
pour la fuftîce. Le menfônge même eft permis en \
faveur de la vérité. Eft-ce la faute de l ’avocat s’il
a pour juges des hommes, que la droite rai Ion , que
ia vérité utapie ne peut perfuader, & dont l’efprjit
faux neft frappé que des fàuffès lueurs d’un fôphifme ?
Mon devoir eft de gagner ma caufe , dès que moi-
meme je la crois bonne; & pourvu que j’arrive au
b u t, il eft indiffèrent que j’aye pris le droit chemin ?
ou le détour».
G’eft là (ans doute ce qu’on peut alléguer de plus
favorable aux artifices de l’Éloquence : mais dans
cette (uppofîtion même, que de faux moyens (ont
nécefiàires pour perfuader des efprits faux & qu'il
en eil de tels parmi les juges, il y aura toujours I
de la mauvaife foi à donner de la valeur à ce qui
ti’en a point' ; & le fôphifme n’en eft pas moins la
fauffe mônnoie de l’Eloquence. C’eft au juge de
{avoir difcerne? le vrai -, c’eft à l’avocat de le dire :
il eft un faulfaire, s’il le déguife ; un fourbe, s’il donne
au menfônge les couleurs de la vérité.
De la doftrine de Plutarque, qui permet d’employer
l’Éloquence des paflions, & de celle de Pline,
qui coniènt qu’on employé tous les moyens bons ou
'mauvais, on fèmble- s’êtrè. fait au Barreau un
fÿftème de probabiiifme, tout à fait commode pour
la mauvaife foi des plaideurs. Vous vous êtes chargé
là d’une bien mauvaife caufe, dîfôit un juge à un
avocat célèbre! J’en ai tant perdu de bonnes, répondit
l’avoèat, que j’ai pris le parti de les plaider fans
choix & telles qu’elles fè préfèntent.
Ce n’eft donc pas à la bonté réelle & abfôlue
d’une caufe, mais à fà bonté apparente & relative
à l’efprit des juges-, qu’on voit fi l ’on peut s’en
charger ; & ceci eft bien plus à la honte de la Jurif
prudence qu’à la honte du Barreau.
• NèNèroit-il pas effroyable que l’incertitude , o u
plus tôt la contrariété confiante des jugements, fût
f bien reconnue, qu’un habile avocat pût.dire avec
affïrranëè, Telle caufe que j’ai perdue à ce Tribunal,
je vais la gagner à cet autre ? Eft-il croyable qu’on
ait îaifle les lois, dans cet état d’aviliflèment ? Et des
juges qui n’ont aucun intérêt de compliquer, d’accumuler,
de perpétuer les procès, peuvent-ils ne pas'
recourir au Souverain pour demander une légifla-
tion fimple & confiante, qui les fauve du péril d’être
eux-mêmes les jouets de la mauvaife foi ?
Concluons que rien n’eft plus gliffànt que la carrière
de l’avocat , que rien n’eft plus- difficile à
marquer que les limites de fôn devoir & les bornes
où fê renferme une défènfè légitime, & que pour
lui l’abus du talent eft un écueil inévitable, fi la
droiture de fôn coeur & fôn intégrité naturelle .ne
réclaire & ne le conduit. « L ’Éloquence n’eft
» pas feulement une pr«dudion de l ’efprit , dit
» pliffènt d’une 'noble fierté & d’une confiance
» magnanime, & qui, portant encore votre gloire
» plus loin que l’Eloquence même, font admirer
» l’homme de bien en vous beaucoup plus que
» l’orateur
M. d’Agueffèau , en s’adrefîànt aux avocats ,
» c’eft un ouvrage du coeur; c’eft là que fè forme
»„cet amour intrépide de la vérité, ce zèle ardent
» de la juftiee, cette vertueufè indépendance dont
»-vous êtes fi jaloux ces grands , ces généreux
» Temiments qui élèvent l ’homme , qui le rem-
Les bonnes moeurs d’un avocat feront toujours
fà première Éloquence. Un fripon, connu pour tel,
peut plaider une bonne caufe ; mais ïes moyens
ajircient befoin de l’expédient qu’on prenoit à Lacédémone
, de faire paffer l’opinion d’un mauvais
citoyen , lorfqu’elle étoit fàlutaire , par la bouché
d’un homme de bien , comme pour la purifier.
Bùye\ O r a t e u r . ( M. J / a rm o n te l . )
(N.) BARYTON , E. adj. Dont la.dernière fyllabe
eft grave. Ce mot. propre de la Grammaire grèque ,
eft auffi purement'grec ;-de ficepvç, gravis ; & rovos
lo n u s .
Par rapport à la çonjugaifôn , les grammairiens
grecs diftinguent trois fortes de verbes : les Barytons
, qui ont où font cenfés avoir l’accent grave
fur la dernière fyllabe, puifqu’ordinairement on ne
l’y marque pas ; comme telQv , *éya>, tuttIu -, les
circonflexes , qui ®nt l’accent circonflexe fur la
dernière fyllabe, parce qu’elle renferme deux fÿl-
labes contradéesen une, & que les deux accents,
le grave & l’aigu, y font réunis comme ripou pour
7ifAcicà j Çtx£> pour , pour xjivroaî & les
verbes en p s , comme rlè-npi. Boye\ C onjugaison*
• ( M . B e a u z é e . )
BAS , adj. Belles-Lettres. Ce'mot, appliqué au
-caradère des idées, des .fèntiments , des expref*
' fions, ne fignifie pas la même choie.
La BaJJ'eJfe des idées & des expreflions tient
abfôlument à l ’opinion & à l ’habitude ; & B a s , dans'
cette acception, eft fÿnonyme de Trivial. La Bajfejfe
des fèntiments eft plus réelle ; elle fùppofe dans
l’ame l ’un de ces caradères , fauffefé , lachete,
noirceur, abjedion , &c.
Ce qui étonnera peut-être , c’eft que le genre
noble, fôit d’Éloquence, fôit de Poéfie , n’exclut
que la BaJJeJJe de convention , & admet, comme
fufôeptible d’ennôbliffèment, ce qui n’eft bas que
de'fa nature.
Félix, dans Polyeude, dit en parlant des fènti-
ments qui s’élèvent dans fôn ame , J'en ai même de
bas, & qui me font rougir; & ces fèntiments de
-crainte, d’intérêt, de baJJ'e politique, développés en
beaux vers ., ne font pas indignes de la Tragédie :
rien de plus bas moralement, que le caradere de
Narciffe ; & poétiquement il a autant de nobleffe
que celui d’Agrippine, & que celui de Néron.
Que l ’on nous préfènte, au contraire , ou^ une
image ou une idée, à laquelle la mode & 1 opinion
ait attaché le caradère de BaJJeJJe ; elle nous choquera
: qui pourroit entendre aujourdhuî, fur nos
théâtres^ la fille d’Alcinoüs dire qu’Uly'fie l’a: trouvée
lavant la leffive ? qui pourroit entendre Achille-
dire qu’il va mettre à la broche les viandes de fôa»
b a t
fotfjJéf ; oü Agàmemnon dire que, Iorique Brîséîs lefa
vieille, il l’émplpyera à lui faire fôn lit ?
Encore à force d’art peût-on déguifèr au befôin,
eh termes figurés ou vagues, la Bajfejfe de l’idée
fous la nôblelle de l’expreffion. Mais' ce qui eft bas
dans les termes auroît beau être fublime & grand,
fôit dans le fend ment, fôit dans la penfée; la délica-
teflè de notre goût eft inexorable fur ce point.
La difficulté n’eft pourtant pas d’éviter la Bajfejfe
«ans le genre héroïque , mais dans le familier qui
touche au populaire & qui doit etre naturel fans
être jamais trivial. Boye\ A n a lo g ie. ( M . M.ar-
MONTEL.)
BA T, B A T TO LO G IE , BU T TU B A TA , Gram.
En expliquant ce que c’eft que Battologie, nous
ferons entendre 'des deux autres mots.
B a t tolo g ie , C. f. C ’eft un des vices de l’Élocution
; c’eft une multiplicité de paroles qui ne difènt
rien ; c’efi une abondance ftérile de mots vuides de
Tèns, inane multiloquium. Ce mot eft grec /3«r7oAoy/«,
inanis eorumdem repetiti'o ÿ & fiaT%Xoysa>, verbojus
fum. Kxi.ch, vj. de S. Matthieu, v. y. Jéfûs-Chrift
nous.défend d’imiter les païens dans nos prières , &
de nous étendre en longs difeours & en vaines répétitions
des mêmes paroles. Le grec porte, pv\ /3ur-
foXoyu'irijTt $ . c’eft à dire , "ne tombe\ pas dans la
Battologie ; ce que la vulgate traduit par nolite
multum loqui.
A l’égard de l’étymologié de ce mot, Suidas croit
qu’il vient d’un certain Battus , poète fans génie, qui
répétoit tpujôurs les mêmes chanfôns.
D’autres difènt que ce mot vient de Battus, roi de
L iby e , fondateur de la ville de Cyrène, qui avoit,
dit-on, une voix frêle & qui bégayoit : mais quel
rapport y a-t-il entre la Battologie & le bégaiement ?
On fait auffi venir ce mot d’un autre Battus , paf
ieur, dont il eft parlé dans le II. livçe des Méta-
mûrphofes d’Ovide, v. y0 2 . qui répondit à Mercure :
Sub montibus illis , itiquit, erant, 6* erant fub mon-
tibus illis.
Cette réponfè, qui répète à peu près deux fois la
même chofè , donne lieu de croire qu’Ovide adop-
toit cette étymologie. Tout cela me paroît puéril.
Avant qu’il y eût des princes, des poètes , & des
pafteurs appelés Battus , & qu’ils fuflent aflez connus
pour donner lieu à un mot tiré de quelqu’un
de leurs défauts, il y avoit des difèurs de rien: &
cette manière de parler vide de (èns, étoit connue
& avoit un nom ; peut-être étoit-elle déjà appelée
Battologie. Quoi qu’il en fôit, j’aime mieux croire
que ce .mot a été formé par Onomatopée de bath,
.„efpèce d’interjeftion en ufàge quand on veut faire
connoître que ce qu’on nous dit n’eft pas railbn-
nable, que c’eft un difeours déplacé , vide de fèns :
par exemple, fi l’on, nous demande qu’a-t-il dit?
nous répondrons bath ; rien ; patipata. C ’eft ainfî ,
que dans Plaute, ( Pfèudolus , a cl. I. fc. 3.) Calidore
dit: Quid opus efl? à quoi bon cela? Pfèudoîus:'
répond: Potin allant rem ut cures ? vous plaît—il
B A T
de né VOUS point mêler de cette affaire ï M Tous etf
mettez point en- peine, lailfez-naoi faire. Calidore
répliqué a t. . . . mais • . , Pfèudolus l’interrompÉ
en difànt B a t : comme nous dirions b a , ba^ba.^
difeours inutile , vous ne fave% ce que vous*,
dites. v '
Au lieu de notre patipata, où le p peut aifement
être venu du b , les latins difôient Buttubata, & les
hébreux bitubote , pour répondra à une
façon de parler futile. Feftus dit que Nævius appelle
Buttubata ce qu’on dit des^phrafès vaines qui n’ont
point de fèns, qui ne méritent aucune attention :
Buttubata Ncevius pro nugatoriis pofiiit, hoc eft
nullius dignationis, Scaliger croit que le mot de
Buttubata eft eompofé de quatre monofÿllabes , qui
font fart en ufàge parmi les enfants, les nourrices ,
& les imbécillesyfavoir bu , m , ba , ta: bu , quand
les enfants demandent à boire \ ba ou pa , quand ils
demandent à manger ; t a , ou tatam, quand ils
demandent leur père, ou le t fè change facilement
en p ou en m, maman ; mots qui étoient auffi en
ufàge chez les latins, au témoignage de Varron &
de Caton ; & pour le prouver, voici l’autorité de
Nonius Marcellus au mot Buas. ( cap. IL ) B u a s%
potionem pofitam parvulorum. Bar. Cato , vel de
liberis educandîs. Cum ciburn ac potionem buas,
ac papas docent & matrem mamam , & patrert^
tatam. ( M o u JILarsais.)
(N.) B A T A IL L É , COMBAT. Synonymes.
L a Bataille eft une a&ion plus générale, êS
ordinairemnnt précédée de quelque préparation. Le
Combat femble être une a&ion plus particulière,
& fôuvent imprévue. Ainfî, les aâions qui fe font
paffées à Cannes entre les carthaginois & les
romains, à -Pharfale entre Céfàr & Pompée , font
des Batailles : mais l’aâion où les Horace & les
Curiace décidèrent du fort de Rome & d’Alb e,
celle du paiïàge du Rhin, la défaite d’un convoi
ou d’un parti * font des Combats.
La Bataille d’Almanza fut une aâion décifîve
entre Philippe de France & Charles d’Autriche
dans la concurrence au trône d’Efpagne. Le
Combat de Crémone fit voir quelque chofe d’afîèz
rare ; la .valeur du fôldat à l’épreuve de la furprifè ,
les ennemis introduits au milieu d’une place en
enlever le commandant fans pouvoir s’ en rendre
maîtres, & des troupes fe conduire fans-chef contre
le plus habile de tous les capitaines.
Le mot de Combat a plus de rapport à l’a&ion
même de fè battre que n’en a le mot de Batailley
mais celui-ci a des grâces particulières lorfqu’il
n’eft queftion que de dénommer l ’aétion. C ’eft
pourquoi l’on ne parleront pas mal en difàm, qu’à
la 'Bataillé de Fieurus le Combat fut opiniâtre &
' fort chaud. >
Les Batailles fè donnent , & feulement entre
des armées d’h om m e son les gagne , ou pn les
perd. Les Combats fè donnent entre les hommes,
& fè font entre toutes les autres ..choies qui cher^
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