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d’Auffi , puilqu’on dit également & dans le même
lens ; vous le voule\ & moi auffi ; vous le voulez
& moi pareillement.
C ’eft un Adverbe de comparailôn, qui doit toujours
s’expliquer par un dèvéiopement analogue à
cette idée acceffoire mais eflènciellè.
Vous le voule\ , & moi auffi ; c’eft à dire vous
le voule\ & moi je le veux de la même manière
que vous le voulez.
Pierre eft auffi favant que fage , aufis f avant
que Paul c’eft à dir e.Pierre eft favant delà
même manière qu’il eft fa g ë , de la même manière
que Paul eft lavant.
I l lui a donné telle chofe, & cela auffi ; c’eft à
dire, & cela de la même manière que la première
choie. L ’Académie ( D ic i. 17 6 z ) , dit que, dans
ce cas, Aujjî s’emploie pour Encore, D e plus : c’eft
que la phralè énonce deux dons, & que le fécond
fait naître naturellement l’idée d’addition ; mais
l’Adverbe ne marque que la comparaifbn.
Ces étoffes font belles , auffi coûtent-elles beaucoup
; c’eft à dire ces étoffes font belles , dans la
proportion de leur beauté elles coûtent beaucoup.
On dit que , dans cet exemple , auffi lignifie P eft
pourquoi , à caufe de cela : ce lèroit toujours le
rendre par une phrale adverbiale ; mais la vérité eft,
qu’il ne marque que la comparailôn.
« E n c o r e , dit l’abbé Regnier {Gram, fr . in - i i ,
» p. 681. in-4, p7 715 ), outre les lignifications qu’il
rt a comme Adverbe (premier aveu), peut être conlî-
» déré comme appartenant à diverles clalTes de con-
» jonéHons. Il peut être regardé comme conjondion
» copulative, ou comme conjondion augmentaive,
» dans la phrale luivante ; ce 11eft pas affe\ dû aimer
» fe s amis, i l faut encore les fervir dans Voccafion ;
» parce que, dans cette phrale, Encore lé peut rendre
» également bien par Auffi... Il peut être auffi regar-
» de comme conjondion adverlàtive, quand on dit : i l
» eft comblé de biens , encore neft-il pas content....
» car, dans cette phrale, il peut fort bien être rendu
» par Cependant, Néanmoins, confondions adverlàti-
»: vës. Mais il eft en même temps conjondion diminu-
» tive & conjondion de reftridion, quand on dit : en-
» core s 'il favoit les chofes dont i l veut parler ».
L ’aveu de ce grammairien eft allez formel : quand
il regarde Encore comme conjondion copulative ou
augmentative, il le regarde comme équivalent
& A u ffi, qui, comme je l’ai montré, eft toujours
Adverbe : s’il le regarde comme conjondion adverlàtive
, il le rend par Cependant, Néanmoins ,
que j’ai également prouvé être des Adverbes : dans
les cas où il le croit conjondion diminutive ou de
reftridion , il le fait équivalent à Du moins ou A u
moins, qui font évidemment des expreffions adverbiales.
Mais il y a toujours à redire à ces explications
variées d’un même mot, qui ne me paroiftènl jamais
venir que de ce qu’on, ignore la véritable ;
parce qu’elle eft diverfément deguilee par les idées
accëiïoires qui ré (uitent lourdement des ciroonf-
A D V .
tances , & qu’on juge fauiïèment inhérentes au
mot que l ’on veut interpréter. Il me lémble <$1 Encore
, dans tous les cas préléntés, peut lé rendre à
peu près par avec cela, expreffion purement adverbiale:
on diroit en effet & dans le même léns ; ce
n eft pas affe\ d’ aimer fe s amis , il faut avec
cela les fervir dans l’occafion , il eft comblé de
biens , avec cela i l neft pas content \ avec ceia
s ’ il favoit les chofes dont i l veut parler.
T a n t ô t répété veut dire , la première fois dans
un temps , & la féconde fois dans un autre temps,
qui lont des expreffions vraiment adverbiales : tantôt
careffante & tantôt dédaigneufe , c’eft à dire ,
dans un temps careffante & dans un autre temps
dédaigneufe. Les latins répètent dans le même
fens Nunc, qui ne celle pas pour cela d’être Adverbe,
§. II. Pour ce qui concerne la formation analogique
des Adverbes françois , il n’y a que ceux
qui font dérivés des adjedifs de la même lignification
, qui (oient aflujétis à une formation régulière,
& toujours avec la terminailon ment.
« Apropos de ces Adverbes terminés en ment,
» dit Ménage ( Obferv. I. z. ) , il eft à remarquer
» qu’ils font compoles de l’adjedif féminin & du
» lubftantif mente , ablatif de mens j & que ces
» adjedifs & ce lubftantif lé trouvent féparément
» dans plufieurs auteurs modernes , & même
» dans quelques-uns des anciens. O vid e , dans
» l’Elégie z du Liv. 3. des Amours ; Sacro de car-
» cere mijfîs infiftam fo r ti mente vehendus eqiiis.
» Sénèque, dans la Thébaïde , ( Ad,. 1. Sc. 1. )
» Peccas honeftâ mente. Valérius-Fiaccus, au L. 1.
» Ire per altum magna mente volunt. L ’auteur du
» poème D e Judicio , attribué faulfement à Ter-
» tuliien : Quique Deum metuit fîncerâ mente tort
nantem. S. Jérôme dans une de lés lettres à
.» Théophile d’Alexandrie : Qui tenebrarum horrore
» circumdati funt nec naturam rerum çlàrâ mente
» perfpiciunc. Et dans une autre à Marcella : Tanta
» forfan mente reprehendis cur non fequamur ordi-
» nem Scriptuiarum. Et lûr le premier chap. de
» Malachie : A d vos ig hur , 6 Sacerdotes , qui
» defpicitis nomen meum, ifte J'ermo dirigitur ;
» qui , reyerft de Babylone , rnetu preste rites fervi-
» tutis , debueraiis ad Dominum plenâ mente
» converti. S. Auguftin dans Ion lérmon des Saints,
» qui eft le i f : Fia t impetrabile, quodfidd mente
» pofeimus. Et dans l’épître 14 à ceux de Madaure:
« Quis hoc pofjit ferenifftmâ & fimplicifftmâ mente
» contueri? Caffiodore , liv. 4. ép. zo : Idem ftu-
>3 .diumveftrum Reipublicce gratâ mente debetis.
33 Et liv. 5". ép. 13. Proefertim quum in difpen-
» diopauperumdeteftabili mente verfetur. Et 1. to.
» ep. 18 : Remedium quod pro vobis pid mente
33 tranfmifimus. Et 1. 1 z. ép. z : Tributumprofef-
» fores devotâ menjte perfolvunt. Dans les capitu-
33 laires de Charles le chauve, page 373 : Ut
33 ex ejus ore audiamus quod à ch nftianiffimo
» rege i ftdeli & unanimi in fervitio illius populo ,
33 unicuique in fuo ordine ,• convenu au dire etc
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« devotâ -mime fufpicere. Grégoire le grand eft
» tout plein de ces façons de parler. » — ' M
n A ces exemples , dit l’abbé Regnier ( Gram.
>3 fr . in-iz. p. 514- in~4 >/>• 541 )’ on pourroit en
„ ajouter quantité d’autres ; mais je 111e contenterai
» d’y joindre celui de Tibulle ( Liv. 4) : llla.aliud
» tacitâ, jam fua , mente rogat. (Elle , qui eft
» devenue maîtreflè d’elle-même, demande tacite-
» ment tout autre chofe ). Et cet exemple .eft d au-
» tant plus fort, que Tacite, adjeftif , n ayant,
» d’ufage dans notre langue que pour lignifier
„ Soufentendu, comme dans cette phrafe, confen-
» tement tacite, il femble cjue Tacitement n ait pu
>3 par conféquent être forme que de Tacita mente.
I La manière dont les elpagnols emploient quel-
„ quefois ces fortes à’Adverbes, peut encore beau-
» coup lérvir à appuyer l’opinion de M. Ménage.
» Car lorlqu’ils ont à mettre tout de fuite deux A d -
33 verbes en meme , ils les féparent ordinairement de
» telle forte , qu’ils rie laiffent la terminailon mente
33 -qu’au dernier des deux. Ainfî, on trouve dans
» les meilleurs auteurs , fegura y libremente
33 ( sûrement & librement ) , blanda y tiernamente
33 ( agréablement & tendrement ) , real y verdadi -
» rameute ( réellement & véritablement ) , firme y
i* eftréchamente (fermement & conftaniment)-, &
»3 ainfî des autres : ce qui lémble marquer qu’ils n’ont
» emprunté leurs Adverbes que de l’ablatif latin
» mente , joint à un autre ablatif adjedif ; puilqu’ils
» en font quelquefois deux mots , comme en latin ».
L ’abbé de Vayrac, dans les Hifpanifmes qui font
à la fin de la Grammaire efpagnole, dit formellement
( p. 6z7. ) que des deux Adverbes on coupe
le premier & on en fait une elpèce d’adjedif féminin.
11 a tort de dire une efpèce ; c’eft un véritable adjectif
féminin, puilque' c’eft àTadjettif féminin qu’on
ajoute la terminailon mente.
Remarquons, avant de quitter cette matière , que
l ’idiotilme efpagnol eft tout à fait lémblable à
l’exemple cité plus^haut de S. Auguftin, ferenif-
jima & fimpliciffimâ mente contueri’, & que cette
reflèmblance devient une preuve de plüs de l’étymologie
de la formation efpagnole , & conféquem-
ment de la formation analogue des Adverbes dans
la langue italienne & dans la nôtre.
L ’abbé Regnier fait néanmoins des objeâions
contre cette dodrine : je vas les rapporter dans
lés propres termes & y répondre.
« Ce qui peut faire croire au contraire, dit-il,
33 que la terminaison de tant à!Adverbes françois
» en ment n’eft qu’une pure défînence, qui né
» veut rien direi'c’eft que , dans la langue latine ,
» dans l’allemande, & dans l’angloifé, la plupart
» des Adverbes ont une définence commune qui
» ri’eft d’aucune lignification ». Il cite là-delîlis la
terminailon ter des latins , lich des allemands ,
ly des anglois.
J’avoue qu’on peut ne pas connoître la lignification
primitive des définences ; mais on auroit tort
de conclure qu’elles n’en ont point. Il paroît conf-
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tant que les premiers radicaux du langage ont été
des monolyllabes ; que les difîyliabes, les trif-
lyllabes , & tous lés autres polylÿllabes font nés
inlénfiblement du rapprochement des radicaux, que
l’on combinoit comme les idées élémentaires de
l’idée totale qu’on vouloir exprimer. Ce principe
eft reçu chez tous les étÿmologiftes , & porte à
croire que le ter latin, le lich allemand, & 1 e ly
anglois, ont leur lignification propre, quoiqu’on
aepuiffe plus l ’affigner aujourd’hui. Mais que dis-je ?
Wachter ne nous apprend-il pas dans Ion G lo f
faire germanique ( au mot leich ) & dans lés Prolégomènes
( Seft. VI. ) que lich lignifie femblabié ,
fimilitude, 8cc. félon la manière dont il fe préfente
dans la compofition l Cette découverte ne^ porte-t-
elle pas à croire que les autres terminailons ont
auffi une lignification primitive , quoiqu’on l’ait
perdue de vue ? Je dois ajouter que, quand il lèroit
démontré que les terminailons citées n’ont aucune
lignification , il n’en réfulteroit rien contre la ligné-
fication de notre ment : parce que les procédés
d’une langue ne font point loi dans une autre ; &
qu’on trouve d’ailleurs dans les autres allez de
terminailons fîgnificatives, pour rendre vraifémbla-
ble la lignification de notre ment,
« Pour donner , continue l’abbé Regnier, des
33 exemples d’une définence encore plus femblable à
» celle des Adverbes françois, dont il eft maintenant
33 queftion : de même que dans plufieurs noms lùb-
» ftantifs latins, comme elementum ,fiindamentum,
» inftrumentum , teftamentum, &c. la terminailon
» mentum n’eft d’aucune lignification,ni celle de ment
j 33 & de mento dans les noms françois , italiens , &
» elpagnols , qui ont été formés de ces noms latins ;
» de même il y a lieu de croire que, dans-tous nos
33 Adverbes terminés en ment, & dans tous ceux da
» la langue italienne & de la langue efpagnole
» termines en mente , ces lottes de terminailons ne
» veulent rien lignifier par elles-mêmes. »
Il me lémble que ce grammairien affirme trop
légèrement que la terminailon latine rnentitm ne
lignifie rien. Il en eft du langage comme de toute autre
chofe ; rien ne s’y fait fans caufe & làns une caufe
immédiate & précilè: la terminaifon mentum, commune
à beaucoup de noms latins, a donc une
lignification relative au point de vue commun fous
lequel on les a envifâgés en les terminant de la même
manière. Men, minis, & mentum, i , viennent,
dit M. le Bel ( Anat. de la langue latine, p. z 16) ,
& je l ’avois dit avant lui dans la première Encyclopédie
(art. Formation ) c< ces deux demi-mots vien-
» nent de Minere, eo, es, primitif inulîté à’Emineo,
» Promineo, &c ; & ils fervent prefqùe toujours à
» marquer l’agent dont on lé lért pour opérer certains
» effets,. . . . u l’on en excepte un très-petit nombre
» qui fè prennent paffivement, comme ftramentum ,
» fragmentum , ramentum , pour quod fternitur,
» quod frangitur, quod raditur. »
Je crois que men & mentum, venus de Mineo
que l’on trouve dans Lucrèce , lignifient en confé