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Je ne peux donner ici de ces vers une traduction
plus agréable & plus inté reliante que celle de
M. l'aobé Delille :
O Cyrène ! ô ma Mère !
Si je puis me vanter qu’Apollon eft mon père,
Hélas l du fang des dieux n’as-tu forme ton fils
Que pour l’ abandonner aux deftins ennemis ï
Ma Mère , qu’as-tu fait de cet amour fi tendre i
Où font donc ces honneurs où je devois prétendre î
Hélas 1 parmi les dieux j'efpérois des autels ,
Et je languis fans gloire au milieu des mortels.
Ce prix de tant de foin qui charmoit ma misere ,
Mes effaims rie font plus, & vous êtes ma mère !
Épitrope. Achevei, de vos mains ravagez ces coteaux ,
Embrâfez mes moi (Ton s , immolezmes troupeaux,
Dans ces jeunes forêts allez porter la flame,
Puifque l’honneur d’un fils ne touche point votre ame.
Avant de finir , je dois remarquer que le célèbre
Sonnet de Desbarreaux renferme dans les douze
premiers vers une très-belle Épitrope ; & que les
deux derniers vers font l’Épanorthofe.
E’TTijpoTrii, Permiflion ; du verbe ivflpiva , je permets
: RR. éttI 3 fûper, & , muto. Quelques
rhéteurs François donnent en effet a cette figure le
nom de Permijfioti : mais il me fombie qu on doit
préférer celui d’Épitrope, qui n’a parmi nous aucune
autre deftination , & qui eft d’ailleurs adopte
par plufieurs autres rhéteurs ; aü lieu que le nom
de Permijjîon a déjà fe lignification propre, qui, a
beaucoup près, n’eft pas la même que celle du mot
Épitrope• . g , .
On ne doit pas non plus confondre 1*Epitrope
avec la ConceJJion : ( Poye^ C o n c e s s io n . ) Celle-ci
eft une figure de penfée par raifonnement, & celle-
là n’eft que par fiâion : la Gdnceffion eft réelle, au
lieu que ¥ Épitrope n’eft, comme le dit Vofltus,qu une
Conceflion fimulêe ou ironique. (M. B eauzée.)
É PO D E , f. f. Poéfie anc. Efpèce de Poéfie des
grecs • & des latins. Mais dèvelopons 1 ambiguité
du mot Épode, dont les diverfes lignifications ont
caufé des débats entre les littérateurs.
i° . On appeloit Épode chez les grecs un af-
fomblage de vers lyriques , ôu la dernière ftance
q u i, dans les odes , ib chantoit immédiatement apres
deux autres ftances nommées Strophe & Antijlro-
phe. Ces trois- fortes de ftariçes fe repetoient ordinairement
plufieurs fois foivant ce meme ordre ,
dans le cours d’une feule ode , & le nombre de
ces répétitions remplifloit l’étendue de ce poème. La
Strophe & l’Antiftrophe contenoient toujours autant
de vers Pune que l’autre , & pou voient par conséquent
fe chanter for le même air. L Epode ,
tantôt plus longue, tantôt plus courte r ie u r étoit
rarement égale ; elle devoit donc, pour 1 ordinaire,
fe chanter for un air différent : elle terminoit le
chant de ce que les grées nommoient Période, &
de ce que nous pourrions appeler un couplet de
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trois fiances , & elle en faifoit comme la clôture ;
c’eft aufïi de cette circonftance que lui venoit fon
nom, dérivé du verbe eira><â-uv, chanter par dejjus,
chanter à la fin. Après avoir chanté le premier
couplet de l’ode compofe de ces trois ftances , on
chantoit le fécond , puis le troifième^, & ainfî des
autres. Prefque toutes les odes de Pindare fournit
font des preuves de ce que l’on vient d’avancer.
a 0. On donnoit le nom 8 Épode à un petit poème
lyrique compofé de plufieurs diftiques, dont les
premiers vers étoient autant d’iambes-trimètres , ou
defîx pieds, & les derniers étoient plus courts , &
feulement des iambes-dimètres ou de quatre-pieds.
De ce genre étoient les Épodes d’Archiloque, c’eft
à dire, ces pièces dans lefquelles ce poète fetyrique
déchiroit impitoyablement Lycambe, Néobulé fà
fille , & plufieurs de fes parents diftingués par leur
naiffance ou par leurs emplois.
S’il en faut croire Viâorinus le grammairien ,
c’étoit proprement le petit vers qui s’appelloit Épode,
parce qu’il terminoit le fens du diftique , de même
que VEpode des odes en finiffoitle chant. Ge granit
mairien ajoute que chaque vers trimètre ne doit
point fe faire entendre fans être foivi du petit vers
dimètre , qui en fait comme la clôture & le complément.
'30. Le grammairien-poète Terentîanus attribue
le nom d'Epode à un demi-vers élégiaque , & Vic-
torinus lui-même Va jufqu’à prodiguer cette dénomination
au petit vers adonien mis après trois vers
fephiques, & de plus à un petit poème compofé
de plufieurs vers adoniens rangés de fuite.
4°. Enfin on a étendu la lignification du mot
Épode, jufqu’à défignet par là tout petit vers mis
à la fuite d’un ou de plufieurs grands : en ce fens
le pentamètre eft le vers Épode après l’hexamètre
qui eft le proodique.
Si l’on demandoit à préfent ce que lignifient ces
mots , liber Epodon, que porte le livre V . des odes
d’Horace, je réporidrois que ce livre a pris ce nom
de»l’inégalité des vers, rangés de manière que chaque
grand vers eft foivi d’un petit, qui en eft le
complément ou la claufule. Quand donc le livre
V . des odes d’Horace eft intitulé liber Epodon ,
livre (les Épodes, c’eft à dire liber verfuum Epodon
livre d e s vers Épodes , livre ou chaque grand
vers de l’ode eft foivi d’un petit vers qui termine
le fens ; & cependant les huit dernières odes de ce
livre ne font point du cara&ère épodique des dix
premières. (M . de J aucourt. )
ÉPOPÉE, H f. Belles-Lettres. Ç’eft l’imitation ,
en récit, d’une adion intéreffante & mémorable.
Ainfî, Y Épopée diffère de l’Hiftoire , qui raconte
fens imiter ; du Poème dramatique , qui peint en
adion ; du Poème didadique , qui eft un tiffu de
préceptes ; des faftes en vers , de l’Apologue , du
Poème paftoral, en un mot de tout ce qui manque
d’unité , d’intérêt, ou de nobleffe.
Nous ne traitons point ici de l’origine & des
progrès
E P O
progrès de te genre de Poéfîe : la partie hiftori-
que en a été dèvelopée par l’auteur de la Hen-
riade , dans un Eifai qui n’eft fofeeptible ni ^’extrait
ni de critique. Nous ne réveillerons point la
fameufe difpute fur Homère : les ouvrages que cette
difpute a produits fent dans les mains de tout le
monde. Ceux qui admirent une érudition pedantef-
que , peuvent lire les préfaces & les remarques de
madame Dacier, & fon Effai for les caufes de la
décadence du goût. Ceux qui fe laiffent periuader
par un brillant enthoufiafme & par une ingenieufe
déclamation, goûteront la Préface poétique de 1 Homère
angloîs de Pope. Ceux qui veulent pefer le
génie lui-même dans la balance de la Philofophie
& de la nature, confolteront les Réflexions ^for la
critique par la Motte, 8c la Differtation for 1 Iliade
par l’abbé Terraffon. .
Pour nous, fans difputer à Homère le titre de
génie par excellence, de père de la^ Poefie & des
aïeux ; fens examiner s’il ne doit fes idees qu à lui-
même, ou s’il a pu les puifer dans les poètes nombreux
qui l’ont précédé , comme Virgile a^ pris de
Pifendre & d’Appollonius l’aventure de Sinon, le
Szc de Troie, & les amours de Didon & d’Enee;
enfin fens nous attacher à des perfennalités inutiles,
même à l’égard des vivants , ôta plus forte
raifon à l’égard des morts, nous attribuerons, fi l’on
veut, tous les défauts d’Homère à fen fiècle, 8c
toutes fes beautés à lui foui. Mais après cette dîf-
îindion, nous croyons pouvoir partir dé ce principe',
qu’il n’eft pas plus raifonnable de donner pour
modèle en Poéfîe le plus ancien Poeme connu,
.qu’il le feroit de donner pour modèle en Horlogerie
la première machine à rouage 8c a reflbrt,
quelque mérité qu’on doive attribuer aux inventeurs
de l’un & de l’autre. D’après ce principe,
nous nous propofens de rechercher dans la nature
même de Y Épopée, ce que les règles qu’on lui a
..preferites ont d’effenciel ou d’arbitraire. Les unes
regardent le choix du fojet ; les autres , la compo-
fkion..
D u choix .du fujet. Le P. le Boffo veut que
le” fujet du Poème épique foit une vérité morale ,
préfentée fous le voile de l’allégorie; enforte qu on
n’invente la fable qu’après avoir choifî la moralité
, & qu’on ne choifîffe les perfonnages qu’après
avoir inventé la fable. Cette idée creufe, préfentée
comme une règle générale, ne mérite pas même
d’être combattue. t
L ’abbé Terraffon veut que fens avoir egam a la
moralité, on prenne pour fojet de YÉpopée l ’execution
d’un grand deffein ; & en conféquence il
condanne le fojet de l’Iliade, qu’il appelle une
inaction. Mais la colère d’Achille^ ne produit-elle
pas fon effet, & l ’effet le plus terrible , par finac*
tion même de ce héros? Ce n’eft pas la première
fois qu’on a confondu, en Poéfie, l’aâion avec le
mouvement. P'oye\ A c t io n .
Il n’y a point de règle exclufive for le choix
du fujet. Un voyage , une conquête, une guerre
C raum. et L jttérat. Tome I . Partie IL
e p o J j l
civ ile , un devoir, un projet, une paffion, net»
de tout cela ne fe reffemble , & tous ces fu)etsont
produit de beaux Poèmes : pourvoi ? ,! ‘
donnent lieu à un problème _ uitereflant, & qu ds
réunifient les deux grands points qu exige Horace,
l’agrément & l’utilité. - ,
L ’aâion d’un poème eft une, lorfque du com.
mencementà la fin, de l’entrepnfe a 1 événement,
c’eft toujours la même caufe qui tend au meme eftet.
La colère d’Achille fatale aux grecs, Ithaque délivrée
par le retour d’Ulylfe , l ’etabhflement des
moyens dans l ’Aufonie, la liberté romaine détendue
par Pompée & fuccombant avec lu i, toutes ces
aâions ont le caradète d’unité qui convient a 1 hpo-
vet ; & f i les poètes l ’ont altéré dans la compo-
htion , c’eft le vice de l’art , non du fujet
Ces exemples ont fait regarder l umte daéhoa
comme une règle invariable ; cependant on * pris
quelquefois pour fujet d un poeme epique tout e
cours de la vie d’un h om m e , comme dan Ach -
léide, l’Héracléide, la Thefeide, p c . La.Motte
prétend même que Puaité de a
l’Épopée, par la raifon , dit-il, qu elle fuffit a 1 m-
t é r f t f mai! c’eft ce qui refte a examiner.
lN Quoi qu’il en foit, l’unité de l’aSion n’en détermine
ni la durée ni l’étendue. Ceux qui ont^ voulu
lui preferire un temps, n’ont pas fait attention qu on
peut franehir des années en un feul vers, & que
les évènements de quelques jours p g M & p
un long Poème. Quant au nombre des incidents,
on peut les multiplier fans crainte : iis formeront
un L t régulier, pourvu qu’ils naiffent le? uns des
autres, & qu’ils s’enchaînent mutuellement. Amlf,
quoiqu’Homère , pour éviter la çonfufion , n ait pris
pour fujet de l’Iliade que 1 incident de la colere
d’Aclfille;l’enlèvement d’Hèlène, venge par la ruine
de Troie, n’en feroit pas moins une aftion unique,
. & telle que l’admet l 'Epopee dans fa plus grande
fillUne'aftion vafte a l’avantage de la fécondité ,
d’où refaite celui du choix: elle laiffe a 1 ho”“ " e
de goût & de génie la liberté de reculer dans1 enfoncement
du tableau ce qui n a rien d .
& de préfenter. fur les premiers plans les objets
capables d’émouvoir l’ame. Si Homere avoitem-
braffé dans l’Iliade l’enlevement dHeiene vengé
par la ruine de Troie, il n’auroit eu ni le loific
ni la penfêe de décrire des tapis, des calques ,
des boucliers, Oc. Achille dans la cour d? Deida-
mie , Philo,dète à Lemnos , & tant d autres incidents
pleins de noblefiè & d’intérêt, parues eflencielles
de fon aftion, l’ahroient fuffifamment remplie; peut-
être même n’auroit-il pas trouvé place pour les querelles
de fes dieux , & il y auroit perdu peu de chofe.
Le Poème épique n’eft pas borne comme la Tragédie
aux unités de lieu & de temps : i a fut
file le même avantage que .la Poefie fur la Peinture.
La Tragédie n’cft qu’un tableau ; \ Epopée^eft
une fuite de tableaux qui peuvent fe multiplier fans
C c-c e e