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C' ejl ce Qjj'avoit compris JkLinos, le plus Juge
& le meilleur de tous les rois.
VII. Ajoutons encore une autre remarque à celles
qui précèdent. C’eft qu'il ne faut jamais rompre
l'unité d'un Complément complexe, pour jeter entre
les parties un autre Complément du même mot. La
raifon en eft évidente. La parole doit être une. image
fidèle de la penfée ; 8c il faudtoit, s’il étoit poflible,
exprimer chaque penfée par un fèul mot, afin d’en
peindre mieux i’indivifîbilité : mais comme il n’eft
pas toujours poflible d’atteindre à cette fîmpliçité , il
efi du moins nécefïaire de ne pas feparer les parties
d’une image dont l’original efi indivifîble, afin que
l ’image ne (bit point en contradiétion avec l’original,
& qu’il y ait harmonie entre les mots & les
idées.
C’eft dans la violation de cette règle que confifte
le défaut de quelques phrafès, juftement eenfùrées
par le P. Bouhours (Doutes. Part. IV.) & par Th.
Corneille ('Note fur l a Rem. 4 5 4 . de Vaug.)
On leur peut conter quelque hijloire remarquable
, SUR LES PRINCIPALES VILLES , qui y
attache la mémoire : il eft évident que l’antécédent
de qui , c’eft quelque hijloire remarquable ;
&q,ue cet antécédent, avec la propofîtion .incidente
qui y attache la mémoire, exprime une idée totale
qui eft le Complément objeétif primitif du verbe
conter : l’unité eft donc rompue par l’arrangement
de cette phrafè , & il falloit dire, On peut leur
conter , s u r l e s p r in c ip a l e s v i l l e s , quelque
hijloire remarquable qui y attache la mémoire.
C’eft le même défaut dans cette autre phrafè :
Il y a un air de vanité & d1affectation, d a n s
P l in e le je u n e , qui gâte fes lettres. L’unité eft
encore rompue, & il falloit dire, Il y a , d a n s
P l in e l e je u n e , un air de vanité & (Vaffectation
qui gâte fes lettres.
Le l iv r e de la Bruyère eft admirable pour le
fonds ; mais i l ne faudroit pas toujours prendre fà
d id io n p ou r m o d è le . Il y a , d it- il (ch. ij.), des
endroits, d a n s l ’O p é r a , qui laijfent pn déjirer
JT autres: i l d e v o it d i r e , Il y a, d a n s l ’O p é r a ,
des endroits qui en laïjfent aéjîrer d'autres.
Elle ne laiffè pas de tenir la place , - d a n s l e u r
e s p r i t e t d a n s l e c o m m e r c e o r d in a ir e , de
quelque chofe de meilleur (Ch. V . ). Il fa llo it d i r e ,
Mlle ne laiffe pas de tenir, d a n s l e u r e s p r i t e t
d a n s l e . c o m m e r c e o r d in a ir e , la place de
quelque chofe de meilleur ; ou bien , Mlle ne laijfe
pas de tenir la place de quelque chofe de meilleur,
DANS LEUR ESPRIT ET DANS LE COMMERCE ORDINAIRE
; ou p eu t-ê tre encore mieu x , d a n s l e u r
ESPRIT ET DANS LE COMMERCE ORDINAIRE, elle
ne laijfe pas de tenir la place de quelque chofe de
meilleur>
Dans le ..Roman de Zâïde ( Part. II. ) .on lit ; Je
goutois des délices, d a n s c e s c o m m e n c em e n t s ,
que je n’avois pas imaginés. Ces mots , que je
n’avois pas imaginés, font mal à propos feparés
de délices, antécédent avec lequel ils font le Coiti-
C OM
plément objedif du verbe je goût ois : d’ailleurs
cette propofîtion incidente fait équivoque & paroît
tomber fur ces commencements , d’autantfplus que
imaginés, eft au mafculin, foit faute d’impreffion ,
foit que l ’auteur ait cru délices mafculin au pluriel
comme il l’eft au fîngulier. Il falloit donc dire, Je
goutois , D A N S C E S C O M M E N C E M E N T S , O U b i e n >
D ans ces com m encem ents , je goutois des délices
que je tl avais pas imaginées.
« Il y a long-temps, dit M. de Gamaches (loc.
» eit.) , qu’on cherche ce que c’eft que le Nombre
» en matière de langage ; mais il eft facile de le
35 découvrir en fûivant nos principes [ les mêmes
» qu’on vient d’expofèr & de juftifier]. Le Nombre
» eft le rapport fènfîble des parties du difcours ,
» rangées félon l’ordre que demande la netteté du
» ftyle. Ainfî, lorfqu’une phrafè manque d’harmo-
99 nie , n’en cherchez la raifon que dans le mauvais
» arrangement des parties qui la compofènt: mettez
» entre toutes fès parties l’ordre le plus conve-
33 nable, à coup sûr vous la rendrez harmonieufè.
»3 C’eft à quoi ne prennent pas garde ceux q u i,
»3 pour donner plus de cadence à leurs phrafès &
3) pour les rendre plus nombreufès, les chargent
» de mots oifîfs , qui ne font qü’étendre la didion
» fans rien ajouter au fèns. La mefure de nos pé-
» riodes doit être remplie , par les termes mêmes
» dont nous fommes indifpenfablement obligés de
» nous fèrvir pour nous faire entendre :
» EJi brevitate opus , ut currat fententia, neu fe]
» Impediat verbis lajfas onerantibus aures.
H®r. I . Sat. x .
De tous nos grammairiens cependant, je ne vois,
avec M. de Gamaches, que le P. Buffier & M. de
Vfailly, qui ayent tenu quelque compte de l’ordre
des Compléments d’un même m o t, & le jéfùite
même n’en a pas vu la dodrine dans toute fà plénitude
; parce qu’il e ft, je crois, le premier qui ait
connu ce principe , & qu’il eft allez rare que qui
fait une première découverte en découvre aufîi
toute l’étendue. Mais il eft bien fur prenant que
Reftaut, qui cite l’ouvrage de ce P ère, comme
une des bonnes fburees où il a puife fès Principes
généraux & raifônnés , n’y ait pas apperçu un
principe qui eft en foi-même très-lumineux, très-
fécond , & d’un ufàge très-étendu. M. l’abbé Fro-
mant n’en dit pas un mot dans le chapitre de fon
Supplément où il parle de l,a Syntaxe , de la
Conjlruclion, & de l’inverjion. Ces auteurs n’en
ont-ils pas jugé aufti avantageufèment que M. de
Gamaches? Le mérite de l’ordre leur a-t-il échapé ?
& dois-je les en convaincre par l’autorité d’un de
nos grands maîtres ? Voici ce qu’en ditVaugelas
(Rem. 4 5 4 ) :
« L ’arrangement des mots eft un des plus grands
» fèerets du ftyle. Qui n’a point cela, ne peut pas
» dire qu’il fâche écrire: il a beau employer de
ï> belles phrafès & de beaux mots ; étant mal pla-
» c é s, ils ne fàuroient avoir ni beauté ni grâce,
C O M
» outre qu’ils embarraftènt l’expreffion & lui ôtent
» la clarté qui eft le principal : Tantum fériés
sï junéluraque pollet ! 39 (M . JBe a u z é e . )
(N.) COMPLÉTIF, VE .adj. Qui fèrt à complet-
ter , ou à caraéfcérifèr un complément. Un cas eom-
p l é t i f , une phrafè complétive.
Que ce foit réflexion ou hafàrd, il y a , dans le
fÿftéme des cas latins, une divifîon affez régulière,
qui les partage en trois branches, de deux cas chacune
: deux cas fùbjeétifs , le nominatif & le vocatif
( Voye\ S u b je c t if , N o m in a t if , & V o c a t if );
deux cas adverbiaux , le génitif & le datif ( Voye\
A d v e r b ia l , G é n it if , & D a t i f ) ; & deux cas
complétifs, l’aceufàtif & l’ablatif ( Voye\ Accu- -
s a t if 6- A b l a t if ) : je les nomme complétifs,
parce qu’ils font uniquement deftinés à caradérifèr
les compléments de certaines prépofîtions.
Ce h’eft pas la même chofè en grec : le nominatif
& le vocatif y font véritablement fùbjeétifs ,
comme en latin ; mais le génitif & le datif y font
complétifs, comme l’accufatif.
En angiois & en françois, les pronoms ont un
cas complétifs auquel je ne donne point d autre
nom, parce qu’il ny a point d’autre" diftinétion a I
caraétérifèr. Ces langues n’ont admis des cas pour ]
aucune autre partie d’Oraifon. (M . B e a u z è e .')
(N.) COMPLEXE, adj. Ce mot, en latin Com-
p le x u s , fîgnifie Qui embraffe à la fois plufîeurs objets.
On s’en fert en Logique & en Grammaire , en parlant
du fujet ou de l’attribut d’une propofîtion , de la
propofîtion même, & d’un complément
Un fi)jet eft complexe , quand le nom, ou le
pronom , ou l’infinitif qui en tient lieu , eft accompagné
de quelque addition, qui en eft un comple-
raènt déterminatif ou explicatif. Tels font les fujets
des propofîtions fùivantes: L es l iv r e s u t il e s fon t
en petit nombre; L es prin c ip e s de la Morale
méritent attention ; Vou s qui connoissez ma
co ndu ite , juge\-moi ; C ra in d r e D ieu e jl le
commencement de la f ig e jfe .
Un attribut eft complexe, quand le mot principalement
deftiné à énoncer la relation du fujet à
la manière d’être qu’on lui attribue , eft accompagné
d’autres mots qui en modifient la lignification.
Tels font les attributs des propofîtions fùivantes : Un
homme ftu d ieu x l it a v e c soin les m e il leu r s
o u v r a g e s ; I l ejl a t t e n t if a leurs p r in c ip e s .
Une propofîtion complexe eft celle dont le fujet,
ou l’attribut , ou même dont le fujet & l’attribut
lont cotnplexes. L a puissance l é g is l a t iv e e jl
refpeclable , c’eft une propofîtion copiplexe par le
fujet: Céfar f u t le t y r a n de sa p a t r i e , c’eft
une propofîtion complexe par l’attribut : E tr e
S A G E A V E C E X C È S eft U N E V E R I T A B L E F O L I E ,
’'c ’eft une propofîtion complexe par le fujet & par
l ’attribut. ( Voye\ P ro po s it io n . )
Un complément eft complexe , quand il eft
exprimé par plufîeurs mots dont les uns modifient
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les autres: comme a v e c le soin r eq u is ; ra ifon
F A V O R A B L E A M A C A U S E ; f a n s R É P O N D R E U N
m o t ; v iv r e f o r t h o n n ê t em e n t ; p o u r o b t e n i r
I N C E S S A M M E N T L A G R A C E Q U E V O U S S O L L I C I T E Z
a. la Cour.
Enfin une expreftion , une phrafè eft com p le x e
par la pluralité des mots fubordonnés les uns
aux autres pour fîgnifier une feule idée totale.
( M> M e a u z é e . )
(N .) COMPLEXIÖN, f. f. Efpèce de Répétition
double , par laquelle plufîeurs membres du ' difcours
, commençant tous d’une meme maniéré par
Anaphore ( Moye^ A n a p h o r e ) , fè terminent tous
d’une autre manière, mais fèmblable , parConver-
fïon ( V o y e \ C o n v e r s io n ) ; en forte qu e les reprîtes
de l’Anaphore & de la Converfîon fè fuccè-
dent alternativement. On cite- communément &
prefque uniquement cet exemple de Cicéron (De
lege ag ra r , co n tra R u llum , in S ena tu : jx. zi.J :
Q u i s legem t it lit ? R u l- Qui eft l’auteur de cette
lu s . Q u i s majorent p a r - loi ? Rullus. Qui a privé-
tèm p o p u li fu f f r a g ï is p r i - la plus grande partie du
v a v i t l R u llu s . Q u i s c o - peuple du droit de f ù f -
m itiis p rce fia it ? R u llu s . fra g e ? Rullus. Qui a préfîde
les comices f Rullus.-
« Cette figure, dit l’abbé Mallet, eft commune
» & triviale, parce que l’auditeur a à peine entendu
» la queftion , qu’il prévient la réponfè. 33
i° . Cetfe remarque fùppofè que la Complexion fè.
fait toujours par demandes & par réponfès , comme,
dans l’exemple qui vient d’êt-re cité ; ce qui n’appartient
en effet qu’à la Subjeélion ( Voye% Sub-
j e c t io n . ) Ne fèroit-ce pas une véritable Corn-
. plexion, Ci l’on difèit d’une arne tiède: « Toute
» livrée à elle-même , elle n’eft fèutenue par rien ;
33 toute pleine de foibleffè & de langueur , elle ri’eft
» défendue par rien ; toute environnée d’ennuis &
»3 de dégoûts , elle n’eft ranimée par rien 1 33 Or il
n’y a là ni demande ni réponfè.
%°. La C om p le x io n peut même prendre la forme
de la Subje&ion, fans tomber dans la trivialité par
des réponfès trop fîmples & trop aifées à prévoir..En
voici la preuve dans un exemple de Mafïillon ( S u r
V em plo i d u tem p s , Part. II. L u n d i de la P a j f . ) z
on y voit deux Anaphores avec la Converfîon.
« Eh que pourrez-^vous lui dire ( à Dieu ) au lit
» de la mort, lorfqu’il entrera en jugement avec
» vous , & qu’il vous demandera compte d’un
» temps, qu’il ne vous a voit donné que pour l’em-
» ployer à le glorifier & à le fèrvir ? Lu i d ir e z -
» v o u s ? Seigneur, j'ai r emporté des victoires, j'ai
» fervi utilement & glorieufement le prince & la.
» patrie, je me fuis fait un grand nom parmi
» les hommes. H é l a s ! vous n’avez pas fu vous
» vaincre vous-même ; vous avez fèrvi utilement
33 les rois de la terre , & Vo.us avez méprifé le
>> fèrvice du roi des rois ; vous vous êtes fait un
« grand nom parmi les hommes, & votre nom eft