Quelques critiques , & de ce nombre eBShafftef
bury , ont loutenu qu’il falloit exclure du Drame &
de l’Epopée tout Caractère parfait. Si on l’entend
d’un degré de perfeftion qui foit au delfüs de la
nature humaine , il foroit abfùrdë fans doute d’affi-
gner un tel Caractère à un Ample homme. Mais
pourquoi ne foroit - il pas permis d’attribuer à un
perfonnage la plus haute perfedion que..l’humanité
comporte ? La crainte qu’un tel Caractère ne fût pas
afièz intérelïant, parce qu’il empécheroit le jeu des
pallions, n’eft rien moins que bien fondée. Supposions
qu’un poète choiAflè la mort de Socrate pour
le fùjet de fon drame : s’il ne veut pas s’écarter de
la vérité hiftorique, il ne prêtera à Socrate , dans
toute Vadion , aucune fbiblefïe humaine ; pui(qu’en
effet ce philolôphe n’en montra point : mais la per-
fèdion de ce Caractère ne nuira pas à l ’intérêt; on
peut s’en convaincre par l’efpèce de drame que
Platon & Xénophon nous ont tranfinis fur cet évènement.
Perfonne qui a des entrailles n’en peut fou-
tenir la ledure, (ans être vivement touché. On ne
voit donc point par quelles raifons des Caractères
parfaitement vertueux nepourroient pas intéreflèr.
Il ne faut pas (ans doute les compofor à plaiAr :
la perfedion doit être l’effet de eau (es qui exiftent
dans l’homme même. Il faut qu’on puilîè voir de quels
principes, de quelles forces de Pâme cette perfection
tire fon origine. Plutarque rapporte, dans la vie
de Marc-Antoine , divers traits de grandeur d’ame
& de jugement, qui fomblent A peu réfulter du Caractère
d’Antoine, qu’on n’en conçoit-point la pofo
fibilité. Ces faits peuvent être vrais ; mais on ne con-
lèilleroit pas à un poète de les narrer auffi cruement
que Plutarque' l ’a fait : il fàudioit premièrement
avoir préfonté Antoine (ous une face qui pût rendre
intelligible , la compatibilité de ces grands traits
avec le méprifàble Caractère de ce romain. Par la
même railbn , quand le poète voudra introduire un
Caractère parfait, il doit le rendre vrailêmblable,
en déterminant les caufos prochaines de (à poffîbi-
lité. On ne l ’en croiroit pas (ur une Ample poffibilité
métaphyAque , & (bn héros n’intérefferoit plus.
On fer oit tenté de croire que l’Epopée &le Drame
n’ont été imaginés que dans la vûe d’expofèr au
grand jour les Caractères des hommes : il fèmble au
moins qu’on ne pouvoit rien inventer de plus propre
à ce but. Il s’ en faut beaucoup que l’hiftorien .ait, à
cet égard, la même facilité que le poète , de mettre
fes ledeurs à portée d’entendre par eux-mêmes
chaque difoours, & d’être témoins de chaque cir-
conftance d’un évènement. L ’Épopée fortout a l ’avantage
de pouvoir , par la multiplicité des Atua-
tions , développer parfaitement les Caractères, &
de conduire C ë s perfonnages au dénouement de l’action
Fer varios cafus , per tôt diferiminq rerum.
Il n’y a que deux manières de tracer des Caractères.
L ’une, qui eft la plus direde , c’eft d’en faire
lînedefcription immédiate, comme l’hifforien Sallufte
Vdt fait : l’autre manière çonfifte à peindre indirectement
les- Caractères par les aérions , les difeours ,
les geftes, & les diverfès Atuations des perfonnages ;
c’eft la manière qui eft propre à la Poéfte, & qui
a un avantage bien décidé lùr la première. Celle-
là' ne nous donne qu’une defeription abftraite d’une
çhofo que nous ne voyons point : celle-ci nous met
là choie elle-même (bus les yeux avec toutes (es
déterminations individuelles, & fùbftitue ainA le fèn-
tirhent réel à la Ample réflexion. Elle nous fait con-
noitre les hommes, comme A nous avions vécu de
lèur temps & avec eux.
On convient aidez généralement qu’Homère (ûr-
paffe tous les poètes épiques dans l’arc de développer
exadement le Caractère de (es perfonnages : il eft
même à préfumer qu’aucun poète moderne , fût-il
doué du même génie , ne pourroit l’égaler à cet
égard. Dans les temps du père de la Poéfte , les
hommes agiflbient avec plus de liberté ; ils expri-
moient chaque penfee , chaque fontiment , avec
moins de réferve qu’on ne le fait aujourdhui. Non
feulement nous nous fonfons retenus par diverfès e spèces
d’entraves qui empêchent l’efprit de prendre
un libre effor , nous (bmmes encore affàiffés fous le
poids de là mode ; nous n’ofons nous montrer, ou
parler , ou a gir, que fur un ton de convention , dont
nous fouffrons que d’autres nous impofènt la loi. Il
eft bien peu d’hommes libres qui n’agifîènt que d’après
leur fèntiment propre , & qui ayent le courage
de ne prendre pour règle que leurs lumières &
leur fons. Comment connoître l’homme de la nature
& l’étendue de fos forces, dans un être reflerré de
tous les côtés ?
Les peintres & les fculpteurs, qui font également
appelés à deffiner le Caractère , doivent (ùrtout
reliéntir cette difficulté. Leur première étude fèroit
d’obfèrver la nature ; & cette nature n’ofè plus fè
montrer dans les meilleures fociétés : là un homme
dévoré de chagrin, doit affèder un air de contentement
; là il eft indécent de manifefter au dehors
ce qu’on fènt au fond du coeur. Dans l’ancienne Grèce
, où chaque citoyen fè permettoit de paroître tel
qu’il étoit, où nul autre ne lui fèrvoit de modèle,
il étoit aisé au deflinateur de lire chaque fèntiment
fur les vifàges &; dans les geftes. Si les ouvrages
des modernes n’ont plus dans ce genre la belle ex-
prefHon qu’on admire dans lès antiques , c’eft à cela
fans doute, plus tôt qu’à une infériorité de génie ,
qu’il faut l’attribuer : c’eft auffi la raifon pourquoi
! les théâtres franeois & allemands n’offrent prefquerien
! de vraiment original, ni dans les Caractères ni d^ns
la manière de les rendre. Si la chofo eft moins rare
fur le théâtre angl. i s , c’eft que l’anglois fè gêne
en effet moins qu’aucune autre nation moderne , &
qu’il a’ moins de relped pour les ufàges reçus &
pour les étiquettes établies. ( Cet article eft tiré de
la Théorie générale des Beaux - Arts , par M*
■ SuLZER . )
CAR AC TÉR ISTIQU E , adj. prisffib. En general
, il (è dit de ce qui caradérife une chofè ou une
perforine , c’eft à dire , de ce qui çonüitue fon
caradère , par lequel on en fait la diftind.ion d avec
toutes les autres chofos. Foye\ C a r a c t è r e .
. Car actériftique eft un mot dont on Te fert particulièrement
en Grammaire, pour exprimer la principale
lettre d’un mot, qui fè confèrve dans la
plupart de fes temps, de fes modes de fes dérivés
&- compofés.
La Car acté riftique ma rque( fouvent 1 étymologie
d’un mot, & elle doit être confervée dans fon .orthographe
, comme IV eft dans le mot de eburfe ,
mort, &c. . •
Les Caractériftique f font de grand ufage dans la
Grammaire grecque, particulièrement dans la formation
des temps , parce qu iis fènt les mêmes
dans les mêmes temps de tous les verbes de. la
même eonjugaifon, excepté le temps prefont, qui
a différentes Caractériftiques , & le futur, l’abrifte
premier, le prétérit parfait, & le plus-que-parfait de
la quatrième eonjugaifon, qui ont deux Caracle-
ri(tiques. Foye\ T emps , V erbe , Mo d e , &c.
( L'abbé M a è l e t . ) /
* CAS. f. m. Terme de Grammaire. Ce mot vient
du latin cafus, chute. Rac. cadere , tomber. Les
Cas d’un nom font les differentes inflexions ou termi-
naifbns de ce nom ; l’on a regardé ces terminaifons
comme autant de differentes chutes d’un même mot.
L ’imagination & les idées accetibires ont beaucoup
de part aux dénominations , & à bien d’autres fortes,
de penfées ; ainA, <te mot Cas eft dit ici dans un fens
figuré & métaphorique. Le Nominatif, c’eft à dire,
la première dénomination, tombant, pour ainA dire ,
en d’autres terminaifons , fait les autres Cas qu’on
appelle obliques. Nominativus Jîve reclus, cadens
à fiaterminatione in alias , fa c it obliquos cafus.
Pfi(c. liv. F . de Cafti.
Ces terminaifons font auffi appelées Définences :
mais ces mots terminaifon, définence , font\e genre ;
Cas eft Yefpèce, qui ne fè dit que des noms ; car les
verbes ont auffi des terminaifons differentes, j'aime,
f aimois ,■ y ’aimerai, &c. Cependant on ne donne
le nom de Cas , qu’aux terminaifons des noms , (bit
au Angulier , (bit au pluriel. Pater , pat ris, pa-
tri , patrem, pâtre ; voilà toutes les terminaifons
de ce mot au Angulier, en voilà tous les Cas^ en
obfervant feulement que la première terminaifon
pater ^ fort également pour nommer & pour appeler.
Les noms hébreux n’ont point de C a s, ils font
fouvent précédés de certaines prépofttions qui en font
connoître les rapports fouvent auffi c’eft le fons ,
c ’eft l’enfomble des mots de la phrafo qui, par le
méchanifme des idées aceeffbires & par la conftdé-
ration des circonftances , donne l ’intelligence des
rapports des mots ; ce qui arrive auffi en latin à l’égard
des noms indéclinables , tels que fa s & nefas,
cornu, &c. Foye\ la Grammaire hébraïque de Maf-
clef, tom. 1. c, ij n- 6.
Les grecs n’ont que cinq Cas, Nominatif, Génitif,
D a t i f Ac cufa tif Focat i f mais la force de Y A b la t if
eft fouvent rendue par le Génitif, & quelquefois par
le Datif. Ablativi formagroeci carent, non vi, quee.
Genitivo & aliquando Dativo referutr. Caninii H el-
leniflrn , Part, orat, p . 87.
Les latins ont ftx C a s , tant au Angulier qu’au
pluriel, Nominatif, Génitif D a t i f A ccufatif Fo-
catif,. Ablatif. Nous avons déjà parlé de Y A b la tif
& de l’A ccufatif ; il fèroit inutile de répéter ici ce
que nous difons en particulier de chacun des autres
Cas, on peut le voir en leur rang.
Il fuffira de dire ici un mot du nom de chaque
Cas.
Le premier, c’eft le Nominatif ; il eft appelé
Cas par extenflon , & parce qu’il doit fè trouver dans
la lifte des autres terminaifons du nom ; il nomme ,
il énonce l’objet dans toute l’étendue de l’idée qu’011
en a fans aucune modification ; & e’eft pour cela
qu’011 l ’appelle auffi le Cas direct, réélus : quand un
nom eft au Nominatif, les grammairiens difont qu’il
eft in recto.
Le Génitif eft ainA appelé , parce qu’il eft pour
ainA dire le fils aîné du Nominatif, & qu’il fort en-V
fuite plus particulièrement à former les Cas qui le
fùivent ; ils en gardent toujours la lettre caraâérifti-
que ou figurative, c’eft à dire, celle qui précède là
terminaifon propre qui fait la différence des décli-
naifons ; par ex. i s , i , em ou im, e ou i , font
les terminaifons des noms de la troifième déclinaifon
des latins au Angulier. Si vous avez à décliner quelqu’un
de ces noms, gardez la lettre qui précédera is
au Génitif: par ex. Nominatif rex, c’eft à dire , regsf
Génitif reg-is, enfiiitê reg-i, reg-em , reg-e , & de
meme au pluriel, reg-e s , reg-um, reg-ibus. Geni-
tivus naturale vinculum generis poffidet : nafeitur
quidem à Nominativo, générât autem omnes obliquos
fequentes. Prifo. lib. F . de Cafu.
Le D a t if fort à marquer principalement le rapport
d’attribution, le proftt, le dommage , -par rapport à
quoi, le pourquoi, finis cui.
L ’Accufatif accule, c’eft à dire, déclare l’objet, ou
le terme de l’aâion que le verbe Agnifié : on le construit
auffi avec certaines prépoAtions & avec l ’infinitif.
Foye\ A cc u sa t if .
Le Focatiffert à appeler; Prifcîen l’appelle auffi
falutatorius : valeDomine, bon jour Monfieur, adieu
Monfieur*
L ’A b la tif fort à ôter avec le foçours d’une prépo-
fition. Nous en avons parlé fort au long. Foye£
A b l a t if .
Il ne faut pas oublier la remarque judicieufo de
Prifoien : « Chaque Cas , dit-il, a pluAeurs ufàges ;
» mais les dénominations fo tirent de i’ufâge le plus
connu & le plus fréquent ^. Militas alias quoque
& diverfas unufquifque Cafus habet fignijicationes ;
fed à notioribus & frequentioribus acceperitnt nomi-
nationem ,ficut inàliis quoqüe multis hoc invenimus.
Prifo. L F . de Cafù.
Quand on dit de dite & dans un certain ordre
toutes les terminaifons d’un nom , c’eft ce qu’on ap