
(N . ) D É M O N S T R A T I F , IV E . a d ], (Gramm.)
Q u i f e r t à m o n t r e r à in d iq u e r a v e c p ré c ifio n . L e s
A r ti c l e s d é f in is démonjlradfs fo n t c e u x q u i d é t e r m
in e n t le s in d iv id u s p a r l ’id é e d ’u n e in d ic a tio n p r é -
ciië. I l y en a d e d e u x fo rte s ; le s u n s fo n t p u r em e n t
démohflratifi, le s - a u tre s fo n t de'monjlradfs c o n -
jo n é tifs .
En François, ce , cet ^ cette , ces ; en latin', is ,
en , ïd ; hic , hæc , hoc y ille , ilia , illud y ijle, i/?u,
ijlud ; font des Articles purement démonjlratifs. En
François , qui, que ; en latin , qui , quæ , quod ;
font'des Articles deinonjlratijs conjonéüfs. Foye^ Conjonctif , 6* Relatif , n° ly. ( M. B eau-
\ZÉÈ. )
* ‘Démonstratif. ( B elles-Lettres. ) Nom que
l’on donne à un des trois genres de la Rhétorique.
Le genre dénionjlratif eü. celui qui fè propofè la
louange ou le blâme. Telle efl la fin qu’on f'e pro-
çofè dans les panégyriques, les oraifons funèbres,
les difcours académiques, les inve&ives, &c.
O n t i r e le s lo u a n g e s d e l a p a t r i e , d e s p a r e n t s ,
d e l ’é d u c a t io n , d e s q u a lité s d u coe u r & d e l ’e f p r j t ,
d e s b ie n s e x t é r i e u r s , d u b o n u fâ g e q u e l ’o n a fa it
«du c r é d i t , d e s ric h e lle s , d e s em p l o i s , d e s c h a r g e s .
A u c o n t r a i r e , l a b a f lè fïè d e l’e x t r a â i o n , l a m a u v
a i s é d u c a t io n , le s d é f a u ts d e l ’e f p r it & le s v ic e s d u
c oe u r , l’a b u s d u c r é d i t , d e l’a u to r i t é , d e s riè h e f lê s , &c.
fo u r n if lè n t m a t i è r e à l ’in v e& iv e . L e s C a tilin a ir e s d e
C ic é r o n & le s P h ilip p iq u e s fo n t d e c e d e r n ie r g e n r e ,
m a is n o n p a s u n iq u em e n t ; c a r à d ’a u tr e s é g a rd s e lle s
r e n t r e n t d a n s l e g e n r e d é l ib é r a t i f & d a n s Je ju d i c i a i r e .
Le genre déntohjlratif comporte toutes les riche F-
lès & toute la magnificence de l’art oratoire. Cicéron
dit à cet égard que l’orateur , loin de cacher l’a r t,
peut en faire parade & en étaler toute la pompe :
mais il ajoute en même temps qu’on doit ufêr de
réferve & de retenue ; que les ornements , qui font
comme les fleurs & les brillants de la raifbn, ne doivent
pas fe montrer partout, mais feulement de diflan- j
ce en diftance. Je veux,.dit-il, que l’orateur place des
jours & des lumières dans fon tableau; mais j’exige aufli
qu’il y mette des ombres & des enfoncements , afin
que les- couleurs vives en fbrtent avec plus d’éelat.
Habeat igitur ilia in dicendo admit ado ac fumma
laus umbram aliquam ac recejfum, quo magis
id quod erie illuminatum exjlare atque 'eminere vide
atur. III, De orat. scxvj, io i .(U a b b é M alle t.)
Parmi les fôurces de la louange & de l’inve&ive
dont on vient de faire l’énumération, il en efl où la
juflice& la raifbn nous défendent dé puifêr : on peut,
en louant un homme recommandable , rappeler la
gloire^ & les vertus de tes aïeux ; mais il efl ridicule
d’en tirer pour lui un éloge. L ’on peut & l’on doit
démafquer l’artifice & la fcélérateffe des méchants ,
lorfqu’on, efl chargé par état de défendre contre eux
la foibleffe& l’innocence : mais ce font eux-mêmes ,
non leurs ancêtres, que l’on efl en droit d’attaquer ; &
il efl abfurde & barbare de reprocher a»x enfants
le s m a l h e u r s , le s v i c e s , o u le s c r im e s d e s p è r e s . L e
r e p r o c h e d ’u n e n a iflà n c e o b fc u re n e p r o u v e q u e l a
bafïeiTè d e c e lu i q u i l e fa it. L ’é lo g e t i r é d e s ric h e flè s ,
o u l e b lâm e fo n d é fu r l a p a u v r e té , fo n t é g a lem e n t
f a u x & lâ c h e s . L e s n o m s , l e c r é d i t , -les d ig n ité s e x i g
e n t le m é r i t e , & n e l e d o n n e n t p a s . E n u n m o t,- p o u r
l o u e r o u b lâm e r ju flem e n t q u e lq u ’u n , i l f a u t le p r e n d
r e e n l u i -m êm e & l e d é p o u ille r d e to u t c e q u i
n ’e f l p a s lu i.
( ^ C ’efl ainfî que cher les fâges égyptiens les
morts étoient jugés, & qu’un examen iolemnel de
la vie difcernoit les bons des méchants. Chez les
grecs, difciples & héritiers de la fàgefiè des égyptiens
, la louange & le blâme, moins tardifs & bien
plus utiles, n’attendoient pas la mort dé"l’homme
vertueux ou du méchant pour éclater. Il y avoit
des éloges funèbres pour les guerriers qui avoient
mérité la reconnoiffance de la patrie en combattant
& en mourant pour elle ; .& c’étoit moins un tribut
pour les morts qu’une leçon pour les vivants. Mais
pour le citoyen qui s’étoit fignaié par quelque fèrvice
éclatant , par des bienfaits envers l’É tat, par des
vertus & des talents utiles & recommandables , il v
avoit, de fon vivant même, des éloges & dès couronnes
; il y en avoit même pour des républiques qui
s’étoient montrées fècourables & généreufès ; & dans
des fêtes folennelles, les députés des peuples de la
Grèce venoient offrir l’hommage de leur reconnoif-
fànce au peuple bienfaiteur qui les avoit fèrvis. On
voit des exemples de l’un & de l’autre ufâge dans
la harangue de Démoflhène pour la couronne. C’efl
un monument remarquable dans les fafles de l’Antiquité,
que le décret des peuples de Byfànce-& de Périnthe
à la gloire d’Athènes, qui les avoit fâuvés
lorfque Philippe affiégeoit leurs murailles : par ce
décret il étoit accordé aux athéniens la liberté de s’établir
dans les États de Périnthe & de Byfànce, &
d’y jouir de toutes les prérogatives de citoyens ; de
plus , dans l’une & l’autre ville , unè place difiin-
guée dans les fpedacles, le droit de séance dans le
corps du sénat & dans les àffemblées du peuple, à
côté des pontifes, avec entière exemption d-’impôts
& d’autres charges de l ’État : enfin il étoit ordonné
que fur le port on érigeroit trois flatues 4e fèize coudées
chacune, qui repréfènieroient le peuple d’Athènes
couronné par le Peuple de Byfànce & par le
peuple de Périnthe; qu’on lui enverroit des préfènts
aux quatre jeux fblemnels de la Grèce, & qu’on y,
proclameront la couronne que ces deux villes avoient
décernée au peuple d’Athènes, en forte que la même
cérémonie apprît à tous les grecs & la magnanimité
des athéniens & la reconnoiffance des perin-
thiens& des byfântins : ce font les termes du décret.
P o u r l a m êm e c a u fè , l e p e u p l e d e l a Q u e r fb n è f ê
d é c e rn o it a u p e u p le & a u s é n a t d’Athènes u n e
c o u ro n n e d’o r d e fo ix a n te ta le n ts , & faïfoient d r e f -
fè r d e u x a u t e l s , l ’u n à la d é e fïè d e l a re c o n n o if«
f à n c e , & l ’a u t r e au p e u p l e a th é n ie n .
C e tte m a n iè r e d e l o u e r le s a étions g é n é r e u (es a v o it
fon É lo q u e n c e . I l f a u t a v o u e r c e p e n d a n t q u e c e n e
D E M
fiat que lorfque la vertu fè ralentit parmi les- grecs,, |
qu’on y attacha cet aiguillon de gloire; & que ces
honneurs , qui d’abord étoient réfervés au mérite,
,bientôt'moins rares & enfin prodigués , perdirent
beaucoup de leur prix. C ’efl ce qui donna lieu à ce
bel endroit de la harangue d’Efchine contre Ctéfi-
phon ou plus tôt contre Démoflhène.
‘ »• A,votre avis., Athéniens, lequel des deux vous
» paroît un plus grand perlbnnage, ou de Themif-
» Éocle , par qui vous remportâtes fur les perfes la
» viétoire navale de Salamine , ou de Démoflhène,
.» qui a fui dans la bataille de Chéronee? Lequel
» doit l’emporter, ou de Miltiade , vainqueur des.
» barbares à Marathon , ou de ce misérable haran-
» güeur ? Le préférez-vous aux fameux chefs qui
'» ramenèrent de Phyle nos citoyens fugitifs ? le pla-
» cez-vous au defïus d’Arifiide, fûrnommé le Jujle,
» fùrnonv fi différent de celui qui caraétérîfe Dé-
» moflhène ? Moi, j’en attelle tous les habitants de
» l’Olympe, je ne crois nullement permis de mêler
» dans un même difcours le fôuvenir de cette bête
» féroce avec la mémoire de ces. héros. Or que
» JDémoflhène , dans fà belle harangue qu’il prépa-
re , nous indique où & quand on décerna jamais
» à quelqu’un de ces héros une feule couronne ?
» Eft-ce donc qu’alors le peuple d’Athènes avoit
» lame ingrate ? non, mais magnanime. Et ces
» grands hommes , à qui la Patrie n’accorda point
» cette efpèce d’honneur, n’en étoient que plus dignes
» d’elle : car ils ne croyoient point q.ue leur gloire
» dût fè perpétuer dans des décrets, mais bien s’é-
» ternifèr dans, la mémoire des. citoyens qui leur
» dévoient de la reconnoifiance ; mémoire , où , de-
» puis ce temps-là jüfqu’à ce jour , ils jouïfient d’u-
» ne confiante immortalité....Une troupe de citoyens
» avoient triomphé des mèdes au bord du Strimon.
.» Leurs chefs demandèrent une récompenfè & le
» peuple leur en accorda une grande, dans l’opinion
» de ce temps-là : il ordonna que dans la galerie des
» flatues, on leur en élevât trois, à condition pour-
» tanc de n’y point graver leurs noms, afin que
a» l ’infcription parût appartenir en propre , non aux
*> Généraux, mais au peuple. » De ces trois inscriptions
* en voici une qui donne l ’idée des deux
autres.
»• Athènes, par ce monument,'
» A d'illuftres guerriers veut éternellement
»» Confacrer fa reconnoiffance.
». Enfants de ces héros, voulez-vous mériter
•» Une femblable récompenfe ;
» Vous n’avez qu’à les imiter.
» De là tranfportez-vous, ajoute l'orateur, dans
» la galerie des peintures car c’efl dans ce lieu
» même, où vous vous aiïembiez fréquemment, que
» l’on a déposé les monuments de toutes les ac-
» tions mémorables. Dans ce lieu un tableau vous
»• retrace la bataille de Marathon. Mais quel efl le
» Général qui çommandoit dans eetje fameufe jour-
D E M j-Sj
» née ? Je m’afsûre qu’à cette queflion , tous una-
7) mmement & comme à l’en.vi vous répondez
» M i id a d e . Nulle in fer ip don toutefois né le nom-
» me : pourquoi cela ? eft-ce qu’il ne demanda pas-
» cette récompenfè ? Oui certainement il la deiïian-
33 da: mais le peuple ne la luiaccorda pas ; & , pour
»■ toute grâce , il voulut bien qu’au lieu d’une
» infeription qui nommât le vainqueur, il occupât
» dans le tableau la première place, & fut repré-
» fènté dans l’attitude d’un chef qui exhorte le fol—
>•> dat à faire fon devoir........... Dans ce temps-là ,.
» ajoûte-t-ilenfin , on décernoit une couronne, non-
» d’or , mais d’olivier. Car alors une couronne d’o-
» livier étoit précieufè ; au lieu que maintenant ou
» méprifè même une couronne d’or, »
Démoflhène , dans.fa harangue^/* le Gouvernement
de la république, reproche lui-même aux
athéniens de fbn temps de dire qu’un tel Générai
a gagné telle bataille ; au lieu que du temps de
Miltiade & de Thémiflocle, on difoit : Le peuple
dlAthènes a gagné la bataille de Marathon, I .e
peuple à?Athènes a remporté la victoire de Sala—
. mine.
A Rome, onobfèrve de même que, dans les temps,
où les grandes vertus étoient le plus communes, les-
honneurs publiquement rendus, aux citoyens étoient
plus rares. Jufques au temps de Cicéron , il n’y eut:
point d’éloges prononcés en l’honneur des vivants y
& prefque pas en l’honneur des morts. Les orateurs-
romains parloient même a fiez légèrement de ce genre-
d’écrire en ufâge parmi les grecs : Laudadones
Jcripdtaverunt. Les louanges qui fè méloient dans-
leurs plaidoyers avoient la brièveté fimpie & nued’un
témoignage ; Nojlroe laudationes ; quibus in. forp
utimur , teJUmonii Brevitatem habent nudam atque
inornatam : & à l’égard de celles qu’on donnoit aux
morts dans les devoirs funèbres, on ne croyoit pas.
que ce fût le lieu de faire briller l’Éloquence : une;
piété trifte diéloit cette harangue , quæ ad oratio~
nis laudem minitnè accommodata ejl. II* De orat*.
Ix x x jv . 34r* | ;i p|
Mais Cicéron donna IuLmême , fôit dans fès plaidoyers
, foit dans des harangues particulières ; lek
modèles les plus parfaits de 1 art de louer grandement
: il fit prefque en même temps le panégyrique-
de Caton & la félicitation à Céfàr, pro Marcello ,,
qui. efl le chef-d’oeuvre des harangues. Dans deux
traits de conduite fj opposés en apparence, on a peine ,,
au premier coup d’oeil, à reconnoitre le même homme..
J’ofè dire pourtant que.l’praifbn pour Marcellus n’efl:
pas- d’un homme indigne d’avoir loué Caton. O ru
, voit, par les lettres de Cicéron , que dans l’eloge de;
Caton il avoit mis de la prudence ; il mit du courage
dans celui de Çêïàr , mais le courage le plus;
adroit. Saififlôns en paffant l’efprit de cette harangue
éloquente. En parlant de l’art oratoire , on peut:
fè permettre d’effacer la feule tache qui refie a la-,
mémoire de Cicéron , & de prouver ce qu il dit de;
lui-même ; Servivicumaliquâ dignuate* („Ad.AnLr
1 çism»)