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la Catachrèje, qui fèmble être un écart des procédés
naturels , s’affujettit néanmoins d'une manière
invariable au principe fondamental de la laine Logique
: les objets phyfîques nous font plus particulièrement
, & en quelque forte, plus intimement
connus , que les efprits & les êtres moraux ou
raétaphyfîques ; en conlequence elle défîgr.e ceux-ci
par des noms empruntés de l’ordre des objets phyfîques.
C’eft palier du plus connu „au moins connu.
Elle ne perd pas de vue ce principe, lors même
qu’il s’agit de nommer un objet phyfîque par com-
paraifon avec un autre ; c ’eft toujours l’objet le
plus connu qui fournit l’image -& qui prête fbn
nom au moins connu.
C ’efl ce qui juftifie la cenfùre que M. du Mariais
a faite (.Loc. cit. ) de l ’opinion de Cicéron, de
Qufntilien, & de M. Rollin , fur les mots Gemma
& Gemmare, que ces grands hommes prétendent
avoir été employés par emprunt pour exprimer le
bourgeon de la v igne, parce qu’il n’y avoit point
de mot propre pour l’exprimer. « Mais fi nous en
» croyons les étymologiftes , dit M. du Mariais ,
» Gemma efl le mot propre pour fîgnifier le bour-
y&geon de la vigne ; & ç a été enfùite par figure
» que les latins—ont donné ce nom aux. perles &
» aux pierres précieufes. En effet c’efl toujours le
» plus_commun St le plus connu qui efl le propre,
» éd qui fè prête enfùite au fèns figuré. Les labou-
» reurs du pays latin connoiiïoienc les bourgeons
33 des vignes & des arbres , & leur avoient dominé
33 un nom, avant que d’avoir vu des perles & des
3* pierres précieufes ».
Gemma eji id quod in arloribus tumefcit, qitum
parère incipiunt ; à Geno , id ejl Gigno : hinc
margarita & deinceps omnis lapis pretiofîis dicitur
G em m a .... Quod habet quoque Perottus, cujus
hoec funt verba : Lapillos Gemmas vocavêre à
Jimilicudine Gemmarum quas in vitibus Jïve arbo-
rtbus cernimus ; Gemmæ enirn propriè funt pupuli
quos primo vites emittunt ; & Gemmare vues
dicuntur, dum Gemmzs emittunt { Ma r t in i i Lexi-
con : voce G em m a .) ( M , B eauzée. )
C A T A L E C T E ou C ATA L E C T IQ U E , adj.
Terme de la Poéfie grcqjue & latine, ufîté parmi
les anciens pour défîgner les vers imparfaits, auxquels
il manquoit quelques pieds ou quelques fyl-
labes, par oppofition aux vers acatalecliqu.es,, auxquels
il ne manquoit rien de ce qui devoit entrer
dans leur ftrudure. Ce mot efl originairement grec,
& formé de , contra, & de Atya., dejino, je
finis ; c’efl à dire, qui n’ejl pas terminé ou fini
dans, les règles.. Voye\ AcATAXECTiquE., ( L ’abbé
M a l l e t . )
CATASTROPH E, fùb. f. Belles-Lettres,. Qn
n’attache plus à ce mot que l’idée d’un évènement
funefle. On ne diroit pas la Catajîrophe de Bérénice
, ou de Cinna. Avant Corneille on n’ofoit pas
donner le nom de Tragédie à une Pièce dont le
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dénouement n’avoit rien de Cinglant ; & Ariflote
penfbit de meme, lorfqu’il fèmbloit vouloir interdire
à la Tragédie les dénouements' heureux. On
voit cependant qu’il ne tenoit pas rigoureufement
à cette do&rine.
« Ce qui fè paiïe entre ennemis ou indifférents ,
» difoit—i l , n’efl pas digne de la Tragédie : c’efl
» lorfqu un ami tue ou va tuer fbn ami ; un fils,
» fbn père ; une mère, fbn fils ; un fils, fà mère, &c.
» que i’aclion efl vraiment tragique. Or il peut
» arriver que le crime fè eonfomme ou ne fè con-
| >5 fômme pas ; qu’il foit commis aveuglément ou
» avec connoiffance » .’-Et de là naifïènt quatre
combinaifbns : celle où le crime 'efl commis de
propos délibéré ; celle où le crime n’efl reconnu
qu apres qu’il efl commis; celle où la connoifïançe~
du . crime que l’on - alloit commettre empêche tout
à coup qu’il ne foit confommé; & celle où , réfblu
a commettre le crime avec connoiflance , on efl retenu
par fès remords ou par quelque nouvel incident.
Ariflote rejette abfblument celle-ci, & donne
la préférence à celle où le crime qu’on alloit commettre
aveuglément, eft reconnu fur le point d’être
exécuté, comme dans Mérope.
C’efl donc ici une heureufè révolution qui lui
fèmble préférablé. Mais ailleurs c’efl un dénouement
funefle qu’il demande, fans quoi, d it-il, Faction
n’efl point tragique ; & c’efl là qu’il efl confé-
quent : car il. a pofé pour principe qu’il fèroit bon
de nous, rendre infènfîbles à des évènements dont la
douleur ne change pas le cours: c’efl à.quoi tendoit,
félon fbn id é e , le fpedacle de la Tragédie. Son
objet moral n’étoit pas de modérer en nous les paS
fions adives, mais d’habituer l’ame aux imprefïions
de la terreur & de la pitié, de l’en charger comme
d’un poids qui exerçât fès forces, & lui Fît paroître
plus léger le poids de fès propres malheurs ; & pour
c e la , ce n’étoit pas allez, difoit-il, d’une afflidion
pafïàgère, qui, caufee par les incidents de la fable,
fut appaifee au dénouement. Si Fadeur intérefïant
finifïoit par être heureux ,.fi le fpedateur fè retiroit
tranquille & confblé, ce n’étoit plus, rien ; il falloit
qu’il s’en allât frappé de ces idées : « l’homme efl
né pour fouffrir, il doit s’y attendre & s’y résoudre ».
Sans donc s’occuper de l’émotion que nous caufè le
progrès des évènements , Ariflote s’attache à celle
que le fpedacle laiflè, dans nos âmes : c’efl par là ,
dit-il, que la Tragédie purge la crainte, la pitié , &
toutes les pallions fèmblables , c’efl à dire, toutes
les imprefïions douloureufès qui nous viennent du
dehors.
On voit par là que l’objet moral qu’il donne à la
Tragédie n’en efl que mieux rempli, lorfqu e l’innocence
fuccombe; mais d’un autre côté , cet exemple
efl encourageant pour le crime. & dangereux pour
la foiblefïè. De là vient que Socrate & Platon reprochoient
à la.Tragédie d’aller contre la lo i , qui Veut
que les bons fbient récompenfés & que: les méchante
fuient punis.
Pour éluder la difficulté, Ariflote a e x ig é , dans
l e
le perfbnnage malheureux & intéreffant, un certain
mélange de vices & de vertus ; mais quels etoient
les vices d’OEdipe , de Jocafle , de Méléagre ? Il a
fallu imaginer des fautes involontaires : folutton
qui n’en efl pas une, mais qui donnoit un air d équité
aux décrets de la deflinee, & qui adoucifïbit, ^du
moins- en idée , la dureté d’un fpeâacle où 1 on
éditéndoït gémir fans cefïè les viétimes de ces décrets.
L a vérité fimple efl: , que la Tragédie ancienne
n’avoit d’autre but moral que la crainte des dieux,
la patience, & l’abandon de foi-même aux ordres
de la deflinée. Or tout cela réfulte pleinement d’une
Catajîrophe heureufe pour les méchants, & mal-
heureufè pour les bons. Après cela , ^ quelle etoit
pour les moeurs la confëquence de l’opinion que
dpnnoient aux peuples ces exemples d’une deflinée
inévitable , ou d’une volonté fuprême également
injufle 8c irréfifliblef C’efl de quoi les poètes sfin-
quiétoient allez peu, & ce qu’ils laifïbîent a difou-
ter aux philofbphes, qui voudroient, bien ou mal,
concilier la Morale avec la Poéfie.
Du refie , la preuve que les poètes grecs ne
s’étoient pas fait une loi de terminer la Tragédie
par une Catajîrophe, c’efl l’exemple des Euménides
d’Efchyle , du P hiloctète de Sophocle, de
YOrejle d’Euripide, & de Y Iphigénie en Tauride
du même poète, dont le dénouement efl heureux.
Dans le fyflême de la Tragédie moderne, il efl
bien plus aifé d’-accorder la fin morale avec la fin
poétique ; & les Catajlrophes funefles y trouvent
naturellement leur place , leur caufè , & leur moralité
dans les effèts des pallions. Voye\ T r a g é d ie .
{M» Marmontel.)
CE. Ce, ces, cet, cette ; ceci, cela ; celui, celle ;
ceux , celles ; celui-ci , celui là ; celles-ci > celles
là.
Ces mots répondent à la fituation momentanée où
fè trouve l’efprit, lorfque la main montre un objet ■
que la parole va nommer ; ces mots ne font donc
qu’indiquer la perfbnne ou la chofè dont il s’a git,
fans que par eux-mêmes ils en excitent l’idée. Ainfî,
la propre valeur de ces mots ne confîfle que dans la
défignation ou indication, & n’emporte point avec
elle l’idée précifè de la perfbnne ou de la chofè indiquée.
C’ell ainfî qu’il arrive fbuvent que l’on fait
que quelqu’un a fait une telle aélion, fans qu’on
fâche qui efl ce quelqu’un-là. Ainfî, les mots dont
nous parlons n’excitent que l’idée de l’exiflence de
quelque fùbftance ou mode, foit r é e l, foit idéal :
mais ils ne donnent par eux-mêmes aucune notion
décidée & précifè de cette fùbftance ou de ce mode.
Ils ne doivent donc pas être regardés comme des
vice-gérents , dont le devoir confijle à figurer à la
place d'un autre , & à remplir les jonctions de
jubjlitut.
Ainfî, au lieu de les appeler Pronoms , j’aimerols
mieux les nommer Termes métaphyjiques, c’efl à
dire , mots qui par eux - mêmes n’èxcitent que de
fimple s concepts ou vues de l’efprit, fans indiquer
Cra,mm. et L ittérat. Tome I.
àucutî individu réel ou être phyfîque. O r on ne
doit donner à chaque mot que la valeur précifè
qu’il a ; & c’eft à pouvoir faire & à fèntir ces préci-
fions métaphyfîques, que confîfle une certaine ju£-
teffe d’efprit où peu de perfonnes peuvent atteindre.
C e , ceci, cela , font donc des termes métaphyfîques
, qui ne font qu’indiquer l’exiftence d’un objet
que les circonftances ou d’autres mots déterminent
enfuite fîngufièrement & individuellement.
Ce , cet, cette, font des adje&ifs métaphyfîques
qui indiquent l’exiftence , & montrent l’objet : Ce
livre^cet homme, cette femme, voilà des objets prefènts
ou préfèntés. cc Ce , adje&if, ne fè met que devant
33 les noms mafoulins qui commencent par une con-
» fonne, au lieu que devant les noms mafoulins
n qui commencent par une voyelle, on met Cet;
33 mais devant les noms féminins, -on met cette,
» foit que le nom commence ou par une voyelle ou
» par une confonne. » Grammaire de Buffier, pag.
189.
C e , défîgne un objet dont on vient de .parler , ou
un objet dont on va parler.
Quelquefois pour plus d’énergie on ajoute les particules
| | ou là aux fùbflantifs précédés de l ’adjedif
ce ou cet ; cet état-ci, ce royaume-là : alors, ci fait
connoître que l ’objet eft proche ; & là , plus éloigne
ou moins proche.
Ce eft foùvent fùbftantif ; c’efl le hoc des latins r
alors, quoi qu’en difènt nos grammairiens , ce eft du
genre neutre ; car on ne peut pas dire qu’il foit maf-
culin , ni qu’il foit féminin. T entends ce que vous
dites, ijlitd quod. Ce fu t après unjolemneL & magnifique
jacrifice, que, &c. Fléchier , Or. jun. Ce t
c’efl à dire , la choje que j e vais dire arriva,
après, &c.
Dans les interrogations, Ce,fùbftantif eft mis après
le verbe ejl. Qui ejl-ce qui vous l'a dit, dont la conf-
truéfion eft c e , c’eft à dire, celui ou celle qui vous
Va dit ejl quelle perjonne ?
Ce, fùbftantif, fè joint à tout genre & à tout nom^
bre. Ce font des philojophes &c. ce font les p aj-
fions ; c ejl Vamour ; c ejl la haine.
La particule ci & la particule là ajoutées au fùb-
tantif C e , ont formé Ceci & Cela• Ces mots indiquent
ou un objet fimple , comme quand on dit
cela ejl bon, ceci ejl mauvais : ou bien ils fè rapportent
à un fens total, à une aétion entière ; comme
quand on dit ceci va vous Jurprendre , cela mérite
attention , cela ejl fâcheux.
Au refte Ceci indique quelque chofè de plus immédiatement
prefènt que Cela. Écoute£ ceci, ave%-
vous vit cela ? Vous êtes-vous apperçu de c e la i
Vene\ voir ceci.
Ceci , Cela , font aufli des fùbflantifs neutres ; ces
mots ne donnent que l’idée métaphyfîque d une fùof-
tance qui eft enfùite déterminée par les circonstances
ou idées accelfoirés ; l ’elprit ne s’arrête pas
à la lignification précifè qui répond au mot Ceci
ou au mot Cela , parce que cette lignification efl
trop générale ; mais elle donne occafîon a 1 efprit