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fànce pour la pareils des écoliers que pour l’indolence
des maîtres. Rien de plus commode fans
doute que les congés fréquents , mais rien de
plus nuifîble ; & le moindre mal qui s’enfuit eft
l'évaporation des efprits, la dilïîpation des idées
l ’interruption de leur chaîne, la perte d’un temps
précieux. L ’autre abus efl d’éteindre cette émula-
tion^que les prix avoient allumée, de l’éteindre
dis-je, par une fraude qu’on s’eft permifo imprudemment.
Dans le concours des différents collèges
pour difputer les prix , chacun ne longe qu’à là
propre gloire ; & pour avoir des écoliers plus forts,
ou l’on garde des vétérans, ou des collèges de province
on fait venir des écoliers plus avancés qu’on
ne l’eft dans la clafTe où ils lont intrus ; en forte
que les jeunes gens qui n’ont fait que lùivre pas à
pas le cours de leurs études, quelque application
qu’ils y ayent mile, & de quelque talent qu’ils foient
doués, fe^ Tentent ^ foibles & perdent courage
contre-des rivaux qui ont for eux des avantages trop '
marques. Il faut ablblument que cette inégalité
celle ; & les moyens en font faciles. Sans cela tous
les fruits qu’on a eu lieu d’attendre de l’inftïtution
des prix font perdus pour l’émulation. (M . M a r -
MONTE L . )
ÉCRITURE, fob. f. Hiß. ancien. G ramm, &
A n s . Nous la définirons avec Brebeuf,
Cet art ingénieux
De peindre la parole & de parler aux yeux '
Et par des traits divers de figures tracées ,
Donner de la couleur & du corps aux peafées.
La méthode de donner de la couleur, du corps,
«u pour parler plus Amplement, une forte d’exif-
- tence aux penfées, ditZilia (cette péruvienne pleine
d’efprit, A connue par Ces ouvrages ), fo fait en
traçant, avec une plume, de petites figures que
l ’on appelle Lettres y for une madère blanche & mince
que l’on nomme Papier. Ces figures ont des noms :
& c*s noms, mélés ehfomble , repréfontent les fons
des paroles.
Développons , avec M. Warburthon, l’origine de
cet art admirable, fos différentes fortes, & fos changements
progreffifs jufqu’à l’invention d’un alphabet.
C’eft un beau fujet philofophique, dont cependant
les bornes de ce livre ne me permettent de prendre
que la fleur..
Nous avons deux manières de communiquer nos
idées : la première, à l’aide des fons : la fécondé,
par le moyen des figures. En effet l’occafion de
perpétuer nos penfees & de les faire connoître aux
perfonnes éloignées, fo préfonte fou vent ;& comme
les fons ne s’étendent pas au delà du moment &
du lieu où ils font proférés , on a inventé les figures
& les caradères, après avoir imaginé les fons , afin
que nos idées pulfent participer à l’étendue & à la
durée. -
Cette manière de communiquer nos idées par des
marques & par des figures, a cojififté d’abord à
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deffiner tout naturellement les images des choies ;
auili pour exprimer l'idée d’un homme ou d’un
cheval, on a repréfenté la forme de l’un ou de
1 autre. Le premier effai de l'Écriture a été , comme
on von , une fîmple peinture ; on a fu peindre avant
que de lavoir écrire.
Nous en trouvons chez les mexicains une preuve
remarquable. Ils n’employoient pas d’autre méthode
que cette Ecriture en peinture, pour confervér leurs
lois & leurs hilloires. Foyer le Foyage autour du
monde , de Gemelli Carreri ; l'Hiftoire naturelle
j H Indes5 du P- AcoIla 1 les Foyages de Ihevenot; & d’autres ouvrages.
Il refte encore aujourdhui un modèle très-curieux
de cette Ecriture en peinture des indiens, corn-
po e par un mexicain & par lui expliqué dans fâ
langue , après que les espagnols lui eurent appris
les lettres. Cette explication a été enfoite traduite
en efpagnol, & de cette langue en anglois. Pur-
chas a fait graver Pouvrage, qui eft une hifloire
de 1 Empire du Mexique, & y a joint l’explication.
Je^ crois que l’exemplaire original efl à la Bibliothèque
du roi.
Voilà la première méthode, & en même temps
la plus fîmple, qui s’eft offerte à tous les hommes
pour perpétuer leurs idées.
Mais les inconvénients qui réfoltoient de l’énorme
groffeur des volumes dans de pareils ouvrages,
P?r.tp£?nt *es nafi°ns plus ingénieufos & plus
civilifees à imaginer des méthodes plus courtes. La
Plus. célèbre de toutes eft celle que les égyptiens
ont inventée, à laquelle on a donné le nom d'Hiéroglyphique.
Par fon moyen , Y Écriture, qui n’étoit
qu une fîmple peinture chez les mexicains, devint
en Egypte peinture & caradère ; ce qui conftitue
proprement l’hiéroglyphe. Voye\ ce mot & Var-
ticle fuivant E c r itu r e des É g y p t ien s , qui efl
entièrement lié à celui-ci.
Tel fut le premier degré de perfedion qu’acquit
cette méthode groffière de conforver les idées des
hommes. On s’en eft forvi de trois manières, qui ,
à^confûlter la nature de la chofo , prouvent qu’elles
n ont été trouvées que par degrés & dans trois
temps différents.
La première manière confîftoit à employer la
principale circonftance d’un fujet, pour tenir lieu
du Tout. Les égyptiens vouloie^t-ils repréfenter deux
armeesrangées en bataille? les hiéroglyphes d’Hora-
pollo, cet admirable fragment de Pantiquité, nous
apprennent qu’ils peignoient deux mains , dont l’une
tenoit un bouclier, & l’autre un arc.
La féconde manière, imaginée avec plus d’art,
confîftoit à fobftituer l’inftrument réel ou métaphorique
de la chofo , à la chofo même. Un oeil &
un^ foeptré repréfontoient un monarque. Un épée
peignoit le cruel tyran Ochus ; & un vaiffeau avec
un pilote, défîgnoit le gouvernement de l’univers.
Enfin on fit plus : pour repréfonter une chofo ,
on fo forvit d une autre ou l’on voyoit quelque ref-
fomblance ou quelque analogie j & ce fut la troii
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fième manière d’employer cette É c r i tu r e . Ainfi, l’univers
étoit repréfojité par un forpent roulé en forme
dç cercle, & la bigarrure de fos taches défîgnoit
les étoiles.
, Le premier objet de ceux qui imaginèrent la
peinture hiéroglyphique, fut de conferver la mémoire
des événements , & de faire connoître les lois,
les règlements, .& tout ce qui a rapport aux matières
civiles. Par cette raifon , on imagina des fÿm-
boles relatifs aux befoins- & aux productions particulières
de. l’Égypte. Par exemple, le grand intérêt
des égyptiens étoit de connoître le retour ou
la durée du vent étéfîen, qui amonceloit les vapeurs
en Éthiopie, & caufoit l’inondation en foufflant
lur la fin du printemps du Nord au Midi. Ils avoient
enfoite intérêt de connoître le retour du vent de
Midi, qui aidoit l’écoulement des eaux vers la Méditerranée.
Mais comment peindre le vent l Ils choi-
fîrent pour cela la figure d’un oifeau ; l’épervier qui
étend fos ailes en regardant le Midi, pour renou-
veller fes plumes au retour des chaleurs, fut le
fÿmbole du vent étéfîen, qui fouffle du Nord au
Sud ; & la huye qui vient d’Éthiopie, pour trouver
des vers dans le limon à la foite de l’écoulement
du N il, fut le fÿmbole du retour des- vents de Midi,
propres à faire écouler les eaux. Ce foui exemple
peut donner une idée de V E c r itu r e fym b o liq u e des
égyptiens..
Cette É c r itu r e Jymb-olique , premier fruit de l’Astronomie
, fut employée à inftruire le peuple de
toutes les vérités , de tous les avis, &' de tous
les travaux néceflaires. On eut donc foin dans Us
commencements de n’employer que les figures, dont
l’analogie étoit le plus à portée de tout le monde;
mais cette méthode fit donner dans le rafinement,
à mefore que les philofophes s’appliquèrent aux
matières de fpéculation. Aufli tôt qu’ils crurent avoir
découvert dans les chofos des qualités plus abftrufos,
quelques-uns, fait par.Angularité , foit pour cacher
leurs connoiflTances au vulgaire , fo plurent à choifîr
pour caradères-des-figures dont le-rapport aux diofos
qu’ils vouloient exprimer n’étoit point connu. Pendant
quelque temps ils-fo bornèrent aux figures dont
la nature offre des modèles; mais dans la foite,
elles ne leur parurent ni fuffifàntes, ni. afiez commodes
pour le grand nombre d’idées que leur imagination
leur fournifloiti Ils formèrent donc leurs
hiéroglyphes de l’aflëmblage myftérieux de chofos
différentesou de parties de divers animaux ; ce
qui rendit ces figures tout à fait énigmatiques.
Enfin fufage d’exprimer les penfoes par des figures
analogues, & le deffein d’en faire quelquefois
un focret & un myftère, engagea à repréfonter
lés modes mêmes- des fobftances par des images fon-
fîbles. On exprima la franchifo par un lièvre, l’impureté’
par un bouc fàuvage,. l’impudence par une
mouche, la foience par une fourmi; en un mot,
on imagina des marques fÿmboliques pour toutes les
chofos qui n’ont point de forme. On fo contenta dans
fies décalions, d’un rapport quelconque :. c’eft la ma-
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niere dont on s’étoit déjà conduit, quand on donna,
des noms aux. idées qui s’éloignent des fons.
Jufques-là l’animal ou la chofo qui forvoit à repréfonter
, avoit été deflinée au naturel ; mais lorsque
l’étude de la Philofophie, qui avoit occàfîonné-
Y É c r itu r e fym b o liq p e , eut porté les favants d’Égypte-
à écrire fur beaucoup de fojets, ce deffin ,. ayant trop;
multiplié les volumes, parut ennuyeux. On fo forvit
donc par degré d’un autre caractère, que noua;
pouvons appeler C E c r itu r e cou rante d es h ié rog ly phes
; il reffembloit aux caradères chinois ; & après,
avoir été formé du foui contour de la figure , il-devint
à la longue une forte de marque..
L ’effet naturel que produifît cette É c r itu r e courante
, fut de diminuer beaucoup de l’attention qu’on
donnoit au fÿmbole v& de la fixer à la chofo fignifiée r
par ce moyen l’étude de l’É c r itu r e fym b o liq u e for
trouva fort abrégée, puifqu’il n’y avoit alors presque
autre chofo à faire qu’à fe rappeler le pouvoir
de la marque fymbolique ; au lieu qu’auparavant,
il falloit être inftruit des propriétés de la chofo. ou-
de l’animal qui étoit employé comme fÿmbole ; en.
un mot, cela réduifît cette forte $ É c r itu r e à l’état;
où eft préfoi-itement celle des chinois*. V o y e \ p lu s-
b a s É c r itu r e C hin oise.
Ce caradère courant eft proprement celui que les;
anciens ont appelé h ié r o g ra p h iq u e , & que l’on a,
employé par fuccefïîon de temps dans les ouvrages,
qui. traitoient des mêmes fojets que les anciens hiéroglyphes.
On trouve des exemples de. ces caradères
.hiérographiqyés dans quelques anciens- monuments ;.
on en voit prefque à tous les compartiments de la-
table ifîaqpe,.dans les intervalles qui.fo rencontrent:
entre les plus grandes figures humaines..
H E c r itu r e étoit dans cet état, & n’avoit pas le;
moindre rapport avec Y E c r itu r e aduelle. Les caradères
dont on s’étoit forvi, repréfontoient des objets
; celle dont nous nous forvons , repréfonte des',
fons: c’eft un art nouveau. Un génie heureux, on;
prétend que ce fut le focrétaire- d’un des premiers;
rois de l’Egypte,: appelé Thoit, Thoot, ou Thot,.
fontit que le difoours , quelque varié quelque'
étendu; qu’il puiffe être pour les idées, n’eft pourtant
compofe que d’un afiëz petit nombre de fons^
& qu’il ne s’agiffoit que de leur afiigner à chactins
un caradère repréfontatif II abandonna donc rAVri—
ture repréfontative des êtres, qui ne pouvoit s’étendre
à l’infini , pour s’èn tenir à une combinaifon
qui, quoique très-bornée ( celle des fons ),. produise
cependant le même effet. -
Si- on y réfléchit ( dit M. Duclos, le premier'
qui ait fait ces obforvations qui ne font pas moins?
ju f t e s - que délicates ) , on verra que cet art, ayant:
été une fois conçu , dut être formé prefqu’en même:
temps; & c’eft ce qui relève la gloire de l’inventeur.
En effet, après avoir eu le génie d’apper—
cevoir que les fons d’une langue pouvoient fo dé- -
compoftr & fo diftinguer , l ’énumération dut en«
être bientôt faite ; il étoit bien plus facile de compter-
tous les fons d’une langue -, que de découvrir qu'ils.
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