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contingente, purement locale, & non une impofîl-
bilité univerfèlle & nécefîaire.
3°. Je dis plus : quand il fèroit poffible de
mettre à contribution toutes les langues mortes ou
vivantes, & qu’aucune ne fourniroit un adverbe,
pour être l’équivalent d’une expreffion adverbiale
formée d’une prépofîtion & de (on complément ;
ce ne fèroit pas encore allez pour en conclure
l ’impofïïbilité abïolue, parce qu’on ne fèroit pas
alluré de ce que pourroient ‘faire en ce cas les
langues poffibles.
4°. La langue bafque dépolè formellement contre
cette prétendue impoflibilité. Cette langue n’a point
de prépofîtions ; elle a un certain nombre de terminai
ions , qu’elle adapte à la fin des mots énon-
ciatifs du fécond terme d’un rapport : ainfî , elle
emploie également la termiriaifôn requin pour marquer
jiv e c au fingulier , & acquin au pluriel, (oit
avec un nom abflrait, comme prudence f fureur, &c.
Xôit avec un nom concret appellatif comme roi,
temple , &c , foit avec un nom concret propre
Comme P a u l, Rome , Tibre , &c. foit enfin avec
un pronom comme moi , toi , lu i y &c. .Elle ne
connoît point d’autres cas, que ceux qui réfùltent
de ces particules poftpofitivës ; & , fi l’on y prend
bien garde , point d’autres adverbes, que ces
efpèces de cas.
5°. Il eft confiant que tout véritable adverbe
énonce un rapport avec abftradion du terme antécédent
, & qu’il en eft de même de la prépofîtion ;
que dans l’adverbe le terme conféquent eft déterminé
, mais qu’avec la prépofîtion il faut l’enoncer
explicitement. Il s?enfuit donc que la prépofîtion
avec fôn complément énonce , en faifànt abftrac-
tion de tout terme antécédent, un rapport dont
le terme conféquent eft déterminé; que par conséquent
il en réfulte une phrafè qui a le même
effet & la même nature que l’adverbe , analytiquement
équivalente à l’adverbe , & que l’on ne
fauroit mieux caradérifèr que par la dénomination
de phrafè adverbiale.
De là vient aufii que j’appelle cas adverbiaux ,
les cas dès noms ou des pronoms, q u i, avec la
fignification fondamentale du mot décliné , renferment
encore celle d’une prépofîtion. Tels font, en
latin , le génitif patris ( du père ) templi ( du
temple ) , domûs ( de la maifon ) ; & le datif pat ri
( au père ), templo ( au temple ) , domui ( à la mai-
fbn ) : tels, dans nos pronoms françois, les mots
me y te yf e y leur, & le mot que, lefquels ont été
regardés par nos grammairiens fous" un tout autre
afpea. Voye\ l’addition au mot C a s . ( M.
B e a u z é e . )
(N.) ADVERBIALEMENT, adv. D ’une manière
adverbiale. A la manière de l’adverbe.
C ’eft ainfî que les grammairiens ont coutume
d’entendre le mot Adverbialement. Par exemple,
dans cesphrafès, tenir bon , tenir ferme , chanter
h a u t, parler bas , fentir mauvais , les adjeftifs
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bon , ferme, haut, b a s , mauvais, font, difént-ils ,
employés adverbialement où à la manière des adverbes.
Nous avons aufii en françois des noms fî çonfî.
tamment pris adverbialement, de la manière qu’on
l’entend ici , qu’à la fin on s’eft penuadé que
c’étoient de vrais adverbes ;te ls font loin y près ,
hier , demain, aujourd'hui, beaucoup , p eu , affe\ ,
trop y &c.
Dans l’exa&e vérité, tous ces mots , noms ou
adjectifs , ne font employés adverbialement , que
parce qu’ils le font comme parties de phrafès adverbiales
dont la prépofîtion eft fupprimée. Tenir
bon ou fermé, ç’eft tenir de bon pied ou de pied
ferme ; chanter haut, c’eft chanter d’un ton haut ;
parler bas , c’eft parler d’un ton bas ,• fentir mauvais
, c’eft fentir un mauvais goût , ( car goût
fè prend quelquefois pour odeur. ( Did. de l’Acad.
iq 6z ), Quant aux noms pris adverbialement,
voyez ce qui en a été dit dans l’ addition à l’article
A d v e r b e ( §. 1. n. z ). Dans tous ces exemples
, l’énergie de la prépofîtion fbufèntendue eft
tellement fèntie, qu’on l’a crue entièrement comprimé
dans le mot exprimé: en confequenee on a
dit que l’adjedif ou le nom étoit pris adverbialement
, ou même qu’il étoit devenu adverbe ; & la
confiance de l’eilipfè a amené & confirmé cette
erreur. [ M . B eauzée. )'
(N.) AD VERBI ALITÉ, n. f. EflTencede l ’adverbe.
Les grammairiens ont cru que 1 'Adverbialité étoit
toute entière dans certains mots, parce qu’ils la
fèntoient dans l’enïèmble de la phrafè : mais j’ai fait
voir leurs méprifès dans les quatre articles précédents.
L 'Adverbialité exige la valeur d’une prépofîtion
avec Ion complément, comprifè implicitement
dans un fèul mot, qui eft adverbe, parler raifonnable-
ment ; ou explicitement dans plufîeurs mots, qui
conftituent une phrafè adverbiale, parler d'une manière
raifonnable ; ou enfin la valeur d’une prépofîtion
fôufenfendue mais fûppofée avant fôn complément
, parler raïfon , c’eft à dire parler avec
ràifoiu ( M . Beauzée. )
ADVERSATIF, TI VE. adj. Qui fèrt à mettre en
oppofition, ou à marquer l’oppofition. Il y a des
adverbes adverfatifs, & des conjonctions adver*
fatives ; & cette idée commune d’oppofîtion a induit
les grammairiens à confondre les deux efpèces,
comme fi tous ces mots étoient des conjonctions.
I. Les adverbes adverfatifs fuppofènt que la pro-
pofîtion ou ils entrent énonce quelque chofè d’oppofé
à ce qui eft énoncé dans la précédente : ce font Pourtant
, Cependant, Néanmoins, dont j’ai effeCtive-
' ment prouvé l’adverbialité dans l’addition à l’article
A d v e r b e ( §. I. n. 3 ). Quantà la différence
de leur fignification ', voyez l’article P o u r t a n t ,
C e p en d an t , N é a nm o in s , T o u t e fo is .
II. Les conjonctions adverfatives font celles qui
défîgnent, entre des propofitions oppofées à quel-
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ques égards, une liaifon d’unité, fondée fur leur
incompatibilité intrinsèque: ce font, en françois,
M a i s & Q u o iq u e : les conjonctions latines Sedy A t ,
A u t em , & les mots verum , ver 6 ', répondent à la
.première ; Q u a n q u am , Q u a m v i s , E t f i, &c. répondent
à la féconde ; les fines & les autres fans doute
avec des nuances différencielles, qui, quoique réelles
, nous échapent aujourdhui.
Pour nos deux conjonctions , elles me paroiffènt
différer par le plus ou le moins d’oppofîtion qu’elles
annoncent, ou plus tôt par l’effet de cette oppofition.
Mais fèmble lier les parties oppofées par une
idée de contrebalancement, de compensation : il
n e jl pas riche ; mais content de çe qu’ il a , il
ne déliré rien ,de plus. L e contrebalancement eft
très-fenfîble dans ce pafïage de Maflillon : Quand
vous dites que la bonté de Dieu eft infinie, que
prétendez-vous dire ? • . , qu’il ré a pas créé Vhomme
pour le rendre éternellement malheureux ? mais
pourquoi a-t-il creufé l'enfer fous nos pieds ? qu'il
vous a déjà donné mille marques de f a bonté ?
mais c ejl ce qui de'vroit confondre votre ingratitude
fu r je pajféy & vous faire tout craindre
pour l'avenir : qu’i l rtefi pas f i terrible qü’qn le
fa it ? mais on ne vous rapporte de fa jufiic&que
ce qu’ il vous en a appris lui-mêmé : qu’il ferait
obligé de damner prefque tous les hommes, f i
tout ce que nous difons étoit vrai ? mais l'Évangile
vous déclare en termes formels, que peu fe ront
fauvés : qu'il ne châtie quà Vextrémité ? mais
chaque grâce refufée peut être le terme d.e fe s mi-
féricordes : qu’il ne lui en coûte rien pour pardonner
? mais n a -t-il pas les intérêts déjà gloire
à ménager ? qu'il faut peu de chofe pour le dé-
farmer ? niais i l faut être changé, & le changement
du coeur eft le plus grand de tous fes ouvrages
: que cette confiance vive que vous ave\ en
f a bonté ne fauroit venir~ que de lui ? mais tout
ce qui ne conduit pas à . lui en conduifant au repentir
, ne fauroit venir de lui. Que voulez-vous
donc dire ? qu'il ne rejeter a pas Le facrifice d'un
coeur brifé & humilié} eh ! voilà ce que j e vous
ai jufquici prêché. . . . . Convertijfez-vous au Seigneur
, & alors confiez-vous en lu i, quels que
puifent être vos crimes.
L ’ufage de cette conjonction peut, dans ce fèns
même, fèrvir à dérerminer avec plus de préci-
fion, tantôt en indiquant formellement la différence,
tantôt en défîgnant une exception. Si nous nous
trouvons dans ces nouvelles agitations de la pé nitence
, .. . oit l'on ejl ébranlé, mais non pas
encore vaincu ; touché, mais non p as converti :
c’eft un exemple du premier gepro. En voici un
du fécond, & ils font tous deux de Maflillon : Le
ciel & la terre paieront , mais les paroles faintes
de la loi ne pafferont, point.
Quoique lie les parties oppofées , en les présentant
comme coexiftantes. nonobftant leur oppofition
& leur incompatibilité apparente : Quoiqu’i/
ne J oit pas- riche, i l ne defîre rien de plus, Ce
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tour par Quoique indique en quelque forte le droit
de délirer davantage , & on y joint que , nonobftant
ce droit, la perfonne dont on parle ne défîre rien :
en cela l’oppofition des deux parties eft énoncée
d’une manière plus énergique & plus marquée, que
fî on difoit fîmplement, I l n’efi pas riche, mais
i l ne défire rien de plus. Ce plus d’énergie vient
fans doute originairement de ce que la conjonction
qui en eft le ligne fè montre à la tête, comme mot
principal ; & je crois en effet que, fî le premier
membre devenoit le fécond, l’oppofîtion fèroit rendue
d’une manière moins énergique : e.lle fèroit
pourtant plus énergique encore que par la conjonction
Mais', parce que la conjonction Quoique,
même au fécond membre , retient encore quelque
chofè de la force que lui donne le droit de paffer
à la première place, à laquelle Mais ne peut point
pafîèr. ( M. B e a u z é e . )
Æ. Gramm. Cette figure n’eft aujourd’hui qu’une
diphthongue aux yeux ; parce que , quoiqu’elle foit
compofée de a & de e , on ne lui donne dans la
prononciation que le fan de Ve fîmple ou commun,
& même on ne l’a pas confèrvée dans l ’orthographe
françoifè ; ainfî on écrit Ç é fa r , Enée,
Enéide , Équateur, Equinoxe , Éoie , Préfet ,
P répofitïon, &c.
Comme on ne fait point entendre dans la prononciation
le fon de Va & de Ve en une feule Syllabe,
on ne doit pas dire que cette figure foit.
une diphthongue.
On prononce a-éré, expofe à l’air , & de même
a-érim: ainfî, a-é ne font point une diphthongue
en ces mots, puifque Va & 1Y y font prononcés
chacun féparément en Syllabes particulières.
Nos anciens auteurs ont écrit par oe le Son de l'ai
prononcé comme un é ouvert : ainfî , on trouve daryt
plufîeurs anciens poètes Voer au lieu de Vair, aëry
& de même oeles pour ailes ; ce qui eft bien plus
raifonnable que la pratique de ceux qui écrivent
par ai le Son de 1Y ouvert, français, connaître.
On a écrit connaître dans le temps que l’on pro-
nonçoit connoître\ la prononciation a changé , l’orthographe
eft demeurée dans les livres : fi vous
voulez réformer cette orthographe & la rapprocher
de la prononciation préfènte, ne réformez pas un
‘ abus par un autre encore plus grand ; car ai n’eft
point fait pour repréfènter ê. Par exemple, l’in-
terjeélion hai, liai, hai l b a il, maily &c. eft la prononciation
du grec rctîs , pova-cuç.
Que fî on prononce par ê la diphthongue oculaire
ai en p alais, &c. c’eft qu’autrefois on pro-
nonçoit Va & Vi en ces mots-là; ufàge qui Sè
conferve encore dans nos provinces méridionales:
de forte que je ne vois pas plus de raifôn de réformer
françois par français, qu’il y en auroit à
réformer palais par patois.
En latin oe & ai étoient de véritables dlphthon-
gu es, "ou Va confèrvoit toujours un fôn plein &
entier, comme Plutarque l’a remarqué dans Son