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Les noms de genre peuvent devenir noms d'espèces
, fi on les renferme (bus des noms plus étendus
; par exemple , fi je. dis que Marbre eft un etre
ou une fubfiance , que l’animal eft une jiibfiance :
de même le nom d’efpèce peut devenir nom de
genre, s’il peut être dit de diverfos fortes d’individus
fubordonnés à ce nom ; par exemple , Chien fera
un nom d’efpèce par rapport à animal ; mais Chien
deviendra un nom de genre par rapport aux différentes
efpèces de chiens ; car il y a des chiens qu’on
appelle dogues, d’autres limiers, d’autres épagneuls,
d’autres braques, d’autres mâtins ., d’autres barbets
y Scc. Ce (ont là autant d’eipèces différentes de
chiens. Ainfi , Chien, qui comprend toutes; ces e s pèces
, eft alors un nom de genre par rapport à
ces efpeces particulières, quoiqu’il puifïè être en
même temps nom d’efpèce , s’il eft confîdéré relati- !
vement à un nom plu* étendu , tel qu'Animal ou
Subfiance ; ce qui fait voir que ces mots Genre ,
Efpèce, (ont des termes métaphvfiques qui ne (è
tirent que de la manière dont on les confîdère. ( Al,
d u M ars a ïs . )
(N .; APPELER , ÉVOQUER , INVOQUER.
Syn- ' . .
Nous appelons les hommes & les animaux qui
vivent avec nous & autour de nous (ûr la terre.
Nous évoquons les mânes des morts & les efprlts
infernaux, dont le féjour eft censé être dans le fèin
"de la terre. Nous invoquons la Divinité , les Saints,
les Puiflànces céleftes , & toutes que nous regardons
comme au deflus de nous, (oit par l’habitation dans
les cieux, (bit par la dignité & le pouvoir fur la terre.
On appelle fîmplement par le nom, ou en foi-
font fîgne de venir. On évoque par des preftiges ,
(bit paroles , (bit a étions myftérieulès. On invoque
par les voeux &par la prière.
Tel qui vous appelle a (bn fèeours, ne viendroit
pas au vôtre. L’ufage Révoquer les morts dans le
paganifme, n’étoit fondé que fiir ce qu’on les croyoit
capables de répondre aux vivants. Invoquer Apollon
& les mufès , c’eft exciter (bn imagination &
tâcher de la monter (ur le ton de l’ouvrage qu’on
entreprend. La meilleure manière d’invoquer (on
ange gardien , eft de (à rappeler les maximes de fo-
geffe & les règles de prudence qui doivent nous
conduire. {L’abbéG ir a r d . )
(N.) APPLAUDISSEMENTS, LOUANGES.
Synonymes.
Quoique ces deux mots s’appliquent également
aux choies & aux perfonnes : il me (èmble cependant
voir, dans les Applaudiffements , un acceffoire
qui les rend plus propres aux choies , (bit aétions,
ioit difeours ; & je remarque, dans les Louanges,
Un rapport plus particulier aux perfonnes.
On. applaudit en public & au moment que faction
fe. paflè ou que le difeours eft prononcé. On
loue ^ dans toutes fortes de circonftances, les per-
ûtanes abfcntes, ainfi que les perlbnnes préfentes ;
Se non feulement en confèquence de ce qu’elles ont
fait ou dit, mais encore en conféquence des talents
qu’elles ont acquis, & des qualités, (bit de l’ame
(oit du corps, dont la nature les a gratifiées.'
Les Applaudifi'ements partent de la fenfibilité que
nous font les chofès ; une (impie acclamation, un
battement de mains fuffifènt pour les exprimer. Les
Louanges font fiippofees avoir leur fource dans le
difeernement de l’efprit ; elles ne peuvent être énoncées
que par la parole.
On eft toujours flatté des Applaudifi'ements , de
quelque façon qu’ils (oient donnés ; il fe trouve
même ;des gens qui les recherchent par la voie des
cabales. Il n’en eft pas ainfi des Louanges : elles
ne plaifent qu’aurant qu’elles paroifTent fincères &
qu’elles font délicates ; l’apprêt & la trivialité en
diminuent le mérite; on en craint de plus l’ironie.
V\ Eloge , L ouange. Syn. ( L ’abbé G i r a r d . )
( N. ) APPLICATION. ( Bell. L e t t f j Nouvel
emploi d’un paflàge, (oit de profè , (bit de poéfie.
Plus le nouveau fèns , ou le nouveau rapport que
MApplication donne au paffage , eft éloigné de fbn
fèns primitif, plus M Application eft ingénieufe ,
lorfqu’elle eft jufte. Ce fut ainfi qu’à un philofophe
perfecuté, on appliqua ce beau vers de Virgile ;
Quajivit coelo lucein , ingemuitquerepertâ.
De tous les jeux de l’e'prit , M Application eft
peut-être celui où il brille le plus, par la juftefiè,
la fineflè , la fingularité piquante , & fur tout par
l’apropos de ces rencontres heureufès, efpèces de
hafàrds qui n’arrivent qu’à lui.
L ’archevêché de Paris venoit d’être érigé en
pairie. Les ducheflès, en corps allèrent en foire
compliment à l’archevêque de Harlai, l’un des plus
beaux hommes de (bn temps. « Monfèigneur, lui
» dit celle qui portoit la parole, les brebis vien-
» nent féliciter leur pafteur de ce qu’on a cou-
» ronné (à houlette. » L ’archevêque en regardant
ces dames, dit à fit cour focerdotale :
Formoji pecoris eufios.
Madame de Bouillon , qui fovoit le latin, re-*
pliqua : -
Formofîor ipfe.
L ’abbé de Villeroi n’avoit pu obtenir des chanoines
de Lyon d’être reçu dans leur chapitre. Le
roi le fit archevêque de Lyon ; & le chapitre lui
rendit les devoirs accoutumés. Villeroi voulut fè prévaloir
de (bn avantage, & leur dit : Lap.idem quem
reprobaverunt aedificantes, hic faclus efi in caput •
anguli. L ’un desthanoines lui répondit, parle verfèt
futvant du pfèaume 117 : A domino fattum efi ifiud%
& efi mirabile in oculis no fin s.
Il fut un temps ôù il étoit permis, en chaire, de
citer des auteurs profanes. Le P. Arnoux, jéfuite ,
confefteur de Louis X III, en prêchant la paflion ,
vit entrer la reine, Marie de Médiçis, & obligé
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de recommencer , félon l’uû ge , il lui adrelTa ce
vers de Virgile :
Infandum, Regina , jubés renovare dolorern.
L ’emblème de Louis X IV étoit, comme on folt,
le (bleil. Le jéfuite Bouhours prétendoit même que
depuis que le roi avoitpris un foleil pour fon fym-
hole , 61 qu’ il s ’étoit approprié ce bel aftre, pour
parler de la fo rte, les perfonnes un peu éclairées prenaient
le foleil pour Lui. Quoi qu’il en (bit, Louis
X IV avoit été inftruit de ce qui fè tramoit en Angleterre
en faveur du prince d’Orange y & il en
avoit averti le roi Jacques I I , qui n avoit pas voulu
le croire. Mais quand l’évènement juftifia l ’avis
qu’il avoit négligé, on dit que Jacques s’écria :
Salem quts dicere falfum
Audeat ? ille etiam cacos injlare tumultus
Scepè monet, fraudemque -, & operta tumefeere bella.
Voilà (ans contredit une des plus belles Applications
qui (è (oient jamais faites , mais une pré-
(ènce d’efprit bien -étrange dans un roi menacé de
perdre fo .couronne !
Ce même Jacques II nous rappelle le malheur
de la Hogue, & la réponfè trop heureufè que firent
les anglois aux flatteurs de Louis XIV. Les flatteurs
avoient imaginé une médaille, où Louis XIV étoit
repréfenté fous la figure de Neptune , menaçant les
vents, avec cette légende , Quos ego. Le combat
fut perdu; & toute l’habileté de Tourville, & toute
la valeur des françois , ne purent empêcher qu’on
ne fùccombât fbus le nombre. Alors les anglois ,
à leur tour , firent frapper une médaille , dont
l ’emblème étoit aufïi l’image de Neptune, mais
avec ces vers pour légende ;
Maturate fugam, regique heee dicite vejlro ,
1Son illi imperium pélagi :
ils n’ajoutoient pas encore , comme ils ont fait
depuis,
Sed mihi forte datum :
vanité aufïi imprudente que celle du Quos ego.
Les Applications n’ont pas toujours un caractère
aufîi férieux. Tout le monde connoît le mot
du Régent fur madame d’Averne, l ’une de fès mai-
ireiïes :
Facilis defeenfus Avertit.
Ce jeu de mots me fait fouvenir d’une réplique
bien fingulièrement heureufè, d’un homme d’efprit
qui quelquefois s’amufbit à faire des rebus. Quelqu’un
diîbit de lu i, en badinant à fo manière ,
Natum rebus agendîs:
Il répondit;
Et mihi res , non me rebus fubjungere conor.
Le cardinal Baronius avoit une dévotion fi particulière
à Saint Marcel, qu’on ne doutoit pas qu’il
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1 n’en prît le nom , s’il arrivoit à la papauté. U*
devin lui d it , pour fo bonne aventure :
Si quâfata afpera rumpas i
Tu Marcellus eris.
Ménage écrivant à madame de Sévîgné fur Iec
folies du carnaval, lui difoit, par aliufîon à la
cérémonie des cendres :
Hic motus animorum atque fuze certamina tanta
Pulveris exigui jaclucomprejfa quiefeent.
Rappellerai-je ici une gaîté de collège aflèz cu-
rieufe dans (bn efpèce î Quelque mauvais plaifont
ayant fait entrer un âne dans une de nos écoles de
théologie , ce fu t, parmi les écoliers , à qui traite-
roit le nouveau venu avec le plus d’incivilité ; ils
firent tant qu’ils le chaînèrent. Quand le tumulte
fut appailé, le profefiëur,. ( l’abbé L. F.) , dit gravement,
pour leur apprendre à vivre: Inpropria
venit O fu i eum non receperunt.
Ce qui donne à M Application le caraâère le plus
piquant, c’eft lorlqu’on emploie un diâon populaire
, un proverbe , à cacher la fineflè de la pen(ee
ou la malice de l’intention (bus l’air de la fim-
plicité.
Un (bi-difânt homme de Cour offroit fa protection
à un gentilhomme de. Province. Je l ’accepte, Mon-
fieur, lui dit le gentilhomme : Us petits préfents
entretiennent l ’amitié.
On difoit devanc Fontenelle que Dieu avoit fait
l’homme à fon image. Vous favez. la réponfe : 1.’homme
le lui rend bien.
Made D. D. entendant raconter que Saint Denis ,
après qu’on lui eut coupé la tête, la porta dans (es
mains à deux lieues de diftance : Je ri ai pas de
peine à le croire , dit-elle : i l n’y a que le premier
pas qui coûte.
La même ayant oui dire qu’une femme de (à
connoiflance avoit repris la fantaifîe de coucher avec
fon mari, C ’efi peut-être, dit-elle , une envie de
femme grofie.
Le talent &es Applications fiippofè, avec un efi-
pritjufle , fîibtil, & prompt, une mémoire richement
meublée. Voilà pourquoi Virgile, que tout
le monde foit par coeur dès l’enfance, eft , de tous
les auteurs profanes, celui dont on a foit le plus
& de plus heureutes Applications.
A l’égard des livres foints, on foit l’ufoge qu’en
ont foit la Morale & l’Éloquence de la chaire. Parmi
les Applications de ce genre, on cite avec raifon
le texte de l ’Oraifon funèbre ce Turenne, Fleve-
runt eum omnis turba Ifraël planclu magno^ &c.
Et le texte de l’Oraifon funèbre du Duc & de la
Ducheflë de Bourgogne , où le père de la Rue appliqua
fi heureufèment au défaftre de 1712-, ce
paffage de Jérémie. 33 Pourquoi vous attirez-vous
33 par vos péchés un tel malheur, que de voir
33 enlever par la mort, du milieu de vous , l’é-
33 poux, l’époufè, & l’enfant. » Quare facitis ma-
lum grande contra animas vefiras, ut intereat, ess