
valeur, &c. Minùs, moins , eft encore un Adverbe
qui 1ère auflï à la comparaifôn#
Il y a des Adverbes qui fè comparent, fur tout les
Adverbes de qualité, ou qui expriment ce qui eft fîif-
ceptibîe de plus ou de moins : comme diu, long
temps ; diutiiis, plus long temps : doeîè, fàvamment;
doèliùs, plus fàvamment; doclijfimè, très-fàvamment:
fo r tiur , vaillamment ; forints , plus vaillamment ;
fortifjîmè , très-vaillamment.
Il y a des mots que certains grammairiens placent
avec les conjonctions, & que d’autres mettent avec
les Adverbes : mais fî ces mots renferment la valeur
d’une prépofition & de fon complément, comme '
quia , parce que ; quapropter, ç’eft pourquoi, &c.
ils font Adverbes ; & s’ils font de plus l’office de conjonction
, nous dirons que ce font des Adverbes con-
jjonCtifs.
Il y a plufieurs adjeCtifs en latin & en franeois qui
font pris adverbialement, tranfverfa tuentibus hir-
cis , où tranfverfa eft pour tranfversè , de travers ;
ilfen t bon, i l fient mauvais , i l voit clair, i l chante
jufte , parle\ bas , parle\ haut, frappe\ fort. (AL.
d u M arsais.)
( €j~ C’eft fur les différences du terme confequent
renfermé dans la lignification des Adverbes, qu’on
les a diftingués en Adverbes de temps , de lieu , de
quantité , de manière, d’ordre, de'caufè , &c. félon
que l’idée individuelle du terme confequent a rapport
au temps, au lieu, à la quantité, à la manière,
à l’ordre , à la caufè , &c. C ’eft une divifion purement
métaphyfique , conféquemment arbitraire , dépendante
de la manière de voir de chaque grammairien
, & abfôlument inutile aux vues de la Logique
grammaticale , qui, à l’égard des Adverbes, ne
doit fè charger que d’en déterminer la nature adverbiale
, & la formation analogique quand il y a lieu.
Suivons çes deux points de vue par rapport aux adverbes
franeois ; il fera aifé d’appliquer nos obfèrva-
tions à ceux des autres langues.
§ . I. Sur la nature adverbiale , tous nos grammairiens
, même les plus habiles & les plus philofo-
phes, fè font trompés en trois manières différentes.
I. Ils ont placé, dans la clafïe des Adverbes,des phra-
fès, véritablement adverbiales , mais qui n’ont jamais
dû être envifàgées que comme des afïèmblages de
mots, dont chacun appartient à une clafle particulière
, & dont l ’enfèmble ne peut être enviiâgé comme
un mot unique d’une clafle déterminée, quoiqu’il
en réfulte un fens total analogue à celui des mots de
cette clafle. Tels font les prétendus Adverbes eom-
pofés que cite M. Reftaut ; pour le préfent, à Vavenir
, tour à tour, fans faute , depuis peu , pour
Vordinaire, d ’où, , par où , d’ici , de là , par ic i,
par là , en haut, en bas , en premier lieu, à la file,
à la fin , de meme, de plus , de mieux en mieux ,
à peu près ; tout au plus. , à tort, à travers, à regret
, à la mode, à la hâte, &c.
L ’abbé Girard , qui philofophoit aflèz fùbtile-
ment fiir les matières de Grammaire pour apperce-
so ir l’abiurdité de cette méprifè , s’en explique ainfi
( V r a i s P r in c , D i f c . I X , p d g . 163 ) : « Quelques
» grammairiens ont mis au rang des A d v e r b e s les
m expreflïons compofees de plufieurs mots fèrvant à
» .marquer une circonftance , telles que p o u r le p r é -
» f ie n t , tou r à t o u r , à V a v e n ir , fa n s fa u t e . Mais
» en vérité c’eft abufer de la permiffion d’écrire ,
» que depréfènter au Public de tels propos. Car,
» outre que la différence fpécifique des parties d’orai*
» fon ne peut regarder que les mots Amples, & non
» les expreflïons provenant de la conftruCtion de plu-
» fleurs mots ; p o u r n’eft-il pas, dans le premier
» exemple cité , une prépofition ? p r é fen t un fùbP
» tantif? & l e , fôn article? De même, dans les
» autres exemples , chaque mot n’y confèrve-t-il
» pas fâ propre nature , rempliffànt fâ fondion , &
» concourant par fon fèrvice particulier à former
>5 le fèns ? Il y a toute apparence que cette confufion
» d’idées vient de ce qu’on a aufli nommé A d v e r b e un
» membre de phrafe ; au lieu de le diftinguer ,
» comme j’ai fa it , par le nom de Circonftanciel :
» car il eft vrai que ces expreflïons fèroient A d v e r -
v) ,b e s en cé fèns, formant dans la ftruéhire de la
» phrafè cette partie qui y paroît comme une cir-
» confiance modificative. Mais que fait cela à la
» nature des mots qui l’énoncent? Ils n’en font pas
» moins diftingués entre eux & fixés à leur efpèce.
» Ce qui eft fùbftantif ou prépofition, l’eft toujours,
» quoique fournis au régime l ’un de l’autre pour fôr-
» mer le membre circonftanciel de la phrafe. Pour-
» quoi, après tant de fîècles & tant d’ouvrages , les
» gens de Lettres ont-ils encore des idées fi informes
» & des expreflïons fî confufès, fur ce qu’ils font
» profeffion d’étudier & de traiter ? ou s’ils ne veu-
» lent pas prendre la peine d’approfondir la matière ,
» comment ofènt-ils en donner des leçons au Public?
» C ’eft ce que je ne conçois pas. »
Je ne prétends pas approuver en détail tout ce qui
fè trouve dans ce paflage , qui fùppofè plufieurs
points de do&rine entièrement éloignés de mes principes.&
de mes vues ; j’applaudis encore moins à la
déclamation vive qui termine le tout, parce que je
- fuis perfiiadé que la différence des opinions ne permet
jamais que des raifônnements, à moins qu’on ne veuille
être foi-même en buteà de pareils traits. Je neveux
que montrer combien cet habile grammairien fontoit
les inconvénients de la confufion d idées contre laquelle
il s’élève : & toutefois il retombe bièntôt lui-même
dans une partie des fautes dont il fè plaint. « Le refus
» que je fais, continue-t-il, de confondre la Jiffé-
» rence eflèncieîle des mots fimples avec la fonction
» qu’on peut faire remplir aux uns ou aux autres
» dans la phrafè , ne m’empcchè pas de convenir ,
» que de quelques-unes de ces expreflïons, il s’en eft
» formé de fimples Adverbes ; parce que l’ufâge,
» maître de fabriquer des mots, les a unies & iden-
» tifiées en un fèul, qui , par cette opération , s’eft
» trouvé appartenir a une autre efpèce que celle dont
» étoit auparavant chacun de ceux-dontil a été fabrî-
» qué : tel eft Aujourdhui, qui originairement en
] » comprenoit quatre , & qu’on écrivoit féparément
» au jour d'hui. Mais jufqu’à ce que l’ufâge ait fait
» des autres expreflïons ce qu’il a fait de celle-ci,
» elles ne fèront point Adverbes , & les mots qui les
» compofènt appartiendront chacun à leur propre
» efpèce. , a \ r
Cette autorité que l’académicien prete à 1 ufage ,
de réunir plufieurs mots en un , n’eft peut-être pas fi.
bien établie qu’il paroît le croire; du moins s’il s’agit
de cet ufage légitime , qui eft véritablement fouve-
rain dans les langues. Mais bien établie ou.non, l’abbé
Girard a mal choifi Aujourdhui pour être un exemple
& Adverbe, on le verra tout à l’heure; & il n’a pas
attendu lui - même les réunions fcellées par l’autorité
de l’ufàge pour fè faire d es Adverbes : il écriten un feul
mot demême , auplus, dumoins, aumoins, dutout,
touta.fa.it, dautrefois, dordinaire, acaufe. C’eft efqui-
ver l ’objedion qu’il fait lui-même à ceux qui regardent
ces expreflïons comme des Adverbes ; mais ce n’eft
pas s’en garantir. La manière d’écrire les mots, ou
iéparës ou réunis, eft abfôlument accidentelle à ce qui
en conftitue la nature ; tant qu’ils ne font que rapprochés
, s’ils continuent d’avoir le même fèns que
dans leur état de réparation , ils continuent d’être
ce qu’ils étoient avant leur union : aufli n’eft-il pas
vrai que le latin quemadmodufn, quoique écrit d’une
feule tenue , foit un véritable Adverbe ', c’eft une
expreflïon adverbiale dont les parties font rapprochées
, & qui fè réduit aux trois mots quem ad mo-
dum. C ’eft la même chofè des exemples de l ’abbé
Girard. Je dis plus ; il en eft de même des mots dont
la réunion eft aujourd’hui autorifee par le plus ancien
ufage, comme afin, auprès, autour, enfin, en-
fuite , pourquoi , parce que , &c : & fi on vouloit
revenir à les feparer, afin , au p rès, ait tour, en
fin v en fuite , pour quoi, par ce que, &c y je ne
doute pas qu’on ne répandît par là un grand jour for
l’analyfè de la phrafè françoifè, qu’on n’en facilitât
l’intelligence, & qu’on ne Amplifiât d’autant les principes
de notre fyntaxe.
De quelque façon qu’on penfè for cette manière
d’écrire , il eft sur que les phrafès adverbiales ne font
point des Adverbes. «Nous fàvons bien , dit M. de
» Wailly ( VII. e’d it.p i 148. IX. édit.p. 130); qu’el-
» les expriment la même chofè que lesAdverbes: mais
» fi l’on mettoit ces expreflïons au rang des Adverbes,
» il faudroit auflï regarder commeAdverbesles pré-»
» pofitions avec leurs régimes ; comme avec pru-
» dence, avec fageffe ,fans réflexion, par douceur,
» &c ; car ces expreflïons lignifient la même chofè
» que prudemment, figement, étourdiment, douce-
» ment, &c. »
II. Une féconde manière dont fè font égarés les
grammairiens au fojet des Adverbes , c’eft en pre- \
nant pour Adverbes des mots qui font des noms ou
des adje&ifs.
1 °. Ils ont pris pour des adverbes de pofîtion , cinq
mots qui font dè véritables noms ; lavoir, i c i , là ,
deçà, delà, ailleurs.
Ici 8c la font des noms véritables, qui fîgnifient ce
point-ci, ce point-là', & le nom/iowdoit y être entendu
dans fâ plus grande généralité , relativement
à l’étendue, à la durée, & à l’ordre moral : auflï ces
mots fè conftruifènt-ils , comme les noms , ayec des
prépofitions ; forte\ d’ici , forte\ de là , c’eft à
dire, de ce lieu-ci, de ce lieu-là; ilpajj'erapar ici
ou par là , c’eft à dire, par ce lieu-ci ou par ce
lieu-là ; ce tableau efi pour i c i , ce vafe étoit pour
'là , c’eft à dire , pour cette place-ci., pour cette
place-là ; d’ici à trois a n s, de là aux vacances,
c’eft: à dire, , de ce moment-ci , de ce temps-là ; de
là j e conclus, par là vous faites entendre.', c’eft à
dire , de ce principe ou de ce point, par ce raifort-
nement, &c. Quoiqû on difè fans prépofition il efi ici
ou là , vene\ ic i, aile^ là ; les mots ici & là n’y font
pas plus Adverbes que les noms propres de villes ne
devenoient Adverbes en latin quand on y difoit fans
prépofition manet Avenione , ibit Komam , tranfi-
bimusMediolano : la prépofition, également foufèn-
tendue dans les deux langues, laiflè aux mots expri-
més l’effet de la phrafè adverbjale, mais ne les change,
pas pour cela en Adverbes«
Deçà & delà font des noms qui fignifient la re-*
gion la plus voifine , la région la plus éloignée.
Voye\ P r é po s it io n .
Ailleurs eft un nom , qui fignifie autre part*
Aufli eft-il complément des prépofitions ; cela vient
d’ailleurs , pajfe\ par ailleurs , ce lufire efi pour
ailleurs. Si l’on dit fans prépofition, i l efi ailleurs,
alle-^ ailleurs, le mot Ailleurs n’eft pas plus Adverbe
dans ce cas, que ne le fèroit Autre p a rt, fî on aimoit
mieux dire i l eft autre p a r t, alle\ autre p an ; des
deux côtés il y a de foufèntendu la prépofition en ,
& c’eft au lieu de dire i l efi en ailleurs , alle^ en
ailleurs, ou bien i l efi en autre p a r t, aile\ en au*
ire part.
20. On a pris pour des Adverbes de diftance, trois
mots qui ne le font pas ; ce font lo in , près 8c
proche.
Loin & Près font oppofés l’un à l’autre, & il eft
évident que ce font des noms employés comme compléments
de prépofitions quand on dit de loin, de près,
• loin a loin, près à près , au loin : ils ne deviennent
pas Adverbes pour être employés fëuls, la prépofition
étant alors foufèntendue ; i l efi loin , nous fommes
près de la ville, c’eft à dire, à loin , après de la
ville, ou à un grand intervalle, à un petit intervalle
de la ville.
Cependant ces deux mots font fufoeptibles des degrés
de lignification , comme les adjeâifs & les A d -
î verbes ; comment. avec cela peut-on dire que ce
font des noms ? C’eft que ces mots fîgnifienr grand
ou petit intervalle, que le principal des deux eft
le nom intervalle , & que l’adjeélif grand ou petit
eft fufceptible des degrés de lignification : bien loin,
Jfort loin, plus loin, aujji loin 5 bien près , fort près % •
plus près, auffi près , marquent & fignifient, un
intervalle bien grand, fort grand, plus grand,
oufji grand, bien petit , fort p e t it , plus p e t it,
auffi petit.
Proche. On le prétend quelquefois Adverbe;, coj»y