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On eft quelquefois dans un état de Bonheur, (ans
être dans un état de Félicité : la pofTefîion des biens,
des honneurs, des amis, & de la lancé, fait le Bonheur
de la vie ; mais ce qui en fait la Félicité, c’eft l ’u-
fage, la j qui (Tancé, le fermaient, & le goût de toutes
tes chofes. Quant à la Béatitude, elle eft le partage
des dévots : elle dépend, dans chaque religion
, de la periùafîon de l’efprit ; (ans qu’il (bit
néanmoins befoin, pour cet effet, d’en avoir ni d’en
faire ufege.
Les chofes étrangères fervent au Bonheur de
l ’homme ; mais il faut qu’il fade lui - meme fe
F é lic ité, & qu’il demande à Dieu la Béatitude.
L e premier eft pour les riches ; la féconde, pour
les (âges; & la troifîème, pour les pauvres d’efprit
& les autres' à qui elle eft promife dans le célèbre
fèrmon fur la montagne, Byye^ l’art, précédent &
le foivant ; & en outre P lais ir , Bonheur , F él ic
it é . Syn. & F éaicité , Bonheur , P rospérité.
Syn. { L ’abbé G ir a r d . )
* BONHEUR , PROSPERITE. Syn.
Le Bonheur eft l’effet du haford ; il arrive inopinément.
La Profpérité eft le fuceès de la conduite ;
elle vient par degrésv—
Les fous ont quelquefois du Bonheur, les fàgés
ne projpérent pas toujours.
On dit du Bonheur, qu’il eft granS ; & de la
Profpérité qu’elle eft rapide.
Le premier de ces mots fé dit également pour
le mal qu’on évite, comme pour le bien qui lurvient;
mais le fécond n’eft d’ufege qu’à l’égard du bien
que les foins procurent.
L e Capitole feuvé de la forprifé des gaulois par
le chant des oies facrées, & non par la vigilance des
léntinelles, eft un trait d’hiftoire plus propre à montrer
le Bonheur des romains qu’à faire honneur à
leur commandement militaire en cette occafion ;
quoique, dans toutes les autres ,1a fegeflè de la conduite
ait autant contribué à leur Profpérité que la
valeur du foidat. ( L ’abbé Gir a r d . )
B O N T É , fi f. Belles-Lettres , P h ilo f Il n’y
a proprement dans la nature ni dans les arts d’autre
Bonté qu’une Bonté.relative , de la cauféà l’effét,
& 'de l’effet lui-même à une fin ultérieure , qui eft
l ’intention, l’utilité, ou l’agrément d’un être doué
de yolor.té ou capable de jouïftance.
Quand la Bonté n’eft relative qu’à Tîntemion ,
ce mot n’eft pris que dans un féns impropre, &
B on fé trouve quelquefois le fÿnonyme de Mauvais :
c’eft ainfi qu’une Politique pernicieufé , une Ambition
fimefte, une Éloquence corruptrice emploie de
bons moyens , c’eft à dire, des moyens propres à
réuffirdans les defféins qu’elle Ce proposé. De même,
par rapport à l’agrément & à l’utilité, une choie
eft bonne ou mauvaifè, félonTes goûts , les intérêts
, les fantaifies , les caprices; & dans ce féns,
prefqi e tout eft bon , les calamités même & les
fléaux ont leur Bonté particulière ; & au contraire
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ce qui eft bon pour le plus grand nombre, eft presque
toujours mauvais pour quelqu’un ; la difétte eft
le bon temps de l’uforier, dont les greniers font
pleins ; la bonne année des médecins eft une année
d’épidémie , & vice verjd
La Bonté, dans un féns plus étroit, eft la faculté
de produire un effet défïrable ; St une caufé
eft plus ou moins généralement bonne, à mefore
que fon effet eft plus ou moins généralement à
défîrer. Le même vent qui eft bon pour ceux qui
voguent du Levant au Couchant, eft mauvais pour
ceux qui voguent en féns contraire ; mais un air
pur & foin eft bon pour tout le monde.
Un être n’eft bon en lui-même, que dans fés
rapports avec lui-même, & qu’autant qu’il eft tel
que Ion bonheur l’exige ; en forte que , s’il n’a pas
la faculté de s’appereevoir , & de jouir ou de fouf-
frir de fon exiftence, il n’eft en lui-même ni bon
ni mauvais. Par la même raifon , entre les parties
d’un Tou t, fi les unes font douées d’intelligence &
de fénfîbilité & les autres non, celles-ci ne font
| bien ou m a l, que dans leur rapport avec celles-
là ; il en eft ainfi des parties purement matérielles
de l’univers, relativement à fés parties intelligentes
& fénfibles : ce qui réduit la queftion de l’optimifine
à une grande fimplicité.
Dans les arts , on a fouvent dit: Tout ce qui plaît
eft bon. Cela eft vrai'dans un féns étendu, comme
on vient de le voir ; & dans ce féns-là tous les
vins font bons, celui dont le manant s’enivre, comme
celui que fevoure i ’homme voluptueux, le gour*
met délicat. Mais dans un féns plus rigoureux cela
féul eft réellement bon^ qui caufé un plaifir felu-
taire , ou du moins innocent, à l’homme dont l’organe
eft doué d’une fénfîbilité fine & jufte : je dis
un plaifir fàiutaire ou innocent; car dans le phy-
fique ce qui eft bon pour T agrément , peut être
mauvais pour la fenté; & dans le moral ce qui
eft bon pour, l ’efprit, peut être mauvais pour le
coeur.
Dans la nature, la même caufe peut être mau-
vaifé dans fon effet immédiat, & excellente dans
fon effet éloigné , comme une potion amère, une
amputation douloureufê. Il n’en eft pas de même
dans les arts d’agrément: leur effet le plus effèn-
ciel eft de plaire , & ce n’eft que par là qu’ils fé
rendent utiles; car toute leur puiffance eft fondée
for leur charme & for leur attrait.
L’objet immédiat des arts eft donc uné jouïflànce
agréable, ou par les commodités de la vie , oü
par les impreffions que reçoivent les féns, ou par
les plaifirs de l’efprit & de Tame ; & c’eft ici le
genre de Bonté,qui cara&érife les beaux arts.
Mais les plaifirs de l’efprit & de Tante peuvent
être trompeurs , comme celui que fait un poifon
agréable. Ç’eft donc l’innocence de ces plaifirs St
plus encore leur utilité, ou , s’il m’eft permis de le
dire, leur felubrité, qui donne aux moyens de l’art
une Bontérèelle. Le plaifir eft fans doute une excel-
, lente choie ; mais le plaifir ne peut être pour l’homme
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un état habituel & confiant. Le bonheur, c’eft à dire,
un état doux & calme, la paix & la tranquillité avec
foLméme & avec les autres, voilà le but univerfèl
où doit tendre un être fénfîble & raifonnable. Les
ennemis de ce repos font les pallions & les vices 5 fés
deux génies tutélaires font l’innocence & la vertu :
ainfi, le plaifir ne doit être lui-même pour les beaux
arts qu’un moyen, & leur fin ultérieure doit être le
bonheur de'l’homme ; c’eft ainfi que la Bonté de la
Comédie confîfte à corriger les vices, de celle de la
Tragédie, à intimider les pallions & à les réprimer
par des exemples effrayants. Foye^ Moeurs.
- Ce qu’on-d oit entendre par la Bonté poétique fé
trouve par là décidé. Ce qui produit l’effet immédiat
que le poète fé propofé, eft poétiquement bon 5 &
toutes lès règles de l ’art fé réduifent'à bien choifîr St
à'bien employer les moyens propres à cette fin. Le
premier de tes moyens eft l ’illufîon , & par confisquent
la vraifemblance ; lèfécond eft l’attrait, & par
confisquent le choix de Ce qüi peut le mieux inté-
refîér, attacher ; émouvoir, captiver l’efprit, gagner
Tame, dominer l'imagination, produire enfin la
forte d’émotion & de délégation que laPoéfîe a defféin
de caufér.
' Dans lè gracieux, ehdifîffez ce que la nature a de
plus rîant; dans le naïf, ce qu’elle a déplus fîmple;
dans le pathétique, ce qu’elle a de plus terrible & de
plus touchant: Voilà ce qu’on appelle la Bonté poétique.
Ainfi, ce qui féroit excellent à feplace, devient
mauvais quand il eft déplacé. '
Mais l'a Bonté morale doit fé concilier avec la
Bonté poétique ;• & la Bonté morale n’eft pas la
Bonté des moeurs qu’ôn fé prbpofe d’imiter. La peinture
des plus mauvaifés moeurs peut avoir fa Bonté
morale, fi elfe attache à ces moeurs la honte, l’aver-
“ on> St fe mépris. De même l’imitation des moeurs les
plus innocentes & les plus vertueufes féroit mau-
vâifé, fi on y jeioi't du ridicule, & fi en les avilifo
font on vouloit nous en dégoûter.
La ' Bonté^morale en Poéfîe eft dans l’utilité attachée
a 1 imitation ; comme dans l’Éloquence elle
eft dans la juftice de la caufé que l’on embraflé, St
dans la légitimité des moyens qu’on emploie à per-
-foader. ' "
Ainfi, quand on parle des moeurs théâtrales , par
exemple, on ne doit pas confondre les moeurs bonnes
en elles-mêmes, & les moeurs bonnes dans leur rap-
P°l£ avec J effet felutaire qu’on'veut produire. Nar-
ciuê 8t Mahomet font des perfonnages aufli utile-
ment employés que Burrhus & Zopire, par la raifon
<ïu/ls contribuent de même à i’impreffion felutaire
qui refolte de 1 aâion à laquelle ils ont concouru.
Tout ce qu on doit exiger du poète pour que l’imitation
ait fa Bonté morale, c’eft qu’il foflé craindre
de reuembler aux méchants qu’il met fur la fcène ,
& fouhaiter de relfembler aux gens de bien qu’il
oppofé aux méchants.
Il y a cependant certains vices qu’il n’eft pas
permis d’expofer for le théâtre, parce que leur
imàgè bîefiëroif la pudeur; mais en cela même il
G r a m m . et L j t t é r a t • Tome I .
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me fémble qu’on eft devenu trop révère. En prenant
foin de voiler ces vices hvec toute la décence convenable
, peut-être féroit—il poflible de rendre utile ,
& non dangereux, l’exemple des égarements & des
malheurs dont ils font la caufé ; & entre l’excès où
donnent nos voifîns à cet égard & l ’excès oppofé,
il y auroit un milieu à prendre, qui rendroit la peinture
de nos moeurs plus u tile , en conférvant à la
fcène françoifé fo décence & fe pureté. Voye\ D é-
c e n c e , Moeurs , & Mo r a l it é . ( M% M ar--
MONTEL, f :
| | BO U Q U E T , fi m. B elles-Lettres, Poéfie. On
nomme ainfi une petite pièce de vers adreffée à une
perfonne, le jour de fo fête. C’eft le plus fouvent
un madrigal ou unechanfon. Le caradère de ceite
forte de Poéfîe eft la délicatefîè ou la gaieté. La
fadeur en eft.le défaut le plus ordinaire, comme
de toute efpèce de louange.
Les anciens, en.célébrant,la fête de leurs amis,
avoient un avantage que nous n’avons pas : ce jour
étoit l ’anniverfoire de la naiffknce, & Ton font bien
que c’étoit un beau jour pour l’amour & pour l’amitié
; au lieu que parmi nous c ’eft la fête du feint
dont on porte le nom, & il eft rare de trouver d’heureux
rapports entre le feint & la perfonne. Cette relation
fortuite , & fouvent bizarre, n’a pas laiffé de
donner lieu , par fe fîngularité même, à des com-
paraifons & à des allufîons ingénieufés & piquantes.
( f Lesperfonnages les plus pittorefques font communément
les plus poétiques ; & fous ces deux rapports
Antoine & Madelaine, font ce que le calent
drier a de mieux.- Antoine, parmi les poètes , a
trouvé un Calot. Madelaine n’a pas trouvé un La
Brun. Elle étoit digne d’occuper la dévotion de
Racine. L ’imagination grotefque du père Le Moine
a dénaturé ce tableau. La grâce & la nobleffè donç
il étoit fofceptible font indiquées dans ce Bouquet
de M. de Voltaire à Mde. L . D . D . B.
• ' Votre patrone. au milieu des apôtres,
Baifoit les pieds â fon divin époux ;
Belle B. il eût baifé les vôtres;
Et faint Jean même en eût été jaloux. )
Mais dans un Bouquet on n’eft point aflujetti à
des fortes de parallèles , & communément on fe donne
la liberté de louer la perfonne fens faire mention
du feint. V o ic i, dans ce genre , un foible hommage
offert aux grâces, aux talents, & à la beauté.
Bouquet préfenté à Madame la C. de S. le jour
de feinte Adélaïde :
Adélaïde
Paroît faite exprès pour charmer ;
Et mieux que le galant Ovide ,
Se* yeux enfeignent l’art d’aimer
Adélaïde.
T t