
» J’ai un fils unique, à peine àdolefcent : hélas !
» qu’ai-je dit, j’ai ? non Chrémès , je l ’avois ; a u -
» jourdhui je ne fais fi je l’ai ou non. « ( M.
B eAUZÊE.)
(N.) ÉPELER , v. a. Nommer les lettres qui
doivent s’aflèmbler pour former les fyllabes. C’eft
le fécond pas dans l’art de lire : le premier eft de
connoitre , je ne dis pas feulement les lettres, mais
encore les combinaifôns de lettres repréféntatives de
fons Amples , comme ch , ph , au , eu ,. ou , &c :
le fécond eft d’alTembler ces Agnes pour en former
des f y l l a b e s : & le troiAème eft de prononcer de
Alite les fyllabes pour former les mots, ce qui eft
lire.
Le premier point eft une pure affaire de mémoire;
avec de l ’exercice & des répétitions, on en vient
à bout aifément & promptement. Le troiAème ne
demande que de l’attention , parce qu’il ne s’agit
que de connoitre promptement les fyllabes , avec
lesquelles on a dû fé familiarifer au fécond degré.
Mais c’eft ce fécond degré qui eft difficile, furtout
Aiivant l’ancienne méthode d’enféigner à lire.
» Quoique les lettres ayent d’abord été inventées
» pour être les Agnes des fons ; l’ordre alphabéti-
» que donne moyen de les faire férvir à beaucoup
» d’autres ufoges. . .Pour faire férvir les lettres à
» tant d’ufoges , il a fallu leur donner des noms.
» Les nations, ne s’étant point accordées fur les
» formes ou figures des lettres, n’ont pas été plus
» d’accord fur les noms qu’elles leur ont donnés. »
( Traite' des fans de la langue fr . Part. II. ch.
ij. art. i . pag. 9 1 .) .En effet les lettres que nous
appelons bé, dé, emme , elle , erre, ejfe, t é , font
appelées par les grecs bêta , delta, mu, lambda,
rho tfigma. , tau, & par les hébreux beth , daleth,
m(m, lamed, reff-, f in , teth. » Mais ces noms,
» dit le même auteur , doivent être bien diftingués
» des fôns que ces lettres repréféntent. . . Lorfqu’on
» enféigne à lire , comme tout ce qu’on a à faire
» eft de fixer l’imagination des difciples, afin de
» les bien accoutumer à unir l ’idée des fôns à la
» vue des lettres ; il faut laiffer là les noms des lettres,
» & fè contenter de faire prononcer les fôns , en
» montrant les lettres ou les combinaifôns de lettres
» deftinées à les repréfénter. . . Agir autrement,
» c’eft commencer par les perdre ( les difciples )
» & les égarer, avant que de les conduire au but;
» c’eft les jeter dans des incertitudes & dès em-
» barras, dont on a enfûite bieihde la peine à les
» faire fôrtir ; c’eft enfin les induire en erreur , puiA
» qu’on leur fait prendre les noms des lettres pour
» les fons de ces lettres, & qu’on leur préfente
» plufieurs fôns dans des fyllabes qui n’en ont
* qu’un ».
On tombe dans ce dernier défaut quand, pour
épeler, on fait dire é , a, u , pour prononcer ô :
& c’eft vraiment embarraffer les enfants, que de
leur faire dire p é , hache, i , pour faire prononcer f i ,•
elle 9 o , pour prononcer lo ; ejfe, o , pour amener,
^0; p é , hache, é , pour former fe ; d’où doit
enfin réfulter le mot philofophe.
» Depuis quelque temps, continue le même au-
» teur anonyme , beaucoup de maîtres ont renoncé
» à faire dire aux commençants , par exemple, cé,
» hache, a , cha ; p é , é , a , u , peau ; chapeau ;
» ayant fénti le ridicule de cette manière de faire
» épeler. Ils s’y prennent d’une autre façon, fêlant
» dire , che , a ( cha | | pe , au ( peau ); ou autre-
» ment, che, a , p e , eau (chapeau). »
Ce changement dans la manière à?épeler eft dû
à la remarque judicieufé que fit, dès 1660, l’auteur
de la Grammaire générale & raifonnée (Part.
I. ch. 6. ) M. Dumas l’adopta & la dèvelopa dans
fôn fyftême du bureau typographique, qui en tire
peut être fôn principal mérite; & l’ufage de ce bureau
n’a pas peu contribué a faire connoître & pratiquer
cette nouvelle méthode d’épeler, fôlidement jufti-
fiée par lès" fûccès & par les progrès qu’elle fait
de jour en jour : il y a même lieu de croire que
cette méthode l’emportera fur l’ancienne , plus tôt
que ne l’efpère M. Duclos (Rem. fur la Gramm,
gén. I. v/.). Car on peut dir;e que, A elle n’efï
pas encore univerléllement employée, c’eft plus
tôt pour n’être pas généralement connue , que pour
avoir été défopprouvée par quelque auteur grave,
ou combattue par quelque objeéfion plaufibfe.
Il ne s’agit point, dans cette nouvelle méthode ,
d’abolir les anciens noms des lettres ni d’en changer
l’ordre alphabétique reçu : on ne propofé que de ne
pas faire connoître trop tôt aux enfants ces noms anciens
& cet ordre arbitraire, parce qu’ils occaftonneroient
des difficultés réelles dans la maniéré à!épeler ; &
l’on convient qu’il eft néceffaire , quand les enfants
fovent lire , de leur apprendre les noms ordinaires
des lettres & l’ordre alphabétique. Qui eft-ce qui
ne fênt pas l’utilité réelle qu’il peut y avoir à montrer
d’abord féparément les voyelles & | les con-
fônnes , & chacune de ces efpèces félon l’ordre des
divifions naturelles ? Qui ne voit évidemment qu’un
ordre ainft raifonné donne à la mémoire des facilités
qui ne peuvent fè trouver dans un arrangement
tout arbitraire ? D’ailleurs il eft certain quen
nommant toutes les confônnes par le moyen du fchéva
mis après, outre l’uniformité de la nomination, on
facilite merveilleufèment l’art de former les fÿi-
labes ; parce qu’il eft aifé de • foire concevoir aux
enfants, qu’au lieu du fchéva, il fout mettre après
la confônne la voix Ample repréféntée par la voyelle
qui fuit.
» J’avoue, dit l’auteur que j’ai déjà cité , que
» cette nouvelle méthode à!épeler a moins d’incon-
» vénients que l’anciçnne , qu’elle eft plus facile, 5c
» qu’elle donne moins de peine aux enfants. Mais
» elle n’eft pas fans défauts. i° . C’eft toujours une
» peine aux commençants de retenir que che, a, fait
» Cg|| ; & puifqu’il faudra toujours qu’ils appren-
» nem à prononcer cha-peau , pour quoi ufèr de
» circonlocutions & de détours, & ne leur pas faire
» dire tout d’un coup chapeau? i° . Il n’eft pas
»9 vrai que che-a, faffe cha, furtout étant néceA
» foire d’appuyer fur cet e muet qu’on fupplée.
»> Che étant un monofÿllabe, & la voix ne pouvant
» être fôutenue, on ne peut le prononcer autrement
» que cheu ; or ckeu-a fera toujours dieu-a , &
» jamais cha. »
Je réponds à l ’anonyme, 1®. que véritablement
che-a fera toujours che-a , & jamais cha ; mais
qu’au moins che-a eft plus près d’être cha , ou
conduit plus aifément à cha, que ne ferait le verbiage
de la vieille méthode cé-hache-a : d’où je
conclus que, s’il ne refte plus qu’à choiAr entre
les deux manières, la nouvelle doit à cet egard
l ’emporter fur l’ancienne ; & l’anonyme a déjà avoué
cette préférence. z°. Que l’uniformité de la nouvelle
méthode réduit au moins, à un fèul point ce
qu’elle laiftè fubAfter de difficulté; elle confifte à
Aibftituer au fon du'fchéva, par lequel on nomme
toutes les confônnes, celui de la voyelle fùivante : ce
q u i, étant apprécié avec jufteffe & fons préjugé ,
ne doit fonder aucune obje&ion contre cette méthode.
30. Qu’il eft vrai qu’on ne nomme la cbn-
fônne que par un eu muet, & non pas par le fchéva ;
mais que c’eft du moins la voix qui approche le
plus de ce fchéva, qu’il n’eft pas poffible de prononcer,
à moins que la confônne ne fôit précédée
d’une voyelle fur laquelle elle s’appuye en quelque
forte, ou fuivie d’une autre confônne qui produite
le même effet. 40. Que la néceffité de nommer
les confônnes par le fchéva ou par une voix approchante
, eft démontrée par la manière dont on
prononce naturellement les confônnes finales dans
toutes les langues, où elles ne deviennent effectivement
fonfibles que par ce fchéva ; comme dans
le moffrançois aêfeur, dans le latin marmor, dans
le grec yijfets (vieillejfé) dans l’allemand birn (poire),
&c. j° . Qu’il faut bien adopter cette prononciation
des confônnes, pour apprendre aux difciples à les
connoître & à les diftinguer, avant de les joindre
aux voyelles pour en former des fy llabes. 6° Enfin ,
qu’en adoptant cette méthode, l’art de lire ne fup-
pofè d’éléments à apprendre que les diverfes manières
ufitées dans une langue pour repréfénter les
fons élémentaires qui y font adoptés , & le feul
principe de fiibftitution dont je viens de parler :
au lieu que la méthode de l’anonyme, pour éviter
ce principe unique, fait de toutes les fyllabes poffi-
bles autant d’éléments à apprendre indépendamment
les uns des autres ; en effet , après avoir
appris la valeur de cha & de peau , il faudra encore
apprendre che , ché, ché, chai, chei, cho , chou,
cheu, ckan , chon , &c ; pa u, pa ,p e , p é , pan ,
pin , pon, peu , pou , &c. Dans la méthode de P.
R. les Agnes des fons élémentaires une fois connus,
la fubftnution fait, de la formation de toutes les
fyllabes, un corollaire aifé de ces premières con-
noiflances.
On ne fouroit donc trop fè hâter d’adopter uni-
verfellement cette méthode , abfolument néceffaire
pour faciliter l’art de lire, cet art fi utile, fi nécéffaire
à tous. Il ne reliera encore que trop de difficultés
, qui viennent des bizarreries , des équivoques
, des contradi&ions même de notre Orthographe.
Par exemple, voyez comme ent fè prononce
diverfement dans les mots ils rient, i l tient, patient
; nous écrivons avec les mêmes lettres ils
convient du verbe convier, & il convient du verbe
convenir ; nous mettrons peut-être dans la même
phrafè nous portions nos portions: nous prononçons
ch en fiffîant dans archevêque ,* & nous lui
donnons un fôn guttural dur dans archiépifcopal,
qui eft pourtant ae la même famille : nous fefons
fentir deux II dans illuminer, une foule dans tranquille
, & nous la mouillons dans béquille ; nous
ne la prononçons pas à la fin de fu f i l , nous la
prononçons naturellement à la fin de profil, & nous
la mouillons à la fin de péril : nous prononçons
em de trois manières fort différentes dans prudemment
, emporter, Jérufalem ; & de même en dans
,/4g-en ( ville ) , hymen, Rouen ( ville ). Le détail'
de toutes nos inconféquences orthographiques forait
immenfo ( Voye-{ O rthographe) ; & les difficultés
de l’art à!épeler feront encore en grand nombre
, même dans la méthode la plus Amplifiée, à
moins qu’on ne devienne enfin allez raifonnable
pour admettre , fons réclamations mal fondées , fons
pédantifine, fons attache à aucune routine, les cor-
reétions dont notre Orthographe a befoin, & qui
après tout ne font ni fi difficiles ni fi extraordinaires
qu’on le penfo.
Pour le fùrplus de l’art de lire, Voye\ S y llab e ,
S y l la b a ir e , V o y e l l e , C onsonne , D iph t h o n -
g u e , &c. (M . B eauzée . )
(N.) ÉPELLATION , A £ Art ou manière d’èpe-
ler. Ce mot ne fè trouve dans aucun DiéHonnaire :
celui de l’Académie ( 1761 ) dit Appellation des
lettres , pour dire l’aétion d’èpeler ; & celui de Trévoux
dit hardiment que , dans les règles de l’étymologie
, il faudrait dire Appeler au lieu dé Epeler.
Il faut dire Epeler, puifque l’Ufoge l’a voulu ;
& il a eu raifon, même félon les règles de l’étymologie
: car cet è , qui peut répondre quant au matériel
& quant au fons à è ou ex du latin, eft très-
propre à marquer l’intention de défigner les éléments
des mots avec choix pour parvenir à difoer-
ner les fyllabes ; Appeler ne comporteroit pas de
même cette idée acceflôire.
Dès qu'Epeler eft reçu, l’Analogie autorife Epellation
, les befôins de l’art le réclament, & l ’au-
tofité des grammairiens le cçnfirme ; c’eft aux gens
de l’art à'en déterminer la- nomenclature. Qu’y
auroit-il de choquant à dire, qu’aux vices de l’ancienne
Epellation on a, dans l’article précédent,
fubftitué une méthode ééEpellation- plus Ample ,
plus raifonnable , & plus utile ? (M . B eauzée,)
(N.) ÉPENTHESE , C. f. Mot grec , qui a pour
racines Itt) , .a d , h , in, & B-tc-iç, poficio; comme
, A l ’on difoit intus appofido : définition du mot,