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rufo , & n’en furent pas moins licencieux : il fallut
un fécond édit pour réformer ce nouvel abus.
La Comédie prit alors là troifîeme forme chez,
les. grecs : c’eft celle qu’on nomma la nouvelle Comédie.
Elle n’ofo plus prendre fon fùjet dans un
évènement véritable & récent. L aâion & les perfonnages
dévoient être d’invention , comme iis le
font aujourdhui ,• & parce que la nâion a beau-
coup moins d’attrait que la réalité , les poetes durent
lîippiéer au défout d’intérêt , par des intrigues
ingénieufos , & une exécution plus travaillée. Ce
n’eft qu’alors que la Comédie devint véritablement
un ouvrage de l’art , aftreint a un plan & à des
règles fixes. Ménandre , parmi les grecs , fut celui
qui acquit la plus grande gloire dans ce nouveau
genre , & qui, à ce qu’on a lieu de croire , donna
en effet d’excellentes pièces au Théâtre : les
fragments qui nous en relient augmentent nos regrets
, & inspirent la plus haute idée pour l’auteur.
11 paroît que , dans la Grèce propre , Athènes
feule a eu la véritable Comédie ; on ignore jufqu à
quel temps elle s’y foutint. Elle ne s’introduifit à
Rome que long temps après , dans la cent trente-
cinquième olympiade, l’an de Rome 514: on l y
fit aufïi forvir aux fêtes fàcrées , & on l’employa,
au rapport de T ite -L iv e , comme un moyen propre
à appaifèr la colère des dieux. Ludi fcenici
inter alia coeUJlis iræplacamina infiituti dicuntur.
Les romains l’avoient reçue des étrufques , Primï
fcenici ex Hetmriâ acçiti ; mais on ne fait ni d’où
ni à quelle occafîon la Comédie avoit paffe en Etrurie.
Les premiers poètes comiques chez les romains
furent Livius-Andronicus, Naconis, & enfùite En-
jiius ; ils étoient à la fois auteurs & aâeurs : la
forme de leurs Comédies n’eft pas connue. Au jugement
de Cicéron, les pièces de Livius ne fou-
tenoient pas une féconde leâure : Lividités fabulez
non fatis dignee quee iterum legintur. A Ennius
fùccédèrent Plaute & Cécilius, qui, de meme que
Térenceaprès eux, prirent leurs Comédies du Théâtre
des gtecs : ces pièces n’étoient pour la plupart
qu’une traduélion libre des Comédies greques de
la nouvelle forme. Sous le règne d’Augufte, le
poète Afranius devint célèbre pour fês Comédies;
mais il n’en eft parvenu aucune jufqu’à nous : il
différoit de Térence, en çe qu’il avoit choifî des
perfonnages romains. j.
La Comédie romaine étoit diftinguée en diver-
fes efpèces, d’après la condition & l’habillement
des perfonnages. Quand ceux-ci remplilfoient les
premiers emplois de l’etat, la Comédie etoit nommee
Preetextata ou Trabeata j étoit-ce des particuliers
d’un rang diftingué \ elle fo nommoit togata j enfin
on l ’appelpit tabémana , quand les perfonnages
étoient pris d’entre le commun du peuple : celle-
ci fo fubdivifoit encore en deux efpèces, Yatel-
tana & la palliata ; cette dernière du pallium oo
du manteau à Ja grèque , & l’autre de la ville
d’Atçlla en Italie. . .
On n’a rien de bien certain fur 1 origine de la
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Comédie moderne ; il eft probable qtie durant les
fiècles du moyen âge il le conforva toujours en Italie
quelque refie de la Comédie romaine , qui le rapprocha
petit à petit de l’ancienne forme lerfque
le goût' commença à renaître. Il n’eft pas impolli-
ble néanmoins que la Comédie ait pris naiifonce
chez quelques nations modernes , de ia meme manière
qu’autrefois chez les grecs, fans aucune imitation
: quoi qu’il en foit, ce n’eft pas la peine de
faire de longues recherches fur l'origine & les progrès
de la Comédie moderne avant le foizième fiècie,
puifqu’on foit que ce fiècle-ià n’avoit^ que de 1A1-
férables farces , fans goût ni régularité- 11 faut cependant
oblèrver que, déjà fous le pontificat de Leon
X , le célèbre Machiavel composa quelques Comédies
, où l’on retrouve des veftiges de 1 efprit de
Térenpe. Une pièce françoife de plus ancienne date
encore , dans le genre du bas comique , c eft 1 A vo cat
Patelin, qu’on donne"encore aujourdhui au théâtre
françois. Ce n’ eft qu’au fiècie pâlie que la
Comédie reprit une forme fùppoptàble ; ce ne fut
d’abord que par des tours d’intrigues, des incidents
bizarres , des traveftifièments, des reconnoillances ,
& des aventures noâurnes qu’elle plut : les poètes
efpagnols brillèrent furtout dans ce genre. Mais
vers le milieu du dernier fiècie, la Comedie parut
fous une meilleure forme, & avec la dignité^ qui
lui convient. Molière en France m it, fur la icene,
des pièces qui s’y foutiendront suffi long temps quç
le fpeâacle comique fùbfîftera.^ Notre fiècie a pro-»
doit les Comédies du genre ferieux, touchant, &
qui donne dans le tragique; mais il femble que
même dans ce haut comique, on n eft pas encore
revenu du préjugé qui regarde la Comédie comme
un fpeâacle buriefque , pujfque dans.les pièces les
plus férieufès on retrouve des valets bouffons, &
des fùivantes qui les agacent. ( M . S u l z e r . )
C om éd ie sa in t e , Hiß. mod. du Theât. LesCo- ,
médies faimes ètoient des efpèces de farces fur des
fujets de piété , qu’on repréfentoit publiquement dans
le quinzième & le feizième fiècie. Tous les nih
toriens en parlent,
- Chez nos dévots aïeux le Théâtre abhorre
Fut long temps dans la France un plaifir ignoré :
■ De pèlerins , dit-on, une troupe grofficre
En public à Paris y monta la premier^,
Et fortement zélée en fa fimplicité,
Joua les Saints , la Vierge , & Pieu par piété.
Art poétiq.
L a fin du règne de Charles V ayant vu naître
le Chant royal, genre de Poéfie de^meme conftruc-
tion que.la Ballade, & qui Ce foifoit en l’honneur
de* Dieu ou de la Vierge, il Ce forma des focietés,
q u i, fous Charles V I , en composèrent des pièces
diftribüées, en a êtes , en foènes , & en autant-de
différents perfonnages qù’il étoit néceffaire pour la
repréfentation. Leur premier effai Ce fit au bourg
1 Saint-Maura
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Saint-Maur ; ils prirent pour fùjet, la paflion de
Notre-Seigneur. Le prévôt de Paris en fut averti,
& leur détendit de continuer: mais ils Ce pourvurent
à la Cour ; & pour fe la rendre plus favorable, ils
érigèrent leur fociété en confrérie , fous le titre des
Confrères de la pajjion de Notfe-Seigneur. Le roi
Charles V I voulut voir quelques-unes de leurs
pièces : elles lui plurent, & ils obtinrent des lettres
patentes du 4 Décembre 140a , pour leur établiffe-
ment à Paris. M. de la Mare les rapporte dans fon
Tr. d eP o l. L 111, tom. 111, ch. jx. Charles VI
leur accorda , par ces lettres patentes , la liberté de
continuer publiquement les repréfontations de leurs
Comédies pieuj'es, en y appelant quelques-uns de
fès officiers ; il leur permit même d’aller & de venir
par la ville habillés fùiv an t le fùjet & la qualité des
myftères' qu’ils dévoient repréfènter.
Après cette permifïion, la fociété de la paillon
fonda dans la chapelle de la Sainte-Trinité le for-
vice de la Confrérie. La maifon dont dépendoit cette
chapelle avoit été bâtie hors la porte de Paris du
côté de S. Denis , par deux gentilshommes allemands
, frères utérins , pour recevoir les pèlerins
& les pauvres voyageurs qui ârrivoient trop tard
pour entrer dans la ville , dont les portes fe fer-
moient alors. Dans cette maifon il y avoit une
grande folle que les confrères de la pafïion louèrènt :
ils. y conftruifîrent un théâtre & y repréferitèrent
leurs jeux, qu’ils nommèrent d’abord Moralités,
& enfùite Myjîères, comme le myftère de la Pafo
fion , le myftère des Aâes des apôtres, le myftère
de l’Apocaiÿpfe, <Sv. Ces fortes de Comédies prirent
tant de faveur, que bientôt elles furent jouées
en plufîeurs endroits du royaume fùr des théâtres
publics ; & la Fête-Dieu d’Â ix en Provence en eft
encore de nos jours un refte ridicule.
Alain Chartier, dans fon Hifloire de Charles V i l ,
parlant de l ’entrée de ce roi à Paris en l ’année 1437,
pag. 109, dit que, « Tout au long de la grande rue
» S. Denis , auprès d’un jeft de pierre l’un de
» l’autre , eftoient des efohaffoulds bien & richement
» tendus, où eftoient faits par .perfonnages l ’annon-
» ciation Notre - Dame, la nativité Notre - Sei-
» gneuc, fopafïion, fo réfùrreéfcion , la pentecofte,
» & le jugement qui féoit très-bien: car il fo jouoit
» devant le Chaftelet où eft la juftice du roi. Et
» etnray la v ille , y avoit plufîeurs autres jeux de
» divers myftères , qui fëroient très-longs à racomp-
» ter. Et là venoient gens de toutes parts criant
»> Noël y 8c les autres pleuroient de joie ».
En l ’année 1486, le Chapitre de l’églifo de Lyon
ordonna foixante livres à ceux qui ayoient joué le
myftère de la pafïion de Jéfùs-Chrift, liv. X X V I I I .
des Actes capitulaires y fo l, 153. De Rubis, dans
fon Hifloire de la même v ille , liv. I I I , ch, î ïi j |
fait mention d’un théâtre public dreffé à Lyon
en 1540. « Et là , dît-il, par l’efpacè de trois* ou
» quatre ans, les jours de dimanches & les fetes
» après le difiier , furent repréfontées la plufpart
$ des hjftoires du vieil & nouveau Teftament,
G r a m m * et L ittérat. T ome L P a r t ie I I ,
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j V) avec la farce au bout , pour récréer les affif-
m tans ». Le peuple nommoit ce théâtre le Paradis.
François I , qui prenoit grand plaifir à la repre-
fontation de ces fortes de Comédies fainte s, confirma
les privilèges des confrères de la pafïion par
lettres patentes du mois de Janvier i-p8. Voici le
titre de deux de ces pièces , par où le le&eur pourra
s’en former quelque idée. S'enfuit le myjlère de la
pajjion de Notre-Seigneur Jéfus-Chrifi, nouvellement
reveu & corrigé outre Les précédentes imprefforts
y avec les additions faites par très-éloquent
& feientifiquemaiflre Jehan Michel; lequel myfière
fu t joué à Angiers moult triumphamment, & dernièrement
à Pa r is, avec le nombre des perfonnages
qui font à la fin dudit livre, & font en nombre c x lj,
154 1, in-40^
L ’ a u t r e p i è c e c o n t ie n t l e m y f t è r e d e s A âes d e s
a p ô t r e s : i l f u t im p r im é à P a n s e n 1540 irc-4. &
o n m a r q u a d a n s l e t i t r e q u ’ i l é t o i t joué à Bourges.
L ’ a n n é e fù iv a n t e i l fu t r é im p r im e in-fol, à P a r i s ,
o ù i l fo jo u o i t . C e t t e Comédie e f t d i v i f é e e n d e u x
p a r t ie s . L a p r em iè r e e f t intitulée : Le premier volume
des catholiques oeuvres & actes des apôtres,
rédige\ én efeript par S. Luc évangélifie , & hyfio-
riographe, député par le S. E fp r it, icellui S. Luc
efcripvant à Théophile, avec plufieurs hyjloires en
icellui inférées des gefies des Céfars. Le tout veu &
corrigé bien & duement félon la vraie vérité y &
joué par perfonnages à Paris en V hoflel de Flandres ,
l’an mil cinq cents xli , avec privilège du roi. On
les vend a la grand falle du Palais par Arnould
& Charles les Angeliers frères, tenons leurs boutiques
au premier & deuxième pilier y devant la
chapelle de mejfeigneurs les prejidens : in - fo l . L a
f é c o n d e p a r t ie a p o u r t i t r e : Le fécond volume du
magnifique myfière des actes des apôtres, continuant
La narration de leurs fa its & gefies félon
VEfcripture fainte , avecques plufieurs hyflaires en
icellui inférées des gefies des Céfars. Veu & corrigé
bien & duement félon la vraie vérité, & ainfi que le
myjlère eft joué à Paris cette préfente année mil
cinq cents quarante-ung.
Cet ouvrage fut commencé vers le milieu du
quinzième fiècie par Arnoul Greban, chanoine dis
Mans , & continué par Simon Greban, fon frère ,
fterétaire de Charles d’Anjou, comte du Maine :
il fut enfùite revu, corrigé, & imprimé par les
foins de Pierre Cuevret ou Curet , chanoine de
Mans, qui vivoit au commencement du foizième
fiècie. Voye\ la\ Bibliothèque de la Croix du Maine,
pag. 14 , 391 & 45ƒ •
Quelques particuliers entreprirent de faire jouer
de cette manière en 154 1, à Paris, le myftère de
l’ancien Teftament, & François I avoit approuvé
leur deffein ; mais le Parlement s’y oppofo paj^aâe
du 9 Décembre 1541, & ce morceap des regiftres
'.du Parlement eft très-curieux , au jugement de
• M. du Monteil.
t La repréfontation de ces pièces ferieufos dura
près d’un fiècie & deoii ; mais infonfiblement les
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