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par un trait de cara&ère. E t moi ; dit l’avare, j e vais
revoir ma chère caffette. Taurois mieux f u i t , je
crois, de prendre Celimène, dit l'Irréfolu. La Tragédie
, qui n’eft qu’un apologue, devroit finir par
un trait frappant & lumineux, qui en fèroit la moralité
; & je ne crains point d’en donner pour exemple
cette conclufion d'une tragédie moderne , où Hécube
expirante dit ces beaux vers :
: *le me meurs : Rois , tremblez., ma peine eft légitime >
, J’ai chéri la vertu , mais j’ai fouffert le-crime.
Il eft bien étrange qu’au Théâtre on ait (Imprimé
Cette moralité de la Se'miramis
Par ce terrible exemple, apprenez tous , du moins,
. Que les crimes cachés ont les Dieux pour témoins.
Plus le coupable eft grand , plus grand eft le fupplice,
• Rois j tremblez fur le trône, 5c craignez leur j,office.
t J’ai dit que, dans- le poème épique & dramatique,
i ’aâion étoit un problème ; & l’incident qui réiôut
ce problème, eft ce qu’on appelle Dénouement.
Tantôt cet incident vient du dehors ; tantôt il naît
du fond de l’aâion même, & rélulte du choc des
rtérêts ou des paffions qui forment le noeud de
l ’intrigue.
^ Dans la Tragédie, on a diftingué plufieurs fortes de
Dénouements^ félon que la Tragédie étoit pathétique
ou morale , & qu’elle étoit fimpJe ou implexe. Pour ;
la Tragédie pathétique , Ariftote préférait un D é - I
nouement funefte au perfônnage intéreflànt ; pour la
Tragédie morale, il vouloit comme Socrate & Platon,
que le Dénouement fût conforme à la lo i, c’eft à
dire , à cette maxime , ut bono - benè x malo malè t
Dans la Tragédie Ample, le perfônnage intéreflànt
continue d’être malheureux jufqu’à la fin , -& le
Dénouement met le comble à fôn infortune. Il ne
laiffe pas d’y avoir , dans les fables impies, dès
moments où la fortutie fèmble changer de face ; &
ces demi - révolutions produifênt des • alternatives
d’efpérance & de crainte très - pathétiques. C ’eft
x avantage^ des pafliôns de rendre par leur flux &
reflux l’a&ion indécifèSc flottante r mais dans les fujets
où la fatalité domine, ce balancement eft plus difficile
; aufli eft-il rare chez les anciens.
Dans la Tagédie implexe, le fort des perfônnage«
change au Dénouement par une révolution qu’on
appelle Péripétie; & cette révolution fe fait de trois
m an iè re s i° , de la profpérité au malheur; z°. du
malheur à la profpérité > & dans ces deux cas elle-
eft (impie ; j* . de l ’un à l’autre de ces deux états
e n même:temps & en fèns contraire, alors la révolution
eft double; & celle-ci peut encore s’opérer
de deux façons, ou par le malheur des méchants &
le fûcces des bons, ou par le malheur des bons &
le fuçcès des méchants.
Si les perfônnages oppofés dans l’adion étoîentr
tous deux bons ou tous deux méchants: dans le
premier cas, nulle moralité , & un partage d’intérêt
gui ne laiflèrait rien délirer ni. rien craindre ; dans
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Ie fè'ottci, nul intérêt & prefque nulle moralité;
puilque de la révolution qui rendrait l ’un heureux
& loutre malheureux, il n’y aurait rien à conclure:
ainfi, cette combinaifôn doit être exclue du Théâtre.
Un Dénouement où , après avoir tremblé pour les
bons, on les verrait fuccomber aux méchants, fèroit
pathétique , mais révoltant. Il y en a de grands
exemplès au Théâtre ; mais les larmes qu’ils font répandre
font amères, & la douleur dont ils déchirent
i ’ame 'n’eft pas de celles qu’on fè plaît à fèntir.
L e Dénouement qui, fans être funefte à l’inno-
. cence, ferait heureux pour le crime, quoique moins
odieux, que le précédent, eft encore plus mauvais,
parce qu’il n’eft point pathétique.
Un Dénouement terrible à la fois & touchant, eft
celui ou , par l ’afcendantide la fatalité & fans l ’en-
tremifè du crime, l’innocence, la bonté fùccombe,
fôit qu’elle vienne d’être heureufè, fôit que de calamité
en calamité elle arrive â l ’évènement qui en
eft le comblé. Mais cette efpèce de fable n’a aucune
moralités Voye\ T r a g éd ie .
Un Dénouement moins tragique , mais confôlant
après une aétiorr terrible, c’eft lorfque l ’innocence
long temps menacée & perfecutée, foit par le fort ,
fôit parles hommes, fort triomphante du- danger ou
du malheur où elle a gémi; & îa j-oie que cette révolution
caufè eft encore plus vive, fi en même temps-
que l ’innocence triomphe on voit le crime fùe^
comber.
De toutes ces efpèces àe Dénouements r on voitr
cependant qu’il n’en eft aucun qui rie manque ou de
pathétique ou de moralité; & ce n’eft qu’ën pallier
le vice que d’attribuer les uns à la Tragédië pathétique
, les autres à la Tragédie morale: il n’y a point-
deux fortes de Tragédie ; & la même, pour être parfaite,
doit être morale & pathétique. Or c’eft cé qu’on-
obtenoit difficilement du fyftême ancien , & ce qui
réfulre tout naturellement du fyftême moderne.
L ’homme malheureux par des eaùfès qui lui font
étrangères n’èft d’aucun exemple; l’homme malheureux
par fôn crime , n’eft point intéreflànt ; & quant:
aux fautes involontaires, qu’Ariftote a imaginées--
pour tenir le milieu entre le crime & l’innocence ,,
elles« déguifènt foiblement l’iniquité des malheurs
tragiques. Mais l ’homme entraîné dans le malheur
par une- paflion qui l’égare & qui fè concilie avec
un fond de bonté naturelle ,• eft un exemple à la
fois terrible, touchant, & moral : il infpirela crainte-
fàns donner de l’horreur ; il excite la compaffion fans-
révolter contrela deftinée : pour faire frémir & pleurer,,
il n’à pas befôin d’être en butte au crime ; fôn ennemi
fôn tyran, fôn bourreau eft dans le fond de fôn coeur ;
& lorfque la paflion le tourmente, l’égare, & l’entraîne
enfin dans un abyme de calamités, plus le-
tableau eft*terrible & touchant, & plus l’exemple
( eft fàlutaire. Tël eft l’av antage du fyftême moderne-
fur 1: ancien à l’egard du Dénouement funefte. D’un-,
autre côté', une paflion compatible avecla bonté naturelle,
& dont l’égarement fait l’excufè, n'eft pas;
adieufè dans fès excèscomme la méchanceté,, qu£
*
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de (ang froid médite & confomme le crime. L'homme
peut donc fortlr de l’abîmé oùl entraîne fa paffion,
Darun Dénouement heureux, fans que lampumte,
fans que le bonheur même foit odteux & révoltant i
au contraire, après l’avoir vu long temps louffrir &
avoir fouffert avec lu i, le fpeflateur refptre, foulage
par fa délivrance; & ce mouvement de joie eft délicieux,
après de longues alternatives de crainte, d ef-
pérance, & de compaflion. Ainfi, dansle fyfteme des
pallions humaines, ces deux fortes de Dénouements ,
malheureux & heureux, ont chacun leur avantage:
l ’un, d’être plus pathétique ; & 1 autre,plus confolant :
ajoutons que celui-ci même a fa moralité ;car la revo-
lution du malheur au bonheur n arrive qu au moment
où le danger eft extrême, & qu’on a eu tout le temps
d’en frémir ; & par l’évidence de ce danger , la pal-
lion qui en eft la caufe a fait fon imprefhon de
crainte. . . r ‘
Lorfqu’en reprochoit à Euripide d avoir mis fur
le théâtre un méchant, un impie comme Ixion, il
répondoit: Attffi ne Vai-je jamais laijféfor tir, que
j e ne Paye attaché -& cloué bras & jambes à une
roue. C ’eft en effet ainfi qu’il faut traiter fur la fcène
le f caractères odieux : mais ceux qui font plus dignes
de pitié que de haine , peuvent obtenir grâce aux
yeux des fpeêtateurs ; & lors même qu’une paflion
funefte les a rendus coupables,-la Tragédie peut être
à leur égard moins rigoureufè que la loi. _
Enfin, par la nature même des fiijets anciens, 1 incident
qui produisit la révolution decifive venoit
prefque toujours du dehors; au lieu que dans la conf-
titudon de la T ragédie moderne,''toute i’aêtion naiffant
du fond des caractères & du combat des^ paffions,
c’eft communément leur dernier effort & 1 evenement
qui en réfulte qui produit le Dénouement, fôit qu il
arrive félon l’attente ou contre l ’attente des^ fpee-
tateurs ; & je n’ai pas befôin de dire que celui-ci eft
préférable, l^oye^ R é v o l u t io n . |
Dans la Comédie le Dénouement eft de meme la
fôlution dé- l’intrigue ; & plus il eft inattendu &
naturellement amené, plus il eft agréable. Son grand
mérite eft d’achever le tableau du ridicule par un
trait de force que la furprifè rende plus- v if & plus
piquant, ou par une fituation qui achevé de rendre
méprifàble & rifible le vice que l’on a joue : le Dé nouement
de l’École des maris en eft le plus parfait modèle;
celui de George Dandin & celui desPrécieufès
ridicules fôntencoredu meilleur Comique ; & quant
à l’effèt moral, celui .du Malade imaginaire eft fîi-
périeur à fous. Nul poète comique dans aucun temps
n’a été comparable à Molière, même dans cette partie
que l’on regarde comme fôn côté foible ; & en
effet, dans la. compofition fi profondément réfléchie
de fès intrigues, il paraît quelquefois s’être peu oc-'
cupé du Dénouement : mais Ariftophané, Térence,
& Plaute s’en occupoîent encore moins ; & l ’importance
qu’on y attache eft une idée de nos pédants
modèrnes.
Le je fuite Rapin, qui faifôit peu de cas de Molière,
difôiî : I l ejîaije de lier une intrigue, é e jl P ouvrage.
D E P
• de Vimagination ; mais le Dénouement eft Vouvrage
i tout pur du jugement. Ah, père Rapin ! donnez-nous
en donc, des intrigues comiques bien liées ; c’eft cô
qui nous manque, & les dénouera qui pourra.
Lorfque le Uénouement comique eft adroit & bien
i amené, c’eft une beauté de plus fans doute, & une
beauté d’autant plus précieufe, qu’elle couronne toute*
lès autres. Mais Molière a penfé, comme les anciens ,
qu’après avoir inftruit & amufé pendant deux heures,
qu’après avoir bien châtié ou le vice ou le ridicule, en
expofant l’un & l’autre au mépris & â la ri fée des
fpe&ateurs, la façon plus ou moins adroite & naturelle
de terminer l’aêtion comique', n’en devoit pas decider-
le (accès ; & qu’un père , un oncle tombe des nues
à la fin d é jà comédie de l’Avare ou de l ’École des
femmes, fuffiroit pour la dénouer. Il faut, s’il eft
pqffible , faire mieux que Molière dans cette partie 9
ou plus tôt faire comme luilorfqu’il a fait mieux que
perfonne, mais ne pas attacher, au tour d’adrefle d’un
Dénouement comique, un mérite comparable à celui
de l’intrigue ou du Tartuffe ou.de l’Avare. ( J A
M a r m o n t e l . )
(N .) D EN TAL , E. adj. Appartenant aux dents.
Les articulations dentales fônt des articulations linguales,
dont i’explofîon s’opère vers la pointe de la
langue appuyée contre les dents. Il y en a de muettes,
dx t ,• & l’articulation n , outre ce qui la rend nafale ,
fuppofè d’ailleurs lemême méchanifme que i , & doit-
être comptée parmi les dentales. Il y en a aufli
de fixantes, s. Voye\ A r t ic u l a t io n . ( M .
B eauzée. )
DÉPONENT , adj. m. terme de Grammaire
latine. On ne le dit que de certains verbes qui fe
conjuguent à. la manière des verbes, paflifs,. & qui
cependant n’ont qué la fignification aâive. Us ont
quitté la fignification paflive ; & c’eft pour cela c^u’on
les appelle déponents , du latin deponens , participé
de deponere, quitter , dépofèr. M. de Vallange les
appelle P"trbes majquesx parce quer, fôus le mafque ,
pour ainfi dire , de la terminaifon paflive, ils n’ont
que la fignification aâive. Miror ne veut pas dire
j e fuis admiré, il fignifie f admire* ... •
Cette terminaifon paflive donne lieu de croire
que ces verbes , dans leur première origine *
- n’avoient que la fignification paflive. En effet,
| miror , par exemple , ne fîgnifie-t-il pas, j e fuisr
étonné, je fuis dans la furprifè, à caufe de telle
ou telle chofe , par telle raifon. Prifcien , a*
liv. FU I . de fignifieationibus verkorum , rapporte
un grand nombre d’exemples de verbes déponents- ,
pris dans un fens.paflif, qui habet ultro appetitur r
qui eft pauper afperimtiir ; le pauvre eft méprife r
meam novercam Lapidlbus à populo^ confeclart
video t Je vois, ma belle-mère pourfùivie'par
peuple à coups dè pierres* ,
Ces exemples, font dans Prifcien: le tour paffif
eft plus dans le génie de la langue latine que l’aéhft.
au contraire., l ’a â if eft plus analogue a notre langua*