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po uvoient fè compter. L’un eft un coup de génie ;
l ’autre, un fimple effet de l’attention. Peut-être n’y
a-t-il jamais eu d’alphabet complet, que celui de
l ’inVenteur de VÉcriture. Il eft bien vraifèmblable
que , s’il n’y eut pas alors autant de caractères qu’il
nous en faudroit aujourdhui, c’eft que la langue de
l ’inventeur n’en exigeoit pas davantage. L'orthographe
n’a été parfaite qu’à la naiffance de VEcriture,
Quoi qu’il en fo it, toutes les efpèces à!Ecritures
hiéroglyphiques , quand il falioit s’en fèrvir
dans les affaires publiques , pour envoyer les ordres
dit roi aux Généraux d’armée & aux gouverneurs
des provinces éloignées , étoieytit fujettes à l’inconvénient
inévitable d’être imparfaitement & ôbfcu-
rément entendues. Thoot, en faifànt fèrvir les lettres
à exprimer des mots, & non des choies, évita tous
les inconvénients fi préjudiciables dans ces occa-
fions, & l’écrivain rendit fès inftruêtions avec la
plus grande clarté & la plus grande précifïon. Cette
méthode eut encore cet avantage , que , comme le
Gouvernement chercha fans doute à tenir l’invention
fècrète , les lettres d’Éfat furent pendant du
temps portées avec toute la sûreté de nos chiffres
modernes. C’eft ainfi que Y Écriture en lettres , appropriée
d’abord à un pareil ufàge, prit le nom
ci'épijlolique : du moins je n’imagine pas , avec M.
Warburthon, qu’on puiffè donner une meilleure
raifon de cette dénomination.
Le ledeur apperçoît à.prêtent que l’opinion commune
, qui veut que ce foit la première Écriture
hiéroglyphique, & non pas la première Écriture
en lettres , [qui ait été inventée pour le fècret, eft
précifément oppofée à la vérité ; ce qui n’empêche
pas que dans la fuite elles n’ayent changé naturellement
leur ufàge. Les lettres font devenues VÉcriture
commune , & les hiéroglyphiques devinrent
une Écriture fècrète & myfterieufè.
En effet une Écriture q u i, en repréfèntant les
fcns de là voix, peut'exprimer toutes les penfées
& les objets que nous avons coutume dé défîgner
par ces fons, parut fi fimple & fi féconde qu elle
fit une fortune rapide. Elle fè répandit partout ;
elle devint l’Écriture courante, & fit négliger la
fymbolique , dont on perdit peu à peu l’ufàge dans
la fociété, de manière qu’on en oublia- la lignification.
Cependant,- malgré tous les avantages des lettre? *
les égyptiens, long temps après qu’elles ^eurent été
trouvées, confèrvèrent encore l’ufàge des hiéroglyphes
: c’eft que toute la foience, de ce peuple fè
trouvoit confiée à cette forte d'Écriture, La vénération
qu’on avoit pour les hommes, paffa aux caractères
dont les fàvants perpétuèrent l’ufàge ; mais
ceux qui ignoroient les fciences , ne furent pas
tentés de fè fèrvir de cette Écriture. Tout ce que
put fur eux l’autorité des fàvants , fut de leur faire
regarder ces . caractères avec reipeét, & comme
des chofès propres à embellir les monuments pu-
hli.cs, où l’on continua de les employer ; peut-être
$iêmp les prêtres égyptiens voyaient-ils avec plaifîr
E G R
que peu à peu ils fè trouvoient fèuls avoit la c lef
d’une Écriture qui confèrvoit les fècrets de la Religion.
Voilà ce qui a donné lieu à l’erreur de ceux
qui fè font imaginés que les hiéroglyphes renfer-
moient les plus grands myftères. Voye\ Varticle
H ié r o g l y ph e .
On voit par ces détails comment il eft arrivé
que ce qui devoit fon origine à la néceffité , a
été dans la fuite du temps employé au fècret, &
enfin cultivé pour l’ornement. Mais par un effet de
la v-iciflïtude continuelle des chofès , ces mêmes
figures , qui avoient d’abord été inventées pour la
clarté, & puis converties en myftères, ont repris
à la longue leur premier ufàge. Dans les fiècles
floriflànts de la Grèce & de Rome, elles étoient
employées fur les monuments & fur les médailles ,
comme le moyen le plus propre à faire connoître
la penfée ; de forte que le même fymbole qui ca-
choit en Egypte une fageflè profonde, étoit entendu
par le fimple peuple en Grèce & à Rome.
Tandis que ces deux nations lavantes déchiffroient
ces fÿmboles ,à merveille , le peupfe d’Égypte en
oublioit la lignification; & les trouvant confacrés dans
les monuments publics, dans les lieux des afîem-*
blées de Religion , & dans le cérémonial des fêtes
qui ne changeoient point, il s’arrêta ftupidement
aux figures qu’il avoit fous les yeux. N’allant pas
plus loin que la figure fymbolique, il en manqua
le fèns & la lignification. Il prit cet homme habillé
en roi, pour un homme qui gouvernoit le ciel
ou régnoit dans le foleil; & les animaux figuratifs *
pour des animaux réels. Voilà en partie l’origine
de l’idolâtrie j des^erreurs, & des fùperftitions des
égyptiens, qui fè tranfmirent à tous les peuples
de la terre.
Au refte le langage a fùivi les mêmes révolutions
& le même fort que Y É c r itu r e . Le premier expé^
dient qui a été imaginé pour communiquer les penfees
dans la converfàtion , cet effort groflier, dû à la
néceffité , eft venu, de même que les premiers hiéro-«
glyphes ’, à fè changer en myftères par des figures
& des métaphores , qui fèrvïrent enfui te à l ’ornement
du difcours, & qui ont fini par l’èlever jufqu’à
l’art de l’Éloquence & de la perfiiafion. V o y e \ L angage
F ig u r e , A pologue, Par abol e , É nigme 9
Mé t aph o r e . Voye\ le parallèle ingénieux que
fait Warburthon entre les figures & les métaphores
d’un côté', & fes différentes efpèces à !É c r itu r e s
de l’autre ; ces diverfès chofès qui paroiffent fi éloi-«
gnées d’aucun rapport, ont pourtant enfèmble un
véritable enchaînement, ( L e c h e v . d e J a u c o u r t .)
Éc r itu r e chinoise. Les hiéroglyphes d’Égypte
étoient un fimple rafinement d’une Écriture p;liis
ancienne, qui reiïèmbloit à Y Écriture groffière. en
peinture des mexicains , en ajoutant fèulement des
marques caraétériftiques aux images. L’Écriture dû-
noije a fait un pas de plus : elle a rejeté les imag
e s , & n’a confervé que les marques abrégées,
qu’elle a multipliées jufqu’à un nombre prodigieux.
Chaque idée a fà marque diftinéfce dans cette Écriture
; ce qui fait que, fèmblable au cara&ere universel
de Y Écriture en peinture , elle continue aujourdhui
d’être commune à différentes nations voifines
de la Chine, quoiqu’elles parlent des langues différentes.
„ .... _ . . . . i
En effet, les caradères de la Cochinchine , du
Tongking, & du Japon , de l’aveu du P. du Halde,
font les mêmes que ceux de la Chine, & figm-
fient les mêmes chofès , fans toutefois que ces peuples
en parlant s’expriment de la même forte. Ainfii,
quoique les langues de ces pays-là (oient tres-dit-
férentes, & que les habitants ne puiffent pas s entendre
les uns les autres en parlant, ils s’entendent
fort bien en écrivant, & tous leurs livres font communs
, cofnme font nos chiffres d arithmétique ; plu-
fieurs nations s’en fervent, & leur donnent differents
noms: mais ils lignifient partout la même chofe.
On compte jufqu’à quatre-vingt-mille de ces ca-
radères. . . . • . , .
Quelque déguiles que (oient aujourdhui ces ca-
radères , M. Warburthon croit qu’ils confèrvent
encore des traits qui montrent qu’ils tirent leur origine
de la peinture & des images , c’eft à dire, de
la repréfentation naturelle des chofès pour celles
qui ont une forme ; & qu’à l’égard des chofès qui
n’en ont point, les marques deftinées à les faire
connoître ont été plus ou moins fÿmboliques , & plus
ou moins arbitraires.- ' _ |
M. Fréret au contraire fbutient que cette origine
eft impoflible à jüftifier , & que les caradères chinois
n’ont jamais eu qu’un rapport d’inftitution avec les
chofès qu’ils lignifient. Voye\ fon idee fur cette
matière, Mémoires de V jdcademie des Jd elles - Lettres
, tome VI. # •
■ Sans entrer dans cette difcuffion , nous dirons
fèulement que, par le témoignage des PP. Martini,
Magaillans, Gaubil, Semedo, auxquels nous devons
joindre M. Fourmcnt, il paroît prouvé que les chinois
fè font fèrvis des images, pour les chofès que
la Peinture peut mettre fous les yeux , & des fÿmboles,
pour repréfènter , par allégorie ou par allu-
fion, les chofès qui ne le peuvent etre par elles-
mêmes. Suivant les auteurs que nous venons de nommer,
les chinois ont eu des caradères repréfèntatifs
des chofès, pour celles qui ont une forme ; & des
lignes arbitraires, pour celles qui n’en ont point.
Cette idée ne fèroit-elle qu’une conjedure ?
On pourroit peut être, en diftinguant les temps,
concilier les deux opinions différentes au fujet des
caradères chinois. Celle qui veut qu ils ayent ete
originairement des repréfèntations groffieres des choie
s , fè renfermeroit dans les caradères inventes par
Tsang-kié , & dans ceux qui peuvent avoir de l’analogie
avec les chofès qui ont une forme ; & la tradition
des Critiques chinois, citée par M. Freret ,
qui regarde les caradères comme des lignes arbitraires
dans leur origine , remonteroit ju(qu’aux caradères
inventés-fous Chun.
Quoi qu’j.1 en foit, s’il eft vrai que les caradères
Gramm* et L ittérat, I Partie Tome IL
chinois ayent effuyé mille variations, comme on n en
peut douter, il n’eft plus poffible de reconnoître
comment ils proviennent d’une Écriture qui n a
été qu’une fimple Peinture ; niais il n’en eft pas moins
vraisemblable que Y Ecriture des chinois a dû commencer
comme celle des égyptiens. ( Le chevalier
d e J a u c o u r t . )
É c r itu r e des é g y p t ie n s , Hift. anc. Les
égyptiens ont eu différents genres & differentes
efpèces d’Écriture, fui vaut 1 ordre du temps dans lequel
chacune a été in ventée ou perfedionnee. Comme
toutes ces différentes fortes à!Ecritures ont été confondues
par les anciens auteurs & par la plupart
des modernes, il eft important de les bien diftin*
guer, d’après M. Warburthon, qui le premier a
répandu la lumière fur cette partie de l’ancienne
Littérature. On peut rapporter toutes les Écritures
des égyptiens a quatre fortes : indiquons-les par
ordre. # . ,
i L’hiéroglyphique , qui fè fùbdivifoit en curiologique,
dont Y Ecriture^ étoit plus grofllère; &
en tropique, où il paroiffoit plus d’art.
i° , La fymbolique , qui étoit double au {fi ; 1 une
plus fimple, & tropique ; l’autre plus myftérieufe,
& allégorique. ■ „
Ces deux Écritures, Vhiéroglyphique & la /ym -
bolique , qui ont été .connues loup le terme générique
d’hiéroglyphes , que l’on diftinguoit en hiéroglyphes
propres & en hiéroglyphes fÿmboliques ,
n’étoient pas formées avec les lettres d’un alphabet ;
mai's elles l’étoient par des marques, oa caractères
qui tenoient lieu dés choies , & non des mots.
3°. L’épijlolique , ainfi appelée parce qu’on ne
s’en fervoit que dans les affaires civiles.
4°, L ’hiérogrammatique , qui n’etoit d ufàge que
dans les chofès relatives à la religion.
Ces deux dernières Ecritures , Vépijlolique SC yhiérograntmatique , tenoient lieu ae mots , 8C
étoient formées avec les lettres d’un alphabet.
Le premier degré de l'Ecriture hiéroglyphique ,
fut d’être employée de deux manières : 1 une plus
fimple, en mettant la partie principale pour le Tout ;
& l’autre plus recherchée , en fubftituant une chofe
qui avoit des qualités relfemblantes , à la place d’une
autre. La première efpèce forma l’hiéroglyphe eu-
riologique; & la fécondé, l’hiéroglyphe tropique.
Ce dernier vint par gradation du premier , comme
la nature de la chofe & les monuments^ de l’antiquité
nous l’apprennent ; ainfi , la lune étoit quelquefois
repréfentée par un demi-cercle, quelquefois
par un cynocéphale. Dans cet exemple le premier
hiéroglyphe efl eu riologique& le fecond, tropique.
Les caradères dont on fè fert ordinairement
pour marquer les.lignes du zodiaque, découvrent
encore des traces d’origine égyptienne: ce font en
effet des vefliges d’hiéroglyphes curiologiques réduits
à un caradère d'Écriture courante , fembla-
ble à celle des chinois: celafe diflingue plus particulièrement
dans les marques afironomiques du
O o oo