
relprit ; & c’eft Taffoiblir que d’en retrancher ce
qui en -fait la force ou la grâce.
Une épreuve sûre de la bonté ou du vice des
Comparaifons , c’eft de cacher le premier terme,
& de demander à les juges à quoi refïèmble le
fécond. Si le rapport eft jolie & fénlible , il fé pré-
féntera naturellement. Qu’on donne à lire à un
homme intelligent ces beaux vers de VÉnéidè :
Q u a l i s , u b i a b r u p t îs f u g i t p r c e fep ia v in c l i s ,
T a n d em l ib e r a q uus , cam p o q u e p o t i t u s a p e r to ;
J l u t i l l e in p q f tu s a rm en ta q u e t e n d i t e q u a rum ;
j i u t a jfu e tu s aquce , p e r fu n d i j lu m in e n o to
E m i c a t , a r r eà ifq u e f r é m i t c e r v ic ib u s a ltè
l u x u r i a n s , lu d u n tq u e ju boe p e r c o l l a , p e r a rm a s :
ou ces beaux vers dé la Henriade :
Tel- qu’échapé du fein d’un riant pâturage , *
Au bruit de la trompette animant fon courage,
Dans les champs de la Thrace, un courtier orgueilleux,
Indocile, inquiet, plein d’un feu • belliqueux ,
Levant les crins mouvants de fa tête fuperbe ,
Impatient du frein, vole 5c bondit fur l’herbe :
OU ceux du même poème î
Tels au fond des forêts précipitant leurs pas,
Çes animaux hardis , nourris .pour les combats ;
Fiers efdaves de l’homme, 5c nés pour le carnage,
Preffenc un fanglier , en raniment la rage ;
Ignorants le danger , areugles , furieux i
Le cor excite au loin leur inftinâ: belliqueux :
on n’aura pas befôin de lui dire que ce courtier
eft un jeune héros , & que ces chiens font des combattants
réunis contre un ennemi terrible.
Il eft difficile qu’un objet vil & bas ait une parfaite
refïèmblance avec un objet important & noble ;
& l’analogie de l’un à l’autre eft une preuve que,
fi l’image a été avilie par le caprice de l’opinion,
c’eft une tache paflàgère que le bon fèns effacera.
Par exemple, le chien n’eft pas chez nous un animal
aflëz noble pour l ’Épopée : M. de Voltaire, en
ne le nommant pas, a ménagé notre délicateffe;
mais il l ’a peint avec des traits qui le vengent de
ce mépris., & qui l’anoblifTent à nos yeux mêmes.
C’eft ainfi qu’on doit en ufèr toutes les fois que
l’aviliffement eft injufte; car alors le préjugé s’attache
aux mots, & on l’élude en les évitant.
Nous n’avons vu encore dans la Comparaifon
qu’un miroir flmple & fidèle ; mais fôuvent elle
embellit, relève, aggrandit fon objet. Telle e ft,
dans une Ode d’Horace, la Comparaifon de Drufùs
avec l ’oifêau qui porte la foudre. Telle eft, dans la
Pkarfale, la Comparaifon de l’ame de Céfàr avec
la foudre elle-même.
M a g n am q u e c a d e n s , m a g n am q u e r e v e r ten s
D u t J lr a g em l a t l , fp a r fo fq u e r e c o l l ig i t i g n e i .
Quelquefois auffi l’intention du poète eft de rava-
1er ce qu’il peint, comme dans cette Comparaifon.
fi nouvelle & fi jufte des Seize avec le limon qui
s’élève du fond des eaux ;
Ainfi, Iorfque les vents, fougueux tyrans des eaux^
-De la Seine ou du Rhône ont foulevé les flots*,
S’élève en bouillonnant fur la face de* ondes. ^
Mais alors, & cet exemple en eft la preuve «
l’objet eft vil & l’image eft noble : cela dépend du
choix des mots ; car la noblefîè des termes eft indépendante
de l’idée. C’eft l’Ufàge qui la donne out
qui la refufé à. fôn gré : témoin la boue & le limon
qu’il a reçusjdans le ftyle héroïque. En cela l’Ufàge
n’a d’autre règle que fôn caprice , & c’eft lui qu’il
faut confùlter.
Enfin, la Comparaifon s’emploie quelquefois k
raflèmbler en un tableau circonfcrit & frappant,
une colledion d’idées abftraites , que l’efprit, fans
cet artifice, auroit de la peine à fàifîr. Ainfi , Bayle
compare le peuple aux flots de la mer, & les pafi*
fions des Grands aux vents qui les foulé vent. Ainfi ,
Fléchier, dans l'Eloge de Turenne, d it, en s’adre£
fànt à Dieu : « Comme il s’élève du fond des val-
» lées des vapeurs groffières , dont fè forme la
» foudre qui tombe fur les montagnes, il fort du
m coeur des peuples des iniquités, dont vous dé-
» chargez le châtiment fur la tête de ceux qui les
» gouvernent 'ou qui les défendent ». .
De même, Lucain , pour exprimer l’inclination
des peuples à finvre Pompée , quoiqu’épouvantés
des progrès de Céfàr , fè fèrt de l’image des flots qui
obéifïènt encore au premier vent qui les a poulies ,
quoiqu’un vent oppofé fè lève & règne dans le«
airs :
Ut quum mare pojjidet Aujiet
Flatibus horrifonis , hune aquora tota fequuntur.
S i rurfùs tellus , pulfu laxata tridentis
Æo li't, tumidis immitàt flu ü ibu s Eurumÿ
Qiiamvis icta novo , ventum tenuere priorem
Æquora ; nubiferoque polus quum cejfcrit Aujlr» ,
Vindicat unda notunu
Que ceux qui refufènt à Lucain le nom de poète*
nous difènt fî cette' façon d’exprimer une réflexion
politique eft d’un fîmple hiftorien.
Dans la Comparaifon, c’eft le plus fôuvent une
idée, un fèntiment, une vérité abftraite, qu’on veut
rendre fenfible par une image. Mais il arrive auffi
quelquefois que la^Comparaifon eft inverfè, je veux
dire qu’elle emploie le terme abftrait pour mieux
peindre l’objet fenfible. Ainfi, dans une Ode au
printemps, on lui dit: « Ton fôurire fait fleurir
» la rofè , qui, belle comme les joues de l'Inno-
» cence, répand une odeur embaumée ». On voit
là une image commune rendue nouvelle , délicate,
& piquante, par le renverfèment du rapport ufîté.
Il eft de l ’effence de la Comparaifon de circonscrire
fôn objet : tout ce qui en excède l’image e<ft '
jfuperflu , & par conféquent nuifible au deffein du
poète. La Comparaifon finit où finiffent les rapports.
Homère, emporté par le talent & le plaifir
d’imiter la nature, oublioit fôuvent que le tableau
qu’il peignoit avec feu, n’étoit placé qu’autant qu’il
etoit relatif ; & dans la chaleur de la compofition,
il l’achevoit comme abfôlu & incérefîànt par lui-
même. C’eft un beau défaut, fî l’on veut , mais
c’en eft un grand que d’introduire dans un récit
des circonftances & des détails qui n’ont aucun trait
à la chofè. Le bon fèns eft la première qualité du
génie; & l’apropos, la première loi du bon fèns:
auffi , quoiqu’on ait exeufe la fïirabondance des
Comparaifons d’Homère, aucun des poètes célèbres
ne l’a imitée, non pas même dans l’Ode, qui,
de fà nature , eft plus vagabonde que le Poème
épique.
- Au refte , la Comparaifon eft elle-même une
excurfîon du génie du poète , & cette excurfîon
n’eft pas également naturelle dans tous les genres.
Plus l’ame eft occupée de fôn objet direft , moins
elle regarde autour d’elle ; plus le mouvement qui
l’emporte eft rapide , plus il eft impatient des obfta-
cles & des détours; enfin, plus le fèntiment a de
chaleur & de force, plus il maitrife l’imagination
& l’empêche de s’égarer. Il s’enfuit que la narration
tranquile. admet des Comparaifons fréquentes ,
développées, étendues,& prifès de loin;qu’à mefîire
qu’elle s’anime, elle en veut moins, les veut plus
conciles & apperçues de plus près ; que dans le
pathétique , elles ne doivent être qu’indiquées par
un trait rapide , & que , s’il s’en préfènte quelques-
unes dans la véhémence de la paffion , un feui mot
les doit exprimer.
Quant aux fources de la Comparaifon , elle eft
prifè communément dans la réalité des choies, mais
quelquefois auffi dans l’opinion & dans l’hypothèfè
du merveilleux. Ainfi , Voltaire compare les ligueurs
aux géants : ainfi , après avoir dit du vertueux
Mornai,
Jamais l’air de la Cour & Ton fouffle infe&e
N’altéra de fon coeur l’auftère pureté : .
il ajoute ,
Belle Aréthufe , ainfi ton onde fortunée
Roule , au fein furieux d’Amphitrite étonnée ,
Un cryftal toujours pur Si des flots toujours clairs,
Que jamais ne corrompt l’araertume des mers.
Finiffons cet article par la plus belle & la plus
touchante Comparaifon qu’il fort pofîible de tranfî
mettre à la mémoire des hommes; elle eft de notre
bon roi Henri IV. Il s’agiffoic de prendre d’aflàut
la ville de Paris ; il ne le voulut pas, & voici fa
réponfe : « Je fins, difôit-il, le vrai père de mon
» peuple: je refïèmble à cette vraie m èr e , dans
» Salomon ; j’aimerois quafi mieux n’avoir point
« de Paris , que de l’avoir tout ruiné* » Voye\
S im il it u d e . M a r m q n t e i . )
* COMPARATIF,adj. prisflibft. tirmede Grammaire,
Pour bien entendre ce m ot, il faut obferver
que les objets peuvent être qualifiés ou abfclument
fans aucun rapport à .d’autres objets , ou relativement,,
c’eft à dire, par rapport àtd’autres,
i ° . Lorfque l’on qualifie un objet abfôlument,
l’adjeétif qualificatif eft dit être au Pofîtif. Ce premier
degré eft appelle Pojîiif, parce qu’il eft
comme la première, pierre qui eft pofée. pour fervir
de fondement aux autres degrés de fîgnification ; ces
degrés font appelés communément Degrés de com*
Paraijbn. Céfàr étoit vaillant , le foleil eft brillant $
vàillant & brillant font au Pofîtif.
En fécond lieu , quand on qualifie un objet relatif
vement à un autre ou à d’autres, alors il y a , entr^
ces objets, ou un rapport d’égalité , ou un rapport de
fupériorité , ou enfin un rapport de prééminence.
S’il y a un rapport d’égalité, l’adje&if qualificatif
eft toujours regardé comme étant au Pofîtif ; alors
l’égalité eft marquée par des adverbes oeque aCy
tam qiuim, ita ut, & en françois par autant que -,
auffi que : Céfàr étoit auffi brave qu’Alexandre
i ’avoit été; fi nous étions plus proche des étoiles,
elles nous paroitroient auffi brillantes que le foleil ;
aux fôlftices , les nuits font auffi longues que les jours.
i ° , Lorfqu’on obfèrve un rapport de plus ou un
rapport de moins dans la qualité de deux chofès
comparées , alors l’adjedifqui énonce ce rapport eft
dit au Comparatif ; c’eft le fécond degré de fignifi-
cation , ou , comme on d it, de comparaifon , P et rus
efl doétior Paulo, Pierre eft plus lavant que Paul ;
le fôleil eft plus brillant que la lune ; où vous voyez-
qu’en latin le Comparatif eft. diftingué du Pofîtif par
une terminaifôn particulière,. & qu’en françois il eft
diftingué par l’addition du mot plus on du mot
moins. .,
Enfin le iroifième degré eft appelle Superlatif
Ce mot eft formé de deux mots latins, fuper, au
deiTus, & latus, porté ; ainfi, le Superlatif marque la
qualité portée au fùprême degré de plus ou moins.
Il a deux fortes de Superlatifs en françois. i°. Le
Superlatif abfôlu, que nous formons avec le mot trèsy
ou avec/ôrr , extrêmement ; & quand si y â admiration
, avec bien : il eft bien raifonnable. Très
vient du latin ter, trois fois; très-grand , c’eft à dire,
trois fois grand '. fort eft un abrégé àe fortement.
i°. Nous avons encore le Superlatif relatif : il ejl
le plus raifonnable de fes frères. -
Nous n’avons en françois de Comparatifs en un
fèul mot, que meilleur, pire, & moindre.
«Notre langue, dit le Père Bouhours , n’a point
» pris de Superlatifs du latin ; elle n’en a point d’au-
» tre que G é n é r a liffm e , qui eft tout françois, &
» que M. lé cardinal de Richelieu fit de fôn autorité,
» allant commander les armées de France en Italie ,
» fi nous en croyons M. de Balzaci » Doutes fur la
langu e fr a n ç ô ife , p. 6o.
Nous avons emprunté des Italiens cinq ou fîx termes
de dignité , dont nous nous fèrvons en certaines
formules. & auxquels nous nous contentons de donner