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Coule votre onde toujours pure :
Mille & mille poiflons dans votre fein nourris
Ne vous attirent poiùc de chagrin , de mépris.
Avec tant de bonheur, d’où vient votre murmure ?
Hélas 1 votre fort eft fi doux ! ' ‘
Tailez-vous, Ruiflèau ; c’eft à nous
A nous plaindre de la nature.
Pe tant de pallions que.nourrit notre coeur.
Apprenez qu’il n’en eft pas une
Qui ne traîne après foi le trouble , la douleur.
Le repentir, ou l’infortune ; &c.
Tertullien ( Apologet. cap. 46.) comparant les
vertus des chrétiens avec celles des célèbres philo-
lèphes du Paganilme, nous donne un bel exemple
d’une D ijf im i l iiu d e oratoire rationnée, ce Qfèriez-
» vous comparer la chafteté de vos philofôphes avec
» celle de nos chrétiens? Il eft vrai qu’un certain
» Déraocrite le creva les yeux, pour ne pas être
y> fènfîble à la beauté des femmes; & qu’il aima
» mieux perdre le plaifïr de la vue, que de fùp-
yy porter le chagrin fècret de ne les pas pofféder :
, » mais un chrétien voit les femmes fans danger &
» fans défît ; & comme i l eft aveugle du coeur,
» il n’a pas befôin de l’être du corps. Parlerez-
» vous de l ’humanité de vos fàges ? Il eft vrai que
» votre Diogène foula aux pieds les plus fiiper-
» bes ornements de Platon, par un orgueil plus
» fin , mais non pas moins criminel que celui qu’il
» condannoit : mais un chrétien eft humble fans af-
» fedation , au milieu des perfônnes les plus viles &
» les plus pauvres. Direz-vous que la fidélité de
» vos philofbph.es étoit inviolable ? Qui ne fait
» qu’Anaxagoras retint un dépôt que fes hôtes lui
» avoient confié ? mais un chrétien eft fidèle, même
» à fès plus cruels ennemis. Et ne dites pas qu’il
» y a des chrétiens déréglés; car fâchez que, dès
y> Joi*s qu’ils font déréglés , ils ne font plus chré-
» tiens & cefïènt de palier pour tels parmi nous:
n mais il n’en eft pas ainfî de vos philofbphes ;
» car tout fcélérats qu’ils font, ils ne laiflènt pas
>> d’avoir parmi vous le nom de fâges & dé philo-
» fbphes. Tant il y a peu de reiïemblance entre
» un philofbphe & un chrétien , entre un difciple
» Je la Grèce & un difciple de Jéfùs-Chrift, »
(M . B e a u z é e . )
DISSYLLABE, adj. terme de Grammaire. C’eft
un mot qui n’à que deux fy-Tlabes ; v e r -tu eft D i j fy l -
labe : ce mot fe prend aufli fubftantivement. Les
JDiJfylLabes doivent être mélés avec d’autres mots, j
Dans la Poéfie grèque & dans la latine, il y a des
pieds d ijjy lla b é s ,* tels font le S p o n d é e , Y ïam b e ,
le T r o q u é e , le P y r rh iq u e .
Ce mot vient de M? deux fois, d’où vient dureras,
duplex , & de ayXXaftii, fyllabe. Un mot eft appelé
monofyllabe quand il n’a qu’une fyllabe; il eft
difyllabe quand il en a deux ; irijjyllabe quand
il en a trois ; mais après ce nombre les mots font
d 1 s
dits être poliffyllabes, c’eft à dire, de plufîeurs
fyliabes. R. -rroxls-, mulius , frequens , & roxxufi,1
fyllabe. ( M , du Marsais. )
(N.) DIST INCT ION , DIVERSITÉ, SÉFA,
RATION. Synonymes.
Ces termes fuppofent plufîeurs objets, & expri-»
ment une relation qui tient à cette pluralité.
La D i j lin c l io n eft oppofee à l ’identité ; il n’y
a point de D ij lin c l io n où il n’y a qu’un même
être. La D iv e r f it é eft oppofée à la fimilitude ; il
n’y a point de JDiv er fité entre des êtres abfblument
fèmblables. La Séparation eft oppofée à l ’unité ;
il 11’y a point de S ép a ra tion entre des êtres qui en
conftituent un fèul.
Il y a D i j lin c l io n entre l ’ame & le corps, puifc
que ce font deux fubftances differentes , & non la
même : il y a aufli D iv e r fit é^ puifque la nature
de l’un ne refièmble point à la nature de l ’autre :
mais pendant la vie de l ’homme il n’y a point
de S é p a r a t io n , puifque leur union confticue l’individu.
Un auteur moderne a cité comme deux ouvrages
differents , celui de la J u fle jfe de la langu e fran-:
ç ô i f e , Se les Synonym es fr a n ç o i s de l’abbé Girard.
Mais c’eft le même ouvrage fous deux noms différents
, & il n’y a point de D ifiin é lio n 4 Cependant
il y a D iv e r f it é ; parce que ce font deux éditions
du même livre, très-éloignées d’être fèmblables. Le
fécond volume qu’on a ajouté à la dernière, eftnécefi-
Virement diftingué du premier ., puifqu’ils ne font
pas de la même main, ni le même volum.e : l’éditeur
voudroit bien qu’on n’apperçût pas la D iv e r f i t é de
la compofîtion, & fur tout par rapport aux articles
qui font de lui; mais il fera content, fi le Public
éclairé juge qu’on ne doit point féparer l’un de l’auiret
(M. B eauzée. )
(N.) DISTINGUER , SÉPARER. Syn on ym es ,
On d ifiin g u e c e qu’on ne veut pas confondre.
On fé p a r e ce qu’on véut éloigner.
Les idées qu’on fe fait des chofès , les qualités
qu’on leur attribue, les égards qu’on a pour e lle s,
& les marques qu’on leur attache ou dont on les
défigne, fervent, à les difiinguer. L’arrangement,
la place, le temps, & le lieu , fervent à les fép a r e r .
Vouloir trop fe d ifiin g u e r des perfonnes avec,
qui nous devons vivre, c’eft leur donner occafîon
de fè fé p a r e r de nous.
La différence des modes & du langage difiingue^
' plus les nations qfte celle des moeurs. L ’abfence
J ép a r e les amis fans en defunir le coeur : je n’ofè-
roi* dire la même chofe dés amants; & ce n’eft
qu’à l’égard de ceux-ci que le proverbe dit que les
abfènts ont tort. ( L’abbé G i r a r d . )
DISTIQUE, C. m. B e l l e s -L e t t r . C’eft un couplet
de vers, ou petite pièce de Poéfie dont le fèns fè
trouve renfermé dans deux vers , l’un hexamètre,
& l’autre pentamètre ; tel eft ce fameux Diflique
que
D I S
. ne Virgile Et à l’oçeaSon des fêtes données par
Augufte:
B o t t e p l u i t to tâ , r ed eù n t fp e c ta c u la marie ;
D iv i fn m im p e r ium curn J o v e C ce f a r h a b e t .
Et celui-ci, bien plus digne dette connu:
U n d e fu p e r b it h om o , ; eu ju s . c o n c e p t io c a fu s ,
B a f c i poe n a , la b o r v i t a , n e c e f f em o r i ?
Ce mot eft formé du grec £is , deux fois, &
de , fiers. J'y .
Les Diftiques de Çatonfbnt fameux , & plus admirables
par l ’excellente Morale qu ils renferment,
que par les grâcés du ftyle. V o y e \ c e qu en dit
Vigneul-Marville , tome I , page 5 4 & 5 £ | L'abbé
M a l l e t . ) V ,
Les Élégies des anciens ne font qu un ailemblage
de Diftiques; Se à l’exception des Métamorphofes,
c’eft la forme qu’Ovide a donnée â tous fes autres
ouvrages.
Quelques-uns de nos poètes ont écrit en Diftiq
u e s j ce font communément ceux qui ont penfé
vers à vers. On dit de Boileau , qu’il cômmençoit
par le fécond vers , afin de s’affûrer qu’il^ feroit le
plus fort. Cette marche eft monotone & fatiguante a
là longue: elle rend le ftyle lâche & diffus, attendu
qu’on eft obligé fouvent d’étendre, & par confe-
quent d’affoiblir fa penfée , afin de remplir deux
vers de ce qui 'peut fè dire en un : elle eft fur-
tout vicieufe dans la Poéfie dramatique , ou le
ftyle doit fuivre les mouvements de l'ame, & ' approcher
le plus qu’ il eft poflible de la marche libre
& variée du langage naturel. En général, la grande
manière de verfifier , c’eft de penfèr en mafle , &
de remplir chaque vers d’une portion de la penfee ,
à peu près comme un fculpteur prend fès dimenfîons
dans un bloc pour en former les differentes parties
d’une figure ou d’un groupe, fans altérer les proportions.
C ’eft la manière de Corneille, & dè tous
ceux dont les idées ont coulé à pleine fburce. Les
autres ont produit les leurs, pour ainfî dire, goutte
à goutte; & leur ftyle eft comme un filet d’eau ,
pure à la vérité , mais qui tarit à chaque inftant;
V o y e i Style v V ers , & c . ( M . M a r m o n t e l .)
DISTRIBUTIF , IVÈ. adj. Gram . Sens d iflr ibu-
t ify qui eft oppofe au fèns c o l le c t i f D i f t r ib u t i f vient
du latin D i j ir ib u e r e , diftribuer , partager ; la juftice
d if t r ib u t iv e , qui rend à chacun ce qui lui appartient.
C o l l e c t i f vient de C o llig e r e , recueillir , af-
fembler. f ia i i i t P ie r r e é to it A p ô tr e . Apôtre eft là
dans le fèns d if t r ib u t if \ c’eft à dire que S. Pierre
çtoit l’un des apôtres. Il y a des propofitions qui
paffènt pour vraies dans le fèns colle&if, c’eft à
dire , quand on parle en général de tou te une efp èce,v
& qui fèroient très fauftes , fi l’on en fûfbit l’application
à chaque individu de l’efpèce, ce qui feroit
le fèns d iftr ib u tif. Par exemple , on dit des habitants
de certaines province , qu’il font vifs, emportés
, ou qu’ils ont tel ou tel défaut : ce qui eft
G r a m m . et L j t t é r a t i T om e I . P a r t . I L -
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vrai en général & faux dans le fèns diftributif i
car on y trouve des particuliers- qui font exempts
de ces défauts & doués de vertus contraires. ( M»
du M arsais. )
DISTRIBUTION, f.f. Figure de Rhétorique, par
laquelle on fait avec ordre la divifîon & l’énumération
des qualités d’un lujet : telle eft cetre peinture
que David fait des méchants. » Leur gofier eft
» comme un fépulcre ouvert ; ils fè font fer vis
» de leurs langues pour tromper avec adrefîè ; ils
» ont fur leurs lèvres un venin d’afpic; leur bou-
» che eft remplie de malédiélions & d amertume ;
„ leurs pieds font vites & légers pour répandre le
» fang w. ¥oye\ Énumération <5* Description.
{Uabbé M a l le t .)
DITHYRAMBE, C m. Belles-Lettres, Poéfie.
Que dans un pays où l’on rendoit un culte férieux
au dieu du vin , on lui ait adrelle des hymnes, &
que dans ces hymnes les -poètes ayent imité le délire
& l’ivreflè , rien de plus naturel ; & fi les grecs
eux-mêmes méprifbient les abus de cette Poefîe
extravagante, au moins devoient-ils en approuver
l’ufàge , & en couronner les fucces. Mais qu on ait
voulu renouveler cette folie dans des temps & parmi
des peuples où Bacchus etoit une faole, c eft une
froide lingerie qui n’a jamais du reuflir.
Sans doute le bon goût & le bon fèns approuvent
que, pour des genres de Poefîe dont la forme n eft
que la parure, & dont la beauté réelle eft dans le
fond, le poète fè tranfporte en idée dans des pays &
dans des temps dont le culte , les moeurs , les ufàges
n’exiftent plu s, fi tout cela eft plus favorable au
deffein & à l’effet qu’il fè propofè. Par exemple ,
il n’eft plus d’ufàge que les poètes chantent fur la
lyre dans une fête ou dans un feftin ; mais fi , pour
donner à fès chants un caraftère plus augufte ou
un air plus voluptueux, le poète fe fûppoie la lyre
à la main, & couronné de lauriers, comme Alcée ,
ou de fleurs comme Anacréon , cette notion fera reçue
comme un ornement du tableau. Mais imiter I ivrefle
fans autre but que de reflèmbler a un homme ivre ;
ne chanter de Bacchus que l’étourdiflèment & que
la fureur qu’il infpire, & faire un poème rempli
de ce délire infenfé ; à quoi bon ? quel en eft l’objet?
quelle utilité ou quel agrément réfulte de cette peinture
? Les latins eux-mêmes, quoique leur culte
fût celui des grecs, ne refpeftoient pas aflèz la
fureur bachique pour en eftimer l’imitation; & de
tous les genres de Poéfie, le Dithyrambe fut le feu!
qu’ils dédaignèrent d’imiter. Lés italiens modernes
font moins graves ; leur' imagination fingireffe &
imitatrice, pour me fèrvir de l’exprefîion de Montagne
, a voulu effàyer de tout ; ils fè font exercés
dans la Poéfie dithyrambique , & penfent y avoir
excellé. Mais à vrai dire , c’eft quelque chôfe ^de
biejt facile & de bien peu intérelfa-t, que ce qu’ils
ont fait dans ce genre. Rien certainement ne ref-
lèmble mieux à rivreiTe, que le choeur des bacchantes