
Je fais que la vengea-:ce
JSft un morceau de roi ; car vous vive\ en dieux. . •.
Il leur apprit à leurs dépens,
Que l’on ne doit jamais avoir de confiance
En ceux qui font mangeurs de gens. ...
Ces traits , dis-je , & une infinité d’autres , suffi
fins & auffi rapides, réveillent en pallant une
multitude d’idées, qui rendent le plaifir de cette
leâure inépuifable ; & c’e f l, dans les tables de
la Fontaine , un genre d'agrément, dont Etope &
Phèdre n’avoient pas (ôupqonné que l’Apologue fut
fufceptible.) ( M. M arm o nt eu )
(NA ALO NG ER , PR O LO N G ER , PROROGER.
Syn.
Alonger , c’eft ajouter à l’un des bouts ou
étendre la matière. Prolonger, c’eft reculer le terme
de la chofe, foit par continuité, par délai, ou par
production d’incidents. Proroger , c eft maintenir
l ’autorité, l’exercice , ou la valeur au delà de la
durée prefcrite.
On alonge une robe , une tringle , un discours.
On prolonge une avenue , une affaire,
un travail. On proroge une lo i, une allembiee,
une pertpiffion , un congé. ( fcabbé C iràrd. )
(N.) ALPHA, f. m. C’eft le nom1'AA?« de la première
lettre des grecs. Il ont eux-mêmes emprunte
ce nom des hébreux ou des phéniciens , en prenant
d’eux les caraflères littéraux. Eusèbe- ( Praep.
evang. X. d.) , en fait la remarque, & 1e prouve
par un rationnement bien lïmple : ïd ex groecd
fingulo rum elementorum appellatione quivls in-
teUigit : quid enim Aleph -ab Alpha mpgnopere
• différé ? quid autem vel Beta a Beth, vel a
Gamma Gimel, oui Delta à De lt, aut He ab
E , aut Zaïn à Zê ta , ctteraque deinceps his
Jimilia ?
Une obfèrvation qui confirme cette origine, c’eft
que le mot yAXQ*> chez les grecs, eft Amplement
le nom de leur première lettre comme première
lettre'; qu’en conséquence il eft dans cette langue
im/ radical primitif, d’où l’on a dérivé ctXtpuva ,
. «a , ou xXÇe» ( je trouve , j’invente le premier
& au même rang que tient «A^>«e parmi les lettres ),
ùx(py,çr,ç ( inventeur, premier auteur ) : au lieu que
3e nom hébreu de la première lettre hébraïque
vient du verbe FjVtf ( alaph ) apprendre , enseigner
, mot qui fîgnifie auffi enfeignement, doctrine,
êc par extenfion prince & chef, parce que le
prince ou le chef doit conduire le peuple & lui
enfeigner les bonnes lois ; de là vient que les
hébreux ont nommé de même leur première lettre,
pour indiquer qu’elle eft a la tête des autres , qu elle
en eft le chef. ( M . B^auzèb. )
(N.) ALPHABET. C. m. Ce mot ne fîgnifie autre
chofe que A B ; & A B ne fîgnifie rien , ou tout au
plus il indique deux Ions ; & ces deux Ions n ont
aucun rapport l’un avec l’autre. Beth n’eft point
formé d’Alpha ; l ’un eft le premier, l’autre le
fécond , & on ne (ait pas pourquoi.
Or comment s’eft-il pu faire qu’on manque de
termes , pour exprimer la porte de toutes les
fciences ? ■ La connoillance des nombres , 1 art
de compter, ne s’appelle point un deux ; & le
rudiment de l’art d’exprimer (es penfées n’a ,
dans l’Europe, aucune expreffion. propre qui le
défigne.
L 'Alphabet eft la première partie de la Grammaire
; ceux qui poiïedent la langue arabe , dont
je n’ai pas la plus légère notion , pourront dire fi
cette langue, qui a , dit-on, quatre-vingt .mots
pour fîgniner un cheval, en auroit un pour lignifier
PAlphabet.
Je protefte que je ne fais pas plus le chinois
que l’arabe ; cependant j’ai lu dans un petit vocabulaire
chinois , ( Hifloire de La Chine de Du
Halde. I. vol. ■ que cette nation s’eft toujours donné
deux mots pour exprimer Je catalogue, la lifte
des caradères de (à langue-; l’un eft Hoton, l’autre
Haipien : nous n’avons ni Hoton ni Haipieru
dans nos langues occidentales. Les grecs n’avoient
pas été plus adroits que nous ; ils dilbient Alphabet.
Sénèque le philofophe «' Epijl. lib. V. ) le 1ert de la
phrài'e grèque pour exprimer un vieillard comme
moi qui fait des queftions fur la Grammaire ; il l’appelle
Skedon analphabètes. Or cet Alphabet , les
grecs le tenoient des phéniciens , de cette nation
nommée le peuple lettré par les hébreux mêmes ,
lorlque ces hébreux vinrent s’établir auprès de leur
pays.
Il eft à croire que les phéniciens , en communiquant
leur caradèrcs aux grecs, leur rendirent
un grand fervice, en les délivrant de l’embarras
de l’écriture égyptiaquê que Cécrops leur avoit
apportée d’Egypte : les phéniciens, eh qualité de
négociants , rendoient tout aisé ; & les égyptiens ,
en qualité d’interprètes des dieux, rendoient tout
difficile. #
Je m’imagine entendre un marchand phénicien
abordé dans l’Achaïe, dire à un grec fon corref-
pondant : » Non feulement mes caradères font aifés
à écrire, & rendent la pensée ainfî que les feins
de la voix; mais ils expriment nos dettes adives
& paffives. Mon Aleph, que vous voulez prononcer
A lp h a , vaut une once d’argent ; Bétha en vaut
deux; Ko en vaut cent ; Sigma en vaut deux-
cents. Je vous dois deux-cents onces : je vous paye
un Ro , refte un Ko que je vous dois encore ;
nous aurons bientôt fait nos. comptes. »
Les marchands furent probablement ceux qui
établirent la (bciété entre les hommes, en foun-
niiTant à leur beioins ; & pour négocier, il faut
s’entendre.
Les égyptiens ne commercèrent que très-tard ;
ils avoient la mer en horreur : c’étoit leur Typhon,
Les tyriens furent navigateurs de temps immémorial
; ils lièrent enfemble les peuples que la
nature avoit séparés, & ils réparèrent les malheurs
où les révolutions de ce globe avoient
plongé fouvent une grande partie du genre humain.
Les grecs, à leur tour, allèrent porter leur commerce
.& leur Alphabet commode chez d’autres
peuples, qui le changèrent un peu , comme les
grecs avoient changé celui des tyriens. Lorfque
leurs marchands, dont on fit depuis des demi-
dieux, allèrent établir à Colchos un commerce
de pelleteries, qu’on appela la Toifon d'or, ils
donnèrent leurs lettres aux peuples de ces contrées,
qui les ont confèrvées & altérées. Ils n’ont point
pris l’Alphabet des turcs, auxquels ils font fournis,
& dont j’efpère qu’ils fecoueront le joug, grâce à
l ’impératrice de Kuffie.
Il eft très-vraifemblable , ( je ne dis pas très-
vrai , D ieu m’en garde ) que ni Tyr , ni l’Egypte,
ni aucun afi^tique habitant vers la Méditerranée ,
ne communiqua (bn Alphabet aux peuples de
l ’Afie orientale. Si les tyriéns, ou même les
chaldéens, qui habitoient vers l’Euphrate, avoient,
par exemple , communiqué leur méthode aux
chinois , il en refteroit quelques traces ; ils au-
roient les lignes des vingt deux, vingt trois , ou
vingt quatre lettres. Ils ont tout au contraire des
lignes de,tous les mots qui compofênt leur langue;
& ils en ont, nous dit-on , quatre-vingt mille : cette
méthode n’a rien de commun avec celle de Tyr ;
elle eft ioixante,& dix neuf-mille neuf-cent fbixante
& fèize fois plus lavante & plus embarrafTée que
la nôtre. Joignez à cette prodigieulè différence ,
qu’ils écrivent de haut en bas ; & que les tyriens
& les chaldéens écrivoient de droite à gauche, les
grecs & nous de gauche à droite.
Examinez les caractères tartares, indiens, fîamois,
japono s ; vous n’y voyez pas la moindre analogie
avec l’Alphabet grec & phénicien. ^
Cependant tous ces peuples, en y joignant même
les hottentots & les cafres , prononcent à peu
près les voyelles & les confonnes comme nous,
parce qu’ils ,ont le larinx fait de même pour l’ef-
fenciel, ainfî qu’un payfàn grifbn a le gozier fait
comme la première chanteufe de l’opéra de Naples.
La différence qui fait^de ce manant une balTe-
taille rude , discordante, infupportable, & de cette
chanteufe un deffus de roffignol, eft fî imperceptible
, qu’aucun anatomifte ne peut l’appercevoir.
C ’eft la cervelle d’un fot qui reflemble comme
deux gouttes d’eau à la cervelle d’un grand
génie.
Quand nous avons dit que les marchands de
T y r enfeignèrent leur A B C aux grecs, nous
n’avons pas prétendu qu’ils euffent appris aux
grecs à parler. Les athéniens probablement s ex-
prirn oient déjà mieux que les peuples de la balle
Syrie; ils avoient un gozier plus flexible; leurs
paroles étoient un plus heureux affemblage de
voyelles, de confonnes, & de diphthongues. Le
langage des peuples de la Phénicie au contraire
ôtoit rude, greffier ; c’étoit des Shafiroih , des
AJlaroth , des Shabaoth , des Chammaim, des
Choühet, des Thapheth ; il y auroit là de quoi
faire enfuir notre chanteufe de l’opéra de NapJes.
•Figurez-vous les romains d’aujourdhui, qui auroient
retenu l’ancien Alphabet étrurien, & à qui des
marchands hollandois viendrpientx apporter celui
dont ils fê fervent à préfènt : tous les romains
feroient fort bien de recevoir leurs caraâères ;
mais ils le garderoient bien de parler la langue
batave. C’eft précisément ainfî que le peu pie d’Athènes
en ufà avec, les matelots de Caphthor, venants
de Tyr ou de Bérith : les grecs prirent leur
Alphabet, qui valoit mieux que celui du Mif-
raim, qui eft l’Egypte ; & rebutèrent leur patois.
Philofbphiquement parlant , & abftr^âion refi-
peétueufè faite de toutes les indudions qu’on pourrait
tirer des livres fàcrés , dont il ne s’agit certainement
pas i c i , la langue primitive n’eft-elle pas une
plaifànte chimère?
Que diriez-vous d’un homme qui voudroit, rechercher
quel a été le cri primitif de tous les
animaux , & comment il eft arrivé que dars une
multitude de fîècles les moutons Ce (oient mis à
bêler, les chats à miauler, les pigeons à roucouler
, les linotes à fîfler ? Ils s’entendent tous
parfaitement dans leurs idiomes, & beaucoup mieux
que nous. L e chat ne manque pas d’accourir aux
miaulements très articulés & très-variés de la
chate ; c’eft une merveilleufê chofe de voir dans
le Mirebalais une cavale dreiier (es oreilles , frapper
du pied , :s’agiter aux braiements intelligibles
d’un âne. Chaque efpèce a fâ langue Celle
des efquimaux & des algonquins ne fut point
celle du Pérou. Il n’y a pas eu plus de langue
primitive , & d'Alphabet primitif, que de chênes
primitifs & que d’herbe primitive.
Plufîeurs rabins prétendent que la langue mère
étoit le fàmaritain ; quelques autres ont alfûré que
c’étoit le bas-breton : dans cette incertitude, on
peut fort bien , fans offènfèr les habitants de Kim-
per & de Samarie , n’admettre aucune langue
mère.
Ne peut-on pas, fans ofïenfèr perfônne , fûp-
pofèr que l'Alphabet a commencé par des cris &
des exclamations ? Les petits enfants difènt d’eux-
même ah ah quand ils voient un objet qui les
frappe; hi hi quand ils pleurent ; hu h u , hou liou
quand ils fè moquent; aie quand on les frappe;
& il ne faut pas les frapper.
A l’égard des deux petits garçons que le roi
d’Égypte Pfammeticus ( qui n’eft pas un nom
égyptien ) fit élever pour (avoir quelle étoit la
langue primitive , il n’eft guères poffible qu’L's fe
(oient tous deux mis à crier bec bec pour avoir à
déjeuner.
Des exclamations formées par des voyelles , auffi
naturelles aux erfants que le croaflêment l’eft aux
grenouilles,, il n’y a pas fî loin qu’on croiroit à
un Alphabet complet. Il faut bien qu’une mère
I dift à £>& enfant l’équivalent de vien, tien, proie,