manière vague,
que la compréhenfïon du nom appellatif doit etre
envifaeée dans les individus. Notre le , la , les,
qui répond au gr'ec S, i , r i , à ^allemand der die,
lia s , à l’anglois the, à 1 «allen d , lo , la , »
l’efpagnol el , lo , la , Sic. conftitue feul cette
-première claffè. Voye\. iE , l a , LES\ .
I L Cl a s s e . Je nomme Connotatifs tous les
Articles de la fécondé claffe, parce qu outre 1 mdi-
cation générale des individus , qui carafterne la
première claffe, ils marquent encore quelque point
de vue particulier, qui détermine avec- plus ou
moins de préeifîon la quotité des individus. C<;tte
détermination peut comprendre letendue du nom
appellatif dans toute fa latitude, ou ne tomber que
fur une partie des individus : de là deux fortes
d'Articles connotatifs; les umverfels, & les par-
B B B H H Les Articles univerfels dêfignent la
totalité des individus auxquels convient la compre-
henfion de l ’idée générale énoncée par le nom
appellatif. Il y a deux Articles umverfels pojittfs,
& un négatif r . r
§, I.. Les Articles univerfels pojitifs font ai
nommés, parce qu’ils ne comprennent ni ne up
pofent la négation, quoiqu'on puifle les employer
dans des propofîtions négatives aufli bien que dans
les pofitives ou affirmatives : 1 un eft collectif,
Vautre eft diflributif . . . . . ,• •.
■ Le coÙcclif marque la totalité des individus,
confîdérés fous le même afpeft & comme fufeep-
tîbles du même attribut , uns aucune différence
diftinâive ; c’eft tout ou toute , tous ou tou tes,
comme dans les exemples Clivants: T o u t homme
peut mentir , mais t o u t homme ne ment p a s ;
Tou s les fo lia t s reparurent, mais TOUS les battages
ne revinrent p a s . , ,
z . Le diflributif marque au® la ^totalité des
individus confîdérés fous un point de vue commun,
mais en indiquant dans le détail des différences
diftinflives; c’eft chaque, qui ne s emploie jamais
qu’au fingulier, comme dans cet exemple : C h a q u e
pays a f i s ufages ; c’eft à dire, tout pays a des
A R T
ufàges , mais les ufages de l’un lemt différents des
ufages de l’autre. «
S. II. L ’Article univerfil négatif eft atnu nomme ,
parce qu’on ne peut l’employer que dans dés pro-
pofitions négatives , & il marque , comme les poli-
tifs ; |a totalité des individus ; ceft en françots i *
ou nulle I comme dans ees exemples : N u l contretemps
ne doit altérer Vamitié; N u l l e ratjon ne
Hpe ut iuftifier le menfonge, II. B ranche. Tes Articles partitifs, font ceux
qui ne dêfignent qu'une partie des individus compris
danslà latitude de l’étendue du nom appellatil ,
lôit feul, (bit modifié par quelque addition explicite
ou implicite. Il y en a de deux fortes; les uns loat
indéfinis , & les. autres .font définis,
. §. I. Les Articles partitifs indéfinis (ont ce}rA
qui dêfignent une-partie indéterminée des individus
de l’efpece; ce font en françois plufieurs, aucun,
quelque ou quelques, & certain ou certaine, certains
ou certaines, comme dans ces exemples :
P lu s ie u r s hommes ; P lu s ieu r s matjons ; bi
rapprends que vous teniez AOcux propps^g II
allégua qu elque s mauvaifis raifons; Q u elqu e
motif différent Va déterminé ; C e r t a in auteur l a
dit ; On vous reproche c e r t a in e Uaijon; U faut
prendre garde au fin s de c e r t a in s mots.
g. IL Les Articles partitifs définis font ceux
qui dêfignent ufie partie des individus détemmee
par quelque point de vfte particulier compris.dans
la fîgnification-même de ces Art ides. U v en a de
trois fortes., à raifon de trois points de vue generaux
déterminatifs qui fervent à les caraâertfer : les
uns font numéraux ; les autres, pojfeffifs ; & les
derniers, démonjlrqtifs. . . ,
1. Les Articles numéraux font ceux qui oetet-
minent la quotité, des Individus avec la preçifion
- numérique: ce font en françois un ou une , deux ,
trois, quatre, 8t à f foy e r N uméral. _
a. Les Articles poffeffifs font ceux qui déterminent
les individus par l ’idée précifè. d une dépendance
relative à l’une des trois perfonnes ; ce, lopt
mon, ma, mes, notre, nos, ton, ta , te s , votre,
vos, f in , f i , f i s , leu r, leurs. Voyefi Pos-,
2. Les Articles démovftratifs^ font ceux qui
déterminent les individus par Vidée d’une indica-t
tion précife. C’eft en françois « ou cet cette, ces ;
comme quandon dit C e livre, C e t enfant , C e t t e
f e m m e . C e s livres, C e s enfants, C e s femmes.
V o y e z C e . ‘ _ , . T
On peut regatder ce comme un Article pure-
ment iémonflratif, parce qu’il ne comporte aucune
autre idée aeceffoîre. Mais il en eft un nutre ,
que le commun des grammairiens lèra bien lurpris
de trouver ici au nombre des Articles détnonfira
tifs : c’eft q u i, que I ce mot renferme en effet
la valeur de c e , cet, cette , c e s, & en outre celle
d’une confonétion; de là Y!e)ï . 5 ueJ ? nomnle
Article démonjîraùf conjonctif. Voye\ R e l j .
,T1F}