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dans le 16'c fîècle, une Defèription du pays de Galle?,
dit que les écrivains de ion temps regardoient comme
inculte & barbare, tout ouvrage ou ne brilloît pas
cet ornement du difcours ; Adeo ut nihil ab his
eleganter dictum , nuilum niji rude & agrefte cen-
Jeatur eloquium, f i non fchematis hu/us Lima plané
fuerit expolitum. C ’eft dans ce même temps qu’on
écrivpit des poèmes où chaque vers, & même où
chaque mot commençoit par la même lettre : c’étoic
3e règne des acroftiches. Dans les temps où l’efi*
prit & le goût font encore encroûtés de barbarie,
ees artifices matériels font recherchés & goûtés,
comme les ornements déchiquetés de l’Architecture
gothique. Les progrès du goût ont appris à
mépnièr ces recherches puériles, & à n’eftimer
les figures purement matérielles de l ’Élocution,
qu’au tant qu’elles concourent à l’harmonie imitative
, ou qu’elles fervent à donner plus de trait &
de faillie à la penfee ; & l ’on ne peut nier que
l ’Allitération , employée avec goût & avec iobriété,
ne produite fôuvcnt cet effet. Je m’inflruis mieux,
dit Montaigne, par fuite que par fuite. On trouve-
roit dans ce grand écrivain un grand nombre de
ces oppofitions de mots : Pafquier les emploie avec
plus d’affedation encore..On trouve dans les ouvrages
haraffer & terraffer Vautorité ; avoir loi & loijir ;
au lieu de réformer, difformer. L e bon goût n’a
pas profcrit ces combinaiibns verbales, particulièrement
défignées par le nom de P aronomafe ,* T7 oye\
ce mot : mais il en a fort reftreint l’ufâge. Les meilleurs
ouvrages modernes en offrent peu d’exemples.
( L ’ E d it e u r .)
(N.) A L L O C U T IO N , C. f. Mot latin que les
lavants ont franche, & par lequel les romains dé-
fîgnoient une harangue faite par un Général à lès
troupes. Dans les moeurs anciennes , le talent de
parler en public étoit néceflàire à tous ceux qui
vouloient gouverner ou conduire les hommes. Les
harangues que les hiftoriens mettent fi fréquemment
dans la bouche des Généraux n’ont pas été
prononcées fins doute, telles qu’elles ont été écrites :
mais ils ne les fùppofôient, que parce que l ’uiàge .
en étoit commun & fréquent ; & ils ne mettoient
dans la bouché de ces orateurs guerriers , que ce
qu’ils pouvoient avoir prononcé réellement.
Les Généraux romains haranguoient leurs fol-
dats, f3ft pour les animer au combat, foit pour
réprimer quelque mouvement feditieux. On èlevoit
d’ordinaire une efpèce dp tribune de gazon y fur
laquelle le Général môntoit, & du haut de laquelle
il parloit aux fôldats qui étoient rangés autour de
lui ayant leurs chefs à leur tête. Lorfque le difcours
leur plaifôit , ils le témoignoient par des accîa^
mations & frappoient-Igurs boucliers les uns contre
les autres ; mais lo«qu'ils n’étoient pas contents,
ils le marquoient par un murmure lourd ou par
un profond filence.
Ce qui paroît prouver que beaucoup de harangue*
militaires attribuées aux Généraux par les au-
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tevtrij ne font pas auffi fûfpeéfes de faufleté qiiW
l’ont prétendu certains critiques , c’eil que les empereurs
confâcroient, par des monuments publics &
iur des médailles, l’époque & les objets de celle«
qu’ils faifèient au Public;
L ’abbé Tilladet donna en 170? , une Hiffoire
chronologique de ces Allocutions marquées fur les
médailles des empereurs romains.
La première a été frappée fous le règne de
Caligula. Ce prince y efl repréfènté debout, en
habit long, fur une tribune d’où il harangue l’année,
dont on ne fait paroître que quatre fôldats qui ont
leurs calques & leurs boucliers & qui font prêts
à partir pour une expédition militaire. On lit dans
l’exergue AD LO C . COH. c’efl à dire A dlo--
c y r io coHORTiuM, Allocution aux cohortes.
On trouve des Allocutions dans des médailles de
prefque tous les empereurs romains. Voye\ , à ce
fùjet, l’Hifioire de l’Académie de^infcriptions, tome,
premier, page 240, ( L ’É d it e u r . )
(N.) ALLURES, DÉMARCHES. Syn.
Les Allures ont pour but quelque chofè d’ha^
bituel ; & les Démarches, ' quelque chofè d’accin
dentel.
On a des Allures ; on fait des Démarches»
Celles-ci vifènt à quelque avantage ou à quelque
fâtisfadion qu’on veut fè procurer ; celles-là fervent
à conferver ou à cacher fès plaifîrs.
Nous devons régler nos Allures par la décence
& la eirconfpedion ; celles qu’on cache font fù£-
peéfes. C ’efl: à l’intérêt & à la prudence à conduire nos
Démarches y elles aboutiflènt plus fôuvent à l ’inutilité
qu’au fùccès. ( U abbé G ir a rd . )
(N.) ALLUSION, n.f. Figure de penfée par com- .
binaifôn , où l’on dit une chofè qui a rapport à une
autre, fans faire une mention expreffe de celle-ci
quoiqu’on ait en vûe d’en réveiller l’idée. L ’Allufion
peut avoir traita des faits hifloriques ou fabuleux,
à des ufàges, quelquefois même à un mot : & l’effet
de cette figure efl de fixer l’attention fur les idées
ac.céflôires qui tiennent à l’idée de comparaifon.
i° . J ’appelle Allufion hifiorique, celle qui a
trait à quelque fait réel & connu, confîgné ou non
dans les livres hifloriques. En voici des exemples,
Ton roi, jeune Biron , te fauve enfin la vie j
11 t’arrache fanglant aux fureurs des fôldats ,
Dont les coups redoublés achevoient ton trépas $
Tu vis : fongc du moins à lui refier fidele.
( Henriade, ch. III. )
Ce dernier vers faIt Allufion h la malheureufè çonfpi-
ration du maréchal de Biron, il en rappelle le fouvenir.
M. Racine, dans fôn difcours à la réception de
MM. Bergeret & Corneille à l ’Académie françoifê,
termine l’eloge de Louis X IV par ce trait : » En-
35 fin, comme il l’avoit prévu, il voit fès ennemis ,
» après bien des conférences, bien des projets,
53 bien des plaintes inutiles, contraints d’accepter ces
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» mêmes conditions qu’il leur a offertes, fans âVoIr
»> pii en rien retrancher , y rien ajouter-, ou , pour
03 mieux dire , fans avoir pu, avec tous leurs efforts,
» s'écarter d’un feul pas du cercle étroit qu’ il
» lui cvooit plu de leur tracer. a> Pour fentir toute
la fineflè de cette Allufion , devenue aujour-
dhui une expreflion commune & nationale, il faut
fè rappeler l’adion fière & hardie de Popilius : ce
romain, chargé par le Sénat de prefcrire à An-
iiochus des conditions de paix, & voyant que ce
prince balançoit, traça autour de lui un cercle
avec une baguette qu’il tenoit à la main, & le
fbmma de fè décider avant de for tir de ce cercle ;
le roi de Syrie , étonné de cette hauteur, acquiesça
fur le champ aux volontés du Sénat.
Voiture étoit fils d’urr marchand de vin : un
jour qu’il jouoit aux proverbes avec des dames,
madetnoïfèîle des Loges lui dit 3 celui-là ne vaut
rien, perce\-nous-en d’un autre. (Hift. de l’académie
françoifê, tome 1. page 27 1.) Cette dame
faifoit une Allufion maligne aux tonneaux de vin ,■
puifque Percer fè dit d’un tonneau , & non pas d’un
proverbe : elle affèda le langage métaphorique,
pour avoir occafîon de réveiller malicieufèment dans
l ’efprit de l ’alïèmblée le fouvenir humiliant de la
naiflànce de Voiture.
Madame des Houlières donna une tragédie de
Genferic, dont le mauvais fuccès lui fit donner
le confèil de revenir à fies moutons ; expreflion
proverbiale , qui faifoit alors Allufion à l’une des
plus belles idylles de cette dame.
V . J’appelle Allufion mythologique, celle qui
a traita quelque fait confîgné dans la Fable.
' Màdemoifèllë de Scudéri étant allée à Vincennes
peu de temps après que le prince de Condé en fut
îorti, & ayant vu des pots d’oeillets que ce prince
pendant fâ prifon prenoit plaiiïr à cultiver, elle fit
ce quatrain :
En voyant ces oeillets, qu’un illuftre guerrier
Arrofa de la. main qui gagna des batailles,
Souviens-toi qu’Apollon bâtiffoit des murailles ,'
Et ne t’éconne pas que Mars foit jardinier.
» Les Allufions, dit M. du Marfâis ( Trop» II.
» xiij. page. 165 | , doivent être facilement ap-
» perçues^ Celles que nos poètes font à la Fable font
» défedueufès , quand le fùjet auquel elles ont
» rapport n’eft pas connu. Malherbe , dans fès
33 fiances à M. Perrier, pou,r le confoler de la
» mort de fa fille, lui dit ;
Tithon n’a plus les ans qui le firent cigale J
Et Pluton aujourdhui,
Sans égard du paffé , les mérités égale
D’Archémore & dé lui.
» Il y a peu de leéfeurs qui connoifiènt Archémore.
» C’eft un enfant du temps fabuleux 3 fà nourrice
» l’ayant quitte pour quelques moments, un fèrpent
» vint & l’étouffa, Malherbe veut dire que Tithon,
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b après une longue v ie , s’efi trouvé à la mort
» au même point qu’Archémore, qui ne vécut que
» peu de jours.
33 L ’auteur du Poème de la Madelaine , dans
33 une apoftrophe à l’Amour profane , dit, en pat*
» lant de Jésus-C h r is t : ( liv. II.)
»3 Puifque. cet Antéros t’a fi bien défarmé.
» Le mot d’Antéros n’eft guère connu que des
39 lavants : c’eft un mot grec, quifîgnifie Contra-
» mour 3 c’étoit une divinité du paganifme, 1®
» dieu vengeur d’un amour méprife.
» Ce Poème de la Madelaine efl rempli de jeux
33 de mots & d’Allufions fi recherchées, que , mal-
» gré le refped dû au fujet & la bonne intention de
» l ’auteur , il efl difficile qu’en lifant cet ouvrage
» on ne foit point affeffé comme on l ’eft à la lec-
» ture d’un ouvrage burlefque. Les figures doivent
» venir , pour ainfî dire, d’elles-mêmes 3 elles doin
» vent naître du fùjet, & fè préfènter naturelles
» ment à l’efprit : quand c’efl l’efprit qui va les
» chercher ; elles déplaifènt, elles étonnent, 8c
33 fèuvent font rire , par l’union bizarre de deux
» idées dont l ’une ne devoit jamais être aflôrtie
33 avec l’autre.. . . Le défaut de jugement, qui em-
» pêche de fèntir ce qui efl ou ce qui n’eft pas
33 à propos, & le défir mal entendu de montrer de
» l’efprit & de faire parade de ce qu’on fait, enfani
» tent ces productions ridicules.
, 33 Ce ftyle figuré, dont on fait vanité,
»j Sort d’un bon carafrère & de la vérité ;
33 Ce n’eft que jeux de mots , qu’aftèfration pure 5
33 Et ce n’eft pas ainfî que parle la nature. >»
( Molière 3 Mifantr. I. ij. )
Au refle, ce que dit ici le grammairien philofè-
phe des Allufions^ mythologiques, peut & doit s’appliquer
également aux Allufions hifloriques : on
courroit également rifque de n’être pas entendu ,
fi on faifoit Allufion à quelque fait peu connu de
l ’hifloire grèque ou romaine, ou même à quelque
fait notable de l ’hiftoire de la Chine ou du Japon,
des anciens rufïès ou des fâuvages du Canada, en
un mot de quelque hiftoire qui nous fèroit peu
familière.
30. J’appelle Allufion nominale, celle qui ne
confifte que dans une reflemblance accidentelle
des termes, & dans une efpèce de jeu de mots
communément fondé fùr l’équivoque. Ces Allufions,
comme le remarque M. Gibert. ( Rhét. ch. viij,
art. 1 .) doivent être exactes dans les deuxfènsr
celles qui font équivoques doivent répéter deux fois
le même mot en deux lignifications différentes ; ou
il finit que le même mot, n’étant employé qu’une
fois, puifle également avoir deux rapports ou deux
lignifications.
Telle fut la réponfè d’un grand fèigneur, qui,
ayant été long temps favori de fôn prince & n’étant
plus li fort en crédit , trouva fùr les degrés, comme
il defeendoit de chez le roi, fon nouveau coa