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- En France'j en'Efpagne', en Italie, ellebrilla dans
les tournois ^dans-les-^éjéuïflànces.* publiques, dans
les pompes funèbres. Elle fut Torfiement des fêtes
de la. Cour de Louis X I V , & il’expreffion des trois
fèntiments qui .animoient .& qui diftinguoient cette
C o u r . la vertu, guerrière., lav galanterie , & le
cuite, pour le monarque. .Dans ces fêtes la Devife
de Louis X IV étoita le fole^i. avec- ces -mats,.7z<?c>
ceffa'^nec .erro.,.légende .plus -.intelligible, que/le
nec pluribus impars Sc Ms Devifes. des ; courti-
fans répopdoient i celle, du roi. o
. C ’était^ par .exempley le miroif ardent, expofé.
au fbleil,-avec ces mots’, Ardeo iibhafpivior% Devife
du duc de SuUij ou avec ceux-ci, Tua mimera jaBo^
Devife 'du..duc.de Vivone : celle du duc de Beaufort,
amiral de France , étoit ,1a ,luue „ayecices. mots :I
Soli par et, & imperat undis. Quand ce n’étoit pas
au fbleil, è?étoit à Jupiter que' lès Devifeslfai-
fb.îent.allufioiV., .comme celle de Maximilien, de
Béthune, ..grand maître de l’artillerie, l’aigle portant '
la foudre» Quofujfa Jovis.y &.celle deMonfièur,
une bombe , Alter poft fulmina terrar.
Mais parmi ces Devifes que la flatterie, ou plus
tôt l’enthouflafme ayoit- diété.es , J i:y jen a voit-où.
l ’audace guerrière fè;.môntroit feule, avec.; Pamour.
de la gloire,qui l’aninioit* La. D.èvife des moufr.
quetaires étoit une bombe en l’air, . .avec;ces mots,
Quo ruit.lg leihiirny celle des chevàux-légersdes
fufées volantes, Celtres ardore. Le- comté d’Ihers.
avoit aufli une fufçe pour fÿmbole., javec -cette fière
légende y Poco.diiri , purche pi inalfi y> le .comte
du Pleflis avoit de même pour D.eycfe une fufée
ave.c; ,ces. mots , Ardorem lux magna.féqueturs
le cpmte de S, Paul, un .fblçü levant difliparit les.
nuages. , Nec dum ompis: fefe •expliàat ardûf : &•
rien de tocut cela ne paroiflbit étrange, parce. quau-r
moins cette jaétance étoit un engagement pris d’en
juflifier la haqteur. • Dans cet'rè fp r it ,ir étoit permis
à un militaire de fère pré (enter, lui & fès enfants
, (bus l’emblème de: l’aigle & de fès aiglons ',
au mjiieu des nuages,, avec ces mots , qui étoieînt
le voeu & la leçon,de la famille,. Neçfulmina terrent. 1
. Quand-■ la ;valeur;.militaire eft exaltée, il Jèrable
que i’orgueil lui fîed bien- On n’eft ,pas> choqué de.
voir pour Devife au prince Eugène, un aigle ,
avec ces mots., Natus ad fùblimia y ni au mare-*-*
chai d’Albret le même fÿmbole, avec ces mots ,
Animas. experius Jupiter y ni au maréchal de Bat-,
fompière, lin phare au milieu -des .étoiles. , avec ces
paroles fuperbes, Quod nequeunt tôt fidera præjlo.
Il eft à croire cependant' qüe eês. Devifes étaient
des louanges qu’on leur . donnpit, fans : leur, aveu.*i
Il en étoit de même des Devifes .qui dans les
fêtes & lés réjouïflànces' publiques décproient les
arcs de triomphe, les colonnes , lès pyramides/
Telle fut la Devife queQuinault inventa-pour
la ducheffe régepte de Savoie, un arc-en-ciel au
milieu des npages, Inter nubila fulget. Telle fut
celle delà reine mère de.Louïs'XIV,; comparée à la
flamme d’une torche eçpofçe au y.ept , Agitata crefcit.
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La Devife du cardinal de. Richclieù , l’aigle pla*
nant dans ;l’«ir, auideflbus, des fèrpents qui fè
. drefloïent contre< elle , avec ces mots, Non deferit
l ilta 7 celle-là, dis-je , étoit d’une fieEté convenable
: à un grand miniftre : mais celle où il étoit peint
fous i’ihiage d’un coq. qui chante devarit le lion,
i avec ces mots relatifs à l ’Efpagne, Debellat. voce
, leones , ou ceux-ci,' Farmido rapacis^ ou ceux-ci ,
; non purpura,terret.) mefèmble pafler la me-:
| fkre. L e temps favorable mw.D evifes fut un temps
| de fùcdèç & • d’enthoufiafine- où i ’prn ,’avoit. le cou-st
j rage:, las franchifèi,: là hardieflè de parler bien de,
; foi réfelu de faire encore mieux : jufqu’au fîir—•
j intendant des finances ofbit prendre pour Devife.
un chien, de ..chaire,avec ces mots, Abfiinet. inventism
On eft devenu plus. modefle-; bientôt peut-être.
’ on le fera trop, Lorfque la . politefTe aura iout ap-<
plati Ss le.luxé tout! énervé’, .& 4i* à force de médio-
, crité on fera obligé d’être! humble fur peine d’être
ridicule, on n’cçfèra plùs prendre une Devife de peuc>
1 d’engager fà parole : les armoiries feront fans caractère
comme les âmes fi l ’on porte encore un
fymbole honorable, Ce fera celui de fès aïeux.
: L a . galanterie , -qui , .parmi;nous,i a pris naiffance .
. avec la chevalerie & qui dégénère avec relie euti
: comünè elle.' aufli fès Devifes^ Mais, les, Devifes
amoureùfès ctenoient pretque. toutes du . bel efprifr>
plus- que du fèntiment. Un am,ant malheureux prenoit.
pour image un alambic fur le fourneau,. avec ces!
paroles-, De mori feu mes larmes y'ou un papillon
qui fè brûle, avec ces mots, 'Me quod urit infequor ; •
& telles fèmbfables. fadaifès.1 J’en excepte pourtant
\ l ’image, de, la tourterelle, "ty-ni Jervo f i d e m . ce
î fymbole djune. jeyne’iveqvey .un.oranger dépouillé j de fès fleurs , de fès fruits , & de fbn feuillage, ayeC;
; ces mots.’,touchants , ’ -- ! > 6 : r ut-q è
, Que' peut ni’ôter encore où la Terre ou le Çièl'ï , *.
-, Dans la Devife ,. on diflingue le corps & 'Vamet,
le corps, c’eft la figure ; Vamey ce font les mots.
Les.qualités eflencielles-à la Devife y du côté du
; corps, fbnt’.quel’image en»fbitltrès-fimple,<trè§-difr<
tin de y'& fl elleu’efl: pas d:un caradère nobler, que.
du moins elle n’ait rien de b as-ni dexihoquant. L ’image
doit être ifimple , .-afin' de pouvoir, être defliriée. d’unt
trait,^dans un petit efpaée, &>;pour ne rien préfèntec
à l ’imagination de -confus &• d’embarraflant. La feule:
difficulté, dé deflmer la figure humaine'Fauroit-fait
; exclure de la Devife s mais un autre motif,de cette.
' exclufion, c’eft que d’homme à homme le rapport
j n’eft pas afTez imprévu , l’allûfiph affez piquante, Cè-'
; ci pourtant n’éft. pas une règle fans exception la
' Devife de Philippe-II. après l’abdication de Charles- !
Quint, Herculefbütenantle ciel, avec ces mots, Ne
qüiefcat A tla s, me fèmble encore afîèz ingénieufè,
quoique Bonheurs n’en trouve pas le rapport affezi
éloigné.
L ’image doit êtr.e d i fl i n de, afin que, fans beaucoup
d’art & fans le fècours des couleurs , l’objet en fbit
reconnoiffable^Cette règle, didee parie hon fens, a
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3 té pôuftaftt fort négligée. Par exemple, quoi de plus
infenfé' qüe de prendre1 pour là figure d’une Devife ,
îefeu caché fous la cendre? De l’dr dans le creufet
ri’efl: guère plus fènfîble , quoique Bouhoùrs nous
l ’ait donné pour une Devife fpirituelle. Il en efl de
même de la pierre d’amiante, d’un voile trempé dans
-del’efprit de v in , d’un zéphir volant fur les fleurs',
^bus' objets - que le pinceau même le plus délicat <
aiûroit bien de la peine à-rendre, & que les colledefirs
de Devifes ne laiffent- pas d^ccumuler^fans choix,
i L ’image doit être noble, ou du moins agréable
à l’imagination ; & cette règle exclut tous les objets
auxquels l ’opinion attache l’idée debafTeffe. Ainfi ,
pour exprimer l’amour , une marmite qui bout fur :
■ lèfeu avec ces mots j Je'me èonfume en dedans, efl:
^ine Devife de mauvàis goût- A plus forte railbn les
-©bje't's dégoûtants font-ils exclus de -là Devife:- ■ ‘
L e s r è g l e s 'd e l a Devife", d u ’c ô t é d e l ’O rn e , fo n t
jque l ’irifc rip tio n fb it b r è v e & j u f l e .
L ’in f c r ip tio n d o it ê t r e b r è v e j e n fô-rfe q u e , fa n s
p r é f è n t e r u n fèn s c o m p l e t , e l l e fù p p îé e u n iq u em e n t
à c e q u i m a n q u e d e p ré c ifîo n - a u r a p p o r t q u ?o n v e u t
- in d iq u e r . E n c o r e l ’im a g e & le s m o ts e n f èm b le n e
d o iy e n f - ils p a s e x p r im e r l a p e n f e e afTez - c o m p l e t- ,
i e m è n t p o u r q u ’il n ’e n . r e f ie r iê n à d e v in e r ; & f a n s .
a v o i r l ’o b f c u r ité d e l ’é n ig m e , l a Devife- d o it c o n - ;
f è r v e r u n : C a râ é ie re d é f in é f i ê , q u i fla tte l a v a n i t é d e
c e lu i q u i-e n fa ifi-rlè fè n s .
Bouhours n’y penfôit pas, quand il a demande ,!
que le mot de la Devife, pour être plus myftérteux
St n’être pas intelligible au peuple, fût dans‘Une
langue étrangère. Il: a oublié-que j dans une fiete;publique
, furiefrontifpice d’un.palais ou d’un temple,
*ifùr un obélifque , un trophée , un tornbeau ,. un monument
quelconque , c’eft pour la multitude que la ■
Devife eft faitë. Son v&île' doit être tranfparent ; & ;
-une langue inconnue .au peuple fèroit pour lui, un
,Voile impéïiéfrablei
Il eft bien vrai que la difficulté d’exprimer en très-
peu de-mots la pensée de la Devife dans une langue
un peu diffufè , a fait pafler- en ufàge ce que
-Bouhours donne pour règle. Mais l’ufàge n’eft pas
plus raifônnabîe que la règle ; •& il en arrive que
3e peuple, en lifànt-fûr l ’une des portes de fà- v ille ,
Abundantia parta , croit qu’on a- voulu dire , l 'A bondance
ejl partie•
L ’infcription doit être jufte, & dans l ’acception des
termes, & dans fôn double rapport aux deux objets
de là comparaifon : car toute métaphore eft'une com-
paraifbn plus ou moins exprimée, & la Devife eü une-
■ métaphore.
Ainfi, l ’allufion de la Devife ne doit pas être un
|èu de mots , comme dans celle de Marc-Antoine
Colonne après la bataille de Lépante , une colonne
au deflous d’un croiflant, avec ces mots ; Ne impleat -
orbem.
o . I l y a u r o it p o u r t a n t , c e m e f è m b l e , u n p e u t r o p
de r ig u e u r à n e p a s a d m e tt r e c e tte Devife d ’u n d u c ,
à'-Alhe-, d a n s u n e c o u r fè d e .ta u r e a u x o ù i l é to it e n
«yalité a v e c le s Fonfeques, q u i a y o je n t; des.Etoiles.
D b, V S99
pôtüt arifiolries xAlparecèr de t A h à ' s*dfeondan
l a s E J lrA lo s : ' ‘ 1
Quanfàü rapport réel de la Devife avec lés deux
objets qü’éllè compare , Boulioiirs ne le trouve pas
jufte dans la Dëyifè'~êxi grand maître dé l’artillerie-,
Q mo jujfa Jàvis : ceé mots , dit-il 3 né conviennent
pas' au gFÂnd- maître■ Comme à -l’aigle.-Bëühoüfs fè
-trompe ,■ à mon avis ÿJamais -peut-être métaphore
-né fut plus jufte: ni plus ïüblime.
Mais'Ce qui eft d’é ’m a u v a i s u t ,- cVft cé* qü/un
autre jéfùite ^ le père Ménétrier\ n‘ous don'ne pôü-r
modèles de la Devife & de l’emblème. Quoi de plus,
puéril en effet qîte de prendre pour emblème de 1-a
fo i la corde d’un inftrumënt s & en abufànt de l’équivoque
du mót INmfdes, de répréfènter un amoli-r
pinçant urî luth* qui n’a qu’une cordé1, avec ces mois,
Spia-fides , nuUa -fides l ce qui lignifié, à l’ égàrd
du:luth, que n 'dVôïr qilune 'corde c'ejl iiavoir-point
de corde y St1 à l’égàrd de là-foi, qu e f è j l rien avoir
point que diéii avoir fans lès autres vertus. Pour
mieux fèntir le ridicule de cet abus des mots y on
n’a qu’à mêler les deux fèns: ; on trouvera que c'ejl
' ri avoir point de f o i , que de riavoir qriune cotde ;
& que c e fi ri avoir point de corde, que de ri avoir
que de la foi. C’eft encore pis*,"lorfque, pour exprimer
le myftère de la Trinité , on a pris l’image dn
miroir concave &’du feu qü’il.allume avec les rayons
du fbleil, avec’ces mots*, A b utroque procedit :
car ici la faufiè application de l’image eft- une hé-
réfîe.
Bouhours veut que le fÿmbole de la Devife (bit
pris dans la nature; & iifè trompe encore;en donnant
cette règle comme èxclufîve. Mais lorfque le fÿmbole
eft pris dans le merveilleux, ce doit être dans un
■ merveilleux, analogue.-Le jour delà fête de S. Jean-
: Baptifte ,. à Gènes , les jéfùites, ’ pour la Devife du-
précurfèur, avoientfait peindre le-phare de Gènes,
. avec cette légende, Dum Cynthius abfuh , arfio.
Le Cynthius eft là une fbttifè de collège; car Apollon
& Jean ne font pas de la même langue ; & 'c’eft le
• cas de dire que l'un ejl de la Fable:y & Vautre, ejl
de la BiMei
. La juftefle &Ta propriété de la Devïfe ç.anÇ\&tnt
: à prendre pour moyen de comparaifon, i®. une
qualité commune au fymbole & à fon objet, en forte
que dans la louange, même hyperbolique, il y ait
au moins un air de reflèmblance i ° , une qualité
qui leur fbit propre , & qui les: diftingue ; car fi le
f)^mbole ne marquoit pas dans fbn objet un caractère
particulier, ce ne fèroit plus qu’un emblème,,
c’eft à dire, l’expreffion figurée d’une pensée , d’une-
•fèntehce, d’une maxime générale fans aucun objet
décidé.
Il y a .cependant des Devifes qui ne diffèrent des-
emblèmes ou desüÿmboles génériques que lorfqu’elles
font appliquées à un objet individuel. Par exemple.,.,
la poule défendant fès petits,, avec ces mots>,vigoro-
bra antor ogni pàura., eft le fymbole de l ’amour-
maternel, & devient, par l’application., l’image
eeüe qui la prend pour Devifc*.