
ainfi, la proportion eft négative. Voye? ce que nous
avons dit de p o in t, en parlant de Y article vers
la fin.
Vous : ce mot , félon la Conflruclion ufùelle,
eft ici avant le verbe ; mais, félon l’ordre de la
Conflruclion des vues de l’efprit, vous eft après le
verbe, puifqu’il efl le terme ou l’objet de l ’aétion
de forcer. ,
Cette tranfpofîtron du pron'oni n’eft pas en ufâge
dans toutes les langues. Les anglois difènt, I drefs
my felf't mot à mot, j ’habiUe moi-même : nous
difbns j e m’habille , félon la Conflruclion ufùelle ;
ce qui efl une véritable inverfîon, que l’habitude
nous fait préférer à la Conflruclion régulière. On
lit trois fois au dernier chapitre de l’évangile de S.
Jean, Simon diligis me ? Simon amas me ? Pierre
aimez-vous moi ? nous difbns Pierre niaime\-vous ?
La plupart des étrangers qui viennent du Nord
difènt j ’aime vous , j ’aime lu i, au lieu de dire je
vous aime , j e l ’aime félon notre Conflruclion
ufùelle. •
A répandre des larmes : répandre des larmes,
ces trois mots font un féns total, qui eft le complément
de la prépofition à. Cette prépofition met
ce féns total en rapport avec force ; forcer à , cogéré
ad. Virgile a dit, cogitur ire in lac ry mas ( Æ n.
1. IV. v. 413,) & vocant ad laciymas. Æn. 1. XI.
v. 9 6 . , : !
Répandre des larmes : des larmes n’eft pas ici
le complément immédiat de répandre ; des larmes
efl ici dans un féns partitif ; il y a ici ellipfè d’un
fûbftantif générique : répandre une certaine quantité
de larmes ; ou comme difènt les poètes latins,
imbrem lacrymarum , une pluie de larmes.
.Vous n e fo rm e z jamais d’ inutiles défi rs.
Vous y fùjet de la propofition ; les autres mots
font l ’attribut.
Forme\y efl le verbe à la féconde perfbnne du
préfènt de l’indicatif.
Ne y efl. la négation qui rend la proportionner
gative. Jamais y eft un adverbe de temps. Jamais ,
en aucun temps. Ce mot vient de deux mots latins ,
jam 8c ma gis.
D ’inutiles défirs, c’ eft encore un féns partitif;
Vous ne formez jamais certains défirsqu elques
défirs qui (oient du nombre des défirs inutiles. D ’inutiles
défirs : quand le fûbftantif & l’adje&if font
ainfi le déterminant d’un verbe ou le complément
d’une prépofition, dans un féns affirmatif, fi l’ad-
jed if précède le fûbftantif, il tient lieu d’article,
& marque la forte ou efpèce, vous forme\ d’inutiles
défirs ÿ on qualifie d’inutiles les défirs que
vous formez. Si au contraire le fûbftantif précède l’ad-
jectif, on lui rend l’article ; c’eft le féns individuel :
vous former des défirs inutiles ; on veut dire que
les défirs particuliers ou finguliers que vous formez
font du nombre de les défirs inutiles. Mais dans le
féns négatif on diroit, vous ne former jamais
pas y point, de défirs inutiles : c’eft alors le féns
fpécifique ; il ne s’agit point de déterminer tels ou
tels défirs finguliers; on ne fait que marquer l’efi-.
pèce ou forte de .défirs que vous formez.
Dans vos tranquile's coeurs L’amour fuit la nature.
La Conflruclion eft, L ’amour fuit la nature dans
vos coeurs tranquïles. L ’amour eft le fùjet de la
propofition , & par cette raifon il précède le verbe ;
la nature eft le terme de l’a dion de fu it y & par
cette raifbn ce mot eft après le verbe. Cette pofî-
tion eft dans toute les langues , félon l’ordre de
l’énonciation & de l’analyfé des penfées : mais lorsque
cet ordre eft interrompu par des tranfpofltions ,
dans les langues _ qui ont des cas , il eft indiqué
par une terminaifbn particulière, qu’on appelle Accu-
fatif-, en forte qu’après que toute la phrafé eft finie ,
l ’efprit remet' le mot à fâ place..
Sans reflTentir fes- maux, vous avez Tes plaifirs. -
Conftruftion, Vous ave\fes plaifirs , fans rejfentir
fe s maux. Vous eft le fujet ; les autres mots
| font l’attribut.
Sans rejfentir fe s maux. Sans eft une prépofition
dont rejfentir fe s maux eft le complément.
Rejfentir fe s maux , eft un féns particulier équiva--
lent à un nom. Rejfentir, eft ici un nom verbal.
Sans rejfentir , eft une propofition implicite, fans
que vous rejfemie£. Ses maux y eft après l ’infinitif
rejfentir, parce qu’il en eft le déterminant; U
eft le terme de l’adion -de rejfentir.
L’ambition, l’honneur, l’intérêt, Pimpofture,
Qui font tant de maux parmi nous ,
Ne fe rencontrent point chez vous.
Cette période eft compofée d’une propofition principale
& d’une propofition incidente. Nous avons
dit qu’une propofition qui tombe entre le fùjet &
l’ attribut d’une autre propofition, eft appelée propofition
incidente , du latin incidere, tomber dans ;
& que la propofition dans laquelle, tombe l’incidente
eft appelée propofition 'principale , parce
qu’ordinairement elle contient^çfc que l’on veut
principalement faire entendre. ^ i,ne-
L’ambition , l’honneur, l ’intérêt, l’impofture.
Ne fe rencontrent point chez vous.
Voilà la propofition principale.
L ’ambition., l'honrteur y t intérêt, l ’impoflure ;
c’eft là le fùjet de la propofition : cette forte de
fùjet eft appelle fujet multiple , parce que ce font
plufieurs individus qui ont un attribut commun. Ces
individus font ici des individus métaphyfiques , des
termes abftraits, à l’imitation d’objets réels.
Ne fe rencontrent point che\ vous, eft l ’attribut t
o r , on pouvoit dire , t ambition ne fe rencontre
point che\ vous : l’honneur ne fe rencontre point
che-[ vous ; l ’intérêt y &e. ce qui auroit fait quatre
propofitions. En raffemblant les divers fùjets dont
on veut dire la même chofé , on abrège lo difè
cours & on le rend plus vif.
Oui font tant de maux parmi nous ; c’cfl la
propofition incidente: qui. en eft le fujet; c’eft le
pronom relatif; il rappelle à l’efpritZ ambition, L bon-
neuf, Vintérêt, l'impofiure dont on vient de parler.
Font tant de maux parmi nous , c’eft 1 attribut
de la propofition incidente.
Tant de maux , c’eft le déterminant de fo n t ,
c’eft le terme de l’aétion de font. I
. T a n t, vient de l’adjeflif tantus, a , tum. Tant
eft pris ici fiibftantivement;Ttznt«m matorum, tantum
vaqua malorum , une fi grande quantité de maux.
D e maux, eft le qualificatif de tant ,* c eft un des
u Cages de la prépofition de, de fervit à la quali-
fication. ? . ; ’ .
.Maux y eft ici dans un féns fpécifique , indéfini,
& non dans un féns individuel : ainfi , maux n eft |
pas précédé de l ’article les. -
Parmi nous y eft une circonftance de lieu; nous
eft le complément de la prépofition parmi.
Cependant nous avons; la raifon pour partage,
Et vous en ignorez i’ufjge.
Voilà deux propofitions liées entre elles par la
conjonction &.
Cependant , adverbe ou conjonction adverfâtive ,
c*eft à dire, qui marque reftriétion ou ©ppofition par
rapport à aine autre idée 'ou penfée. Ici cette penfée
eft, nous avons la raifon j cependant maigre cet
avantage les gaffions font tant de maux parmi nous.
Ainfi, cependant marque oppofition,.contrariété, entre
avoir la raifon 8c avoir des pajfions. Il y~a donc
ici une de ces propofitions que les logiciens appellent
adverfative ou difcrétive.
Nous y eft le fujet ; ayons la rafon pour partage
y eft l ’attribut.
L a raifon pour partage: l’auteur pouvoit dire
la raifon en partage : mais alors il y auroit eu un
bâillement ou hiatus , parce que la raifon finit
par la voyelle natale on , qui auroit été fùivie de
en. Les poètes ne font pas toujours fi exaéts, &
redoublent \’n en ces occafions, la raifon-n-en partage
; ce qui eft une prononciation vicieufé : d’un
autre côté , en difàntpour partage, la rencontre
de ces deux (ÿllabes, pour y pur y eft défagréable
à l’oreille.
Vous en ignore\l’ufage ; vous, eft le fùjet;
en ignore^ l ’ufage, eft l ’attribut. Ignorei, eft le
verbe; l’ufage., eft le déterminant de ignore\\ c’eft
le terme de la : lignification d’ignorer ; c’eft la chofé
ignorée. C’eft le mot qui détermine ignore
jEn y eft une forte d’adverbe pronominal. Je dis
que m eft une forte d’adverbe, parce qu’il fignifie
autant qu’une prépofition & un nom ; en, inde ;
de cela , de la raifon. En eft un adverbe pronominal
, parce qu’il n’eft employé que pour réveiller
l ’idée d’un autre mot, vous ignore% Yufage
de la raifon.
Innocents Animaux , n’en foyez point jaloux.
C ’eft ici une énonciation à l’impératif.
Innocents Animaux: ces mots ne dépendent d aucun
autre qui les précède, & font énoncés fans articles
: ils manquent en pareil cas la perfbnne à
qui l’on adreïle la parole. . ^ . .
Soye\ y eft le verbe à l’impératif : ne point , c’eft
la négation. .
E n , de cela , de ce que nous avons la raifon
pour partage.
Jaloux y eft l’adjeétif : c’eff ce qu on dit que les
animaux ne doivent pas être. Ainfi , félon la penfée
jaloux fe rapporte à animaux , par rapport d identité
, mais négativement, ne foye\ pas jaloux*
Ce n’eft pas un grand avantage.
Ce y pronom de la troifième perfbnne ; Hoc , ce ,
cela , à (avoir que n o u s a v o n s la raifon n ’efl p as
u n .grand a v a n ta g e .
Cette hère raifon , dont on fait tant de bruit,
Contre les paflîons n’eft pas un fur remède.
Voici propofition principale & propofition incî-»
dente.
Cette fière raifon ri efl pas un remède sûr contre
les pajfions voilà la propofition principale.
Dont on fa it tant -de bruit, c’eft la propofition
incidente.
Dont y eft encore un adverbe pronominal ; de laquelle
y touchant laquelle. Dont vient de unde ,
• par mutation ou tranfpofîtion- de lettres, dit Nicot^
nous nous en fervons pour duquel, de laquelle ,
die q u i, de quoi. .
On y eft le fùjet de cette propofition incidente.
Fa it tant de bruit, en eft l’attribut. F a i t , eft
le verbe ; tant de bruit, eft lé déterminant de fa it ï
tant de bruit, tantum jacîationis , tançant
rem j acîationis.
Un peu de vin la trouble , un enfant la féduir.
Un peu de vin la trouble. Un peu , peu eft
un fûbftantif, parum vint, une petite quantité de
vin. On dit le peu y de p e u à peu y pour peu*
Peu eft ordinairement fùivi d’un qualificatif : de
vin y eft le qualificatif de peu. Un peu : un & le
font des adjedifs prépofitifs qui indiquent des individus.
L e 8c ce indiquent des individus déterminés
; au lieu que un indique un individu indéterminé
: il a le même féns que quelque. Ainfi , un
peu eft bien différent de le peu ; celui-ci précède l’individu
déterminé , & l’autre l’individu indéterminé.
Un peu de vin ,vces quatres mots expriment une
idée particulière , qui eft le fùjet de la propofition.
La trouble y c’eft l’attribut : trouble y eft le verbe;
la y eft le terme de l’aétion du verbe. La eft un
pronom de la troifième perfonné^; c’eft à dire que
la rappelle l’idée de la perfbnne ou de la chofé
dont on a parlé ; trouble ta , e lle, la raifon.
Un enfant ( l’Amour ) laféduit ; c’eft la même
Conflruâion que dans la propofition précédente,
Et déchirer un coeur qui l’appelle à fon aide ,
Eft tout l’effet qu’elle produit»