Rllilll H H '1 iii lit 1 it)• I i'i! ” ?
-6 1 o D I C
i j t l i i
( K l l ISS!
,/ion i car ce fêroît une imagination fauffe & puérile,
que de prétendre qu’il 11’y a aucune circonftance où
deux mots puiffent être employés fans choix l’un à
la place de l’autre ; l ’expérience prouveront le contraire
, ainfî que la leéture de nos meilleurs ouvrages.
Deux mots exactement & abfèlument fynony-
anes, fèroient fans doute un défaut dans une langue,
jjarce que l’on ne doit point multiplier fans nécef-
fîté les mots non plus que les êtres & que la pre-1
jnièré qualité d’une langue eft de rendre clairement
toutes les idées avec le moins de mots qu’il efl pof-
dïble : mais ce ne fèroit pas un moindre inconvénient,
que de ne pouvoir jamais employer indifféremment un
mot à la place d’un autre : non feulement l’harmonie
Sk l'agrément du difcours en fèuffriroient , par l’obligation
où l’on fèroit de répéter fbuvent les mêmes
termes ; mais encore une telle langue fèroit nécefè
fàirement pauvre, & fans aucune fîneffe. Car qu'eft-
ce qui conftitue deux ou plufîeurs mots fÿnonymes l
c ’eft un fèns généraL qui efl commun à ces mots :
qu’eft-ce qui fait enfuite que ces mots ne fènt pas
. toujours fÿnonymes? ce fènt des nuances fbuvent délicates
, & quelquefois prefque infènfibles, qui modifient
ce fèns primitif & général. Donc toutes les fois
que, par la nature du fujet qu’on traite, on n’a point
à exprimer ces nuances & qu’on n’a befèin que du
fèns général,. chacun des fÿnonymes peut être indifféremment
employé. Donc réciproquement toutes les
fois qu’on ne pourra jamais employer deux mots l’un
pour l’autre dans une langue , il s’enfèivra que le
fèns de ces deux mots différera, non par des nuances
fines, mais par des différences très-marquées & très-
groflières : ainfî, les mots de la langue n’exprimeront
plus ces nuances , & dès lors la langue fera pauvre
Sc fèns fineffè..
Les fÿnonymes, en prenant ce mot dans le fèns
que nous venons d’expliquer , font très - fréquents
dans notre langue. Il faut d’abord, dans un D ic tionnaire
, déterminer le fèns général qui efl: commun
à tous Ces mots ;& c’eft là fbuvent le plus difficile
: il faut enfùite déterminer avec précifion l’idée
que chaque mot ajoute au fèns général, & rendre le
tout fènfible par des exemples courts, clairs, &
ehoifîs..
Il faut encore diftinguer dans les fÿnonymes les
différences qui fènt uniquement de caprice & d’ufàge
quelquefois bifèrre , d’avec celles qui fènt confiantes
& fondées fur des principes. On dit, par exemple ,
Tout confpire à mon bonheur ; tout conjure ma perte
: voilà Confpirer qui fè prend en bonne part, &
'Conjurer en mauvaise ; & on fèroit peut-être tenté
d’abord d’en faire une efpèce de règle : cependant
'on dit également bien Conjurer. La perte de F E t a t ,
& confpirer contre F E t a t : on dit aufli la confpira-
tion, & non la conjuration des poudres. De même
en dit indifféremment des pleurs de joie , ou des
larmes de joie : cependant on dit des larmes de fa n g ,
plus tôt que des pleurs de fà n g j & des pleurs de rage,
plus'tôt que des larmes de rage : Ce font là des bizarreries
de la langue , fur lesquelles eft fondée en
D i e
partie la connoiffance des fÿnonymes. Un auteur qui
écrit fur cette matière , doit marquer avec fèin ces
différences, au moins par des exemples qui donnent
occàfîon au leéteur de les obfèrver. Je ne crois pas
non plus qu’il fèit néceflaire, dans les exemples' des
fÿnonymes qu’on donnera, que chacun des mots qui
compofentun Article de fynonymes, fournilfe dans,
cet Article un nombre égal d’exemples : ce fèroit
une puérilité, que de ne vouloir jamais s’écarter de
cette règle 3. il fèroit même fbuvent impoffible de la
bien remplir : mais il eft bon aufli de l’obfèrver, le
plus qu’il eft poflible, fèns affeélation & fèns contrainte,
parce que les exemples fènt par ce'moyen
plus aisés à retenir. Enfin un Article de fÿnonymes.
n’en fèra pas quelquefois moins bon, quoiqu’on puiffe
dans les exemples fùbftïtuer un mot à la place de
l’autre ; il faudra feulement que cette fùbftitution ne
puiÏÏè êtreirêciproque 1 ainfî, quand on voudra marquer
là différence entre Pleurs & Larmesf on pourra
donner pour exemple entre plufîeurs autres, les larmes
d'une mire & les pleurs de la vigne ou de lf A u rore
, quoiqu’on puilfe dire aufli bien les pleurs d'une
mère, que lès larmes j parce qu’on ne peut pas direde
même les larmes de la vigne, ou de l’Aurore, pour les
pleurs de l ’une ou de l’autre. Les différents emplois
des fÿnonymes fe démêlent en général par une définition
exaéte de la valeur précifè de chaque mot.,
par les différentes circonftances dans lefquelles; oii
en fait ufège,les différents, genres de ftyles où orties
applique , les différents mots auxquels ils fè joignent
, leur ufège au fèns propre ou. au figuré , &c\
y o y e \ S y n on ym e.
Nous n’avons parlé jufqu’à prêfènt que de la lignification
des mots, paflons maintenant à la Conftruc-
tîon & à la Syntaxe. Remarquons d’abord que cette
matière eft plus, tôt l’objet d’un ouvrage fùivi que
d’un Diciiomtairt ; parce qu’une bonne Syntaxe eft
le réfèltat d’un certain nombre de principes philo—
fèphiques, dont la force dépend en partie de leur
ordre & de leur liaifbn , & qui ne pourroient être-
que dilpersés, ou même quelquefois déplacés, dans
un Dictionnaire de langues. Néanmoins pour rendre
un ouvrage de cette efpèce le plus complet qu’il
eft poflible, il eft bon que les règles les plus difficiles
de la Syntaxe y fôient expliquées, fùrtout celles
qui regardent les articles , les participes, les pré-
pofîtîons , les conjugaifèns de certains verbes : on
pourroit même , dans un très-petit nombre d’articles
généraux étendus , y donner une Grammaire
prefque complette , & renvoyer à ces articles généraux
dans les applications aux exemples & aux
articles particuliers. J’infîffe légèrement fur tous
ces objets, tant pour ne'point donner trop d’étendue
à cet article, que parce qu’ils doivent, pour la plupart
, être traités ailleurs plus à fond.
Ce qu’il ne faut pas oublier fùrtout, c’eft de tâcher,
autant qu’il eft-poflible ,. de fixer la langue dans un
Dictionnaire. Il eft vrai qu’une langue vivante, qui
par conséquent change fèns celle , ne peut guère être
abfèlument fixée 3 mais du moins peut-on empêches
• D I G
nn'élle ne fe dénature & 'ne'fe dégrade. Une kngne '
fe dénature de deux manières, par l’impropriété des
mots, & par celle des tours : on remédiera au premier
de ces deux défauts, non feulement en marquant
av-ec foin , comme nous avons d it, la ligmirca-
tion générale, particulière, figurée, & métaphorique
des mots ; mais encore en proferivant expreilemejit
les lignifications impropres & étrangères qu un abus
négligé peut introduire , les applications ridicules &
tout à fait éloignées de l’analogie, furtout borique
ces lignifications & applications commenceront a
s’autorilèr par l’exemple & l’ufage de ce qu on appelle
la bonne compagnie. J en dis autant de 1 impropriété
des tours. C ’eft aux gens delettres a fixer la
langue, parce que leur état eft de hetüdier, de la
comparer aux autres langues, & d’en faire 1 ufage le
plus exaét & le plus vrai dans leurs ouvrages. Jamais
cet avis ne leur fut plus néceflaire : nos livret..
fe remplilfènt infenfiblement d’un idiome tout à fait
ridicule ; plufîeurs pièces de théâtre modernes, jouées ,
avec fùccès, ne feront pas entendues dans vingt années
, parce qu’on s’y eft trop affujetti au jargon de
notre temps, qui deviendra bientôt fùranné' & fera
remplacé par un autre. Un bon écrivain j un phîlo-
fophe qui fait un Dictionnaire de langues , prévoit
toutes ces' révolutions- ; le précieux , 1 impropre ^
l’obfcur ,.le bifarre , l’entortillé, choquent la jufteffe
de fon efprit; il démêle, dans les façons de parler
nouvelles , ce qui. enrichit réellement la langue ,
d’avec ce qui la rend pauvre ou ridicule^ 3 il confèrve
& adopte l’un , & fait main-baffe fùrl autre.
On. nous permettra à’obfèrver ici , - qu un des
moyens les plus propres pour fè former à cet egard
le ftyle & le goût, c’eft de lire & d’écrire beaucoup
fur des matières philofèphiques : car la sévérité de
ftyle, & la propriété des termes & des tours que
ces matières exigent néceffairement, accoutumeront
infènfîblement 1 efprit a acquérir ou a reconnpitre
cés qualités partout ailleurs1, ou a fèntir qu elles y
manquent :de plus , çes matières étant peu cultivées
& peu connues des gens du monde, leur Dictionnaire
eft moins fujet à ’s’altérer, & la manière de
les traiter eft plus invariable dans fès principes.
‘Concluons de tout' ce que nous venons de dire ,
qu’un bon Dictionnaire de langues eft proprement
rhiftoire philofophique de fon enfance, de fès progrès,
de fa vigueur, de fa décadence. Un ouvrage fait dans
ce goût pourra joindre au titre de Dictionnaire celui
dé raifonné y & ce fèra un avantage de plus : non
feulement on fèura affez exactement la Grammaire
de la langue , ce qui eft affez rare ; mais ce qui eft
plus rare encore , on la fèura en philofèphe. Voyer^
G r a m m a ir e .
Venons préfentement à la nature des mots qu’on
doit faire entrer dans un Dictionnaire de langues.
Premièrement on doit en exclure , outre les noms
propres, tous les termes de fciences qui ne fènt
point d’un ufage ordinaire 8c familier ; mais il eft
néceflaire d’y faire entrer tous les mots feientifiques
gue le commun des le (fleurs eft fùjet à entendre pro-;
D î c
ncïKÎë'f , ou â trouver dans les livres ordinaires.
J’en'dis autant des termes d’arts, tant méchanique-s
que’ libéraux. On p'ourroit conclure de là quefèuvent
les figures feront'néceffàirès dans un Dictionnaiie
de langues s car il eft dans les Sciences & dans les
Arts Une 'grande quantité d’objets , même tres-fami-
.lîèrs ,',dont' il eft très-difficile & fouvent prefque
impoffible dé donner une définition exaête , fans
préfenter ces objets aux yéüx; du moins^ eft-il bon
de joindre fèuvent la figure'avec la. définition , .fans
quoi la; définition fèra vague ou difficile à fèîfîr. C eft
le cas d’appliquer ici ce paflàge d’Horace: Segnius
irritant ahinios demijfa per aurem, quant
fiim oculis fubjecta fidelibus. Rien n’eft fi puéril
que défaire de grands efforts pour expliquer longuement
fèns figurés, ce qui avec'une figure tres-i
fimple n’âuroit befoin que d'une courte explication.
Il y a affez de difficultés -réèlles dans les objets dont
nous nous occupons, fèns * que nous cherchions a
multiplier gratuitement^ ces difficultés. Refèrvons
nos efforts pour les occasions ou. ils fènt abfèlument
néceflaires ; nous n’en aurons befèin que trop (Cuvent.
A l'exception des termes d’art & de fciences dont
nous venons de parler un peu plus haut, tous les
autres mo'ts1’entreront dans un Dictionnaire de langues.
Il faut y diftinguer ceux qui né' fènt d’ufège
que dans la converCation , d’avec ceux qu on emploie
en écrivant 3 ceux que laProfè & la Poéfie admettent
également, d’avec ceux qui ne font propres qu’ à
l’une ou à l’autre ; lest, mots qui font employés dans
le langage des honnêtes gens, d avec ceux qui ne
le fènt que dans le langage du .peuple ,• les mots
qu’on admet dans le ftyle noble , d’avec ceux qui
font réfervés au ftyle , familier 3 les mots qui commencent
à vieillir, d’avec ceux qui commencent à
s’introduire, &c. Un auteur de Dictionnaire ne
doit fèns douté jamais créer de mots nouveaux, parce
qu’il eft l’hiftorien , & non le réformateur de
la langue 3 cependant il eft bon qu il obfèrve la
néceffité dont il fèroit qu’on en fit plufîeurs , pour
défîgnér certaines idées qui ne peuvent être rendues
qu’imparfaitement par des périphrafès 3 peut-etre
même pourroit-il fè permettre d en hafèrder quelques
uns, avec retenue, & en avertiffant de lin -
novation 3 il doit fùrtout réclamer lés mots qu’on
a laiffémai à propos vieillir, & dont la proferip-
tion a énervé & appauvri la langue au lieu de la
Il faut, quand il eft queftion des noms fù bilan tifs ,
en défigner avec foin le genre , s ils ont un phirier,
ou s’ils n’en ont point 3 diftinguer les adje&ifs propres
c’eft à dire , qui doivent être népeflairement
joints à un fùbftantif, d’avec les adjeétifs pris fèbfè
tantivement, c’eft à dire, qu’on emploie comme fùbf-
tantifs, en fèufèntendant le fùbftantif qui doit y
être joint. Il faut marquer avec fèin la termmSifon
des adjeétifs pour chaque genre 5 il faut pour lés
verbes diftinguer s’ils fènt àftifs, paffifs, ou neutres,
& défigner leurs principaux temps, fùrtout lorfque
la conjugaifèn eft irrégulière 3 il eft bon meme e$
H h h h 7t
i i l î