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il eft évident qu’on ne pourroit pas dire que vita
vieat de beth, fortout étant certain que les hébreux
ont toujours prononcé beth.
Euftathe dit que /3«, /3* , eft un fon fèmblable au
bêlement des moutons & des agneaux, & cite ce
vers d’un ancien :
Isfatuus, perinde ac ovis , bê bê dicens, incedit.
Saint Auguftin, au liv. I I . de -Doci. chrifi. dit
que ce mot & ce ion bêta eft le nom d’une lettre
parmi les grecs, & que parmi les latins beta eft le
nom d’une herbe ; & nous l’appelons encore aujour-
dhui bête ou bète-rave.
Ju vénal a auffi donné le même nom à cette lettre :
Hoc difcunt omnes ante alpha & bêta puellce•
Bélus , père de Ninus, roi des aflyriens, qui fut
adoré comme un dieu par les babyloniens, eft appelé
BîjXos , & l’on dit encore la ftatue de Beel.
Enfin, le mot Alphakemm, dont l ’ufoge s’eft con-
ïervé jufqu’à nous, fait bien voir que bêta eft la véritable
prononciation de la lettre dont nous parlons.
On divifè les lettres en certaines claflès, félon les
parties des organes de la parole qui fervent le plus à
les exprimer ; ainfi, le b eft une des cinq lettres-
qu’on appelle labiales , parce que les lèvres font
principalement employées dans la prononciation de
ces cinq lettres, qui font b , y», m , f , tv
Le b eft la foible du p : en ferrant un peu plus les
lèvres, on fa it p de b , & fe de ve y ainlî, il n’y a
pas lieu de s’étonner , fi l’on trouve ces lettres l’une
pour l’autre. Quintilien dit que, quoique l’on écrive
obtinuit, les oreilles n’entendent qu’un p dans la
prononciation , optinuit : c’eft ainfi, que de fcribo
on fait fcripfi.
Dans les anciennes infcriptions on trouve apfens
pour abfens, pleps pour plebs, poplicus pour publiais
, &c.
Cujas fait venir aubaine ou aübène d’advena,
étranger, par le changement de v en b : d’autres
difênt aubains quafî alibi nati. On trouve berna au
lieu de verna.
Le changement de ces deux lettres labiales v , b ,
a donné lieu à quelques jeux de mots, entre autres
à ce mot d’Aurélien, au fujet de Bonofe, qui paflbit
fa vie à boire : Na tu s eft non ut vivat ^fed ut bibat.
Ce Bonofè étoit un capitaine originaire d’Efpagne ;
il fè fit proclamer empereur dans les Gaules fur la
fin du IIIe fiècle. L ’empereur Probus le fit pendre,
& l’on difoit, C’efi une bouteille de vin qui ejl
pendue.
Outre le changement de b en p ou en v , on trouve
suffi le b changé en ƒ ou en <p, parce que ce font des
lettres labiales : ainfi , de eft venu fremo y &
au lieu de fihilare, on a dit fifilare, d’où eft venu
notre mot Jifler. C ’eft par ce changement réciproque
que du grec upQa les latins ont fait ambo,
Plutarque remarque que les lacédémoniens ohan-
geoient le <p en b y qu’ainfi, ils prononçoient JBilippe
au lieu de Philippe%
B A C
On pourroit rapporter un grand nombre d’exemples
pareils de ces permutations de lettres ; ce que
nous venons d’en dire nous paroît foffifont, pour faire
voir que lès réflexions que l ’on fait fur l’étymologie,
ont pour la plupart un fondement plus folide qu’on
ne le croit communément.
I Parmi nous, les villes où l’on bat monnoie, font
diftinguées les unes des autres par une lettre qui eft
marquée au bas de l ’écu de France. Le B fait connaître
que la pièce de monnoie a été frappée à
Rouen.
On dit d’un ignorant, d’un homme fans lettres ,
qu // ne fa it ni a ni b. Nous pouvons rapporter ici à
cette occafion, l’épitaphe que M. Ménage fit d’un
certain abbé :
Ci-defTous gic monfieur l'abbé _
Qui ne favoit ni a ni b ;
Dieu nous en doinc bientôt un autre;
Qui facile au moins fa patenôtre.
( M . D U M a r s a i s . )
BACCHE , fi m. Dans la Poéfîe grèque & latine
, efpèce de pied composé de trois fyllabes , la
première brève , & les deux autres longues ; comme
dans ces mots, eg cjiâ s, avârï.
L e Bacche à pris fon nom de ce qu’il entroit fou-
vent dans les hymnes composées à l’honneur de Bac-
chus. Les romains le nommoient encore (Ænoirius ,
Tripodius , Saltans ; &les grecs, Uapla^oç. Diom.
III. pag. 475. Le Bacche peut terminer un vers
hexamètre. Voye^ P i e d , &c. ( L ’abbé M a l l e t . )
BAILLEMENT, fi m. ( Grammaire.') On dit
également Hiatus : mais ce dernier eft latin. 11 y a
Bâillement toutes les fois qu’un mot terminé par
une voyelle , eft fùivi par un autre qui commence
par une voyelle , comme dans il m’obligea à y aller ;
alors la bouche demeure ouverte entre les voyelles ,
par la néceffité de donner paflàge à l ’air qui forme
l’une, puis l’autre, fans aucune confonne intermédiaire
: ce concours de voyelles eft plus pénible à
exécuter pour celui qui parle , & par confequent
moins agréable à entendre pour celui qui écoute ;
au lieu qu’une confonne faciliteroit le paffage d’une
voyelle à l’autre. C ’eft ce qui a fait que, dans toutes
les langues, le méchanifme de la parole a introduit
ou l ’élifion de la voyelle du mot précédent
, ou uns confonne euphonique entre les deux
Voyelles.
L ’élifion Ce pratiquoit même en profo chez les
romains. » Il n’y a perfonne parmi nous, quelque
groffier qu’ilfoit, dit Cicéron, qui ne cherche à éviter
le concours des voyelles, & qui ne les réunifie dans
Foccafion. « Quodquidem Latifia linguafie obfervat,
nemo ut tam ruflicus f i t , quin vocales nolit con-
jungere. Cic. Orator, n°. 150. Pour nous , excepté
avec quelques monofÿllabes , nous ne faifons
ufoge de l ’élifîon , que lorfque le tnot fùivi d’une
B A I
voyelle eft terminé par un e muet ; par exemple , 1
une fincère amitié, on prononce fincèr - amitié.
On élide auffi l’i de fi en f i i l , qu’on prononce s’i l :
on dit auffi m'amie dans le ftyle familier , au lieu
de m a amie ou mon amie ; nos pères difoient m’a-
moür.
Pour éviter de tenir la bouche ouverte entre deux
voyelles; & pour fe procurer plus de facilité dans
la prononciation., le méchanifme de la parole' a
introduit dans toutes les langues , outre. l ’élifion ,
Fufoge des lettres euphoniques ; & comme dit Cicéron
, on a foerifié les règles ‘de la Grammaire
à la facilité de la prononciation : Cônfuetudini au-
ribus indulgenti libenter obfequor. . . • Impetratum
efi à Confuetudine ut peccare fuavitatis causa li-
ceret. Cicér. Orator. n®. 158. Ainfi, nous difons
mon ame , mon épée plus tôt que ma ame, ma èpée.
Nous mettons un t euphonique dans y a -t-il, dira
t-on ; & ceux qui, au lieu de tiret ou trait d’union,
mettent un apoftrophe après 1e r , font une
faute : l'apoftrdphe n’eft deftiné qu’à marquer la
fuppofition d’une voyelle, or il n’y a point ici de
voyelle élidée ou fùpprimée.
Quand nous difons f i l ’on au lieu de f i on , /’
n’eft point alors une lettre euphonique , quoi
qu’en difè M. l’abbé Girard , tom. I j pag. 344* On
eft un abrégé de homme y on dit l’on comme on
dit l’homme. On m’a d i t , c’eft à dire , un homme
, quelqu lin m’a dit• On , marque une propofi-
tion indéfinie , individuum vagum. Il eft vrai que,
quoiqu’il foit indifférent pour le fèns de dire on dit
ou l’ on d i t , l’un doit être quelquefois préféré à
l’autre , félon ce qui précède ou ce qui foit ; c’eft
à l’oreille à le décider : & quand elle ^ préfère l ’on
au fimple. on , c’eft fou Vent par la raifon de l’euphonie,
c’eft à dire , par la douceur qui réfulte à
l’oreille de la rencontre de certaines fyllabes. Au
"refte ce mot Euphonie eft tout grec tu , bien, &
Çcovy , fon.
En grec le v , qui répond à notre n , étoit une
lettre euphonique, for tout après l’e & l’< : ainfi, au
lieu de dire U%ori avdlptç, viginti vir'i, ils difoient
u%o<nv oivé'ptç, fans mettre ce v entre les deux mots.
Nos voyelles font quelquefois foivies d’un fon
nafal, qui fait qu’on les appelle alors voyelles
nafales. Ce fon nafàl eft un fon qui peut être continué,
ce qui eft le eara&ère diftinâif de toute
voyelle : ce fon nafàl laiffe donc la bouche ouverte ;
& quoiqu’il foit marqué dans l ’écriture par une 11,
il eft une véritable voyelle : & les poètes doivent
éviter de le faire foivre d’un mot qui commence
par une voyelle, à moins que ce ne foit dans les
occafions où l’Ufàge a introduit une « euphonique
entre la voyelle nafàl e & celle du mot qui foit.
Lorfque l’adjeétif qui finit par un fon nafàl eft
fùivi d’un fobftandf qui commence par une voyelle ,
alors on met 1’« euphonique entre les deux , du
moins dans la prononciation ; par exemple, un-n-
enfant, bon-n-homme, commun-n-accord, mon-n-
ami ; la particule on eft auffi foivie de lVz „euphoni-
B A L 287
que , ofi-n-a. Mais fi le fùbftantif précède , il y a
ordinairement un Bâillement y un écran enluminé ,
un tyran odieux , un entretien honnête , une citation
équivoque , un parfum incommode y on ne dira
pas un tyrati-n-odieax, un entrelien-n-honnête , &c.
On dit auffi un bajfin à barbe, & non un bajfin-n-
à barbe. Je .fois bien que ceux qui déclament des
vers où le poète n’a pas connu ces voyelles na-
foles, ajoutent Yn euphonique, croyant que cette
n eft la confonne du mot précédent : un peu d’attention
les détromperôit ; car prenez - y garde ,
quand vous dites il (fi bon-n-homme , bon-n-ami ,
vous prononcez bon & enfoite 11-homme , n-ami.
Cette prononciation eft encore plus défogréable avec
les diphthongues nafoles, comme dans ce vers d’un
de nos plus beaux opéra ;
Ah ! j’attendrai long temps , la nuit eft loin encore;
où Fadeur, pour éviter le Bâillement^ prononce loin-
n-encore,. ce qui eft une prononciation normande.
Le b & le <£ font auffi des lettres euphoniques. En
latin ambire eft composé de l’ancienne prépofîtion
am, dont on fè fèrvoit au lieu de circum , & de
ire ; or comme am étoit en latin une voyèlle nafole ,
qui étoit même élidée dans les vers , le b a été
ajouté entre am & ire, euphonies causa.
On dit en latin profum , profumus , profui ; ce
verbe eft composé de la prépefition pro & de fum :
mais fi, après pro, le verbe commence par une
v oyelle, alors le méchanifme de la parole ajoûte
un </, profum, pro-d-es , pro-d-efi, pro-d-eram ,
&c. On peut faire de pareilles obfèrvations en d’autres
langues ; car il ne faut jamais perdre de vue
que les hommes font partout des hommes , & qu’il
y a dans la nature uniformité & variété. Voye\
H ia tu s . ( M . d u M a r s a is . }
* BAISSER, ABAISSER. Synonymes.
Baijfer Ce dit des chofès qu’on veut placer plus
bas, de celles dont on veut diminuer la hauteur,
& de certains mouvements de corps ; on baifie
une poutre, on baifie les voiles d’un navire, on
baijfe un bâtiment, on baifie les yeux & la tête.
Abaiffer fè dit des chofès faites pour en couvrir
d’autres, mais qui étant relevées les laifiènt à découvert
; on abaiffe le deftùs d’une cafiètte , on
abaifie les paupières ,,on abaijfe fo coiffé & fo robe.
Les oppofés de Baijfer font Élever & Exhaujfer?
ceux à’AbaifierCont Lever & Relever y chacun félon
les différentes occafions où ils font employés, & les
divers fojets dont il eft queftion. On baifie un toit
trop élevé, & un .mur trop exhaujfé. On abaijfe
la trape qu’on avoit levée, & fon voile qu’on avoit
relevé.
Baijfer eft d’ufoge dans le fèns neutre ; Abaijfer
ne l ’eft pas. Ils fe joignent également au pronom
réciproque -• mais alors le premier garde toujours lé
fens littéral, & le fécond prend toujours le figuré.
On baijfe, en diminuante on f e baijfe, en fè
courbant. On s abaijfe \ en s’humiliant, ou en fè