
nous jugeons d’après un motif légitime, nous fôm-
mes convaincus que notre jugement eft bien fondé,
&- que nous aurions tort de porter un jugement
différent. Les âmes qui ont le bonheur d’être unies
à dés' têtes bien faites, pafîènt de l’état de là paP
lion ou de celui de l’erreur & du préjugé , à .l’état
tranquille de la raifon» ou elles exercent leurs
fonétiôns avec lumière & avec liberté.’
Il fe'rôit aile de rapporter un grand nombre
d’exemples, pour faire voir la nécemté d’un motif:
extérieur , propre , & légitime dans tous nos juger
ments, même de ceux qui regardent la foi: F ides
ex auditu , auditas autem per verbum Chrifli i
dit S. Paul. {Rom. x. 1 7 .) «Dan s des points
» fi fûblimes, dit le P. Buffier ( Traïté des pre-
» mières vérités, III. part, page z3 7 ) , on trouve
yj un motif judicieux & plaunble, certain, qui ne
» peut nous égarer, de fôumettre nos^foibles lu-
» mières naturelles- à l’intelligence infinie de
» Dieu. . . . . . . qui a révélé certaines vérités , & à la
» fàge autorité de l’Églile , qui nous apprend que
» Dieu les a. effectivement révélées. Si l’on failoit
attention à ces premières vérités dans la Ici en ce
» de la Th éologie, ajoûte le. P. Buffier [Ibid.) ,
» l’étude, en deviendroit beaucoup plus facile &
» plus abrégée, & le fruit en fèroif plus folide &
» plus étendu. »
Ce fer oit donc une pratique très-utile de demander
fôuvent à un jeune homme le motif de fôn jugemen
t, dans des occafions même très-communes,
fiirtout quand oh s’apperçoit qu’il imagine, & que
çe qu’il dit n’eft pas. fondé.
Quand les jeunes gens font en état d’entrer dans
des études férieufès, c’eft une pratique trèsr-utile,
après qu’on leur a appris les differentes fortes de
gouvernements, de leur faire lire les gazettes ,, avec
des cartes de Géographie & des Dictionnaires qui
expliquent certains mots que fôuvent même le
maître n’entend pas. Cette pratique eft d’abord défà-
gréable aux jeunes gens; parce qu’ils ne font encore
au fait de rien, & que pe qu’ils lifènt nè trouve pas
à fè lier dans leur efprit avec des idées, acquifès
mais peu à peu cette leâure les intéreffè, fùrtout
lorfque leur vanité en eft flattée par les louanges
que des perfonnes avancées en âge leur donnent à
propos fur ce point.
Je connois des maîtres judicieux qu i, pour donner
aux jeunes gens certaines connoillànces d’ufàge,,
leur font lire & leur expliquent l’état de la France
& l’Almanach royal ; & je crois cette pratique très-
utile..
Il refteroit à parler des moeurs. & des qualités-
fcciales ; mais nous avons tant de bons livres-fur ce
point , que je crois devoir y, renvoyer. ÇM* du^
M a r s a ï s . } : -
EFFACER , RATURER* RAYER, BIFFER..
Synonymes-. ■
. Ces mots- lignifient l’aCtion de faire difparoître de
jàeffus un pariée ce qui eft. adhérent à fà furface,.
Les trois derniers ne s’appliquent qu’à ce qui eft
écrit ou imprimé; le premier peut fè dire d’autre
choie, comme des taches d’encre , &c. R a y e r eft
moins fort qu’jEffacer ; & Effacer, que Raturer•
On raie un m o t, en pafîant fimplement une ligne
defïus : on Vefface , lorique la ligne paffée deffus
eft-allez forte pour empêcher qu’on ne lifè ce mot
aifement : on le rature , lorfqu’on Y efface fi • ab~
fblument qu’on ne peut plus lire , ou même lorf-
qu’on fè lèrt d’un autre moyen que la plume, comme
d’un canif, gratoir, &c.
On fè lèrt plus fôuvent du mot Rayer que du
mot Effacer, lorlqu’il eft queftion de plufieurs-
lignes : on ditauffi qu’un écrit eft fort raturé, pour
dire qu’il eft plein de ratures, c’eft à dire, de mots
effacés.
Le .m o t Rayer s’emploie en parlant des mots
fùpprimés dans un .ade , ou d’un nom uju’on a ôté
d’une lifte, d’un tableau , &c. Le mot Eiffereû ablô-
lument du ftyle d’arrêt; on ordonne , en parlant
d’un accusé , que lôn écrou loir biffe'. Enfin Effacer
eft du ftyle noble, & s’emploie dans ce cas au figuré
Effacer le fôuvenir , &.c, ( AI. bIAlrmbert-.) \
(N..) EFFECTIVEMENT, EN EFFET.
Ces deux expreffions different en deux mânières».
1 Effectivement n’a jamais qu’un lèns- confirmatif,
qui annonce une preuve.à l’appui, d’une pro-
pofition ; & En effet,. qui a quelquefois ce lèn s, ferfi;
aufli quelquefois, à oppofèr la réalité à lfimagi^.
nation ou à la fimple apparence.
2°. Si on envifage les : deux locutions, comme
amenant la confirmation. ou la preuve d’unè propo-
fition énoncée: la première eft plus propre au rationnement
conje&ural; & la féconde, au rationnement
rigoureux t l’une confirme & augmente la: vrai (èm-
blance l’autre prouve & augmente la. certitude
c.’eft peut-être, ce qui rend la première;plus, conye- ,
nable au ftyle familier & libre de la converfàtion ;;
& la féconde, au ftyle noble & fôuteriu, qui ne-
doit les fèr vice s qu’à l’auftère vérités:x■ ;
Je préfumôis que l’ambaffadeur arrivèroït ces jours-
c i , & je vis Effectivement hier des gens de fâ livrée-
Railônnement conjeduraL
Larailôn du chrétien refpede: les bornes qui lui
font preferites, & fè contente de l’évidence des motifs
qui la déterminent à. croire : la foi eft En effet
une perfûafion fondée fur une multitude infinie de-
préuves , fi claires qu’il y auroit de la folie à les-
rej.eter, fi certaines qu’il y auroit de la ftupidité à
en douter',, fi déèifives qu’il y- auroit, de la mauvaifè
foi à ne pas s’y rendre. Rationnement rigoureux».
Le fou qui fè croyoit maître de tous les-:vatffëaux,.
qui âbordotent au Pyrée ,. étoit heureux en effet
quoiqu’il ne fût riche qu.’^n imagination.
L ’hypocrite eft vertueux en apparence, mat*.,
vicieux en effet. ( M.JUeauzée^)
(N.) EFFIGIE, IMAGE, FIGURE „POR*
TRAIT,, Synonymest .
L 'Effigie eft pour tenir la place de la ebofè meme.
L 'Image eft pour en repréfenter fimplement lidee.
L a Figure eft pour en montrer l’attitude & le detiein.
Le Portrait eft uniquement pour la reflemblance.
On pend e n Effigie les criminels fugmfs. U n
peint des Images de nos myftères. On faitdes ■Figures
équeftres de nos rois. On grave les Portraits
des hommes illuftres. - Effigie & Portrait ne fè difent dans le îens
littéral qu’à l’égard des perfonnes. Image & Figure-
fè difènt de toutes fortes chofès. Portrait Ce dit dans le fens figure pour certaines
deferiptions que les orateurs & les poetes font, foit
des perfonnes, des caractères, ou des actions. ( L abt>c
Girard. )
EFFRAYANT, ÉPO U VAN TA B LE , EF-
FROYABLE , TERRIBLE. Synonymes. ^
Ces mots défignent en général tout ce qui excite
la craintes Effrayant eft moins fort qu Epouvjin-
ta b le ^ & celui-ci moins Cort ex Effroyable, par une
■bifafrerie de la langue , Épouvanté étant encore
plus fort qu’Effrayé, De plus , ces trois mots
fè prennent toujours en mauvaifè part ; & Terrible ■
peut Ce prendre en bonne part, & fûppofèr une
crainte mêlée de refpeCt.
Ainfi, on dit, Un cri effrayant, un bruit épouvantable
, un monftre effroyable , un Dieu .terrible.
Il y a encore cette différence entre ces mots,
qu’Effrayant &. Épouvantable fuppofènt un objet
préfènt qui' infpire de la crainte; Êffroyable} un
objet qui infpire de l’horreur, fôit r ar crainte,
foit par un autre moLlf 5 Ht que Terrible peut s appliquer
à un objet non préfent.
La pierre eft une maladie terribleles douleurs
qu’elle caufè font effroyables ; l’operation en eft
épouvantable à voir; les préparatifs feuls en l'ont
effrayants. {M. d’Alembert, )
EFFRONTÉ, AUDACIEUX, HARDI. Syn.
Ces trois mots défignent en général la difpofition
d’une ame qui brave ce que les autres craignent. Le
premier dit plus qüe le fécond , & fe prend toujours
en mauvaifè part ; & le fécond dit plus que le
troifième, & fè prend aufli prefque toujours en .mau-
.vaifè part. ■'
L’homme effronté eft fans pudeur ; 1 homme au-
.dacieux, fans refped ou fans réflexion; 1 homme
hardi, fans crainte. . ^
La Hardieffe avec laquelle on doit toujours dire
la vérité, ne doit jamais dégénérer en Audace,
& encore moins en Effronterie.
Hardi fè prend aufli au figuré : une voûte hardie•
Effronté ne fè dit que des perfonnes ; Hardi 8c Audacieux
fè difènt des perfonnes, des aCtions, &
des difeours. Eoye-^ H a r d ie s s e , A u d a c e , Eff
r o n t e r ie . Syn. ( AI. b ’ A l e m b e r t . ) ■
ÉGARDS, MÉNAGEMENTS, ATTENTIONS
, CIRCONSPECTION. Synonymes.
Ceé Mots défignent en g-éhéral la retenue qu’on
doit avoir dans lès procédés. Les Égards Font l’effet
de la juftice; les Ménagements, de l’intérêt ; les
Attentions , de la reconnoiffance ou de l’amitié ; la
Cir.c©nfpecilon f de la prudence.
On doit avoir des Égards, pour les honnêtes gens ;
des Ménagements , poiir ceux qui en onr hefôin ;
des Attentions , pour fes parents & fè.s amrs ; delà
Circonjpeclion , avec ceux avec qui l’on traite.
Les Egards fuppofènt dans ceux pour qui on les
a , des qualités réelles; les .Ménagements, de la
puiflance ou de la foiblefïè ; les A ttentions , des
liens qui les attachent à nous ; la Circonfpection,
des motifs particuliers ou généraux de s’bn défier.
V . C ir c o n sp e c t io n , C o n s id ér a t io n , É g a r d s ,
Mén agement s, fy n . ( A I , d 'A lém bm r t . )
EG LO GU E, f. fém. F elles-Lettres. Poéfiebu-
colique, Poéfie paftorale , trois termes differents qui
ne lignifient qu’une même chofè, l'Imitation, la
peinture des moeurs ’champêtres. ' "4..
- Cette peinture noble fimple ,& bien faite, plaît
également aux philofôphes & aux .Grands : aux
premiers, parce qu’ils connoiffent le prix du repés
- & des avantages de la vie champêtre ; aux derniers,
par l’idée .que ce genre de Poéfie .leur donne d une
certaine franquiliité dont ils ne jouiffènt point, qu ils
recherchent cependant avec ardeur, & qu’on leur
prélente dans la. condition des bergers.
C’eft la peinture de cette condition, que les poètes,
toujours occupés à plaire, ontfàifi pour un objet
de leur imitation, en l’annobliffant avec cet art qui
fait tout embellir. Ils ont jugé avec raifpn qu’ils ne
manqueroient point de réuffir par de petites p iè ce s,
dramatiques, dans le (quelles, introduifant pour aâeurs
des bergers , ils en feroient voir l’innocence & la
naïveté, fôit que ces perfônnages chantafïènt leurs
piaifirs , fôit qu’ils exprimafïènt les mouvements de
leurs: pallions.
Cette forte de Poéfie eft pleine de charmes ; elle
ne rappelle point à i’efprit les .images terribles de
la guerre & des combats; elle ne remue point les
paffions triftes par des objets de terreur; elle ne
frappe & ne faifît point notre malfgnité naturelle
par une imitation étudiée du ridicule : mais d ie
rappelle les hommes au bonheur d’une vie tranquille,
: après laquelle ils fôupirent vainement.
Rien n’eft plus propre que ce genre de Poéfie à
calmer leurs inquiétudes & leurs . ennuis, parce
que rien n’a plus de proportion avec l’état qui peut
faire leur félicité. C’eft pour cette raifôn que les
anciens, voulant affigner un lieu où ia vertu fût couronnée
dans une autre v ie , ont imaginé , non des
palais fùperbes & éclatants par l’or & par les pierreries
, mais fimplement des campagnes délicieufès
entrecoupées de ruîflèaux, mais l’obfcurité & la fraîcheur
des: bois ; en un mot y ils ont feint que les
hommes vertueux auroient pour récompenfè , fous
un fôleil different, ce que la plupart des hommes
méprifènt fous celui-ci ;
P p p p 2