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qui peint bien la choie ; car l’Epenthèfe eft en
effet une efjrèce de Métaplafme ( Voye\ Méta-
p l a sm b ) , , qui change le matériel primitif d’un -,
mot par une addition faite au milieu.
La langue latine permettoit à les poètes Fufàg.e
de YÉpenchèfe pour remplir les vues de la vérification.
Lucrèce- ( lib. i. ) avoit b.efdin que la
première fyllabe de Religio fïu longue , il y a
doublé la lettre l :
Tantum Relligio potuit fuadere malorum.
On trouve de même dans Virgile , en huit endroits
différents , relliquias pour reliquias : il s'eft
permis aufïi l’introdudion d’un fécond u dans alitum
(Æn. VII. 27.) afin d’en faire aliiuicm & de remplir
ainfi , comme le remarque Servais , la mefure
de fon vers'.
Juvénal a introduit la fyllabe entière du dans
le mot Imper ator : ( Sat. IV. 25. )
■ Quales tun'c epulasipfum glutijfe .putemus
Induperatorem.
Mais e’eft fùrtout dans la formation des mots,
ibit au pafîàge d’une langue à une autre (bit dans
la même langue , que YEpemkçfe ta^iouvent lieu.
C ’eft ainfi que nous avons, formé nos mots françois
humble,. n om b reen . inférant un b dans les- mots
latins humilis, numèrus ; cendre , poudre, en inférant
un d • dans cineris,, pùlveris ; miel, f i e l ,
bien , rien y en insérant un i dans mel, f i l , btne ,
rem ; lanterne , par l’infèrtion de n dans laie ma;
zrefor, fronde, par l’infértion de r dans thefaurus,
fonda. . -
Les latins ont de même inféré un b dan? am-
bire, compofé de ire & .de am. ( tout autour } ; dans
arnbigo, compofé de la même particule & de ago;
& dans fuperbire , qui femble dire fuper ire : dans
les temps du verbeprofum où ceux du verbe radical
fum commencent par une voyelle , ils ont inséré
un d; prodes , p roderam,prodero, prodejfem ,pro-
de fie , au lieu de pro-es , pro-eram, pro- ero , pro-
efiem, pro-efie : même en empruntant des . mots
d’ailleurs , ils les. ont quelquefois altérés par YÉpen-
ihèje ; tendo vient de rdw , algeo vient
félon Feflus, alius de aXXoç, filiiis de libs , &c.
Il n’y a point de langue , où l’on ne trouvât une
foule de pareils exemples. ( M . B eauzée. )
(N.)ÉPENTHÉTIQUE, ad). Qui tient de i’Épen-
thèïé, qui. vient de l’Épentbèfè, qui fértà. l’Épen-
thèfé ou en vertu de l’Épenthèfé.
Les grammairiens hébreux ont reconnu que certaines
lettres ont été introduites au milieu des mots,
ou par euphonie ou par quelque- autre raifon inàf-
fîgnable ; & ils les ont nommées épemhétiques :
il y en a quatre ; (aleph) , 1 ( ouaou .):■ > 1 ( iod )
3 (noün).(M. Beauzée.)
ÉPIBATÉRION f. m. Relies - Lettres.. Mot
purement g re c , qui fignifie une Efpèce de compo-
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fition poétique, en ufàge parmi les anciens grecs.
Loir (qu’une perfonne diftinguée revenoit chez . foi
après une longue abfénce, il ftffembioit fes1xonqi-'
toyens un, certain jour , & leur fefbit un difeours
ou récitoit une pièce de vers , dans laquelle il.ren-
doit grâces aux dieux de fon heureux retour , &
qu’il terminoit par un compliment à lés compatriotes.
{L ’abbé M allet,)
ÉPICÉDIQN, f. m. Belles - Lettres.. Mot qui
dans la. P.oéfie g.rçque & latine fignifie un Poème
ou une Pièce, de y ers fu r la mort de quelqu’un.
Chez les anciens, aux obsèques des perfonnes
de marque, on prononçoit ordinairement trois fortes
de difeours : celui qu’on récitoit au bûcher s’appe-
loit Nenia ; celui qu’on gravoit fur le tombeau,
Épitaphe; & celui qu’on prononçoit dans,-la .cérémonie
des funérailles, le corps préfént & posé fur un
lit de parade ,. s’appeloit Épi,e,édion. C ’eft ce que
nous appelons 0 raifon funèbre. {L’abbé M allet.)
ÉPICÈNE , adj. Grammaire. ËirUwoç, f lP er
commuais\ au delfus du commun. Les noms Épi-
cènes.font des noms d’efpèce, qui fous un même
genre fè difént également du mâle ou de là femelle.
C ’eft ainfi que nous difons, un rat, une linotte,
un corbeau y une corneille y une foitris _, &c. ,foit
que nous parlions du mâle ou de la femelle. Nous
difons , un coq , une poule ; parce que la conformation
extérieure de ces animaux nous fait con-
noître aifément celui qui eft le mâle & celui qui eft
la femelle : ainfi , nous donnons un nom particulier
à l’un , & un nom différent à l’autre.,Mais à l’égard
des .animaux, qui ne nous font pas affez familiers ,
ou dont la conformation ne nous indique pas plus
le mâle que la femelle , nous leur donnons un nom
que nous faifôns arbitrairement ou mafeulin ou
féminin ; & quand ce nom a une fois l’un ou l’autre
de ces deux genres, ce nom , .s’il eft mafeulin , fè
dit également de la femelle, & s’il eft féminin, il
ne Ce dit pas moins du mâle, une carpe uvée : ainfi,
Yépicène mafeulin garde toujours, l’article ma feu-
lin , & Yépicène féminin garde l’article féminin ,
même quand on parle du mâle. Il n’en eft pas de
même du nom commun , furtout en latin : on dit
hic civis quand on parle d'un citoyen, & hæc civis
fi l’on parle d’une citoyenne ; hic parens, lej>ère-,
hæc parens y la mère; hic conjux , le mari, hæc
conjux y la femme. la lifte des noms; latins
e'picènes y dans la Méthode latine de P • R. au ïra i té
des Genres. (M . pu M a R S ai s. ).
. * ÉPIGRAMME , f. f. Belles-Lettres. Petit
poème ou pièce de vers courte , qui n’a qu’un
objet, & qui finit par quelque penfée v iv e in g é -
nieufe, & faillante.
D’autres, définifTent VÉpigramme une penfée
intcrelfante, prc(éntée' heureu/énient & en peu de
mots ; ce qui comprend les divers genres d Êpi-
\ grammes y telles que le s . anciens les ont traitées,
B . &
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& telles quelles ont été connues par les latins &
par les modernes.
Les Épigrammes y dans leur origine , étoient la
même choie que ce que nous appelons aujourdhui
Infcriptions. On les gravoit fur les frontifpices des
temples, des arcs de triomphe, fur les piédeftaux
des ftatues, les tombeaux , & autres monuments
publics. Elles fe réduifoient quelquefois au Monogramme
: on leur donna peu à peu plus d’étendue ;
on les tourna en vers pour les rendre plus faciles à être retenues par mémoire. Hérodote & d’autres
nous en ont confèrvé plufieurs.
On s’en fèrvit depuis à raconter brièvement
quelque fait, ou à- peindre le cara&ère des per-
fbnnes ; & quoiqu’elles eufïént changé d’objet,
elles conférvèrent le même nom.
Les grecs les renfermoient ordinairement dans
des bornes affez étroites ; car quoique l’Anthologie
en renferme quelques-unes allez longues, elles ne
paflènt pas communément fix ou au plus huit vers.
Les latins n’ont pas été fi fcrupuleux à obferver
ces bornes , & les modernes fe font donné encore
plus de licence. On peut pourtant dire en général
que VÉpigramme n’étant qu’une feule penfée, il
eft difficile qu’elle communique ce qu’elle a de
piquant à un grand nombre de vers.
M. le Brun , dans la préface qu’il a mifé à la
tête de fes Épigrammes, déficit VÉpigramme un "
petit poème fùfceptible de toutes fortes de fujets ,
qui doit finir par une penfée v iv e , jufte, & inattendue
; ces trois qualités , félon lui , font eflén-
cielles à YËpigramme, mais fùrtout la brièveté &
le bon mot. Four être courte , F Ëpigramme ne
doit fè propofér qu’un féul objet, & le traiter dans
les termes les plus concis ; c’étoit le féntiment de
M. Defpréaux:
L ‘Ëpigramme. plus libre , en fon tour plus borné,
N’eft fouvent qu’un bon mot de deux rimes orné.
On eft divifë fur l ’étendue qu’on peut donner à
Y Ëpigramme : quelques-uns la fixent depuis deux
julqu’à vingt vers, quoique les anciens & les modernes
en fourniffeiit qui vont bien au delà de ce
dernier nombre ; mais on convient que les plus
courtes font fouvent les meilleures & les plus parfaites,,.
Les fentiments font auffi partagés fur la penfée
qui doit terminer Y Ëpigramme : les uns veulent
qu’eîle fbit faillante , inattendue, comme dans celles
de Martial, tout le refte , difént-ils , n’étant que
préparatoire ; d’autres prétendent que les penfees
doivent être répandues & fe fbutenir dans toute
Y Ëpigramme , & c’eft la manière de Catulle ;
d’autres enfin adoptent également ces deux genres.
Si Fon confùlte l’Anthologie , les Épigrammes
grèques ne nous offriront guère de ce qu’on appelle
bons mots ; elles ont feulement un certain air
d’ingénuité & de fimplicité accompagné de vérité'
& de juftefie, tel que fèroit le difeours d’un homme
de bon féns ou d’un enfant qui auroit de Fefprit.
Elles n'ont point le ,fel piquant de Martial, mais
Gramm, et L ittérat. Tome J, Partie IL
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une certaine douceur qui plaît au bon goût ; ce qui
n’a pas empéché qu’on ne donnât le nom d’Épi-
gramme grèque à toute Épigfamme fade ou infi-
pide : mais nous ne femmes pas dans le point de
vue convenable pour juger du véritable mérite des
Epigrammes de l’Anthologie ; il faut fi peu de chofè
pour défigurer un bon mot ; en connoît-on toute la
fineftéjles rapports, & c . à deux mille ans d’intervalle?
Selon quelques modernes, c’eft le bon mot qui
caradérifé Y Ëpigramme , & qui la diftingue du
Madrigal., Le P. Mourgues dit que c’eft par le
nombre des vers & par le bon fnot, que ces deux
efpècês de petits poèmes font diftingués entre eux
dans la verfification moderne ; que dans YÉpi-
gramme le nombre des vers ne doit être ni au defîus
de huit ni au deffous de fix, mais rien n’eft moins
fondé que cette règle; ce qu’il ajoute eft plus vrai,
que la fin de Y Ëpigramme doit avoir quelque chofê
de plus vif & de plus recherché que la penfée qui
termine le Madrigal. Voye\ Madrigal.
L*Ëpigramme eft encore regardée comme le
dernier & le moins confidérable de tous les ouvrages
de Poéfie ; & quelqu’un qui n’y réuffifïoit apparemment
pas , dit que les bonnes Epigrammes font plus
tôt un coup de bonheur qu’un effet du génie. Le
P. Bouhours a prétendu qu’elles tiroient leur prin-^
cipal mérite de l’équivoque. Mais confidérer Y Epi-
gramme par fes rapports , c’eft faire le procès à fés
défauts fans rendre juftice aux beautés .réelles qu’elle
peut renfermer, & l’on en pourroit citer un grand
nombre de ce genre tant anciennes que modernes. >
Selon quelques autres une des plus grandes beautés
de F Ëpigramme , eft de laiffer au ledeur quelque
chofé à fùppléer ou à deviner, parce que rien
ne plaît tant à Fefprit que de trouver de quoi s’exercer
dans les choies qu’on lui préfente. Mais d’un
autre côté on demande pour le moins avec autant de
fondement, fi une Ëpigramme peut être louche ,
& fi c’eft la même chofé qu’une Énigme.
La matière de Y Ëpigramme eft d’une grande
étendue ; elle exprime ce qu’il y a de plus grand
& de plus noble dans tous les genres, elle s’abaiffe
à ce qu’il y a de plus petit, elle loue la vertu &
cenfure le vice , peint & fronde les ridicules. Il
fèmble pourtant qu’elle fè trouve mieux dans les
genres fîmples ou médiocres que dans le genre
elevé, parce que fôn caradère eft la liberté 8c
l’aifancë.
Comme VÉpigramme ne roule que fur une penfée
, il fèroit ridicule d’y multiplier les vers; elle
doit avoir une forte d’unité comme le Drame,
c’eft à dire, ne tendre qu’à une penfee principale,
de même que le Drame ne doit embrafîer qu’une
adion. Néanmoins elle a néceflairement deux parties:
l’une qui eft l’expofîtion du fujet, de la chofê
qui a produit ou occafionné la penfée ; & l’autre ,
qui eft la*peniee meme ou ce qu’on appelle 1 e bon
mot. L ’expofition doit être fimple, aifée , claire,
libre par elle-même & par la manière dont elle eft
tournée.
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