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ce mite au commencement de cette phrafè, & il ne
fàuroit s’en trouver deux précifément à la fin d'un
mot.
II. LYeft plus ouvert en plufieurs mots, comme
dans la prenUère fyllabe de fermeté, où il eft ouvert
bref; il eft ouvert long dans greffe.
III. LY eft très-ouvert dans accès, fitccès, être,
tempête, il èjl, abbèjfe, cèjfe , profèjfe, arrêt,
forêt, trêve, la Grève, il rêve , la tête.
LY ouvert commun au fîngulier, devient ouvert
long au pluriel, le chéf, les chèfs ; un mot bref,'
les mots brèfs ; un autel, des autels. Il en eft de
même des autres voyelles qui deviennent plus longues
au pluriel, yoye\ le tr. de la Profodie de M. l'abbé
d’Olivet.
Ces différences font très-fènfîbles aux perfbnnes
qui ont reçu une bonne éducation dans la capitale.
Depuis qu’un certain efprit de jufteffè, de précifion ,
& d’exa&itude s’eft un peu répandu pafmi nous, nous
marquons par ces accents la différence des e. yoye\
ce que nous avons dit fur l’ufàge & la deftination
des accents , même .fur l’accent perpendiculaire, au
mot A ccent. N os protes deviennent tous les jours
plus exads fur ce point, quoi qu’en puiflent dire
quelques perfônnes qui fè plaignent que les accents
rendent les caradères hérilfés ; il y a bien de l’apparence
que leurs yeux ne font pas accoutumés aux
accents ni aux efprits des livres grées, ni aux points
des Hébreux. Tout ligne qui a une deftination, un
ufàge^ un fèrvice, eft refpedé par les perfbnnes
qui aiment la précifion & la clarté ; ils ne s’élèvent
que contre les lignes qui ne lignifient rien , ou qui
induifènt en erreur.
C’eft fiir tout à l’occafion de nos e brefs & de nos
-t longs , que nos grammairiens font deux obfêrvations
qui ne me paroiiïènt pas juftes.
La première, c’eft qu’ils prétendent que nos pères
ont doublé les confonnes, pour marquer que la
voyelle qui précède étoit brève. Cette opération ne
me paroît pas naturelle ; il ne fèroit pas difficile
de trouver plufieurs mots où la voyelle eft longue,
malgré la confbnne doublée, comme dans g re ffe
Sc nèfle : le premier e eft long, félon M. l’abbé
d’OJivet, Profod.p. 74.
LY eft ouvert long dans abbèjfe, profèjfe, fans
cèjfe, malgré îy ’redoublée. Je crois que ce prétendu
effet de la- confbnne redoublée , a été imaginé par
zèle pour l’ancienne orthographe. Nos pères écri-
voient ces doubles lettres , parce qu’ils les pronon-
çoient ainfî qu’on les prononce en latin ; & comme
on a trouvé par tradition ces lettres écrites , les yeux
s?y font tellement accoutumés, qu’ils en fouffrent
avec peine le retranchement : il falloit bien trouver
une raifbn pour excufèr cette foiblefiè.
Quoi qu'il en foit, il faut confidérer la voyelle
en elle-même, qui en tel mot eft brève, & en tel
autre longue : Vu eft bref dans place, & long dans
grâce , Scc.
Quand les poètes latins avoient befoin d’alonger
une voyelle x ils redoubloient la confonne fùivante>
E
relligio ; la première de ces confonnes, étant prononcée
avec la voyelle , la rendoit longue : cela
paroît raifonnable. Nicot dans fbn Dictionnaire., au
mot aage obfêrve que « Ce mot eft écrit par double
; » aa, pour dénoter, dit-il, ce grand A françois,
I » ainfî que l’agrée; lequel aa nous prononçons,
jj pourfuit-il, avec traînée de la voix en aucuns
» mots , comme en Chaalons. » Aujourdhui nous
mettons l’accent circonflexe fur Va. Il fèroit bien extraordinaire
que nos pères euffent doublé les voyelles
pour alonger , & les confonnes pour abréger !
La féconde obférvation, qui ne me paroît pas
exade, c’eft qu’on dit qu’anciennement les voyelles
longues étoient fîiivies à’f muettes qui en marquoient
la longueur. Les grammairiens qui ont fait cette
remarque, n’ont pas voyagé au midi de la.France,
où toutes ces ƒ fè prononcent encore , même celle
de la troifîème perfonne du verbe efl ; ce qui fait
voir que toutes ces f n’ont été d’abord écrites que
parce qu’elles étoient prononcées. L’orthographe a
fîiivi d’abord fort exactement fà première deftination ;
on écrivoit une f , parce qu’on prononçoit* une J'.
On prononce encore ces f en plufieurs mots qui
ont la .même racine que ceux où elle ne fè pro-
nqnce plus. Nous difons encore feflin, de fête ; la
baflille, & en Provence la bàflide, de bâtir : nous
difbns prendre une ville par efcalade, d’échelle ;
donner la baflonnade , de bâton f ce jeune homme
a fait une efeapade, quoique nous difîons Rechaper,
fans f.
En Provence, en Languedoc , & dans les autres
provinces méridionales, on prononce 1 fie Pafques {
& à Paris quoiqu’on difè Pâques, on dit Pajchal,
Pafquin, Pafquinade.
Nous ayons une efpèce de chiens qu’on appeloit
autrefois efpagnols, parce qu’ils nous viennent
d’Etpagne : aujourdhui oh écrit épagneuls, & communément
on prononce ce mot fans f , & Ve y eft
bref. On dit preflolet, presbytère de prêtre ; prefl
. tation de ferment ; preflejfe, celeritas , depraefio
ejfe, être prêt.
LY eft auffi bref en plufieurs mots, quoique
fùivi d’une f , comme dans prejque, modefle, lefie ,
terrefire, trimefire, &c.
Selon M. l’abbé d’O liv e t, Profodie, p. 79, il y
a auffi plufieurs mots où Ve eft bref, quoique îy ’en
ait été retranchée échelle , être eft long à l’infinitif,
mais il eft bref dans vous êtes, il a été. Profodie
, p. 80. (
Enfin M. Reftaut, dans le Dictionnaire de Vor-
thographe françoife , au mot regijîre, dit que Vf
fbnne auffi fènfiblement dans regiflre que dans lifte
& funefle ; & il obfèrve que du temps de Marot on
prononçoit épiflre comme regiflre , & que c’eft par
cette raifbn que Marot a fait rimer regiflre ave„c
épiflre : tant il eft vrai que c’eft de la prononçia-t-
tion que l ’on doit tirer les règles de l’orthographe.
Mais revenons à nos e.
L Y'ferme eft celui que l’on prononce en ouvrant
I moins la bouche qu’on ne l’ouvre lorfqu’on prononce
m
E
cm ê o irmt commun ; tel eft lY de la dernièrefÿl-
labe de fermeté, honte', &c.
Cet e eft auffi appelé mafculm, parce que, lort-
qu’il Te trouve à la fin d’un adjeflif ou d’un participe,
il indique le mafculin, aifé, habillé, aimé, &c.
I * des infinitifs eft fermé, tant que 1 r ne le prononce
point ; mais 6 l’on vient à prononcer 1 r , ce
qui arrive toutes les fois que le mot qui fiutcom-
mence par une voyelle, alors Ve fermé devient ouvert
commun ; ce qui donne lieu à deux obfervanons.
i °, L ’e fermé ne rime point avec 1 e ouvert : aimer,
abymer, ne riment point avec la mer, mare ; ain i ,
madame DéshoiiHères n’a pas ete exafte lorfque dans
Vidylle du Ruijfeau elle a dit :
Dans votre fein il cherche a s’abymer J
Vous & lui jufques à la mer
Vous n’êces qu’une même chofe.
a*. Mais comme Ve de l’infinitif devient ouvert
commun, lorfque IV qui le fuit eft liée avec la voyelle
qui commence le mot fuivant, on peut rappeler la
rime , en difànt :
Dans votre fein il cherche à s’abymer,
Et vous & lui jufqii’a la mer
Vous n’êtes qu’une même chofe.
LY muet eft ainfî appelé relativement aux autres
e\ il n’a pas, comme ceux-ci, un fbn fort, diftinâf, J
& marqué : par exemple , dans mener, demander,
on fait entendre Vm & le dy comme fi 1 on écrivoit
mner, dmander. .
Le fori Foible qui fè fait à peine fentir entre 1 m .
& l ’ra de mener, & entre le d & 1 m. de demander^,
eft précifément 1Y muet: c’eft une fiiite de 1 air
fbnore qui a été modifié par les organes de la
parole, pour faire entendre ces confonnes. yoye\
C onsonne.
. LY muet des monofyllàbes me , te , fe , le, de,
eft un peu plus marqué : mais il ne faut pas en
faire un e ouvert, comme font ceux qui diient
amène-lè: Ve prend plus tôt alors le fon de Veu foible.
Dans le chant, à la fin des mots, tels que gloire,
fidèle, triomphe, 1Y muet eft moins foible. que le
muet commun, & approche davantage de 1 eu foible.
LY muet foible, tel qu’il, eft dans mener, demander
, fè trouve dans toutes les langues, toutes
les fois qu’une confbnne eft fîiivie immédiatement
par une autre confonne; alors la. première de ces
confonnes ne fâuroit être prononcée fans le fècours
d’un efprit foible : tel eft le fbn que l on entend entre
le y? & Vf dans pfeudo , pfalnuts, pjittacus ; &
entre Vm & l’n de mna , une mine, efpèce de mon-
noie ; Mnemofyne , la mère des Mufès , la d'éeflè
de la mémoire.
On peut comparer 1Y muet au fbn »foible que
l’on entend après le fon fort que produit un coup de
marteau qui frappe un corps folide.
Ainfî, il faut toujours s’arrêter fur la fyllabe qui
précède un e muet à la fin des mots.
Nous avons déjaobfèrvé qu’on ne fàuroit prononcer
■ Gramm, et L jttéeat, Tome I, Partie II,
E
deux e muets de fuite à la fin d’uff mot j & fiue c eft
la raifbn peur laquelle 1Y muet de mener devient
ouvert dans je mène.
Les vers qui finiftènt par un e m u e t o n t une
fyllabe de plus que les autres, par la raifon que
la dernière fyllabe étant muette, on appuie lue
la pénultième : alors, je veux dire à cette pénultième
, l’oreille eft fatisfaite par rapport au complément
du rhythme & du nombre des fyliâtes; S£
comme la dernière tombe foiblement & qu elle n a
pas un fon plein , elle n’eft point comptée, & la
mefure eft remplie à la pénultième.
Jeune St vaillant héros , dont la haute fagef-fe.
L’oreille eft fatisfaite à la pénultième , gef, qut
eft le point d’appui, après lequel on entend l ’e muet
de la dernière fyllabe je.
L’e muet eft appelé féminin, parce qu il tert a
former le féminin des adjeftifs; par exemple , famt,
faintc ; pur, pure; bon, bonne y &c. au lieu que
l’e fermé eft appelé mafculin, parce que , lorfqu il
termine un adjeâif, il indique le genre mafculm,
un homme aimé, & c . . _
LY qu’on ajoute après le g, il mangea,
n’eft que pour empêcher qu’on ne donne au g le
fbn fort ga, qui eft le fèul qu’il deyroit marquer r
or cet e fait qu’on lui donne le fbn foible, il manja -
ainfî , cet e n’eft ni ouvert, ni fermé, ni muet; il
marque feulement qu’il faut adoucir le g, & prononcer/
e, comme dans la demiere fyllabe de gfgep
on trouve en ce mot le fbn fort & le fon foible
l5e muet eft la voyelle foible de eu, ce qui paroît
dans le chant, lorfqu’un mot finit par un e muet
moins foible :
Rien ne peut l’arrêter ^
Quand la gloire l’appelle ;
Cet eu qui eft la forte de 1Y muet, eft une
véritable voyelle : ce n’eft qu’un fbn fimple air le quel
on peut faire une tenue. Cette voyelle eft marquée
dans l’écriture par deux caradères ; mais il ne
s’enfuit pas de là que euf Voit une diphthongue à
l’oreille, puifqu’on n’entend pas deuxfbns voyelles.
Tout ce que .nous pouvons' en conclure , c eft que
les auteurs de notre alphabet ne lui ont pas donne
un caradère propre. ^
Les lettres écrites q u i, par les changements fur-
venus à la prononciation, ne fè prononcent point
aujourdhui, ne doivent que nous avertir que la prononciation
a changé ; mais ces lettres multipliées
ne changent pas la nature du fbn fimple , qui fèul
eft aujourdhui en ufâge,-comme dans la dernière
fyllabe de ils aimoient, amabant.^
LY eft muet long dans les dernières fÿllabesdes
* troifîèmes perfbnnes du pluriel des verbes , quoi-i
que cet e foit fuivi d’nr qu’on prononçoit autrefois,
& que les vieillards prononcent encore en certaines
provinces : ces deux lettres viennent du latin am a n t^
ils aiment.
Nnnn