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devoitpas le regarder comme un homme infidèle
à P ie u , pour avoir admis le terme de Çonfubflan-
liel après l ’avoir rejeté. Faire couper la tète à fon
favori lûr une pareille raifon , c’eft certainement
l ’aftion du plus méchant fou & du plus barbare lot
qui ait jamais exifté.
Que diriez-vous de Louis X IV , s’il eut fait
couper lur le champ la tête au duc de la Force ,
parce que le duc de la Force avoit quitté le calvi-
^i^me pour la religion de Louis X IV l
Anecdote fu r U maréchal de Luxembourg.
J ’ouvre dans ee moment une hilloire de Hollande,
& je trouve que le maréchal de Luxembourg, en
167 2 j fit cette harangue à lès troupes : AlU\, mes !
Enfants , pïhle\ >vole\ , tue^ , vioL\ y & s’i l y a
quelque chofe de plus abominable,. ne manque^
p a s , de le faire , afin que j e <voye que j e ne me
fu is pasi-rômpéen vous choifijfant comme les plus
braves des hommes» •
Voilà certainement une jolie harangue : elle îfeft
pas plus vraie que celles de Tite-Live; mais elle
n’eft pas dans (on goût. Pour achever de déshonorer
la Typographie , cette belle pièce le retrouve'dans
des Di&ionnaires nouveaux, qui ne font que des
impoliures par ordre alphabétique.
Anecdote fu r Louis X I V ,
C ’eft une petite erreur dans l’Abrégé chronolo-
ique de VHifioire de France , de mppofor que
ouis X IV , après la paix d’U trecht, dont il étoit
redevable à l’Angleterre , après neuf années de mal-
lieu rs , après les grandes viétôires-que les anglois
avoient remportées , ait dit à l ’ambaflàdeur d'Angleterre
: T ai toujours été le maître -che\ moi,
quelquefois che\ les attires-, ne m'en fû t e s pas
fouvenir. J’ai dit ailleurs que ce dilcours auroit été
très-déplacé, très faux à l’égard des anglois , &
auroit expole le roi à une réponfo accablante. L ’auteur
même m’avoua que le marquis de T orcy, qui ,
avoit toujours été prélènt à toutes les audiences du
comte deStairs, ambalfadeur d’Angleterre, avoit toujours
démenti cette Anecdote. Elle n’eft alsûrément
ni vraie ni vraifemblablè, & n’eft reliée dans les
dernières éditions de ce livre que parce qu’elle avoit
été mile dans la première. Cette erreur ne dépare
point du tout un ouvrage d’ailleurs très utile , où
tous les grands évènements , rangés dans l’ordre le
plus commode, font d’une vérité reconnue.
Tous ces petits contes dont on a voulu orner l’H istoire
, la déshonorent; & malheiireufèment, prelquè
.toutes les anciennes hifioires ne font guères que des
contes. Mallebranche à cet égard avoir raifon de dire ,
qu’il ne fai toit pas plus de cas de l’Hiftoire que des
nouvelles de Ion quartier; ( V o l t a i r e , )
ANA C ÉPHA LÉO SE , C £ ( Belles -Lettres^,
terme de Rhétorique, C ’eft une récapitulation ou
répétition courte & fommaire des principaux chefs
d’un, difeours»
A N A
Ce mot efl formé de la prépofîtion grecque uya9
une fécondé fo is , & z.i<pctÀn tête, chef
Cette récapitulation ne doit point ctre une répétition
sèche de ce qu’on a déjà d it, mais un précis
exad en termes différents , orné & varié de figures ,
dans un ftyle vif. Elle peut le faire de différentes
manières, (bit en rappelant fimplement les raifons
qu'on a alléguées, foit en les comparant avec celles
de i’adverlàire y dont ce parallèle peut mieux faire
Ternir la foibleüe. Elle eft néceJTaire, fait pour convaincre
davantage les auditeurs , foit pour réunir ,
comme dans un point de vue , tour ce dont on les
a déjà entretenus, foit enfin pour réveiller en eux
les pafïicms qu’on a tâché d’y exciter. Cicéron excel-
loit particulièrement eu ce genre. Voye^ Pé r o r
a iso n . {L'ab be M a l l e t , }
* A N A C O LU TH E , f. f. C ’eft une figure de
mots , qui eft une elpèce d’Elliple. Ce mot vient
d ’«vaxo'Asftoy, adjedif, non conjem an eus : la racine
de ce mot en fera entendre la lignification. IL
«xoAjsSbff, cornes, compagnon ; enlùke on ajoute
1’* privatif & un » euphonique , pour éviter le bâillement
entre les deux et ; par conféquent l’adjedif
Anacoluthe lignifie Qui n efl pas compagnon, ou
qui ne fe trouve pas dans la compagnie de celui
avec lequel l ’analogie demanderont qu’il lè trouvât.
En voici un exemple, tiré du II. livre de l’Enéide
de Virgile ( vers 3 30 ). Panthée , prêtre du temple
d’Apollon , rencontrant Énée dans le temps du- faç
de Tro ie , lui dit qu’IUon n’eft plus; que des milliers
d’ennemis entrent par les portes en plus grand1
l nombre qu’on n’en vit autrefois, venir de Mycènes
Fortis alii bipatentjbiis.adfunt
Milita quot magnis minquam vénéré Mycenis ?
on ne làuroit faire la conftrudion fans dire ; A l i ï
adfunt tot quoi nûnquam vendre Mycenis. Ainfî „
tut eft l’Anacoluthe y e’eft le compagnon qui manque.
Voici ce que dit Servius fur ce paflage: Mil li
a , fubaudi, T ot ; & efl ùvetxoXis^-ov , nam dixit
qu ot quum non præmifeût t o t .
11 eu eft de même de tantum Gins quantum, de tarnen
làns quanquam. Souvent en françois au lieu de
dire, l i e ß là oitvous alle\, i l efl dans la ville où vous:
alle\ , nous difons fimplement, I l efl où vous allc{,
Ainfî , l’Anacoluthe eft une figure par- laquelle
on fous entend le corrélatif d’un mot exprimé ;. ce
qui ne doit avoir lieu , que Torique l’Eilipfe peut être
aifément fùppléee', & qu’elle ne bleffe point l’uläge*
: ( ik f . d u M a-r s a isQ..
( ^ Il liait de ce qui vient d’être dit, que l’ Anàcolu*
the eft une de ces figures que je nomme figures de Syntaxe,
puifque c’eft véritablement une elpèce parti-
; culière d’Ellipfe. Voye\ E ll ip se. Il étoit donc inutile
d’imaginer un autre terme pour défîgner cette elpèce x
& il leroit ridicule de le conlèrver. Tous ces mots
lavants font moins propres à éclairer.l’elprit, qu’ài
Vembarraffer ou même à le féduire pac les appa-
’À, N A
fènfies vaines & trompeulès d’un ïàvoîf pédaftteP-
«ue. Quelques exemples latins, où lés grammairiens
n’ont pas lu appèrcevoir & fuppléer le: corrélatif
fùpprimé , les ont portés à conclure qu’il n’y Tvoit
rien de lousentendu , qu’il n’y avoit qu’un défordre
de conftrudion , & que c’étoit une elpèce d’Hyper1*
bâte., Voye\ H yperbate. L a ’limple définition de
1*Anacoluthe démontre qu’ils font dans l'erreur à;
cet égard , & .dans l’ignorance, fût la, manière de
ramener cette figure à la phralê naturelle, j . ( M.
J I e a u z é e . )
AN AG R ÉO N T IQ U E , adj. ( Belles-Lénres/)
Terme confacré en Poéfie, pour fignifier ce qui’a
été inventé par Anacréon, ou compofé dans le
goût & le ftyde de ce poète.
Anacréon né à Téos , ville d’Ionie, florifTo.it vers
l ’an du monde 3511. Il le rendit'célèbre par la'
délicatefl~e.de Ibn elprit de par le. tour aifé dè là
poéfie, où, làns qu’ilparoifle aucun effort d.e travail;,
on trouve par tout des grâces fîmples & naïves. Ses
odes 'lônt marquées à un coin de délicatefîe, ou pour.
mieux dire de négligence aimable ; elles font, cour- ‘
les , gracieulès, élégantes , & ne relpirent que le
plaifîr&l’amufoment : ce font, à proprement parler,.’
des chanfons qu’il enfanta fur le chaimp dans uii coup
de verve inlpiré par l ’amour & par la bonne chèrè,
entre lélquels il partageoit là. vie. L é tendre , le ;
n a ï f, le gracieux, font les caradëres du genre
Anacréontique, qui n’a mérité le nom de lyrique
dans l ’antiquité , que parce qu’on le chanroit en
«’accompagnant de la ly re: car il diffère entièrement
, & par le choix des lûjets & par les nuances
du ftyle , de la hauteur & de la majefté de Pin-
dare. Nous avons une tradudion d’Anacréon en
profo par mile. Lefevre, connue depuis fous le
nom de mad. Dacier , & trois en vers : ,1’une eft
dé Longepierre, l’ autre de M. de la Foffe ; elles
paffènt pour plus fidèles que celle dè èGacon, qu’on
lit néanmoins avec plus de plaifîr, parce qu’elle
«ft plus légère, 8i qu’il l’a enchaffée dans un roman
affez ingénieux des avantures galantes & des plai-
fîrs d’Anacréon. Horace a fait plufîeurs odes à l’imitation
de ce poète , telles que celle qui commence
par ce vers , O maire pulchrâ filia pulchrior y &
celle-ci, Lydia ? die per omnes , &c. 8c plufîeurs
autres dans le meme goût : la conformité de caractère
produifoit entre eux celle des ouvrages. Parmi
nos poètes fr’anqois , M. de la Mothe s’eft diftingué
par fès odes' Anacréontiques , qui font toutes remplies
dé traits d’efprit , d’un badinage : léger, &
d’une morale épicurienne. Nos bonnes chanfons
font aufïi1 autant d’odes Anacréontiques.
La plupart des odes d’Anacréon font en vers de
fept lyllabes , ou de trois pieds & demi , Ipondées
•ou iambes, & quelquefois, anapeftes : c’eft pourquoi
l ’on appelle ordinairement les vers de cette melùre
Anacréontiques Nos poètes ont aufïi employé pour
cette ode les vers de fept & de huit fyllabes , qui
tint moins de nobleffe., ou fi l’on veut d’emphafo,
A N , 171
Vèti alexandrins, mais plus douceur ’8c
) de mollefte. ( L ’abbé M a l l e t .)
(N.) A n a c r é o n t iq u e , adj; {B e lle s -L e t tr e s .)
Genre de poéfie lyrique , dont la grâce eft le carac-
■ tère , & qui felpire la volupté.
Qu’Horace ait imité Anacréon dans quelques-unes
de Ces odes; que dans un fiècle non moins poli que celui
d’Augufte , quelques-uns de nos poètes, françpis ,
parmi les délices des feftins & les. plaifîrs de la galanterie
, ayent eu ,; dans leurs chanfons , cèt enjou-
ment, ce tour élégant & facile, ce naturel, .cet
abandon aimable de la Poéfie anacréontique y ;on
n’en eft point lûrprls. Mais que long temps avant
...que la politeflë eût formé le goût, i ’oij trouve dans
nos anciens poètes des morceaux dignes d-Anacréon ;
c’eft là ce qui étonne agréablement, comme lorsque
dans un hameau on rencontre la grâce, fille
de la nature, unie à la rufticité. Quoi de plus
anacréontique, par exemple, que ce fonge de
La nuit palTée , en mon, lie, je fongeoie
Qu’entre mes bras vous tenois nu à nu;
Mais au réveil, fe rabaiffa la joie
De mon défîr , endormant avenu.
Ado ne je fuis vers Apolfonvenu ,
! Lui demander qu’aviendroit de,tnon foRge. , ;
Lors, Irçi, jaloux de toi, Iongqe.meuc. longe
Puis me répond : T e l bjtn. ne peux avqir. , ;
Hélas 1 m’Àmour, fais lui dire menfonge :
Si confondras d’Apollon le favoir. r .
•Quoi de plus digne encore d’Anacréon, que ces v e$
idu même poète, parlant à deux de lès rivaux |
Demandez-vous qîii-me fait glorieux î - j .
Hélène a dit, & j’eii ai bien mémoire,
i Que de nous trois elle m’aimoit le mieux:
Voilà pourquoi j’ai tant d’aife & de gloire.
Vous me direz, qu’il eft allez notoire
Qu’elle fe moque, & que je luis déçu.
Je le fais bien; mais point ne le veux croire?
■ Car je perdrois l’aife que j’ai reçu.
sEnfin n’e(î-ce pas Ànacréoit lui-ni&ne qu’on crorf
fentendre dans ce madrigal, le chef-d osuVre de la
naïveté ingénieûfe î
Amour trouva celle qui m’eft amère;
( Et j’y étois , j’en fais bien mieux le conte. )
Bon jour, dit-il, bon jour, Vénus ma mère. .
Puis tout à coup il voit qu’ il fe mécompte:
Dont la couleur au vifagè lui monte,
D’avoir failli honteux, Dieu faïc combien.
Nonï non, Amour , ce dis-je, n’ayez honte;
Plus clairvoyant que vous s’y trompe bien.
C ’eft de Catule que Marot avoit appris à ïmîtet
Anacréon; & fon génie étoit plus analogue à celui
de ces deux poètes , qu’au tour d’eiprit de Martial,
qu’il a fouvent traduit ? mais non pas aulfi bien qu’Ü
a imité Catule. y ».