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travers de la vanité, & que ce n’eft pas chez les. \
bergers que ia vanité domine. Leur ignorance meme
& leur lottife n’a rien de bien rifîi le , parce qu’elle |
eft naturelle & naïve , & qu’elle n’eft point en
contrafte avec de fauffes prétentions, Il elt donc
poftiüle, comme on Ta dit dans Xarticle P asto
h a le , que les bergers ayent des tragédies dans leur
genre , mais non pas qu’ils ayent des eomedies ; &
les Bergeries de Raean, que l’on donne pour exemple
de Ta'Comédie paftorale, ne font rien moins,
comme on vient de le voir. Le Paftoral qui n’eft
point pathétique , ne fe peut fou tenir qu’ autant qu’ il
eft gracieux & riant, ou d’une aménité touchante ;
mais là foiblefïè alors ne comporte pas une longue
a dion : XAminte & le Pajlor f id o , où toutes les
grâces de la Poéfie & fon coloris le plus brillant
font employés, prouvent eux-mêmes que ce genre
n’eft pas a fiez théâtral pour occuper long temps la
lcène : il manque de chaleur , & la chaleur eft l’ame
de la Poéfie dramatique. Les italiens dans la Pastorale
ont employé les choeurs à la manière des
anciens ; & c’eft là qu’ils (ont naturellement placés
j par la raifon que dans les aftemblées , les jeux,
lès fêtes des bergers ', le chant fut toujours en ufage,
& qu’il y vienc comme de lui-même. L e choeur
du premier 'ade de FAminte :
O bella età de l’oro !
eft un. modèle dans ce genre. Voyc\ É g lo g u e .
( M . M a r /u o n t e l . )
B Ê T E , BRUTE , ANIMAL. Synonymes.
Bête Ce prend (cuvent par oppolïtion à Homme ;
ainfi , on dit: L ’homme a un ame, mais quelques
philofophes n’en accordent point aux Bêtes.
Brute eft un terme de mépris,qui.ne s’appli-
_que qu’en mauvaise part. Il s’abandonne à toute
la fureur de (oh penchant, comme la Brute.
Animal eft un terme générique , qui convient à
tous les êtres organifes vivants. U Animal v it, agit,
fè meut de lui-même.
Si on confidère XAnimal comme penfànt, voulant
, agiflant , réfléchilfant , &c ; on reftreint (à
lignification à l’efpèce humaine : fi on le confidère
comme borné dans toutes les fondions qui marquent
de l’intelligence & de la volonté , & qui
femblent lui être communes avec l’efpèce humaine ;
on le reftreint à la Bête. Si on confidère la Bête
dans (on dernier degré de ftupidité & comme affranchie
des lois de la raifon & de l’honnêteté , félon
lefquelles nous deyons régler notre conduite ; nous
l ’appelons Brute. Poye\^ A n im a l , Bêt e , Syn.
( M .D i d e r o t . )
B E T E , STUPIDE , ID IO T , Syn.
Ces trois épithètes attaquent l’efprit, & font entendre
qü’on en manque prefque dans tout ; avec
cette différence, qu’on eft Bête par défaut d’intel-)
licence, Stupide par défaut de Sentiment, Idiot par
défaut de connoiffance*
B I E
C ’eft enyain qu’on fait des leçons à une B ê tey
la nature lui a refufe les moyens d’en profiter. Tous
les foins d’un maître font perdus auprès d’un Stupidey
s'il ne trouve le fècret de lui donner de l’émulation
& de le tirer de fon afïoupifTement. Ce n’eft
qu’avec beaucoup de peine qu’on peut venir à bout
d’inftruire un Idiot ; il faut pour cet effet avoir -
l ’art de rendre les idées fenfibles, & favoir fo proportionner
à fà façon de penfêr, pour élever celle-
ci ju(qu’au niveau de celle qu’on veut lui înfpirer.
Il y a des Bêtes qui croient avoir deT’efprit r
leur eonvertation fait le fupplice des perfonnes qui
en ont véritablement; & leur caractère eft quelquefois
très-incommode dans là fociété,, furtout lori'qu’à
la Bétije 8c à la vanité elles joignent encore le caprices
comment tenir contre des gens qui, ne comprenant
ni ce qu’on leur dit ni ce qu’ils difènt eux-
mêmes , s’arrogent néanmoins une (ùpêriorité de
génie ; & qui, bouffis d’amour propre , débitent des
fottiïes comme des maximes , ou font toujours prêts
à (è fâcher du moindre mot & à prendre une
politefle pour une inlulte. Les Stupides ne fe piquent
point d’efprit , & en cherchent encore moins chez,
les autres ; il ne faut pas non plus Ce piquer d’en
avoir avec eux ; ils n’entrent pour rien dans la
fociété, & leur compagnie ne nuit pas à qui cherche
la folitude. Les Idiots font quelquefois frappés
des trait? d’efprit ; mais à leur manière, par ure
efpèce d’éblouïffement & de (ùrprife , qu’ils ténioi-
, gnent d’une façon fingulière , capable de réjouir
ceux qui (ayent Ce faire desplaifirs de tout. ( U abbé
G ir a r d . )
(N. "î BIEN, BEAUCOUP, ABONDAMMENT,
COPIEUSEMENT. Syn.
Tous établis pour marquer une grande quantité
vague & indéfinie, ils ne font diftingués entre eux
que par .certains rapports particuliers que l’un a
plus que l ’autre à l’une des efpèces de la quantité
générale.
Bien regarde fîngulièrement la quantité qui concerne
les qualifications & qui lé divifè par degrés.
L ’on diroit donc, Qu’il faut être ou bien vertueux
ou bien froid, pour ne pas fe laide r féduire paries
careffes des femmes Qu’il n’eft pas rare de voir
des hommes qui foient. en même temps bien Sages-
pour le confeil & bien foux dans la , conduite.
Beaucoup eft à (à place , lorfqu’il s’agit d’une
quantité qui réfùlte du nombre, & qu’on peut ou
calculer ou meforer : comme quand on d it, Que
beaucoup de gens qui "n’aiment point & ne font
aimés ae perfonne , fe vantent néanmoins d’avoir
beaucoup d’amis ; Que les années qui produifent
beaucoup de vin , produifent aufli beaucoup de querelles
parmi le peuple.
Abondamment-renCerme dans l ’étendue de (à propre
valeur une idée accefïoire, qui fait qu’on ne
l ’applique qu’à la quantité deflinée au fervice dans
l’ufàgè qu’on doit faire des chofes. Ainfi , l ’on dit,
Que fa tetre fournit abondamment au laborieux c©
B I G L A
qu’elle refufe entièrement au parefTeux ; Que les
oifeaux , (ans rien femer , recueillent de tout abondamment
»
Copieufement eft un terme peu ufité, depuis qu’on
évite ceux qui (entent trop la latinité. Il ne s’emploie
avec grâce que dans les occafioixs où il eft question
des fondions animales. Un homme qui mange
& boit copieujement , eft plus probre aux exercices
du corps qu’à ceux de l’efpnt.
Quoiqu’une obfervation grammaticale ne paroifie
pas trop bien placée dans un ouvrage uniquement
caradérifé par la fineffe des diftindions , & qui
ne doit chercher des preuves que dans le choix
délicat des exemples : elle eft néanmois fi propre
à faire fentir que l’Ufàge fonde toujours , fur quelque
différence de fens, du moins acceffoire fi elle
n’eft totale, la diverfité qu’il met dans les mots;
que je ne faurois m’empécher de faire remarquer
au lede u r , que, lor(que.2?Ï£n & Beaucoup font employés
devant un fubftantif, le premier exige toujours
que ce (ûbftantif (bit accompagné de l’article , au
lieu que Beaucoup l ’en exclut ; ce qui n’arriveroit
pas, s’il n’y avoit dans la forme de la lignification
-, quelque différence qui autorife celle du
régime. Cette différence , je crois l’avoir allez bien
rencontrée-dans les diverfîtés (pécifiques de la quantité.
Car l’article indiquant en dénomination, &
par conféquent emportant une forte d’intégralité ou
de totalité, il exclut le calcul: raifon pourquoi
Beaucoup ne s’en accommode pas,~ & que Bien le
demande, comme or> le voit dans l’exemple fuivant ;
Les dévots, en fe piquant de beaucoup de raifon,
ne laiifent pas d’avoir bien de l’humeur [Vabbé
G ira rd . )
L ’auteur avoit raifon fe faire une efpèce de
(crupule de placer i*i fbn obfervation grammaticale :
elle n’ajoute rien à la diftindion qu’ii avoit bien dè-
velopée auparavant ;- & elle n’eft bonne, par fon
extrême fubtilité & parce qu’elle (uppofe lés principes
grammaticaux propres de Fauteur, qu’à donner
au ledeur de l’embarras & une peine inutile. ( M.
B e a u z é e , ) •
BIEN;Homme de) , HOMME D’H ON N EUR ,
HONNETE HOMME. Syn.
Il me femble que XHomme de bien eft celui qui
Satisfait exadement aux préceptes de la religion ;'
1 Homme d honneur, celui qui fuit rigoureufement
les lois & les ufages de la fociété ; & XHonnête'
homme, celui qui ne perd de vue dans aucune de fes
adions les principes de l’équité naturelle.
UHomrmdeJienhh des aumônes ; XHomme d'honneur
ne manque point à Sa promeffe ; XHonnête homme’rend
la juftice, même à fon ennemi. L'Honnête
homme eft de tout pays ; XHomme dé bien & XHomme
d honneur ne doivent point faire des chofes que
I Honnête hommens Se permet pas. (# ƒ . D i d e r o t . )
"BIENFAIT, OFFICE, SERVICE,
Nous recevons un Bienfait de celui qui pour-
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soit nous négliger Sans en être blâmé : nous recevons
de bons Offices de ceux qui auraient eu tort
de nous les refufer, quoique nous ne puifïïons pas.
lès obliger à nous les rendre : mais tout ce qu’on
fait pour notre utilité ne ferait qu’un (impie Service,
lorfqu’on eft réduit à la néceflité indilpenfable de
s’en acquitter ; on a pourtant raifon de dire , .que
l ’affedion avec laquelle on s’acquitte de ce qu'on
d oit, mérite d’étre comptée pour quelque chofe.
( Le Chev. de J au c ou r t ).
( ^ Je crois que ces trois termes doivent être distingués
d’une manière différente & plus précife. Ils
expriment tous quelque ade relatif à' Futilité d’autrui.
Le mot Office n’a point d’autre lignification
(bus ce point de vue : c’eft pourquoi il a befoin
dune épithète, qui indique s’il eft pris en bonne
ou en niauvaife part ; & l’on dit, Rendre de bons ou
de mauvais Offices, C ’eft un Office d’ami. Les deux
autres Sont toujours pris en bonne part. » Le Bienff
» f a i t , dit M. Duclos , eft un a de libre de la
» part de fon auteur, quoique celui qui en eft l ’objet
* puiffe en être digne ». On peut ajouter , que
c’eft un bien accordé à celui - ci par le premier.
Un Service , eft un Secours par lequel on contribue
à faire obtenir quelque bien.
» Il y a , dit le même auteur , des Services de
» plus d’une efpèce : une (impie parole , un mot dit
» à propos avec intelligence ou avec courage , eft
» quelquefois un Service C\gnalé, qui exige plus de
» reconnoiffance que beaucoup de Bienfaits maté-
» riels.) (M . B eauzêè.) !
,. B IENSÉANCES, C. L ( Belles-Lettres. ) Dans
l’imitation poétique , les convenances '& lès Bien-
féances ne font pas précisément la même chofe: les
convenances font relatives aoxperforinages ;les Bien-
Jean ces Co nt plus particulièrement relatives aux (pec-
tateurs : les unes regardent les ufeges , les moeurs
du temps & du lie de Fadion ; les autres regardent
l’opinion & les moeurs du pays & du fièclé
où i’adion eft repréfentée. Lorfqu’on a fait parler
& agir un perfonnage comme il aurait agi & parlé
dans fon temps, on a obfervéles convenances : mais
fi les moeurs de ce temps-là étoient choquantes pour
le nôtre , en les peignant (ans les adpucir, on aura
manqué aux Bienféances ; & fi une imitation trop
fidèle hleffe, non feulement la délicateffe, mais la pudeur,
ôn aura manqué à la décence. Aïnfî, pour mieux
obferver la décence &lès Bienféances àduelles, on
eft Souvent obligé de s’éloigner des cônvenancès
en altérant la vérité. Celle-ci eft toujours ia même
& J es convenances font invariables comme e l l e z
mais les Bienféances varient felon les lieux & les
.temps; on en voit la preuve frappante dansFhiS-
toire de notre théâtre.
Il fut un temps où , fur la (cène françoife les
amantes & les princefles mêmes déclaraient leur
paffïon avec une liberté & même une licence qui
révolteraient àujôurdhui tout le monde.
Ce n’eft donc pas le progrès- des moeurs, mais
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